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Date : 20150828

Dossier : T‑2300‑14

Référence : 2015 CF 1027

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 août 2015

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

PEACE VALLEY LANDOWNER ASSOCIATION

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
ET MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT, ET BRITISH COLUMBIA HYDRO AND POWER AUTHORITY

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le gouverneur en conseil [GC] a conclu que les effets environnementaux négatifs et importants qui, d’après la ministre de l’Environnement [la ministre], découleraient probablement de la réalisation du Projet d’énergie propre du site C [le Projet] sur la rivière de la Paix en Colombie‑Britannique étaient « justifiables dans les circonstances ». Le GC est habilité, en vertu du paragraphe 52(4) de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) (LC (2012), ch 19, article 52) [LCEE 2012], à rendre une telle décision après que la ministre a décidé qu’un projet aura vraisemblablement les effets environnementaux négatifs et importants visés au paragraphe 52(1) de la LCEE 2012.

[2]               Une demande de contrôle judiciaire concomitante de la décision du GC a été déposée par la Première Nation de la rivière Doig et par d’autres Premières Nations dans le dossier de la Cour T‑2292‑14. Je l’ai moi-même entendue après la présente affaire et elle fera l’objet d’une décision distincte de la Cour.

I.                   Contexte

[3]               Le Projet consiste en la construction d’un barrage et d’une centrale hydroélectrique sur la rivière de la Paix, près de Fort St. John, en Colombie‑Britannique, qui aurait pour conséquence d’inonder la vallée de la rivière de la Paix sur une distance de 83 km et de créer un réservoir d’une superficie d’environ 9 330 hectares.

[4]               La centrale est censée avoir une capacité maximale de 1 100 mégawatts et produire en moyenne 5 100 gigawattheures d’électricité par an pendant plus de cent ans. Au moment de l’évaluation environnementale, son coût estimatif était de 7,9 milliards de dollars, et sa construction devait s’étaler sur huit ans. Lors des plaidoiries, on a indiqué que cette estimation avait depuis augmenté et s’élevait maintenant à 9 milliards de dollars, et qu’elle pourrait encore augmenter.

[5]               La demanderesse Peace Valley Landowner Association [la PVLA] est une société qui compte parmi ses membres des propriétaires terriens dont les intérêts seront touchés, directement ou indirectement, par le Projet.

[6]               Le 18 mai 2011, la British Columbia Hydro and Power Authority [BC Hydro] a présenté un rapport descriptif du Projet au bureau d’évaluation environnementale de la Colombie‑Britannique (le BÉE) et à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale [l’Agence] pour amorcer le processus d’évaluation environnementale des deux organismes.

[7]               Le 30 septembre 2011, le BÉE et l’Agence ont annoncé qu’ils procéderaient à une évaluation environnementale coopérative et désigneraient à cette fin une commission d’examen conjoint [la CEC ou Commission]. Une version provisoire de l’entente et du mandat de la CEC a été publiée le même jour. Dans le mandat, treize facteurs dont la Commission devait tenir compte étaient énumérés. Il convient d’attirer particulièrement l’attention sur les paragraphes 2.2 et 3.14 : le premier fournit la liste des facteurs à prendre en considération, et le second précise le mandat de la Commission concernant les renseignements relatifs au caractère justifiable des effets environnementaux négatifs et importants que pourrait éventuellement entraîner le Projet.

[8]               Avant de constituer la CEC, l’Agence et le BÉE ont supervisé l’élaboration des lignes directrices relatives à l’étude d’impact environnemental [LD‑ÉIE], qui précisent la portée des facteurs énumérés dans le mandat et indiquent les renseignements que BC Hydro doit fournir sous la forme d’une étude d’impact environnemental [ÉIE].

[9]               La première version des LD‑ÉIE a été rédigée par BC Hydro et révisée par un groupe de travail chargé de superviser les modifications. Le 7 septembre 2012, la ministre et le directeur exécutif du BÉE ont estimé que les LD‑ÉIE étaient adéquates et les a communiquées à BC Hydro. Ces lignes directrices ont été incorporées au mandat conformément au paragraphe 2.8.

[10]           Le 25 janvier 2013, BC Hydro a présenté l’ÉIE à l’Agence et au BÉE. Le document a ensuite été examiné par le groupe de travail, des organismes du gouvernement et la population. BC Hydro a répondu à tous les commentaires et rédigé vingt‑neuf documents techniques sur les thèmes communs de ces commentaires.

[11]           En juin et juillet 2013, l’Agence et le BÉE ont donné instruction à BC Hydro de modifier l’ÉIE pour tenir compte des commentaires et des réponses, et, le 1er août 2014, le tout a été jugé satisfaisant et prêt pour l’examen de la Commission.

[12]           Entre septembre et novembre 2013, la CEC a demandé des renseignements à BC Hydro à trois reprises et fait des demandes de suivi. Le 7 novembre 2013, la Commission a décidé que l’ÉIE modifiée ainsi que les renseignements supplémentaires obtenus étaient suffisants pour tenir des audiences publiques.

[13]           Les audiences publiques, tenues en décembre 2013 et janvier 2014, ont duré 26 jours. Les séances du 9 et du 10 décembre et celle du 23 janvier ont porté sur « la nécessité, la raison d’être et les solutions de rechange ».

[14]           Une fois les audiences terminées, la CEC a présenté, le 1er mai 2014, son rapport à la ministre et au directeur exécutif du BÉE.

[15]           Le 9 mai 2014, BC Hydro a signalé une erreur à la CEC aux tableaux 16 et 18 du chapitre 15 : la Commission avait oublié d’inclure la faible charge de gaz naturel liquide dans les prévisions de charge (ce qui était l’intention déclarée), erreur qui avait une incidence sur le bilan demande en énergie‑ressources du Projet. En réponse, le 10 juin 2014, la CEC a publié un erratum de rectification et déclaré qu’elle modifierait les tableaux pour y inclure les renseignements omis, mais que [traduction] « les conclusions demeur[ai]ent les mêmes », sans plus d’explications.

[16]           Le 8 septembre 2014, une note a été envoyée à la ministre. Cette note, une fois signée et datée par cette dernière, a constitué la décision prise en vertu de l’article 52 de la LCÉE 2012. La ministre a ainsi signé la note et elle s’est dite d’accord avec l’affirmation que le Projet, si l’on y donnait suite, entraînerait vraisemblablement des effets environnementaux négatifs et importants.

[17]           Le 14 octobre 2014, le GC a pris le décret 2014‑1105 contesté, qui énonce sa décision selon laquelle les effets environnementaux négatifs et importants susceptibles d’être entraînés par la réalisation du Projet sont « justifiables dans les circonstances ».

[18]           Le 14 octobre 2014, la ministre a également rendu une déclaration conformément à la LCEE 2012 (puis une deuxième comportant quelques corrections mineures le 25 novembre 2014), qui autorise la réalisation du Projet.

[19]           Le décret est rédigé comme suit :

Attendu que BC Hydro propose le développement du projet d’énergie propre du site C (le « projet ») près de Fort St. John, en Colombie‑Britannique;

Attendu que, après avoir pris en compte le rapport de la commission d’examen conjoint sur le projet d’énergie propre du site C, la ministre de l’Environnement a décidé, compte tenu de l’application des mesures d’atténuation qu’elle estimait indiquées, que le projet est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants;

Attendu que, après avoir pris cette décision, la ministre de l’Environnement a renvoyé au gouverneur en conseil, conformément au paragraphe 52(2) de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) (la « Loi »), la question de savoir si ces effets sont justifiables dans les circonstances;

Attendu que le gouvernement du Canada a mis en place un processus raisonnable et réceptif en vue de consulter les groupes autochtones susceptibles d’être touchés par le projet;

Attendu que le processus de consultation a permis d’engager le dialogue et d’échanger des renseignements pour faire en sorte que les préoccupations et intérêts des groupes autochtones soient pris en compte dans le processus décisionnel;

Attendu que le processus de consultation a offert aux groupes autochtones la possibilité d’examiner et de commenter les conditions qui doivent être énoncées dans la déclaration que doit faire la ministre en application de la Loi et qui sont susceptibles d’atténuer les effets environnementaux et les impacts potentiels sur les groupes autochtones;

Attendu que la ministre tiendra compte des points de vue et des renseignements présentés par les groupes autochtones pour décider des conditions à imposer au promoteur dans sa déclaration;

Attendu que le processus de consultation entrepris est digne de l’honneur de Sa Majesté;

Attendu qu’un équilibre raisonnable a été établi entre les préoccupations et intérêts des groupes autochtones et ceux de la société, notamment les intérêts d’ordre social, économique, stratégique ainsi que les intérêts du public en général;

À ces causes, sur recommandation de la ministre de l’Environnement et en vertu du paragraphe 52(4) de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), Son Excellence le Gouverneur général en conseil décide que les effets environnementaux négatifs importants susceptibles d’être entraînés par la réalisation du projet d’énergie propre du site C proposé par BC Hydro en Colombie‑Britannique sont justifiables dans les circonstances.

A.                Les thèses respectives des parties

[20]           La PVLA fait valoir que, si le Projet est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs et importants, ainsi que l’ont conclu la CEC et la ministre, il faut, pour que le GC puisse décider que ces effets sont justifiables, que la justification s’appuie sur la nécessité sans équivoque d’une production d’énergie et que cette nécessité soit valide au moment où la décision est prise. Selon la PVLA, le critère de la « nécessité » s’entend d’une nécessité actuelle, et rien n’étayait cette justification à l’époque pertinente.

[21]           La PVLA fait également valoir  que les motifs de justification du GC, qui se limitent à un décret d’une page, sans autre cadre de référence, semblent ne concerner que le processus de consultation des groupes autochtones et leurs intérêts sociétaux, sans tenir compte de la valeur économique du Projet ni proposer d’analyse des effets cumulatifs, comme il fallait le faire.

[22]           Les défendeurs ont un autre point de vue sur la justification du décret du GC. Ils estiment que la CEC, qui était à la disposition du GC et de la ministre, laquelle était partie intégrante du GC(Cabinet), a mentionné et analysé toutes les questions relatives aux coûts, à la nécessité et aux avantages du Projet, en soulignant ses retombées positives à long terme pour la population et les générations futures.

[23]           Par ailleurs, les défendeurs font valoir que la CEC, et par conséquent le GC, a tenu compte, quoique sans entrer dans le détail, d’autres solutions de rechange raisonnables pour répondre aux besoins énergétiques de la population.

[24]           Enfin, les défendeurs estiment que l’avant‑dernier paragraphe du décret du GC atteste que l’on a tenu compte des enjeux économiques :

Attendu qu’un équilibre raisonnable a été établi entre les préoccupations et intérêts des groupes autochtones et ceux de la société, notamment les intérêts d’ordre social, économique, stratégique ainsi que les intérêts du public en général.

[Non souligné dans l’original.]

[25]           Les parties sont d’accord pour dire qu’on a largement consulté les parties intéressées, notamment les groupes autochtones et la PVLA, au cours du processus menant à la publication du rapport de la CEC.

II.                Question en litige

[26]           La décision du GC, selon laquelle les effets environnementaux négatifs et importants susceptibles d’être causés par le Projet étaient néanmoins justifiés, était‑elle raisonnable?

III.             Norme de contrôle

[27]           La demanderesse n’a pas indiqué clairement quelle norme de contrôle devait être appliquée, mais elle a déclaré que, s’il est vrai que le processus décisionnel du GC appelle une grande déférence, le pouvoir discrétionnaire qui est conféré au GC par la LCEE 2012 [traduction« doit être exercé dans le respect des fins et des politiques sous‑jacentes à son octroi ».

[28]           Le défendeur procureur général du Canada [le PG du Canada] fait valoir que la demanderesse, en formulant la seule question en litige de la demande, a accepté que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle du caractère raisonnable. De plus, cette norme devrait appeler une grande retenue à l’égard de la décision du GC, car celle-ci est une décision hautement discrétionnaire et de nature essentiellement politique qui suppose l’examen d’un large éventail de facteurs environnementaux, sociaux, économiques et politiques.

[29]           Le PG du Canada fait par ailleurs valoir que la Cour d’appel fédérale a conclu, dans Conseil des Innus d’Ekuanitshit c Canada (Procureur général) et autres, 2014 CAF 189, aux paragraphes 35 à 44 [Innus], que la cour de révision doit faire preuve d’une grande retenue à l’égard des décisions prises par le GC ou la ministre en vertu de la LCEE 2012, à savoir en vertu des paragraphes 52(1) et 52(4) dans cette affaire. Selon la Cour d’appel, la cour de révision ne peut intervenir que dans les cas suivants :

  le processus légal n’a pas été convenablement suivi avant que l’on prenne les décisions en question;

  les décisions du GC ou des ministres responsables ont été prises sans égard à l’objet de la loi;

  les décisions du GC ou des ministres responsables étaient, dans les faits, dénuées de fondement raisonnable, ce qui équivaut à une absence de bonne foi.

[30]           Selon la défenderesse BC Hydro, la norme de contrôle appropriée en l’espèce est celle du caractère raisonnable, car la question à trancher a trait à une accusation d’omission, de la part du GC, de prendre en compte de facteurs pertinents. BC Hydro ajoute que, comme la décision a été prise par des élus qui devaient prendre une décision hautement discrétionnaire fondée sur des considérations de politique et sur des faits, la Cour doit faire preuve de prudence avant d’intervenir (Canada (Revenu national) c JP Morgan Asset Management (Canada) Inc, 2013 CAF 250, paragraphe 74).

[31]           Lors des plaidoiries, les parties se sont entendues pour dire que la norme de contrôle devrait être celle du caractère raisonnable, mais qu’il appartenait à la Cour de trancher cette question. À mon avis, la norme de contrôle applicable est effectivement celle du caractère raisonnable. Le processus de consultation et le caractère adéquat de la consultation constituent une question mixte de fait et de droit, susceptible de contrôle selon le critère du caractère raisonnable. La décision du GC appelle une grande retenue. Le caractère confidentiel et ce qu’on pourrait soutenir être un manque de transparence, qui ont entouré la décision du GC, ne sont pas une situation idéale, mais le degré de déférence due au Cabinet fédéral lorsqu’il permet cet isolement du GC, pour établir un équilibre entre les nombreux intérêts en jeu dans une décision aussi polycentrique, invite à un type de contrôle fondé sur le critère du caractère raisonnable de la décision (Halifax (Regional Municipality) c Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2012 CSC 29, paragraphe 55; Baker c Canada (Citoyenneté et Immigration), [1999] 2 RCS 817, paragraphe 53).

IV.             Analyse

[32]           Nul ne conteste qu’aux termes de la LCEE 2012, le Projet ne pourrait être réalisé que si la ministre fait une déclaration portant :

a)      soit que le Projet n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs et importants;

b)      soit que les effets environnementaux négatifs et importants susceptibles d’être entraînés sont justifiables dans les circonstances.

[33]           La ministre doit tout d’abord avoir tenu compte du rapport et des recommandations de la CEC. En l’espèce, elle a décidé, en vertu du paragraphe 51(1), que le Projet était susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs et importants visés aux paragraphes 5(1) et 5(2) de la LCEE 2012.

[34]           Selon la CEC, les effets environnementaux négatifs et importants susceptibles d’être entraînés par le Projet ne sont pas justifiables. Elle a conclu ce qui suit :

a)      La justification doit s’appuyer sur la nécessité sans équivoque de l’énergie qui serait produite, mais cette nécessité n’a pas été prouvée.

b)      La justification doit également s’appuyer sur une analyse démontrant que les coûts financiers sont suffisamment intéressants pour rendre tolérables les coûts importants sur les plans environnemental, social et autre, mais cela n’a pas été clairement établi.

A.                La contestation du caractère raisonnable de la décision du GC par la demanderesse

[35]           La demanderesse fait valoir que le mandat en ce qui concerne l’évaluation environnementale exigeait une analyse des preuves susceptibles d’étayer la justification du Projet, fondée sur la nécessité et divers facteurs économiques. Le paragraphe 2.2 du mandat est rédigé comme suit :

[traduction]

2.2 La Commission d’examen conjoint doit, dans le cadre de l’évaluation du Projet, tenir compte des facteurs suivants :

- la raison d’être du Projet;

- la nécessité du Projet;

- les solutions de rechange au Projet;

- les effets du Projet sur l’environnement, l’économie, la société, la santé et le patrimoine, dont les effets cumulatifs susceptibles d’être entraînés par la combinaison du Projet avec d’autres projets ou activités en cours ou à venir; […]

- l’importance de ces effets sur l’environnement, l’économie, la société, la santé et le patrimoine; […].

[36]           Le mandat incorpore également les LD‑ÉIE dans le cadre formel de l’évaluation. Le paragraphe 2.8 indique en effet :

[traduction]

2.8 Les facteurs entrant en ligne de compte dans l’évaluation environnementale sont ceux qui sont énoncés dans les lignes directrices relatives à l’étude d’impact environnemental, rédigées par la ministre fédérale de l’Environnement et le directeur exécutif du BÉE. Ces facteurs, une fois définitivement établis et inclus dans les lignes directrices, seront joints en annexe au présent mandat.

[37]           Les LD‑ÉIE précisent entre autres ce qui suit :

a)      La nécessité établit la justification ou la raison d’être fondamentale du projet (article 4.1.1).

b)      L’ÉIE fournit la raison fondamentale de réaliser le projet à ce moment-ci […] (article 4.1.1).

c)      L’ÉIE comportera une section décrivant les avantages du projet sur les plans environnemental, économique et social. On utilisera ces renseignements pour déterminer si les effets environnementaux néfastes sont justifiables (article 5).

[38]           Sous la rubrique « Avantages du projet » (article 5), les LD‑ÉIE prévoient également l’évaluation des éléments suivants :

a)      la valeur de l’électricité;

b)      le coût d’immobilisations et les coûts de fonctionnement estimés;

c)      les retombées sur les recettes gouvernementales (article 5).

[39]           Les LD‑ÉIE prévoient également l’obligation de procéder à une « analyse des solutions de rechange au projet réalisables sur les plans technique et économique » (article 4.2).

[40]           La demanderesse fait valoir que le cadre prévu pour le déroulement de l’évaluation environnementale précise clairement que la justification des effets environnementaux négatifs et importants susceptibles, selon la CEC et la ministre, d’être entraînés par le Projet s’il était approuvé suppose que l’on s’interroge sur la nécessité sans équivoque d’énergie et sur la perspective d’avantages financiers suffisants. On aurait dû aussi tenir compte, dans le cadre de cette analyse, des coûts importants associés au Projet sur les plans de l’environnement, de la société, du patrimoine, de la santé, etc. Par ailleurs, il aurait aussi fallu tenir compte des effets cumulatifs des projets réalisés sur la rivière de la Paix.

[41]           La demanderesse concède que la décision du GC donne des motifs qui, quoique minimaux, indiquent bien ce qui a occupé l’attention du GC. Elle estime toutefois que le GC ne s’est intéressé qu’au caractère adéquat des consultations auprès des groupes autochtones touchés et que les motifs énoncés ne démontrent pas qu’il a accordé une quelconque attention à la valeur économique du Projet ou à la nécessité sociale d’une centrale hydroélectrique.

[42]           Le Cabinet a revendiqué un privilège à l’égard du dossier sur lequel il s’est fondé pour parvenir à ses conclusions, ce qui complique la possibilité d’un contrôle sérieux du fondement des motifs de la décision. La demanderesse fait toutefois valoir que le privilège en question ne met pas le Cabinet à l’abri d’un contrôle judiciaire. Le Cabinet aurait pu décider de produire des versions caviardées du dossier, mais il ne l’a pas fait. La Cour est donc invitée à tirer une conclusion défavorable de cette omission.

[43]           Comme on l’a vu, la demanderesse fait valoir que les motifs fournis dans le décret indiquent que seules les préoccupations des Autochtones ont été prises en considération par le Cabinet, ce qui rend la décision déraisonnable étant donné qu’on n’a pas tenu compte d’importants facteurs économiques et sociaux.

[44]           La demanderesse souligne que, selon la Commission, il faut prouver la nécessité sans équivoque du Projet et ses avantages économiques pour qu’il puisse être approuvé. Tout au long de son rapport, la CEC réitère que cette preuve n’a pas été faite. Avant même d’arriver à l’évaluation des coûts du Projet, il faut déterminer si l’on a besoin de l’énergie qu’il permettra de produire. Selon la demanderesse, s’il n’est pas possible de prouver que cette énergie est nécessaire, le Projet ne saurait être raisonnablement justifiable. Comme elle l’a fait valoir lors de sa plaidoirie, il importe peu que le Projet soit peu coûteux si l’on n’en a pas besoin.

[45]           La demanderesse affirme que la nécessité du Projet établit sa justification ou raison d’être fondamentale, et que rien dans la décision du GC n’indique qu’on ait examiné cette question.

[46]           Pour ce qui est du moment où le Projet serait nécessaire, le rapport parvient à une conclusion différente de celle de BC Hydro quant au moment où l’énergie produite par le Projet sera nécessaire pour la Colombie‑Britannique. Selon le rapport, cette énergie sera nécessaire en 2028, alors que, selon BC Hydro, elle le sera en 2024. La demanderesse fait remarquer qu’aux dates estimatives de 2024 et 2028, seule une partie de l’énergie ainsi produite pourrait être nécessaire.

[47]           Une différence de quatre ans peut sembler sans importance, mais la demanderesse souligne que tant que la centrale projetée produira de l’énergie en trop, elle la vendra à perte (environ 35 % de ses coûts de production), et que le déficit sera assumé par la population de la Colombie‑Britannique. Il semblerait donc que, lorsque cette nécessité se fera sentir, cela fera déjà beaucoup de temps que le Projet aura coûté cher à la population.

[48]           La demanderesse ajoute que la différence de quatre ans pourrait permettre à BC Hydro d’envisager d’autres solutions qui pourraient se présenter. Le Projet peut sembler la solution la moins coûteuse selon l’analyse actuelle, mais la situation pourrait être différente dans quatre ans, lorsque d’autres solutions existeront peut‑être.

[49]           La demanderesse déclare également que le Cabinet n’a pas le droit, si l’on se fie à la LCEE 2012 ou au mandat (qui incorpore les LD‑ÉIE), de ne pas examiner la question de la nécessité sans équivoque de l’énergie qui serait produite. Sa décision, qui ne tient pas compte de ce facteur qui fait partie intégrante du mandat, est contraire à l’objet de la LCEE 2012 et est donc déraisonnable.

[50]           La demanderesse rappelle également que le GC doit exercer son pouvoir discrétionnaire conformément à l’objet de la LCEE 2012. L’objet déclaré de la LCEE 2012 souligne le développement durable et la protection de l’environnement.

[51]           La Commission ainsi que la ministre ont conclu que le Projet aurait des effets environnementaux négatifs et importants, dont certains ne pourraient pas être atténués. La décision sous contrôle atteste que la ministre a pris connaissance du rapport de la CEC et de ses conclusions, mais ne permet pas de déterminer si c’était aussi le cas du GC. Compte tenu du risque d’effets importants non susceptibles d’atténuation, il est important que le GC ait tenu compte des conclusions de la CEC.

[52]           Tout au long de son rapport, la CEC souligne que la nécessité du Projet n’a pas été solidement établie et qu’on n’a pas suffisamment de renseignements pour déterminer si des solutions de rechange étaient possibles. Selon la demanderesse, BC Hydro n’a pas fait de recherches sérieuses dans le domaine de l’énergie géothermique depuis trente ans, de sorte qu’elle ne dispose pas des renseignements qui lui permettraient de déterminer si cette source est une solution de rechange viable à un projet comme celui‑ci. Selon des estimations fondées sur le peu de renseignements disponibles, l’exploitation de l’énergie géothermique a le potentiel de produire presque autant d’énergie que le Projet si elle est correctement extraite, et ce, à bien moindres coûts environnementaux.

[53]           La demanderesse fait également remarquer qu’on n’a pas suffisamment exploré d’autres solutions de rechange pour prendre une décision vraiment éclairée quant à la justification du Projet.

[54]           La demanderesse déclare enfin que, dans les observations de BC Hydro, l’analyse consacrée aux préoccupations relatives au faible approvisionnement en énergie électrique est beaucoup plus étoffée que celle qui a trait à la gestion de la demande. On pourrait ainsi être enclin à se préoccuper davantage de l’éventualité de pannes ou d’autres conséquences d’une pénurie d’électricité que de la gestion de la demande.

[55]           En conclusion, compte tenu de l’interprétation téléologique des motifs fournis dans la décision du GC, la demanderesse déclare que cette décision ne peut être considérée comme raisonnable ou transparente.

B.                 Les problèmes de la thèse de la demanderesse

[56]           Les défendeurs ont souligné des parties du rapport de la CEC consacrées aux coûts, à la nécessité et aux avantages du Projet, aux avantages à long terme pour les générations futures et aux solutions de rechange envisagées. Il est vrai que la CEC a fait état de plusieurs enjeux en s’appuyant sur des estimations contestables, mais beaucoup de ces enjeux sont intrinsèquement liés à la prévision d’un grand projet d’infrastructure. La CEC reconnaît également dans le rapport de nombreux aspects positifs dans le « bilan » qu’on lui a demandé de dresser.

[57]           Selon la CEC, la demande d’énergie ne pourra qu’augmenter dans l’avenir, et les moyens de production actuels seront insuffisants. Elle reconnaît par ailleurs qu’à long terme, le Projet est la solution la plus rentable et la moins coûteuse. Le rapport précise que l’on a effectivement envisagé d’autres solutions, mais qu’elles n’ont pas été jugées préférables.

[58]           Autrement dit, la CEC signale effectivement dans le rapport certains problèmes à l’égard du Projet, mais elle en souligne également les avantages. Elle avait pour tâche de dresser un bilan afin qu’on puisse prendre une décision éclairée quant à la poursuite du Projet. La CEC a été chargée de procéder à l’évaluation environnementale du Projet, de recueillir des renseignements, de formuler des recommandations et de rendre compte à la ministre.

[59]           Dans Pembina Institute for Appropriate Development c Canada (Procureur général), 2008 CF 302 [Pembina Institute], la Cour fédérale a fait remarquer que l’enquête de la Commission est une évaluation « scientifique et factuelle », à distinguer des « choix politiques des décideurs », qui doivent tenir compte « d’une gamme étendue de points de vue et de facteurs additionnels que la Commission écarte d’emblée en se concentrant sur les effets environnementaux liés à un projet ». La Cour a déclaré ce qui suit :

72 Bien que je convienne que le mandat de la Commission ne couvre pas la recommandation de politique, elle se doit néanmoins d’effectuer une évaluation scientifique et factuelle des effets environnementaux potentiellement négatifs d’un projet proposé. Faute d’une telle approche factuelle, les choix politiques des décideurs ultimes ne trouveront aucun champ d’application.

74 La Commission devait-elle en venir à la conclusion que les mesures d’atténuation proposées ne permettraient pas de minimiser les possibles effets environnementaux négatifs, qu’il serait également de son devoir de le faire savoir. L’évaluation des effets environnementaux d’un projet et des mesures d’atténuation proposées déborde du débat des politiques gouvernementales, lequel de par sa nature propre prend en compte une gamme étendue de points de vue et de facteurs additionnels que la Commission écarte d’emblée en se concentrant sur les effets environnementaux liés à un projet. En revanche, l’al. 37(1)a) autorise l’autorité responsable à approuver la mise en œuvre totale ou partielle d’un projet même si celui-ci est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs si ces effets « sont justifiables dans les circonstances ». En conséquence, c’est au décideur ultime qu’il appartient de prendre en compte des éléments plus vastes de politique affectant le public lors de l’approbation de projet.

[60]           Les défendeurs admettent que la demanderesse a raison de dire que le facteur de la nécessité fait partie intégrante de l’examen pour décider de la suite à donner au Projet, mais il est clair que cette question a été examinée et tranchée dans le dossier. Il y a quelques écarts entre les prévisions de BC Hydro et celles de la CEC quant à la période où cette nécessité se fera sentir, mais une différence de quatre ans est négligeable au regard de la durée du Projet. Par ailleurs, la prévision des besoins est par nature incertaine, et les méthodes employées par BC Hydro ont été jugées valables compte tenu de la tâche. La CEC n’était pas censée arriver à une certitude, mais devait prédire l’éventualité la plus probable (Pembina Institute, paragraphe 61; Greenpeace Canada et autres c Canada (Procureur général) et autres, 2014 CF 463, paragraphes 234 à 236).

[61]           Il ressort de la décision du GC, bien qu’elle soit peu détaillée, que l’on a tenu compte des enjeux économiques avant de conclure que les effets environnementaux négatifs et importants susceptibles d’être entraînés par le Projet étaient justifiés dans les circonstances. Comme on l’a vu, il est écrit, à l’avant‑dernier paragraphe de la décision contestée du GC :

Attendu qu’un équilibre raisonnable a été établi entre les préoccupations et intérêts des groupes autochtones et ceux de la société, notamment les intérêts d’ordre social, économique, stratégique ainsi que les intérêts du public en général; (…).

[Non souligné dans l’original.]

[62]           La mise en balance d’intérêts suppose nécessairement une évaluation des intérêts contradictoires des parties. La demanderesse insiste pour dire que le GC ne s’est intéressé qu’au caractère adéquat de la consultation des Autochtones, mais l’avant‑dernier paragraphe de la décision contestée reproduite ci‑dessus démontre le contraire. Les « intérêts d’ordre social, économique, stratégique ainsi que les intérêts du public en général » ont été pris en considération pour décider que les effets environnementaux négatifs et importants étaient justifiables.

[63]           Il existe une présomption selon laquelle la ministre a tenu compte du rapport de la CEC et de tous les renseignements utiles pour faire ses recommandations au GC. Il est tout à fait raisonnable de penser que le rapport de la CEC et tous les renseignements examinés par la ministre ont été examinés par le GC (Woolaston c Canada (Main‑d’œuvre et Immigration), [1973] RCS 102; Leo Pharma Inc c Canada (Procureur général), 2007 CF 306, paragraphe 41; plus récemment, Thamotharampillai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 438, paragraphe 14).

[64]           De plus, je ne crois pas que le décret expose de façon exhaustive tout ce dont le GC a tenu compte. Il faut examiner l’ensemble du dossier pour déterminer si la décision était déraisonnable, et le faire en tenant compte de la preuve et du processus afin de pouvoir déterminer si le résultat s’inscrit dans un éventail d’issues possibles et raisonnables (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, paragraphes 14, 15 et 18). Par ailleurs, le communiqué de presse diffusé le 14 octobre 2014 par la ministre, peu après publication du décret ce même jour, peut être considéré et reconnu comme une indication de ce dont le GC a tenu compte. Bien que le communiqué ait été diffusé après la décision, cette publication concomitante est, à tout le moins, instructive et témoigne de l’examen des enjeux et préoccupations d’ordre économique, comme le démontre l’extrait suivant :

OTTAWA (Ontario) – Le 14 octobre 2014 – L’honorable Leona Aglukkaq, ministre de l’Environnement, ministre de l’Agence canadienne de développement économique du nord et ministre du conseil de l’arctique, a émis aujourd’hui la déclaration suivante qui précise la détermination du gouverneur en conseil selon laquelle les effets environnementaux du projet d’énergie propre du site C sont justifiables dans les circonstances.

« Le projet d’énergie propre du site C, de BC Hydro and Power Authority, a fait l’objet d’un examen fédéral-provincial rigoureux par une commission indépendante. Ce processus comprenait de vastes consultations significatives menées de manière respectueuse auprès des groupes autochtones et du public. Le processus d’évaluation environnementale a permis de disposer de l’expertise scientifique et technique nécessaire et d’obtenir la participation efficace du public et des groupes autochtones afin de permettre aux deux gouvernements de prendre des décisions éclairées. »

« Le projet d’énergie propre du site C est un projet important pour la Colombie-Britannique et le Canada puisqu’il favorisera la croissance économique et la création d’emplois tout en fournissant une source d’énergie propre et renouvelable au cours des 100 prochaines années. Le projet d’énergie propre du site C entraînera la création d’emplois directs équivalents à 10 000 années-personnes dès maintenant jusqu’à l’année 2024 et si des emplois indirects et induits sont ajoutés, ce chiffre passe de façon impressionnante à 29 000 années-personnes d’emplois. »

« Cette décision aura des retombées positives pour les générations futures. Pendant la durée de vie du projet, le site C devrait permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada en empêchant le rejet d’environ 34 à 76 mégatonnes d’émissions équivalentes de CO2. »

« Dans la déclaration de décision que j’ai publiée aujourd’hui, il y a plus de 80 conditions juridiquement contraignantes que le promoteur, BC Hydro, doit respecter tout au long de la durée de vie du projet en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012). Toute dérogation à ces conditions constitue une violation de la loi fédérale. »

« Notre gouvernement s’engage à prendre des décisions relatives à l’évaluation environnementale en fonction des meilleures preuves scientifiques disponibles tout en maintenant l’équilibre entre les considérations économiques et environnementales. »

[65]           Comme l’a également déclaré le juge Sewell dans l’affaire connexe Peace Valley Landowner Association c Minister of Environment et al, 2015 BCSC 1129, aux paragraphes 118 à 120 :

[traduction]

[118] Enfin, la PVLA affirme que la décision des ministres de délivrer le certificat n’était pas raisonnable compte tenu de la « nature et de l’importance » des conclusions et recommandations générales de la Commission concernant les retombées économiques du Projet.

[119] Dans chacune de ses recommandations économiques, la Commission s’est dite préoccupée par le fait qu’il manquait de renseignements sur les besoins à venir, les coûts et les solutions de rechange. Par contre, la question de savoir si les incertitudes économiques examinées aux paragraphes 14 et 15 du rapport étaient suffisamment sérieuses pour interdire la délivrance du certificat est une considération de politique relevant de la ministre.

[120] Compte tenu des éléments susmentionnés, je ne puis conclure que la décision des ministres était déraisonnable. Comme je l’ai déjà dit, les recommandations économiques portaient sur la décision politique de donner suite au Projet de préférence à d’autres solutions possibles et non pas sur les éventuels effets nuisibles du Projet sur l’environnement. Ce type de décision appelle une grande retenue de la part de la Cour.

[66]           Le GC aurait pu fournir des motifs plus exhaustifs et plus transparents, mais les motifs donnés respectent les limites et exigences considérées comme raisonnables. Dans l’arrêt Innus, précité, des motifs plus détaillés ont été donnés, ce qui permet de se faire une idée de l’état d’esprit du GC lorsqu’il a pris sa décision, mais il s’agissait d’une communication volontaire de sa part. Le fait que des motifs plus exhaustifs aient été fournis dans le cadre d’une décision antérieure semblable ne signifie pas que cela doit devenir une exigence dans tous les cas. Pour reprendre les termes du juge David Stratas, de la Cour d’appel fédérale, « [u]n petit nombre de mots bien choisis peuvent souvent être suffisants » (Administration de l’aéroport international de Vancouver et YVR Project Management Ltd c Alliance de la fonction publique du Canada, 2010 CAF 158, alinéa 17 b)).

[67]           Le GC assume une lourde tâche. Il est chargé de prendre une décision extrêmement polycentrique et il convient de faire preuve de déférence à son égard. Pour citer le juge James Russell :

237 En somme, le législateur fédéral a conçu un processus décisionnel aux termes de la LCEE; lorsqu’il se déroule correctement, les décisions sont prises en fonction des éléments de preuve et répondent aux impératifs d’un système démocratique. […]

242 À mon avis, la question de fond clé en ce qui a trait à la structure décisionnelle prévue à la LCEE est qu’il incombe aux décideurs visés par l’article 37 de déterminer ce qui est un niveau acceptable d’incidence ou de risque environnemental. Cette composante décisionnelle de la Loi n’est pas sa seule caractéristique, mais le libellé de l’article 37, la structure de la Loi et plus de deux décennies d’expérience relativement à sa mise en œuvre font en sorte qu’il est indéniable qu’il s’agit d’une caractéristique importante (voir Pembina Institute, précitée, au paragraphe 15, appliquant Oldman River, précité, au paragraphe 103). Nous ne pouvons pas tout simplement l’exclure de la Loi et les tribunaux et les responsables de sa mise en œuvre doivent chercher à préserver l’intégrité de la structure décisionnelle que le législateur a mise en place.

Greenpeace Canada et autres c Canada (Procureur général) et autres, 2014 CF 463, paragraphes 237 et 242.

[68]           Le GC doit tenir compte d’un large éventail d’enjeux et de renseignements. En tant qu’organisme composé d’élus, il doit rendre compte à l’électorat, c’est‑à‑dire à la population elle‑même. Les décisions qu’il prend appellent une très grande retenue. Rien ne permet de conclure que la décision du GC en l’espèce a été prise sans égard à l’objet de la LCEE 2012, ni que les facteurs économiques n’ont pas été pris en considération, ni que la décision était déraisonnable eu égard aux faits.

[69]           En l’espèce, la décision du GC appartient aux issues possibles acceptables, et la Cour n’a aucune raison d’intervenir.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est rejetée.

2.                  Compte tenu de l’importance de l’intérêt public, des préoccupations légitimes de la PVLA et des effets environnementaux négatifs et importants du Projet, chaque partie assumera ses propres dépens.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


ANNEXE A

Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, 2012 (L.C. (2012), c. 19, article 52)

Effets environnementaux

5. (1) Pour l’application de la présente loi, les effets environnementaux qui sont en cause à l’égard d’une mesure, d’une activité concrète, d’un projet désigné ou d’un projet sont les suivants :

a) les changements qui risquent d’être causés aux composantes ci-après de l’environnement qui relèvent de la compétence législative du Parlement :

(i) les poissons et leur habitat, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les pêches,

(ii) les espèces aquatiques au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les espèces en péril,

(iii) les oiseaux migrateurs au sens du paragraphe 2(1) de la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs,

(iv) toute autre composante de l’environnement mentionnée à l’annexe 2;

b) les changements qui risquent d’être causés à l’environnement, selon le cas :

(i) sur le territoire domanial,

(ii) dans une province autre que celle dans laquelle la mesure est prise, l’activité est exercée ou le projet désigné ou le projet est réalisé,

(iii) à l’étranger;

c) s’agissant des peuples autochtones, les répercussions au Canada des changements qui risquent d’être causés à l’environnement, selon le cas :

(i) en matière sanitaire et socio-économique,

(ii) sur le patrimoine naturel et le patrimoine culturel,

(iii) sur l’usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles,

(iv) sur une construction, un emplacement ou une chose d’importance sur le plan historique, archéologique, paléontologique ou architectural.

Exercice d’attributions par une autorité fédérale

(2) Toutefois, si l’exercice de l’activité ou la réalisation du projet désigné ou du projet exige l’exercice, par une autorité fédérale, d’attributions qui lui sont conférées sous le régime d’une loi fédérale autre que la présente loi, les effets environnementaux comprennent en outre :

a) les changements — autres que ceux visés aux alinéas (1)a) et b) — qui risquent d’être causés à l’environnement et qui sont directement liés ou nécessairement accessoires aux attributions que l’autorité fédérale doit exercer pour permettre l’exercice en tout ou en partie de l’activité ou la réalisation en tout ou en partie du projet désigné ou du projet;

b) les répercussions — autres que celles visées à l’alinéa (1)c) — des changements visés à l’alinéa a), selon le cas :

(i) sur les plans sanitaire et socio-économique,

(ii) sur le patrimoine naturel et le patrimoine culturel,

(iii) sur une construction, un emplacement ou une chose d’importance sur le plan historique, archéologique, paléontologique ou architectural.

Environmental effects

5. (1) For the purposes of this Act, the environmental effects that are to be taken into account in relation to an act or thing, a physical activity, a designated project or a project are

(a) a change that may be caused to the following components of the environment that are within the legislative authority of Parliament:

(i) fish and fish habitat as defined in subsection 2(1) of the Fisheries Act,

(ii) aquatic species as defined in subsection 2(1) of the Species at Risk Act,

(iii) migratory birds as defined in subsection 2(1) of the Migratory Birds Convention Act, 1994, and

(iv) any other component of the environment that is set out in Schedule 2;

(b) a change that may be caused to the environment that would occur

(i) on federal lands,

(ii) in a province other than the one in which the act or thing is done or where the physical activity, the designated project or the project is being carried out, or

(iii) outside Canada; and

(c) with respect to aboriginal peoples, an effect occurring in Canada of any change that may be caused to the environment on

(i) health and socio-economic conditions,

(ii) physical and cultural heritage,

(iii) the current use of lands and resources for traditional purposes, or

(iv) any structure, site or thing that is of historical, archaeological, paleontological or architectural significance.

Exercise of power or performance of duty or function by federal authority

(2) However, if the carrying out of the physical activity, the designated project or the project requires a federal authority to exercise a power or perform a duty or function conferred on it under any Act of Parliament other than this Act, the following environmental effects are also to be taken into account:

(a) a change, other than those referred to in paragraphs (1)(a) and (b), that may be caused to the environment and that is directly linked or necessarily incidental to a federal authority’s exercise of a power or performance of a duty or function that would permit the carrying out, in whole or in part, of the physical activity, the designated project or the project; and

(b) an effect, other than those referred to in paragraph (1)(c), of any change referred to in paragraph (a) on

(i) health and socio-economic conditions,

(ii) physical and cultural heritage, or

(iii) any structure, site or thing that is of historical, archaeological, paleontological or architectural significance.

Décisions du décideur

52. (1) Pour l’application des articles 27, 36, 47 et 51, le décideur visé à ces articles décide si, compte tenu de l’application des mesures d’atténuation qu’il estime indiquées, la réalisation du projet désigné est susceptible :

a) d’une part, d’entraîner des effets environnementaux visés au paragraphe 5(1) qui sont négatifs et importants;

b) d’autre part, d’entraîner des effets environnementaux visés au paragraphe 5(2) qui sont négatifs et importants.

Renvoi en cas d’effets environnementaux négatifs importants

(2) S’il décide que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner des effets environnementaux visés aux paragraphes 5(1) ou (2) qui sont négatifs et importants, le décideur renvoie au gouverneur en conseil la question de savoir si ces effets sont justifiables dans les circonstances.

Renvoi par l’entremise du ministre

(3) Si le décideur est une autorité responsable visée à l’un des alinéas 15a) à c), le renvoi se fait par l’entremise du ministre responsable de l’autorité devant le Parlement.

Décision du gouverneur en conseil

(4) Saisi d’une question au titre du paragraphe (2), le gouverneur en conseil peut décider :

a) soit que les effets environnementaux négatifs importants sont justifiables dans les circonstances;

b) soit que ceux‑ci ne sont pas justifiables dans les circonstances.

 

Decisions of decision maker

52. (1) For the purposes of sections 27, 36, 47 and 51, the decision maker referred to in those sections must decide if, taking into account the implementation of any mitigation measures that the decision maker considers appropriate, the designated project

(a) is likely to cause significant adverse environmental effects referred to in subsection 5(1); and

(b) is likely to cause significant adverse environmental effects referred to in subsection 5(2).

Referral if significant adverse environmental effects

(2) If the decision maker decides that the designated project is likely to cause significant adverse environmental effects referred to in subsection 5(1) or (2), the decision maker must refer to the Governor in Council the matter of whether those effects are justified in the circumstances.

Referral through Minister

(3) If the decision maker is a responsible authority referred to in any of paragraphs 15(a) to (c), the referral to the Governor in Council is made through the Minister responsible before Parliament for the responsible authority.

Governor in Council’s decision

(4) When a matter has been referred to the Governor in Council, the Governor in Council may decide

(a) that the significant adverse environmental effects that the designated project is likely to cause are justified in the circumstances; or

(b) that the significant adverse environmental effects that the designated project is likely to cause are not justified in the circumstances.


Loi sur les pêches (L.R.C. (1985), c. F‑14)

Dommages sérieux aux poissons

35. (1) Il est interdit d’exploiter un ouvrage ou une entreprise ou d’exercer une activité entraînant des dommages sérieux à tout poisson visé par une pêche commerciale, récréative ou autochtone, ou à tout poisson dont dépend une telle pêche.

Exception

(2) Il est permis d’exploiter un ouvrage ou une entreprise ou d’exercer une activité sans contrevenir au paragraphe (1) dans les cas suivants :

b) l’exploitation de l’ouvrage ou de l’entreprise ou l’exercice de l’activité est autorisé par le ministre et est conforme aux conditions que celui-ci établit;

Serious harm to fish

35. (1) No person shall carry on any work, undertaking or activity that results in serious harm to fish that are part of a commercial, recreational or Aboriginal fishery, or to fish that support such a fishery.

Exception

(2) A person may carry on a work, undertaking or activity without contravening subsection (1) if

(b) the carrying on of the work, undertaking or activity is authorized by the Minister and the work, undertaking or activity is carried on in accordance with the conditions established by the Minister;


Loi sur la protection de la navigation (L.R.C. (1985), c. N‑22)

Approbation

6. (1) Le propriétaire peut, avec l’approbation du ministre seulement, construire, mettre en place, modifier, réparer, reconstruire, enlever ou déclasser, dans des eaux navigables mentionnées à l’annexe ou sur, sous, au-dessus ou à travers celles-ci, un ouvrage qui, selon la décision du ministre prise au titre de l’article 5, risque de gêner sérieusement la navigation; l’approbation ne peut toutefois être délivrée que si la demande est accompagnée des droits applicables.

Approval

6. (1) An owner may construct, place, alter, repair, rebuild, remove or decommission a work in, on, over, under, through or across any navigable water that is listed in the schedule that the Minister has determined under section 5 is likely to substantially interfere with navigation only if the Minister has issued an approval for the work, which may be issued only if an application for the approval is submitted and the application is accompanied by the applicable fee.

Ouvrages permis

9. (1) Le propriétaire peut construire, mettre en place, modifier, réparer, reconstruire, enlever ou déclasser, dans des eaux navigables mentionnées à l’annexe ou sur, sous, au-dessus ou à travers celles-ci, un ouvrage qui, selon la décision du ministre prise au titre de l’article 5, ne risque pas de gêner sérieusement la navigation, s’il le fait conformément aux exigences prévues sous le régime de la présente loi.

Permitted works

9. (1) An owner may construct, place, alter, repair, rebuild, remove or decommission a work in, on, over, under, through or across any navigable water that is listed in the schedule that the Minister has determined under section 5 is not likely to substantially interfere with navigation only if the construction, placement, alteration, repair, rebuilding, removal or decommissioning is in accordance with the requirements under this Act.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2300-14

 

INTITULÉ :

PEACE VALLEY LANDOWNER ASSOCIATION c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT ET BRITISH COLUMBIA HYDRO AND POWER AUTHORITY

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 JUILLET 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE :

LE 28 AOÛT 2015

COMPARUTIONS :

Maegen Giltrow

Rachel Vallance

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Mark Andrews, c.r.

Charles Willms

Bridget Gilbride

Patrick Hayes

POUR LA DÉFENDERESSE

BRITISH COLUMBIA HYDRO AND POWER AUTHORITY

 

Judith Hoffman

Malcolm Palmer

Rosemarie Schipizky

POUR LES DÉFENDEURS

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lidstone & Company

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Fasken Martineau DuMoulin LLP

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LA DÉFENDERESSE

BRITISH COLUMBIA HYDRO AND POWER AUTHORITY

William F. Pentney

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES DÉFENDEURS

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT

 

 

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