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Date : 20151006


Dossier : IMM-7310-14

Référence : 2015 CF 1139

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 octobre 2015

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

MENGMENG GAO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 23 septembre 2014 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission] a déterminé que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention aux termes de l’article 96 de Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] ni celle de personne à protéger aux termes de l’article 97 de la LIPR.

[1]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, la demande est rejetée.

I.                   Question préliminaire

[2]               Je note, à titre de question préliminaire, que le demandeur n’a pas comparu à l’audience de la présente demande, ni en personne ni par l’intermédiaire d’un avocat. Son précédent avocat a été retiré comme avocat inscrit au dossier pour le demandeur par une ordonnance datée du 25 août 2015, rendue par le protonotaire Aalto aux termes de l’article 125 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [Règles]. L’ordonnance avait été rendue sur requête de l’ancien avocat du demandeur, étayée par des éléments de preuve qui établissaient que l’avocat était incapable de joindre le demandeur ou d’obtenir des instructions de sa part, et que la correspondance envoyée à la dernière adresse connue du demandeur avait été retournée avec une mention indiquant que le destinataire avait déménagé.

[3]               Selon la thèse du défendeur, la Cour devrait envisager de rejeter la demande au motif qu’elle a été abandonnée par le demandeur. Avec la permission de la Cour, le défendeur a déposé des observations sur l’abandon et, après examen, je suis d’avis que la meilleure démarche consiste à trancher la demande sur la foi des documents écrits, y compris un mémoire des faits et du droit déposé précédemment par l’avocat du demandeur pour le compte de celui‑ci, et des observations présentées de vive voix par le défendeur. Ce faisant, je note que le défendeur a, à juste titre, indiqué que l’article 38 des Règles permet à la Cour de procéder en l’absence d’une partie si la Cour est convaincue qu’un avis de l’audience a été donné à cette partie en conformité avec les Règles. Je suis convaincu que cette exigence a été respectée; en effet, l’ordonnance datée du 30 juin 2015 qui accordait l’autorisation dans la présente affaire et fixait la date de l’audience a été envoyée le 30 juin par télécopieur à l’avocat du demandeur qui était alors inscrit au dossier, ce qui vaut signification au demandeur et constitue par conséquent un avis conforme aux Règles.

II.                Contexte

[4]               Le demandeur de vingt‑deux ans est citoyen de la République populaire de Chine. Il allègue qu’il risque d’être persécuté en Chine en raison de ses activités religieuses en tant que chrétien pentecôtiste.

[5]               Le demandeur affirme qu’en août 2012, il a été initié au christianisme par son ami et par l’ami de son père. Après certaines conversations, le demandeur a décidé de fréquenter leur maison‑église. En janvier 2013, il a accepté de travailler à l’étranger comme ses parents l’avaient planifié et a obtenu un passeport le 4 mars 2013. Le demandeur a continué de se rendre à l’église tous les dimanches. Le 10 mars 2013, les autorités de l’État ont découvert la maison‑église du demandeur. Le demandeur s’est alors caché et a quitté la Chine avec l’aide d’un passeur le 26 septembre 2013.

[6]               Après son arrivée au Canada, le demandeur a demandé l’asile et commencé à fréquenter une église à Toronto. Il a été baptisé et a continué d’assister aux offices dans cette église.

III.             Décision contestée

[7]               Selon la décision de la Commission, la question déterminante était celle de la crédibilité du demandeur, directement liée à son identité en tant que chrétien.

[8]               La Commission a reconnu l’identité du demandeur en tant que ressortissant de la Chine. Toutefois, à la lumière du témoignage du demandeur, la Commission n’a pas cru qu’il était chrétien pentecôtiste, car il avait démontré une connaissance très limitée de sa religion et avait été incapable de répondre aux questions les plus élémentaires sur sa confession religieuse. Comme le demandeur avait déclaré qu’il pratiquait le pentecôtisme depuis un an déjà, qu’il lisait la Bible tous les jours, qu’il allait à l’église tous les dimanches, qu’il faisait du bénévolat dans son église au Canada et qu’il avait été baptisé, la Commission s’attendait à ce qu’il connaisse les croyances fondamentales de sa religion, ce qui n’était pas le cas.

[9]               Plus précisément, la Commission a tiré les conclusions suivantes :

A.                La Commission a tiré une conclusion défavorable du fait que le demandeur ignorait pourquoi il était important pour les chrétiens d’aller à l’église le dimanche, et a conclu que ce manque de connaissance indiquait que le demandeur n’était pas un véritable chrétien.

B.                 Le demandeur a dit que la Pentecôte était une date pour commémorer Jésus, mais il ignorait quand la Pentecôte avait lieu et a affirmé que la Pentecôte n’était pas importante aux yeux des pentecôtistes. La Commission a conclu que, si le demandeur avait été un véritable pentecôtiste, il aurait été en mesure de donner une description détaillée de la Pentecôte et de se rappeler la date à laquelle cette fête était célébrée.

C.                 Le demandeur a déclaré que les pentecôtistes ne récitaient pas d’autres prières que le Notre‑Père et a parlé de discussions sur les dix commandements. La Commission a fait remarquer que les dix commandements étaient des commandements qu’il fallait observer, et non des prières qu’il fallait réciter.

D.                Le demandeur a affirmé que le baptême et la communion étaient les seuls rites accomplis par les pentecôtistes, mais ne pouvait expliquer le pourquoi de la communion.

E.                 Le demandeur ne pouvait se rappeler de date importante pour sa religion, à part le 25 décembre. La Commission a donc conclu qu’il ne fréquentait pas l’église tous les dimanches comme il le disait et qu’il n’était pas un véritable chrétien.

[10]           La Commission n’a accordé aucun poids au certificat de baptême délivré par l’église du demandeur au Canada. Ni le baptême ni la lettre rédigée par l’église n’ont permis de dissiper les doutes quant à la crédibilité que soulevait l’identité chrétienne du demandeur.

[11]           Pour conclure, la Commission a déterminé que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger aux termes des articles 96 ou 97 de la LIPR. Compte tenu de sa conclusion selon laquelle le demandeur n’était pas chrétien comme il le prétendait, la Commission a conclu également, au titre du paragraphe 107(2) de la LIPR, qu’il n’y avait aucun élément de preuve crédible ou digne de foi susceptible de servir de fondement à une décision favorable et que, par conséquent, la demande d’asile était dénuée de minimum de fondement.

IV.             Questions en litige et norme de contrôle

[12]           À mon avis, les arguments du demandeur (examinés ci‑dessous) reviennent à se demander si la Commission a manqué à l’équité procédurale (en n’avisant pas le demandeur du recours à des connaissances spécialisées sur le christianisme pentecôtiste) et si la décision de la Commission était raisonnable.

[13]           Les parties conviennent que la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique à l’évaluation de la preuve, y compris la crédibilité et l’authenticité de la foi (Hou c Canada (MCI), 2012 CF 993 [Hou], aux paragraphes 8 et 15). Pour ce qui est de la question de l’équité procédurale, le demandeur soutient que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. Le défendeur convient, lorsqu’il s’agit plus particulièrement d’admettre d’office des « connaissances spécialisées » sans en avoir avisé les parties au préalable, que la norme de la décision correcte s’applique, mais souligne que l’utilisation de « connaissances spécialisées » est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Toma c Canada (MCI), 2014 CF 121, aux paragraphes 3 et 7).

[14]           J’accepte l’énoncé de la norme de contrôle applicable fait par les parties.

V.                Observations des parties

A.                 Thèse du demandeur

[15]           Le demandeur soutient que la Commission ne lui a pas fait savoir qu’elle se fondait sur des connaissances spécialisées à propos du pentecôtisme.

[16]           Le demandeur soutient également que, dans l’ensemble, la Commission a fait une évaluation déraisonnable de son identité chrétienne. Elle a choisi de se fonder sur le témoignage du demandeur plutôt que sur d’autres éléments de preuve, et ses questions ne portaient pas sur des connaissances élémentaires; la Commission a plutôt appliqué un seuil trop élevé de connaissances religieuses requises, ce qui a déjà été considéré comme une erreur susceptible de contrôle. La Commission a également semblé ignorer les connaissances que possédait réellement le demandeur et aurait dû indiquer quelles étaient les bonnes réponses à ses questions ou pourquoi les réponses du demandeur étaient incorrectes.

[17]           Le demandeur ajoute que la Commission elle-même ne connaissait et ne comprenait pas bien le pentecôtisme.

[18]           Enfin, le demandeur affirme que la Commission a mal appliqué le critère relatif à une conclusion d’absence de minimum de fondement. Il est de jurisprudence constante que la Commission ne peut simplement appliquer ses conclusions sur la crédibilité à la totalité des éléments de preuve et, sur cette base, conclure à l’absence de minimum de fondement. Une telle conclusion peut être tirée seulement lorsqu’aucun élément de preuve crédible ou digne de foi ne permettrait d’étayer une décision favorable.

B.                 Thèse du défendeur

[19]           En ce qui concerne la question de l’équité procédurale, le défendeur soutient que la Commission n’a pas eu recours à des connaissances spécialisées pour évaluer l’authenticité de la foi religieuse du demandeur. La Commission a plutôt posé des questions simples sur des sujets que le demandeur affirmait connaître.

[20]           En ce qui concerne la question de fond, le défendeur soutient que la Commission a fait une évaluation raisonnable de l’authenticité de la foi religieuse du demandeur. Étant donné les études que le demandeur était censé avoir faites, il était approprié de lui poser des questions sur sa connaissance et sa compréhension de sa religion. Le défendeur souligne que la Pentecôte, à propos de laquelle la Commission avait questionné le demandeur, était le thème du service religieux le plus récent auquel le demandeur affirmait avoir assisté.

[21]           Le défendeur soutient que la Commission a apprécié de manière raisonnable la valeur probante des éléments de preuve et déterminé de manière raisonnable que la demande d’asile était dénuée de minimum de fondement. Il incombait au demandeur de convaincre le décideur au moyen d’éléments de preuve clairs et convaincants, et le demandeur ne s’est pas acquitté de ce fardeau. La Commission n’était pas obligée de s’en remettre à l’opinion d’un pasteur et d’accepter un certificat de baptême sans se poser de question.

VI.             Analyse

[22]           La Cour a déjà exprimé, dans des décisions antérieures, les préoccupations que peut soulever le fait d’évaluer l’authenticité d’une croyance religieuse en fonction de questions posées sur les connaissances religieuses. Dans la décision Zhang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 503, le juge Campbell a exposé le problème de la manière suivante, au paragraphe 12 :

[12]      Notre Cour a déjà relevé le risque que présente du point de vue de l’équité la mise à l’épreuve des connaissances religieuses par la SPR et elle a essayé de limiter la rigueur de cette méthode d’enquête. Rappelons à ce sujet la conclusion suivante formulée par le juge Kelen au paragraphe 20 de Dong c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 55 :

Pour évaluer la connaissance que possède un demandeur du christianisme, la Commission ne devrait pas adopter une norme de connaissance aussi déraisonnablement élevée ou mettre l’accent sur « quelques erreurs ou malentendus au point d’en faire une analyse microscopique » : Attakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.F.), (1989), 99 N.R. 168, [1989] A.C.F. no 444 (QL) et des affaires ultérieures : Huang c. Canada (MCI), 2008 CF 346 (CanLII), 69 Imm. L.R. (3d) 286, par le juge Mosley, au paragraphe 10; Chen c. Canada (MCI), 2007 CF 270 (CanLII), 155 A.C.W.S. (3d) 929, par le juge Barnes, au paragraphe 16.

En fait, dans Penghui Wu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 929 (CanLII), le juge Kelen a même conclu qu’il est contraire à la loi de contrôler l’authenticité de la qualité de chrétien par le moyen de « questions futiles ». En outre, le juge Beaudry, dans Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1030, affirme qu’une décision de la SPR peut être annulée dans le cas où celleci a appliqué au demandeur d’asile une norme de connaissance religieuse déraisonnablement rigoureuse. Dans cette affaire, la SPR avait conclu que le demandeur n’était pas chrétien au motif que, selon elle, il avait répondu incorrectement à des questions sur la « transsubstantiation ». Le juge Beaudry s’exprime dans les termes suivants sur cette conclusion au paragraphe 13 de sa décision :

La Commission a eu tort de recourir à des « futilités » pour mesurer la connaissance de la foi catholique du demandeur. Lorsqu’elle a apprécié les connaissances du demandeur concernant le christianisme, « c’est à tort que la Commission s’attendait à ce que le demandeur lui fournisse des réponses à des questions sur sa religion qui équivaudraient à la connaissance qu’elle avait elle‑même de cette religion » (Ullah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1918, au paragraphe 11.

[23]           Par ailleurs, le défendeur se fonde sur la décision rendue dans l’affaire Hou, où la juge Gleason a déclaré ce qui suit, au paragraphe 55 :

[55]      De fait, dans toutes les affaires – et particulièrement celles où, comme dans la présente, on constate que le demandeur manque de crédibilité –, la Cour ne doit pas trop se hâter de substituer son opinion à celle de la SPR, qui a acquis une expertise en ce qui concerne les préceptes de diverses religions. Comme l’a noté monsieur le juge Near dans Wang (précité, paragraphe 8), l’évaluation de la sincérité des croyances religieuses du demandeur est une tâche difficile, et la Commission « est chargée de cette tâche délicate en qualité de juge des faits, et la Cour ne peut décider, lors du contrôle judiciaire, de revoir en fait les résultats de ce qui peut commencer à ressembler à une ronde de jeu‑questionnaire biblique » (au paragraphe 18). À mon avis, dans Wang, au paragraphe 20, monsieur le juge Near a établi la bonne approche à adopter par la Cour pour évaluer la raisonnabilité de l’évaluation faite par la SPR de la sincérité des croyances religieuses d’un demandeur. Après avoir examiné une série de questions maladroites que la Commission avait posées sur la description de Jésus comme personne, il écrit :

[…] cette série de questions illustre […] la difficulté de l’évaluation à laquelle la Commission doit se livrer. Elle ne laisse voir aucune erreur qui justifierait d’infirmer sa décision. Tant qu’il n’est pas établi que la preuve a été ignorée ou qu’il y a eu un malentendu sur les faits, je ne suis pas disposé à revenir sur la conclusion de la Commission à cet égard – encore une fois, la déférence est de mise. La Commission ne s’est pas prononcée sur la sincérité de la foi du demandeur en se fiant uniquement à son incapacité à évoquer les attributs humains de Jésus. Les réponses à d’autres questions touchant la foi pentecôtiste étaient vagues et pauvres en détail. Comme le fait valoir le défendeur, un témoignage privé des détails qu’il est raisonnable d’attendre de la part d’une personne se trouvant dans la situation du demandeur d’asile justifie la conclusion que la demande n’est pas crédible, même si le demandeur a su répondre correctement et très précisément à d’autres questions.

[24]           De même, le juge Pinard s’est exprimé ainsi dans la décision Jin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 595, au paragraphe 15 :

[15]           L’arrêt Amselem, précité, concerne la liberté de religion et la subjectivité des croyances religieuses. Ainsi, selon la Cour suprême du Canada, ce qui importe, ce n’est pas l’objectivité des croyances religieuses ni leur validité, mais plutôt la sincérité des croyances religieuses du demandeur (au paragraphe 43). En l’espèce, la Commission devait apprécier l’authenticité des convictions religieuses du demandeur. Les questions posées par la Commission ne visaient pas à mesurer la justesse de ces croyances, mais plutôt à établir si le demandeur comprenait les principes de base du christianisme. Contrairement à l’affaire Zhu c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 1066 [Zhu], on n’évaluait pas le niveau de croyance du demandeur : la Commission n’a pas admis que le demandeur était un chrétien authentique (au paragraphe 13). De plus, dans Zhu, le juge Russell Zinn a expressément déclaré que la sincérité de la conviction religieuse d’un demandeur pouvait être évaluée au regard de sa bonne connaissance du dogme ou de la croyance invoquée (au paragraphe 17).

[25]           J’estime que le juge Rennie a cerné le principe applicable de manière succincte au paragraphe 9 de la décision Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 346 :

[9]               La tâche de la Commission est d’évaluer la crédibilité du demandeur et non le bienfondé de ses convictions théologiques. Il se peut qu’un revendicateur d’asile ait une compréhension médiocre des détails de la doctrine religieuse, mais cela ne signifie pas nécessairement que sa foi n’est pas authentique. Quoiqu’il existe une corrélation logique entre la profondeur des connaissances religieuses et la crédibilité d’une prétention de persécution, en l’espèce, la dérogation à la doctrine était tout au plus mineure et ne permettait pas d’étayer sans risque d’erreur la conclusion que le demandeur n’était pas un adepte authentique.

[26]           Selon mon interprétation de la jurisprudence, il n’est pas inapproprié pour la Commission de poser des questions sur la religion lorsqu’elle tente d’évaluer l’authenticité des croyances d’un demandeur d’asile, mais ces questions et l’analyse qui en a résulté doivent de fait porter sur l’authenticité de ces croyances et non sur leur exactitude théologique. Il peut s’agir d’une tâche difficile pour la Commission, car la Commission a le droit de déterminer si le demandeur d’asile a atteint un niveau de connaissance religieuse correspondant à ce à quoi il serait possible de s’attendre d’une personne se trouvant dans la situation du demandeur d’asile, mais ne doit pas tirer de conclusion défavorable fondée sur de menus détails ou sur une norme déraisonnablement élevée de connaissances religieuses.

[27]           J’estime que la Commission a effectué cette tâche de façon défendable. La Commission n’a pas posé de questions futiles au demandeur au sujet de sa religion ni n’a tiré ses conclusions en se fondant sur une évaluation de la justesse théologique de ses réponses. La Commission a plutôt posé des questions relativement élémentaires et a conclu à l’absence de croyance sincère en se fondant, en bonne partie, non pas sur l’évaluation de la justesse des réponses du demandeur, mais plutôt sur le fait que le demandeur n’avait pas été en mesure de donner des réponses ou des détails. La Commission a reconnu que le demandeur avait répondu correctement à certaines questions. Toutefois, sa conclusion selon laquelle le demandeur n’est pas un véritable chrétien, fondée sur le manque de connaissance générale de la religion chrétienne du demandeur, est raisonnable et conforme à la jurisprudence.

[28]           Pour ce qui est des observations sur l’équité procédurale présentées par le demandeur, je ne puis conclure que cet argument est fondé. Il ne pouvait être imprévisible pour le demandeur d’avoir à répondre à des questions posées par la Commission sur la religion qu’il affirmait pratiquer, et de permettre ainsi à la Commission d’évaluer l’authenticité de sa croyance. Étant donné ma conclusion selon laquelle ces questions et l’analyse qui en a résulté s’inscrivaient dans les limites de ce qu’entend la jurisprudence, je n’estime pas que la Commission se soit fondée sur des connaissances spécialisées.

[29]           Enfin, je ne trouve rien à redire sur la conclusion tirée par la Commission au titre du paragraphe 107(2) de la LIPR selon laquelle la demande d’asile était dénuée de minimum de fondement. Le défendeur renvoie à l’arrêt Rahaman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 89, dans lequel la Cour d’appel fédérale a résumé le droit applicable, au paragraphe 19 :

[19]           […] Dans cette décision ([Foyet c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 187 F.T.R. 181], au paragraphe 19), le juge Denault a résumé le droit applicable tel qu’il le comprenait :

À mon avis, on peut retenir de l’arrêt Sheikh, que lorsque la seule preuve reliant le demandeur au préjudice invoqué émane du témoignage de l’intéressé et que ce dernier est jugé non crédible, la section du statut peut, après une analyse de la preuve documentaire en venir à une conclusion générale d’absence de minimum de fondement. Mais dans les cas où il y a une preuve documentaire indépendante et crédible, on ne peut conclure à l’absence de minimum de fondement.

À mon avis, il s’agit d’un énoncé exact du droit tel qu’il a été compris jusqu’à maintenant. J’y apporterais une réserve cependant : pour empêcher une conclusion d’« absence de minimum de fondement », il faut que la « preuve documentaire indépendante et crédible » à laquelle le juge Denault fait référence puisse étayer une reconnaissance du statut de réfugié.

[30]           Dans ses observations, le demandeur indique avoir produit des éléments de preuve documentaire à l’appui de sa demande d’asile, notamment un certificat de baptême et des lettres de son église. La Commission a toutefois demandé au demandeur comment son pasteur avait pu conclure qu’il était chrétien. La Commission a examiné les réponses du demandeur et estimé que le pasteur avait posé des questions très simples et s’attendait à très peu en retour. La Commission n’a accordé aucun poids à cet élément de preuve, ce qui est conforme avec le raisonnement approuvé par la Cour dans la décision Cao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1174, au paragraphe 28 :

[28]           Il ressort clairement des motifs du commissaire qu’il est arrivé à la conclusion que la foi du demandeur n’était pas authentique, et ce, malgré la preuve établissant que le demandeur avait, de façon régulière, fréquenté une église à Toronto et qu’il y avait été baptisé. Le demandeur affirme que le commissaire aurait dû faire preuve de retenue envers l’opinion du pasteur et n’aurait pas dû mettre en doute l’authenticité de sa foi vu le certificat de baptême. Ce serait alors remplacer l’examen de l’authenticité de la foi que le demandeur prétendait avoir, examen effectué par le commissaire et que le commissaire avait le devoir d’effectuer, par l’opinion du pasteur. Dans son ensemble, on ne peut dire que la décision était irrationnelle ou qu’elle n’était pas étayée par la preuve.

[31]           De même, j’estime que la Commission a traité cet élément de preuve de manière raisonnable. La conclusion subséquente tirée par la Commission au titre du paragraphe 107(2) de la LIPR était permise en l’absence de preuve documentaire indépendante et crédible qui pouvait étayer une décision favorable à l’égard de la demande d’asile.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée. Aucune question de portée générale n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7310-14

INTITULÉ :

MENGMENG GAO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 SEPTEMBRE 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE southcott

DATE DES MOTIFS :

LE 6 octobRE 2015

COMPARUTIONS :

Matthew Oh

POUR Le demandeur

Catherine Vasilaros

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Matthew Oh

Avocat

Lewis & Associates

Toronto (Ontario)

POUR Le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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