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Date : 20150918


Dossier : T ‑1350‑05

Référence : 2015 CF 1093

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

JEFFREY G. EWERT

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA (LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA, LE DIRECTEUR DE L’ÉTABLISSEMENT DE KENT ET LE DIRECTEUR DE L’ÉTABLISSEMENT DE MISSION)

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PHELAN

I.                   Nature de la demande

[1]               La Cour est saisie d’une demande qui visait à l’origine à obtenir des dommages‑intérêts à l’égard de l’utilisation, par le commissaire du Service correctionnel du Canada [le SCC], de différents instruments d’évaluation du risque psychologique [les tests actuariels] pendant l’incarcération du demandeur. M. Ewert a soutenu que ces tests n’étaient pas fiables dans le cas des détenus autochtones et que leur utilisation entraînait d’importantes répercussions néfastes pour lui.

La demande de dommages‑intérêts et de réparation au titre de l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés [la Charte] a été abandonnée au cours des plaidoiries. La présente demande vise à obtenir une réparation à l’égard de violations des articles 7 et 15 de la Charte.

II.                Contexte factuel

A.                M. Ewert – Contexte général

[2]               Âgé de 53 ans, Jeffrey Ewert est un contrevenant autochtone qui se qualifie de Métis. Sa mère était d’origine métisse, tandis que son père était un militaire britannique. À l’âge d’environ six mois, le demandeur a été adopté par une famille de race blanche, les Ewert, à Surrey, en Colombie‑Britannique.

[3]               La preuve présentée en l’espèce se composait de la déposition de deux témoins des faits, soit M. Ewert, qui a témoigné pour lui‑même, M. Motiuk (directeur général de la Recherche au SCC), qui a témoigné pour la défenderesse, et de deux témoins experts (psychologues), soit M. Hart et Mme Rice, qui ont témoigné respectivement pour le demandeur et pour la défenderesse. C’est là une preuve ténue à partir de laquelle la Cour doit décider si certains tests psychologiques administrés par le SCC portent atteinte aux droits des détenus. La question de la validité de ces tests touche non seulement M. Ewert, mais d’autres détenus autochtones et peut‑être tous les détenus qui sont soumis à des évaluations similaires.

[4]               M. Ewert se représente et représente également tous les détenus autochtones, mais il n’est pas un modèle à suivre pour les Autochtones. Il purge en effet deux peines d’emprisonnement à perpétuité pour meurtre au deuxième degré et tentative de meurtre et a été condamné à une peine d’emprisonnement de 15 mois, à purger en même temps que les autres peines, après avoir été déclaré coupable d’évasion d’une garde légale. Il a passé trente ans dans différents établissements correctionnels fédéraux, soit plus de la moitié de cette période dans des établissements à sécurité maximale et le reste dans des établissements à sécurité moyenne.

[5]               Les infractions pour lesquelles M. Ewert a été condamné à l’emprisonnement à perpétuité étaient des crimes brutaux. Dans le premier cas, il a étranglé et agressé sexuellement la victime et l’a laissée morte dans la rivière. Dans le second cas, la victime a subi des lésions cérébrales permanentes et est restée infirme après avoir été, elle aussi, étranglée et agressée sexuellement.

[6]               M. Ewert lui‑même a connu une enfance tragique : son père adoptif était alcoolique, sa mère adoptive souffrait d’un trouble psychologique et ses frères et sœurs blancs adoptifs ont fait montre de racisme et de discrimination à son endroit.

[7]               Le demandeur est admissible à la libération conditionnelle de jour depuis août 1996 et à la libération conditionnelle totale depuis août 1999. Il n’a jamais eu d’audience de libération conditionnelle et a renoncé à son droit à chaque audience de libération conditionnelle, soutenant : a) qu’il avait peu de chances d’obtenir la libération conditionnelle, parce qu’il était considéré comme une personne présentant un risque de récidive trop élevé, en partie en raison des résultats des tests actuariels; et b) qu’il souhaitait éviter aux familles des victimes l’épreuve que représente le fait d’assister à une audience de cette nature.

[8]               En ce qui a trait à ce dernier motif, il n’y a aucun élément de preuve montrant que le demandeur a renoncé à la libération conditionnelle pour cette raison. Je n’accepte pas cette déclaration intéressée, ni bon nombre des autres déclarations intéressées du demandeur ou tentatives de sa part de blâmer d’autres personnes pour ses problèmes. Je suis très sceptique à l’égard du témoignage qu’il a présenté; cependant, il existe des éléments de preuve à l’appui de son allégation selon laquelle les résultats des tests actuariels ont nui à ses conditions d’incarcération.

[9]               Il est nécessaire de souligner que la défenderesse n’a présenté aucun témoignage de fond pour réfuter la version de M. Ewert. Le travail de M. Motiuk n’avait rien à voir avec la gestion des prisons et aucune personne, qu’il s’agisse d’un directeur, d’un sous‑directeur, d’un psychologue travaillant dans une prison ou d’un responsable hiérarchique supérieur de l’administration pénitentiaire, n’a été appelée à témoigner afin de contrer le point de vue de M. Ewert sur l’utilisation factuelle et les répercussions de ces tests.

[10]           Un examen du dossier d’incarcération de M. Ewert montre qu’à certaines périodes, il a semblé être productif, accomplir des progrès en vue de l’atteinte des objectifs de son plan correctionnel et entretenir des relations positives avec les membres du personnel et de son équipe de gestion de cas. Cependant, le contraire a également été observé à certains moments au cours des trente années d’incarcération.

[11]           Même s’il n’était peut‑être pas un détenu modèle, qu’il avait tendance à jouer les avocats de prison et qu’il a été impliqué dans des incidents qui ont nui à sa cote de sécurité, peu d’accusations (s’il en est) pour des actes graves commis au sein d’un établissement ont été inscrites à son dossier. Sa cote de sécurité depuis 2003 a oscillé entre les niveaux maximal et minimal, la cote « moyenne » étant la cote prédominante.

B.                 Instruments d’évaluation (tests psychologiques)

[12]           Les instruments d’évaluation sont les tests psychologiques (parfois appelés tests actuariels au cours des témoignages). Les tests en litige sont l’échelle de psychopathie de Hare – Révisée [la PCL‑R], qui est un instrument très important; le Guide d’évaluation du risque de violence [GERV]; le Guide d’évaluation des risques posés par les délinquants sexuels [le GERDS]; l’instrument Statique‑99 et l’Échelle des risques de violence : Délinquants sexuels [l’ERVDS].

La pratique courante au SCC consistait à utiliser le GERV, le GERDS, le Statique‑99 et l’ERDVS pour évaluer le risque de violence chez les détenus autochtones et autres détenus, et à utiliser la PCL‑R pour évaluer le trouble de personnalité psychopathique.

(1)               La PCL‑R

[13]           La psychopathie est un élément clinique qui revêt une importance particulière dans la justice criminelle, étant donné que ce trouble de la personnalité cause de graves problèmes liés au risque et à la réadaptation.

[14]           La PCL‑R, qu’a élaborée le professeur Robert Hare, de l’Université de la Colombie‑Britannique, au cours des années 1970 est un instrument fréquemment utilisé pour mesurer cet élément clinique. M. Hare n’a pas été appelé à témoigner; cependant, selon la preuve d’expert qui a été présentée, le test a été élaboré dans le but d’évaluer la présence de psychopathie, mais il a été utilisé pour prévoir le risque de récidive. Le demandeur ne conteste pas cette utilisation secondaire en soi et ne prétend pas non plus que ce test n’est pas fiable dans le cas des détenus non autochtones. Il conteste l’exactitude de cet instrument et la validité de son utilisation à l’égard des détenus autochtones adultes.

[15]           La PCL‑R est une liste de vingt traits de personnalité ou de comportement qui sont classés en deux groupes : le facteur 1 et le facteur 2.

[16]           Le facteur 1 comporte huit éléments, qui sont subdivisés en deux « facettes », soit la facette interpersonnelle et la facette affective (p. ex., « loquacité et charme superficiel » ou « affect superficiel »). Une note de 0, 1 ou 2 est attribuée aux sujets en ce qui a trait à l’absence ou à la présence possible ou réelle de chacun des traits de personnalité figurant sur la liste.

[17]           Le facteur 2 couvre neuf traits de personnalité et son évaluation donne lieu à l’attribution d’une note de 0 à 2 au sujet en ce qui a trait à la présence ou à l’absence de différents types de comportements passés. Il comporte également deux facettes appelées « Style de vie » et « Antisocialité » (p. ex., « apparition précoce de problèmes de comportement » ou « délinquance juvénile »).

[18]           Les variables des facteurs 1 et 2 sont évaluées selon la même pondération. La PCL‑R permet d’obtenir un résultat total en additionnant séparément les notes attribuées pour chacun des éléments des facteurs 1 et 2. Des pourcentages sont attribués à chaque facteur et un pourcentage moyen est calculé. De plus, un résultat numérique total est généré par l’addition des notes attribuées aux variables du facteur 1 et du facteur 2 et aux éléments qui ne sont pas inclus dans l’un ou l’autre de ces facteurs.

[19]           Il ressort de la preuve présentée que, lors de l’utilisation de la PCL‑R, il est nécessaire d’employer à la fois le facteur 1 et le facteur 2. Au fil des années, il est devenu de plus en plus évident que le facteur 1 comporte de sérieux problèmes de fiabilité, et ce facteur a été décrit comme « indésirable » en ce qui concerne son utilisation à l’égard des détenus autochtones. Toutefois, cette critique ne touche pas le facteur 2.

(2)               Le GERV et le GERDS

[20]           Le GERV et le GERDS sont des instruments actuariels conçus pour prédire la récidive violente. Ils permettent d’attribuer un pourcentage à la probabilité que le contrevenant commette une nouvelle infraction violente ou infraction sexuelle au cours d’une certaine période d’accès à la collectivité et de comparer le risque que représente le délinquant visé par l’évaluation par rapport aux autres contrevenants.

[21]           Les résultats de la PCL‑R sont intégrés dans le GERV et le GERDS, dont ils constituent les facteurs les plus fortement pondérés. J’accepte le témoignage de M. Hart (pour les motifs exposés ci‑dessous) selon lequel la valeur prédictive du GERV et du GERDS était imputable en majeure partie aux résultats de la PCL‑R.

(3)               Statique‑99

[22]           Le Statique‑99 est un instrument actuariel conçu pour estimer la probabilité de récidive d’infraction sexuelle ou violente chez les hommes qui ont été déclarés coupables d’au moins une infraction sexuelle. Cet instrument vise à mesurer le risque à long terme possible en évaluant un certain nombre de facteurs plutôt stables. Il est normalement administré dans le cadre d’une entrevue menée par des agents de probation et de libération conditionnelle, des gestionnaires de cas ou des professionnels de la santé mentale.

(4)               ERVDS

[23]           Cette échelle vise à évaluer le risque et à prédire la récidive sexuelle, à mesurer et à relier les changements attribuables aux traitements et à faire des liens entre ces changements et la récidive sexuelle et vise aussi à guider la prestation des traitements destinés aux délinquants sexuels. L’ERVDS comporte des facteurs tant statiques que dynamiques et génère des évaluations qualitatives et quantitatives des détenus. Elle est utilisée après le traitement d’un délinquant sexuel afin d’évaluer le succès de ce traitement.

III.             Preuve d’expert

[24]           Les parties ont présenté des rapports d’experts opposés. Pour des raisons qui deviendront évidentes, la Cour a accepté de façon générale le témoignage de M. Hart, qui a témoigné pour le demandeur, et a accordé peu d’importance au témoignage de Mme Rice, qui a témoigné pour la défenderesse. En plus d’être incompatible avec le rôle du SCC, le témoignage de Mme Rice était boiteux et empreint d’une conception étroite à un point tel qu’il n’était d’aucune utilité pour la Cour, ni même pour la défenderesse.

A.                Stephen Hart

[25]           M. Hart est professeur de psychologie à l’Université Simon Fraser de Burnaby, en Colombie‑Britannique, professeur de psychologie invité à l’Université de Bergen, en Norvège, et spécialiste en évaluation de la menace chez ProActive Re Solutions Inc à Vancouver. Il a été reconnu en qualité d’expert pour présenter son opinion dans les domaines de l’élaboration, de la conception, de l’application, de l’évaluation, de la validité et de la fiabilité des instruments actuariels et psychologiques qu’utilise le SCC, y compris la PCL‑R, le GERV, le GERDS, l’ERVDS et le Statique‑99 ainsi que leurs variantes.

[26]           Il a présenté un témoignage nuancé, objectif et crédible, même si la défenderesse lui a reproché de ne pas avoir cité d’études. Voici un résumé de son témoignage.

[27]           Les tests actuariels, comme ceux qui sont examinés en l’espèce, sont susceptibles d’être biaisés et influencés par quatre types de préjugés interculturels – l’écart conceptuel, l’écart structurel, l’écart métrique et l’écart de prédiction.

[28]           En raison des différences culturelles importantes qui séparent les Canadiens autochtones des non autochtones, il est plus probable qu’improbable que les tests actuariels examinés en l’espèce comportent un écart interculturel.

[29]           M. Hart ne parlait pas de M. Ewert en particulier. La Cour sait pertinemment que les liens culturels de celui‑ci avec ses origines autochtones ont également été influencés par le fait qu’il a grandi dans la banlieue de Surrey, dont la population est surtout de race blanche – ce qui est une situation bien différente de celle d’un Autochtone ayant grandi principalement dans un milieu autochtone.

[30]           M. Hart a reconnu que la culture est un concept subjectif mal défini qui se compose de la somme d’expériences, de croyances, de normes, de relations, familiales et autres, de structures et de valeurs partagées, et ainsi de suite. Bien qu’il soit difficile de la définir avec précision, la culture représente un concept indispensable.

L’appartenance à une culture ou à un sous‑groupe culturel est définie et évaluée en fonction de la participation ou de l’adhésion subjective d’une personne à cette culture ou à ce sous‑groupe.

[31]           Soulignons que M. Hart estime que, eu égard aux différences marquées entre les groupes autochtones et non autochtones, il n’appliquerait pas les résultats découlant de la PCL‑R, du GERV, du GERDS, du Statique‑99 ou de l’ERVDS aux Autochtones, y compris le demandeur.

[32]           M. Hart a présenté le type de témoignage nuancé que la Cour a jugé utile. Plutôt que de rejeter d’emblée ces tests actuariels, il a expliqué que la meilleure approche consistait à soumettre un délinquant autochtone à une évaluation clinique structurée dans le cadre de laquelle les renseignements obtenus à l’aide des tests en question seraient examinés de concert avec l’ensemble des circonstances connues au sujet du contrevenant.

[33]           Une des questions clés que soulève le présent litige réside dans l’importance des résultats de ces tests actuariels. Alors que M. Hart aurait tendance les utiliser avec prudence, dans le cadre d’une analyse contextuelle, Mme Rice, qui a témoigné pour la défenderesse, estimait que les résultats étaient déterminants. M. Motiuk a tenté d’en diminuer l’importance, mais l’expérience de M. Ewert montre que les résultats sont importants et ont une incidence sur les décisions touchant des aspects clés de son incarcération.

[34]           Au cours de son témoignage, M. Hart a expliqué qu’il existait trois façons de s’assurer qu’un test actuariel n’était empreint d’aucun préjugé interculturel, ce qui est important dans le cadre de l’examen des préoccupations que le demandeur a soulevées au sujet de la fiabilité de ces tests et de la réparation que la Cour pourrait ordonner :

1)                  une analyse factorielle confirmatoire (qui vise à confirmer si les facteurs semblent être les mêmes dans différents groupes);

2)                  une analyse métrique ou l’application de la théorie de la réponse à l’item (qui permet de savoir si les mêmes choses sont mesurées de la même façon);

3)                  une analyse prédictive (analyse de régression statistique visant à examiner les pentes et ordonnées à l’origine des relations statistiques).

[35]           Il n’est guère facile pour un particulier engagé dans un litige de mener ce type d’analyse. Eu égard au mandat que le législateur lui a confié et qui est commenté plus longuement ci‑dessous, c’est le SCC qui est le mieux placé pour le faire.

[36]           Aucune de ces formes d’analyse n’a été menée à l’égard des tests actuariels.

[37]           La seule étude menée au sujet de l’application de la PCL‑R aux détenus autochtones est l’étude Olver, publiée en 2013. L’étude Olver a été produite par Mme Rice, bien que ni celle‑ci ni aucun des autres témoins n’y ont participé ou n’en avaient une aucune connaissance directe. Même si l’étude Olver est peut‑être visée par l’exception à la règle du ouï‑dire dans le cas de la preuve d’expert, son importance en l’espèce est douteuse.

[38]           Selon l’étude Olver, la PCL‑R permettait d’obtenir des prédictions valides à l’égard des Autochtones. M. Hart a écarté cette étude, en raison de la petite taille de l’échantillon sur lequel elle portait et du fait qu’elle ne couvrait pas l’écart de prédiction du facteur 1, ce qui permet de douter de la validité des résultats totaux comme indicateurs du comportement ultérieur.

[39]           Dans son rapport, le professeur Olver a conclu, en se fondant sur les statistiques figurant dans l’étude, que la valeur prédictive de la PCL‑R en ce qui a trait à la récidive était attribuée principalement au facteur 2, tandis que le facteur 1 n’avait aucune valeur prédictive.

[40]           La question que soulève cette conclusion découle du fait que les variables tant du facteur 1 que du facteur 2 sont combinées et utilisées dans les résultats de la PCL‑R sur lesquels se fonde le SCC.

[41]           Dans son rapport d’expert, M. Hart a conclu que les tests actuariels ne sont pas suffisamment fiables dans le cas des Autochtones en raison du préjugé ou de l’écart culturel qu’ils comportent.

Mme Rice, le témoin expert de la défenderesse, n’a pas réfuté les éléments essentiels du rapport de M. Hart.

B.                 Marnie Rice

[42]           Mme Rice est psychologue clinicienne, chercheuse et professeure de psychologie et de psychiatrie. Elle a travaillé pendant plus de 39 ans au Waypoint Centre for Mental Health Care (auparavant le Mental Health Centre Penetanguishene) comme psychologue clinicienne et chercheuse.

[43]           De l’avis de Mme Rice, les tests actuariels en cause constituent un instrument prédictif fiable et valable en ce qui concerne le risque de récidive. Mme Rice estimait que le jugement clinique était manifestement inférieur aux instruments d’évaluation attaqués et que rien ne permettait de dire que ceux‑ci étaient empreints d’un préjugé culturel.

[44]           Le témoignage de Mme Rice était problématique à plusieurs égards. C’était peut‑être la première fois qu’elle témoignait en qualité d’expert; cependant, c’est le contexte de son témoignage qui était troublant.

[45]           Le demandeur s’est opposé au témoignage de Mme Rice, parce qu’elle a omis de mentionner dans son rapport, comme l’exige l’alinéa 3k) du Code de déontologie régissant les témoins experts, qu’elle était l’un des auteurs du GERV et du GERDS. Elle était au courant de cette obligation. La seule explication qu’elle a donnée au sujet de cette omission est le fait qu’elle pensait que sa contribution était évidente, parce que son nom de famille est associé à ces tests.

Cependant, eu égard à l’ensemble des documents présentés en l’espèce, cette explication est surprenante aux yeux de la Cour.

[46]           Malgré l’objection du demandeur, qui a invoqué à cet égard le jugement que la Cour suprême du Canada a rendu dans l’affaire White Burgess Langille Inman c Abbott and Haliburton Co., 2015 CSC 23, la Cour a admis en l’espèce le témoignage de Mme Rice en précisant que l’intérêt et la confiance de celle‑ci à l’égard des tests en question seraient pris en compte dans le poids qui serait accordé à son témoignage. Si le témoignage de Mme Rice avait été radié, la défenderesse n’aurait eu aucun autre témoignage d’expert à présenter à la Cour.

[47]           Finalement, le témoignage de Mme Rice n’a été guère utile, surtout pour la défenderesse. Il n’est pas nécessaire de citer quelques‑unes des remarques les plus équivoques de Mme Rice au sujet des raisons politiques qui sous‑tendent l’utilisation des tests scientifiques. Cependant, elle estimait que les résultats des tests étaient fiables et immuables et que les divers programmes de réadaptation offerts par le SCC constituaient simplement des distractions ou offraient aux détenus des activités auxquelles ils pouvaient s’adonner pour meubler leur temps pendant leur détention. À cet égard, son témoignage et la thèse centrale sur laquelle il repose vont à l’encontre de la mission d’origine législative et des objectifs opérationnels du SCC.

[48]           Le point de vue absolutiste de Mme Rice au sujet de la valeur des résultats des tests est difficilement acceptable. La Cour préfère l’avis plus nuancé de M. Hart.

[49]           Mme Rice s’est fondée en grande partie sur le rapport Dempsey de 2002 pour soutenir que le GERV et le GERDS étaient fiables en ce qui a trait aux détenus autochtones. Ce rapport était un mémoire de maîtrise non publié de l’Université de Leicester, qui comportait peu de points de données concernant les Autochtones et dont la valeur prédictive était très faible. En fait, Mme Rice a désavoué les éléments narratifs et analytiques du document, mais accepté les résultats numériques. Cette utilisation sélective du rapport affaiblit la valeur de l’opinion qu’elle avance.

[50]           Mme Rice s’est également fondée sur l’étude Olver, dont il a été question précédemment, pour affirmer que la PCL‑R était aussi fiable pour les détenus autochtones que pour les autres détenus. Cependant, l’étude Olver montre que les résultats obtenus pour le facteur 1 de la PCL‑R ne permettent pas de prédire de façon fiable la récidive chez les détenus autochtones – le facteur 1 étant considéré comme « indésirable ». En fait, les résultats obtenus pour le facteur 2 ont une valeur prédictive inférieure dans le cas des détenus autochtones comparativement aux autres détenus.

[51]           À cet égard, le témoignage de Mme Rice s’apparente davantage à celui de M. Hart en ce qui a trait au facteur 1. Fait important à souligner, Mme Rice estimait que, pour employer la PCL‑R, il fallait utiliser le facteur 1 et le facteur 2 ensemble. Compte tenu des faiblesses du facteur 1, il est difficile de voir comment la combinaison d’un élément non fiable avec un élément moins fiable permet de croire en la valeur prédictive du résultat. Mme Rice n’a pas expliqué cette incohérence.

[52]           La Cour conclut que le témoignage de Mme Rice en l’espèce ne peut être accepté, sauf lorsqu’il est compatible avec celui de M. Hart. En conséquence, une importance minime peut être accordée au témoignage de Mme Rice.

[53]           En résumé, la Cour préfère et accepte le témoignage de M. Hart selon lequel les tests actuariels ne permettent pas de bien prédire la récidive chez les Autochtones et sont empreints d’un préjugé culturel.

[54]           L’importance de ces tests pour la situation de M. Ewert est évidente. Étant donné que le facteur 1 de la PCL‑R n’est pas fiable, les résultats découlant de l’utilisation de la PCL‑R pour évaluer le facteur 1 chez M. Ewert (soit 100 % et 98 %) ne sont pas fiables non plus.

Il importe par ailleurs de préciser que, étant donné que les résultats du test administré à M. Ewert s’élevaient à 51 % et à 61 % dans le cas du facteur 2, le demandeur est un détenu « normal ou moyen » selon ce facteur.

[55]           Il s’ensuit que, lorsque seul le facteur 1 est pris en compte, les résultats ont pour effet de classer M. Ewert au plus haut niveau de psychopathie. Cependant, lorsque les facteurs 1 et 2 sont combinés, M. Ewert présente un risque allant de modéré à élevé et dépasse le seuil de désignation d’un individu comme psychopathe.

[56]           Il appert de la preuve d’expert que les résultats des tests ne devraient pas à eux seuls être considérés comme des données fiables. La prochaine question à examiner concerne la mesure dans laquelle ces tests ont été utilisés à l’endroit de M. Ewert et les répercussions de cette utilisation sur sa situation.

C.                 Utilisation

[57]           Tel qu’il est mentionné plus haut, M. Ewert avait obtenu des résultats élevés pour le facteur 1 de la PCL‑R et des résultats moyens pour le facteur 2. Le SCC s’est fondé pendant plus de 20 ans sur ces résultats, qui étaient destinés à être utilisés par les décideurs du SCC et l’ont effectivement été. Les principaux rapports psychologiques et leurs répercussions sont résumés ci‑dessous selon le nom du psychologue :

a)                  O’Mahoney – août 1995 : il s’agit du premier rapport par suite duquel M. Ewert a été classé au 100e percentile pour le facteur 1 de la PCL‑R et au 51e percentile pour le facteur 2. Le résultat du facteur 1 correspondait au plus haut niveau de psychopathie, pour lequel des traitements majeurs étaient nécessaires.

b)                  Kim/Boer – août 1999 : ce test a donné lieu à des résultats similaires à ceux du rapport O’Mahoney, M. Ewert ayant été classé respectivement aux 98e et 61e percentiles pour les facteurs 1 et 2 de la PCL‑R. Selon l’explication donnée à M. Ewert, ces résultats ne constituaient pas un diagnostic de psychopathie en soi, mais un instrument quantitatif permettant d’évaluer le risque de récidive.

c)                  Brink – septembre 1999 : Brink a conclu, en se fondant sur le rapport Kim/Boer et sur son propre test PCL‑R (dont les données n’ont pu être trouvées), que M. Ewert présentait d’[traduction« importants traits psychopathiques ». Contrairement à Kim, qui était d’avis que les résultats étaient uniquement quantitatifs, Brink a décrit les résultats en termes qualitatifs, estimant qu’ils étaient révélateurs au sujet de la personnalité de M. Ewert.

d)                 Alexander – décembre 2001 : bien qu’il soit un peu marginal, ce rapport du programme pour les délinquants sexuels de Clearwater montre que les résultats ont des répercussions sur la vie du contrevenant. Alexander n’a pas administré le test de l’échelle PCL‑R, mais plutôt celui de l’ERVDS. À son avis, M. Ewert présentait un risque de récidive allant de faible à modéré. Pendant sa participation au programme de Clearwater, M. Ewert a été accusé par un autre patient d’avoir des comportements déplacés. Les accusations se sont finalement révélées fausses. Cependant, le personnel du SCC n’a pas cru M. Ewert en raison du résultat que celui‑ci avait obtenu lors de l’administration du test de la PCL‑R, ce qui a eu des répercussions défavorables sur sa participation au programme. Le résultat élevé en question a influencé l’opinion du personnel du SCC au sujet de M. Ewert et l’a incité à conclure que celui‑ci était manipulateur, contrôlant, dur et trompeur, soit des traits qui caractérisent le plus souvent les psychopathes.

e)                  Nadeau – 2003 : il s’agit là de la plus récente évaluation psychologique. En se fondant sur les résultats des tests administrés par O’Mahoney et Kim/Boer, Nadeau a conclu que les résultats de la PCL‑R permettaient de bien prédire la récidive et que, d’après les résultats élevés en question, M. Ewert présentait un risque de récidive allant de modéré à élevé. Cette conclusion est bien différente de celle du rapport Alexander.

[58]           Il appert de la preuve que les psychologues et le SCC se fondent sur les résultats des tests actuariels. Les résultats ont de l’importance. Les résultats initiaux qu’avait obtenus O’Mahoney ont suivi M. Ewert tout au long de son incarcération. Le résultat est semblable à une inscription obtenue par marquage : il est difficile de l’effacer. Ce n’est pas surprenant, étant donné que tous les types d’établissements de la société utilisent des résultats de tests qui ont tendance à suivre l’intéressé tout au long de la période qu’il passe dans l’établissement concerné. Ainsi, l’enfant qui est classé comme un enfant « talentueux » ou un enfant ayant des « besoins spéciaux » par suite des tests de QI qu’il passe au cours de ses premières années de fréquentation scolaire conserve le plus souvent la même classification tout au long de la période au cours de laquelle il fréquente l’établissement. Dans la présente affaire, les résultats ont de l’importance.

D.                Répercussions

[59]           Bien que les résultats soient importants, ils ne constituent pas toujours le facteur déterminant d’une décision. Toutefois, ils représentent un facteur contributif important – dont le poids varie cependant d’une situation à l’autre – des décisions prises par les responsables des établissements.

[60]           En ce qui concerne la libération conditionnelle, la Commission des libérations conditionnelles autorisera la libération conditionnelle si elle est d’avis qu’une récidive du délinquant ne présentera pas un « risque inacceptable pour la société ». Dans le seul rapport préparé par le SCC au sujet de la libération conditionnelle de M. Ewert, l’auteur s’est fondé sur les résultats de la PCL‑R pour conclure que le demandeur présentait un risque inacceptable pour la société.

Le demandeur a expliqué qu’il avait renoncé aux audiences de libération conditionnelle parce que, en raison des résultats élevés des tests qui lui avaient été administrés, il était probable que la demande serait rejetée et qu’il lui serait ensuite difficile, voire impossible, d’avoir plus de succès avec de nouvelles demandes. Cette explication semble logique dans les circonstances.

[61]           La cote de sécurité du détenu constitue un aspect important de la vie carcérale. Cette cote de sécurité est fondée sur une évaluation des éléments suivants : 1) l’adaptation au milieu carcéral; 2) le risque d’évasion et 3) le risque pour la sécurité publique. Pour avoir une cote de sécurité minimale, le détenu doit obtenir un résultat peu élevé lors de l’évaluation de chacun de ces trois aspects. Le risque de comportement violent constitue un facteur très important aux fins de cette évaluation.

[62]           M. Ewert s’est vu attribuer la cote de sécurité moyenne ou maximale en ce qui concerne le risque qu’il présente pour la sécurité publique. Toutes ces cotes reposent sur l’évaluation psychologique, laquelle est fondée en partie sur les résultats des tests actuariels. Il en est ainsi, par exemple, pour les réévaluations de la cote de sécurité de 2003, 2005, 2010(2), 2012 et 2014.

[63]           La défenderesse fait valoir que l’échelle de classement par niveau de sécurité [l’ECNS] de M. Ewert n’est pas fondée sur ces résultats de tests et que les problèmes du demandeur découlent de l’ECNS, et non de la cote de sécurité. Cependant, étant donné que ces résultats ont été utilisés de façon répétée pour l’évaluation du risque pour la sécurité publique, il est difficile de croire qu’ils ne jouent aucun rôle ou ne jouent qu’un rôle mineur dans l’évaluation de ce dernier risque. Si les résultats n’étaient pas importants, il y aurait lieu de se demander pourquoi ils apparaissent constamment dans les décisions du SCC.

[64]           Le dernier exemple des répercussions de l’évaluation du risque psychologique au cours de l’incarcération du demandeur réside dans le refus d’autoriser des permissions de sortir avec escorte [PSAE]. À l’instar des décisions relatives à la libération conditionnelle, les décisions concernant les PSAE sont fondées sur l’examen, par le directeur de l’établissement, du risque inacceptable pour la société que le détenu présente pendant sa sortie.

[65]           Il appert d’un examen des documents que M. Ewert a présentés en preuve à l’égard des décisions portant rejet de ses demandes de PSAE qu’à au moins trois occasions, la décision était fondée sur les résultats des tests actuariels ainsi que sur la ventilation détaillée des résultats en question.

[66]           Le demandeur soutient que les résultats actuariels générés par la PCL‑R, le GERV, le GERDS et le Statique‑99 expliquent en partie le rejet de ses demandes de PSAE.

E.                 Larry Motiuk

[67]           L’autre témoin de la défenderesse, M. Larry Motiuk, était l’ancien directeur général de la Direction de la recherche du SCC et est actuellement le commissaire adjoint du Secteur des politiques. Il possédait des connaissances spécialisées au sujet des politiques du SCC, notamment en ce qui concerne les cotes de sécurité.

[68]           Son témoignage a porté sur la nature générale des décisions du SCC et sur les effets des instruments d’évaluation, y compris la PCL‑R. M. Motiuk a expliqué de façon assez détaillée le fonctionnement du système de classement selon le niveau de sécurité, y compris l’ECNS et l’échelle de réévaluation du niveau de sécurité [l’ERNS], et a dit qu’aucune des échelles ne tenait compte des résultats obtenus par un délinquant lors de l’utilisation d’un outil d’évaluation donné, ni n’était influencée par ces résultats.

Le témoignage de M. Motiuk a été utile à cet égard; cependant, la question de l’utilisation de ces instruments d’évaluation va au‑delà des résultats découlant de l’ECNS et de l’ERNS.

[69]           Malgré ce qui ressort de l’ensemble de son témoignage, M. Motiuk a admis que les résultats des tests actuariels administrés aux détenus constituaient un facteur que le décideur concerné devait prendre en compte pour déterminer la cote de sécurité globale du délinquant.

[70]           Bien que M. Motiuk ait tenté de diminuer le rôle des tests actuariels, son point de vue allait à l’encontre du témoignage de M. Hart selon lequel les autorités du SCC avaient l’habitude d’utiliser les résultats des tests actuariels administrés aux détenus autochtones pour évaluer le risque de violence et la psychopathie. Je préfère le témoignage de M. Hart, parce que, sans vouloir critiquer M. Motiuk, j’estime que M. Hart a une plus grande connaissance de l’expérience réelle vécue au sein des établissements et est plus objectif.

[71]           M. Motiuk a également commenté la fonction de recherche au SCC et l’absence de recherche concernant les instruments d’évaluation en litige en l’espèce. Il a transféré la responsabilité relative à ces instruments aux psychologues dont le SCC retenait les services, transfert que n’appuie pas le texte législatif.

Il a reconnu que le SCC avait mené des recherches au sujet des instruments qu’il utilisait, y compris l’Échelle d’information statistique sur la récidive (échelle d’ISR) ainsi que l’ECNS et l’ERNS (mentionnées précédemment). Il a précisé que les recherches concernant les instruments d’évaluation étaient possibles, mais comportaient certaines difficultés. M. Motiuk a semblé laisser entendre que l’abandon de ces tests actuariels ne représenterait pas un grand problème pour les administrateurs de prison.

[72]           En ce qui concerne les recherches, M. Motiuk a parlé de plans de recherche non exécutés en raison de contraintes budgétaires. Il n’y a aucun élément de preuve montrant que le SCC a mené la recherche dont le juge Beaudry avait fait mention dans le jugement Ewert c Canada (Procureur général), 2007 CF 13, 306 FTR 234, et que la Cour d’appel fédérale envisageait dans l’appel interjeté à l’égard de la décision du juge Beaudry (Ewert c Canada (Procureur général), 2008 CAF 285, 382 NR 370).

[73]           M. Motiuk était conscient des préoccupations concernant la possibilité que les instruments d’évaluation soient empreints d’un préjugé culturel. Le SCC n’utilise pas son ISGR (Information statistique générale sur la récidive) à l’endroit des délinquants autochtones précisément pour cette raison.

[74]           Dans le contexte des recherches, depuis 2000, la fiabilité de ces instruments d’évaluation est contestée dans le cas des délinquants autochtones. L’interdiction visant l’utilisation de l’ISGR constitue un signe de reconnaissance de l’existence d’un préjugé culturel. D’autres pays, comme le Royaume‑Uni, les États‑Unis et l’Australie, ont mené des recherches pour s’assurer que leurs instruments d’évaluation psychologique sont fiables dans les cas des minorités culturelles.

F.                  Résumé

[75]           Le demandeur a établi que les instruments d’évaluation et les tests actuariels sont susceptibles d’être empreints d’un préjugé culturel et que, par conséquent, ils ne sont pas fiables. Il a également établi que ces tests sont utilisés pour la prise de décisions et constituent un facteur ayant contribué aux décisions qui ont eu des répercussions défavorables sur son incarcération.

IV.             Analyse

A.                Questions en litige

[76]           Le demandeur a formulé son allégation principalement comme une allégation de violation de la Charte – notamment les articles 7 et 15 – causée par l’utilisation des instruments d’évaluation psychologique susmentionnés.

Le demandeur a ajouté que la présente affaire portait sur la violation d’une obligation fiduciaire existant envers un délinquant autochtone (ou envers l’ensemble des délinquants autochtones).

[77]           En toute déférence, j’estime que la présente affaire concerne d’abord et avant tout un manquement à une obligation d’origine législative. Les questions relatives à la Charte et à l’obligation fiduciaire seront examinées par souci d’exhaustivité.

B.                 Obligation d’origine législative

[78]           Le point de départ de l’analyse de cette question est l’article 3 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992 ch 20 [la Loi], qui énonce l’objet et les principes du texte législatif :

3. Le système correctionnel vise à contribuer au maintien d’une société juste, vivant en paix et en sécurité, d’une part, en assurant l’exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines, et d’autre part, en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois.

3. The purpose of the federal correctional system is to contribute to the maintenance of a just, peaceful and safe society by

(a) carrying out sentences imposed by courts through the safe and humane custody and supervision of offenders; and

(b) assisting the rehabilitation of offenders and their reintegration into the community as law‑abiding citizens through the provision of programs in penitentiaries and in the community.

3.1 La protection de la société est le critère prépondérant appliqué par le Service dans le cadre du processus correctionnel.

3.1 The protection of society is the paramount consideration for the Service in the corrections process.

[79]           Le SCC est régi par certains principes énoncés à l’article 4, dont l’alinéa g) est particulièrement pertinent :

4. Le Service est guidé, dans l’exécution du mandat visé à l’article 3, par les principes suivants :

4. The principles that guide the Service in achieving the purpose referred to in section 3 are as follows:

a) l’exécution de la peine tient compte de toute information pertinente dont le Service dispose, notamment les motifs et recommandations donnés par le juge qui l’a prononcée, la nature et la gravité de l’infraction, le degré de responsabilité du délinquant, les renseignements obtenus au cours du procès ou de la détermination de la peine ou fournis par les victimes, les délinquants ou d’autres éléments du système de justice pénale, ainsi que les directives ou observations de la Commission des libérations conditionnelles du Canada en ce qui touche la libération;

(a) the sentence is carried out having regard to all relevant available information, including the stated reasons and recommendations of the sentencing judge, the nature and gravity of the offence, the degree of responsibility of the offender, information from the trial or sentencing process, the release policies of and comments from the Parole Board of Canada and information obtained from victims, offenders and other components of the criminal justice system;

b) il accroît son efficacité et sa transparence par l’échange, au moment opportun, de renseignements utiles avec les victimes, les délinquants et les autres éléments du système de justice pénale ainsi que par la communication de ses directives d’orientation générale et programmes correctionnels tant aux victimes et aux délinquants qu’au public;

(b) the Service enhances its effectiveness and openness through the timely exchange of relevant information with victims, offenders and other components of the criminal justice system and through communication about its correctional policies and programs to victims, offenders and the public;

c) il prend les mesures qui, compte tenu de la protection de la société, des agents et des délinquants, ne vont pas au‑delà de ce qui est nécessaire et proportionnel aux objectifs de la présente loi;

(c) the Service uses measures that are consistent with the protection of society, staff members and offenders and that are limited to only what is necessary and proportionate to attain the purposes of this Act;

d) le délinquant continue à jouir des droits reconnus à tout citoyen, sauf de ceux dont la suppression ou la restriction légitime est une conséquence nécessaire de la peine qui lui est infligée;

(d) offenders retain the rights of all members of society except those that are, as a consequence of the sentence, lawfully and necessarily removed or restricted;

e) il facilite la participation du public aux questions relatives à ses activités;

(e) the Service facilitates the involvement of members of the public in matters relating to the operations of the Service;

f) ses décisions doivent être claires et équitables, les délinquants ayant accès à des mécanismes efficaces de règlement de griefs;

(f) correctional decisions are made in a forthright and fair manner, with access by the offender to an effective grievance procedure;

g) ses directives d’orientation générale, programmes et pratiques respectent les différences ethniques, culturelles et linguistiques, ainsi qu’entre les sexes, et tiennent compte des besoins propres aux femmes, aux autochtones, aux personnes nécessitant des soins de santé mentale et à d’autres groupes;

(g) correctional policies, programs and practices respect gender, ethnic, cultural and linguistic differences and are responsive to the special needs of women, aboriginal peoples, persons requiring mental health care and other groups;

h) il est attendu que les délinquants observent les règlements pénitentiaires et les conditions d’octroi des permissions de sortir, des placements à l’extérieur, des libérations conditionnelles ou d’office et des ordonnances de surveillance de longue durée et participent activement à la réalisation des objectifs énoncés dans leur plan correctionnel, notamment les programmes favorisant leur réadaptation et leur réinsertion sociale;

(h) offenders are expected to obey penitentiary rules and conditions governing temporary absences, work release, parole, statutory release and long‑term supervision and to actively participate in meeting the objectives of their correctional plans, including by participating in programs designed to promote their rehabilitation and reintegration; and

i) il veille au bon recrutement et à la bonne formation de ses agents, leur offre de bonnes conditions de travail dans un milieu exempt de pratiques portant atteinte à la dignité humaine, un plan de carrière avec la possibilité de se perfectionner ainsi que l’occasion de participer à l’élaboration des directives d’orientation générale et programmes correctionnels.

(i) staff members are properly selected and trained and are given

(i) appropriate career development opportunities,

(ii) good working conditions, including a workplace environment that is free of practices that undermine a person’s sense of personal dignity, and

(iii) opportunities to participate in the development of correctional policies and programs.

[Emphasis added]

[80]           Ces principes sont étoffés dans d’autres dispositions de la Loi. L’article 24 a une importance vitale pour les questions à trancher en l’espèce.

24. (1) Le Service est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu’il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets.

24. (1) The Service shall take all reasonable steps to ensure that any information about an offender that it uses is as accurate, up to date and complete as possible.

(2) Le délinquant qui croit que les renseignements auxquels il a eu accès en vertu du paragraphe 23(2) sont erronés ou incomplets peut demander que le Service en effectue la correction; lorsque la demande est refusée, le Service doit faire mention des corrections qui ont été demandées mais non effectuées.

(2) Where an offender who has been given access to information by the Service pursuant to subsection 23(2) believes that there is an error or omission therein,

(a) the offender may request the Service to correct that information; and

(b) where the request is refused, the Service shall attach to the information a notation indicating that the offender has requested a correction and setting out the correction requested.

[Non souligné dans l’original.]

[81]           En se fondant sur des tests douteux et en omettant de s’assurer que les tests étaient fiables, le SCC n’a pas veillé, « dans la mesure du possible », à ce que les renseignements qu’il utilise concernant M. Ewert (ou peut‑être d’autres détenus autochtones) soient à jour, exacts et complets.

[82]           Il n’est pas nécessaire, à cet égard, que le demandeur établisse de façon définitive que les tests sont empreints d’un préjugé; il suffit qu’il soulève un doute raisonnable quant à leur fiabilité conformément aux exigences législatives susmentionnées. La question à trancher est de savoir si, par son inaction, le SCC a manqué à l’obligation qu’il avait de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu’il utilise soient à jour, exacts et complets, notamment au regard de la contestation du demandeur, des mesures prises dans d’autres pays et de sa propre décision de ne pas utiliser un test similaire.

[83]           Il faut répondre par la négative à cette question, qui se pose depuis longtemps. Elle n’a pas été résolue et la défenderesse n’a nullement confirmé, par la preuve qu’elle a présentée en l’espèce, qu’elle s’était conformée à son obligation dans la mesure du possible.

[84]           Il ne s’agit pas d’une question qui a échappé par inadvertance à l’attention du SCC. C’est une question qui se pose depuis 2000, qui est depuis tout ce temps sur l’écran radar du SCC et qui a fait l’objet de décisions judiciaires dans lesquelles la Cour envisageait la réalisation d’un type similaire de recherche de confirmation. Il est temps de résoudre la question.

[85]           En conséquence, la Cour conclut que le SCC ne s’est pas conformé à l’obligation qui lui incombait au titre du paragraphe 24(1) de la Loi. La réparation vise à corriger ce manquement.

C.                 Obligation fiduciaire

[86]           Même si M. Ewert est un Autochtone, le SCC n’a pas une obligation fiduciaire globale envers lui. Bien qu’il puisse y avoir une relation de nature fiduciaire entre le gouvernement et les Autochtones, cette relation n’équivaut pas à une obligation fiduciaire. C’est particulièrement le cas en raison des différentes obligations existant envers d’autres, y compris celle d’assurer la sécurité du public, comme l’exige la loi (Manitoba Metis Federation Inc c Canada (Procureur général), 2013 CSC 14, aux paragraphes 46 à 64, [2013] 1 RCS 623).

D.                Article 7 de la Charte

[87]           Dans des arrêts comme Carter c Canada (Procureur général), 2015 CSC 5, [2015] 1 RCS 331 [Carter], la Cour suprême du Canada a énoncé un critère à deux volets à appliquer pour faire la preuve d’une violation de l’article 7 :

1)                  l’utilisation [en l’espèce, des instruments d’évaluation] porte atteinte à un droit du demandeur protégé par l’article 7 (droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne);

2)                  la privation en cause n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale.

[88]           Le droit à la liberté et le droit à la sécurité de la personne sont en cause parce que les instruments d’évaluation sont utilisés de façon à restreindre ou à miner le droit à la liberté du demandeur. Les décideurs utilisent les instruments d’évaluation non pas simplement dans le cadre du processus de classement selon le niveau de sécurité par suite duquel le degré de liberté dont M. Ewert bénéficie à l’intérieur de l’établissement peut changer, mais également lors de la prise des décisions concernant la sortie de prison.

[89]           En raison des répercussions défavorables qu’ils ont sur les demandes de PSAE, qui visent à autoriser une absence temporaire de la prison, et du fait qu’ils rendent quasi impossible l’obtention de la libération conditionnelle, les instruments d’évaluation portent atteinte au droit à la liberté du demandeur.

[90]           La défenderesse soutient que le lien de cause à effet entre ces atteintes et l’utilisation des instruments d’évaluation est inexistant ou insuffisant. Cependant, ainsi qu’il en a été décidé dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Bedford, 2013 CSC 72, [2013] 3 RCS 1101 [Bedford], il n’est pas nécessaire que la mesure reprochée (l’utilisation des instruments d’évaluation) soit la principale cause du préjudice.

[91]           Tel qu’il est exposé dans le résumé du contexte factuel, les résultats des instruments d’évaluation ont joué un rôle qui a, à tout le moins, contribué aux décisions défavorables. Il est vrai que le comportement de M. Ewert lui‑même a parfois été une autre cause à l’origine de ces décisions; cependant, les instruments d’évaluation ont toujours joué un rôle important, que ce soit de manière directe ou indirecte.

[92]           Nul ne peut ignorer non plus les répercussions découlant de l’attribution de l’étiquette de psychopathe sur le droit du demandeur à la « sécurité de la personne ». Les circonstances entourant l’attribution de cette étiquette et les répercussions de celle‑ci sont décrites dans le résumé du contexte factuel.

[93]           Le demandeur fait valoir que les atteintes reprochées aux droits que protège l’article 7 de la Charte ne sont pas conformes aux principes de justice fondamentale, parce que l’utilisation des instruments d’évaluation va à l’encontre des principes de justice fondamentale suivants : a) le principe de la portée excessive; b) le principe du caractère arbitraire; c) le principe de la parité ou de l’égalité et d) le principe de la convention d’origine législative/primauté du droit.

[94]           L’utilisation des instruments d’évaluation au cours du processus décisionnel soulève l’application des principes de la portée excessive et du caractère arbitraire, qui sont des principes de justice fondamentale importants.

[95]           Ainsi qu’il en a été décidé dans l’arrêt Bedford, ces deux concepts demeurent distincts, malgré le chevauchement qui existe entre eux. Leur caractéristique commune réside dans l’absence de lien entre l’objectif de l’acte de l’État contesté et l’atteinte à l’article 7.

[96]           M. Motiuk a décrit avec précision l’objet des décisions du SCC et de l’évaluation du risque, soit [traduction« prédire le risque de récidive d’un délinquant de façon aussi précise que possible afin d’assurer la sécurité du public ». L’objet est renforcé par le paragraphe 24(1) de la Loi.

E.                 Portée excessive

[97]           Dans l’arrêt Bedford, le juge en chef de la Cour suprême du Canada a expliqué la notion de portée excessive en ces termes :

[112]    Il y a portée excessive lorsqu’une disposition s’applique si largement qu’elle vise certains actes qui n’ont aucun lien avec son objet. La disposition est alors en partie arbitraire. Essentiellement, la situation en cause est celle où il n’existe aucun lien rationnel entre les objets de la disposition et certains de ses effets, mais pas tous. Par exemple, dans Demers, le texte législatif en cause exigeait que l’accusé inapte comparaisse périodiquement devant la commission d’examen. Il n’était dissocié de son objet que dans la mesure où il s’appliquait à un accusé inapte en permanence; ses effets étaient liés à l’objet dans le cas de l’accusé temporairement inapte.

[113]  L’application de la notion de portée excessive permet au tribunal de reconnaître qu’une disposition est rationnelle sous certains rapports, mais que sa portée est trop grande sous d’autres. Malgré la prise en compte de la portée globale de la disposition, l’examen demeure axé sur l’intéressé et sur la question de savoir si l’effet sur ce dernier a un lien rationnel avec l’objet. Par exemple, lorsqu’une disposition est rédigée de manière générale et vise des comportements qui n’ont aucun lien avec son objet afin de faciliter son application, il n’y a pas non plus de lien entre l’objet de la disposition et son effet sur l’intéressé. Faciliter l’application pourrait justifier la portée excessive d’une disposition suivant l’article premier de la Charte.

[Souligné dans l’original.]

[98]           Même s’il n’y a aucun élément de preuve établissant que l’utilisation de ces instruments par le SCC n’est pas raisonnable dans le cas des détenus non autochtones, leur utilisation à l’égard des détenus autochtones va à l’encontre de l’objet visé, parce que des tests non fiables donnent vraisemblablement lieu à des évaluations non fiables du risque pour la sécurité publique.

[99]           Selon les témoignages présentés, surtout celui de M. Hart, il n’y a aucun élément de preuve montrant que les résultats et les conclusions découlant des instruments d’évaluation (notamment la PCL‑R) permettent de prédire le risque de récidive chez les délinquants autochtones de façon aussi précise ou fiable que dans le cas des délinquants non autochtones. Même Mme Rice a admis qu’il existait suffisamment de raisons de conclure que les résultats actuariels étaient moins fiables en ce qui a trait aux détenus autochtones. Elle a également soulevé la question des résultats non fiables du facteur 1.

[100]       Le demandeur a établi que les résultats de la PCL‑R ne devraient pas être pris en compte dans le cas des délinquants autochtones pour les raisons suivantes :

                     l’existence probable d’un préjugé interculturel;

                     l’absence d’élément de preuve ou de recherche montrant que les résultats de la PCL‑R sont valides dans le cas des Autochtones;

                     le fait que la PCL‑R a été conçue en fonction d’une population principalement blanche et est susceptible de comporter un écart conceptuel. Mme Rice elle‑même a utilisé la PCL‑R en présumant que, étant donné que l’échantillon du test couvrait une large population, il comportait infailliblement un contenu autochtone.

[101]       Il est indéniable que les instruments d’évaluation ont été utilisés sans réserve ou circonspection, malgré les préoccupations soulevées depuis longtemps au sujet de leur fiabilité.

[102]       En conséquence, l’utilisation continue des instruments d’évaluation a une portée qui dépasse l’objet du texte législatif et les responsabilités décisionnelles du SCC.

F.                  Caractère arbitraire

[103]       Ainsi qu’il en a été décidé dans l’arrêt Bedford, la question du caractère arbitraire se pose lorsqu’il n’y a aucun lien entre l’objet de l’acte de l’État contesté et ses répercussions sur l’intéressé.

L’utilisation sans réserve, par le SCC, des instruments d’évaluation du risque à l’endroit des détenus autochtones en l’absence de données établissant leur validité prédictive est incompatible avec l’objectif qui consiste à prédire le risque avec précision, ou n’est pas nécessaire pour atteindre cet objectif.

[104]       Le facteur 1 de la PCL‑R a été décrit comme un facteur « indésirable ». Mme Rice a admis les problèmes liés à la fiabilité des résultats de la PCL‑R.

[105]       Au cours des plaidoiries, la défenderesse a reconnu que l’utilisation continue de la PCL‑R malgré les problèmes que comporte le facteur 1 serait arbitraire, s’il était jugé que le facteur 1 était « indésirable ». L’utilisation de facteurs inadéquats pour prendre des décisions qui touchent des droits protégés par l’article 7 est manifestement arbitraire.

G.                Commentaires généraux

[106]       Le demandeur demande à la Cour de reconnaître la parité à titre de principe de justice fondamentale protégé par l’article 7 au même titre que l’égalité réelle. À mon avis, il n’est pas nécessaire d’aller aussi loin pour trancher la présente affaire et rendre justice.

La Cour suprême du Canada a refusé de le faire dans l’arrêt Carter et je suivrai son exemple.

[107]       Le demandeur soutient également qu’il y a violation des principes de justice fondamentale, parce que l’utilisation des instruments d’évaluation par le SCC va à l’encontre de l’alinéa 4g) et du paragraphe 24(1) de la Loi. Il invoque l’arrêt R c Chambers, 2014 YKCA 13, au paragraphe 74, pour faire valoir que l’inobservation d’une directive législative expresse peut constituer une violation d’un principe de justice fondamentale.

[108]       Le demandeur a peut‑être raison, surtout lorsque l’inobservation en question ne conduit pas à une réparation satisfaisante. Cependant, il n’est pas nécessaire de trancher cette question, si intéressante soit‑elle. La réparation que la Cour peut ordonner et ordonnera est la même, qu’il s’agisse de la violation d’un texte législatif ou de la Charte.

[109]       En toute déférence, je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire de mener une analyse fondée sur l’article 15. Les faits mis en preuve en l’espèce ne sont pas suffisamment étoffés pour permettre l’analyse nuancée qu’exige l’article 15.

[110]       Je souligne que la défenderesse n’a pas établi l’existence d’une justification fondée sur l’article premier relativement à une violation de la Charte. Selon le critère établi dans l’arrêt Oakes (R c Oakes, [1986] 1 RCS 103), il est difficile de voir en quoi l’utilisation d’instruments d’évaluation dont la fiabilité est douteuse (au mieux) favorise la réalisation d’un objectif urgent et réel. Ce serait plutôt le contraire.

[111]       Dans le même ordre d’idées, eu égard aux problèmes que comportent les instruments d’évaluation, il est difficile de voir un lien rationnel entre l’utilisation de données douteuses et l’objectif de la sécurité publique. Le même type de critique vaut également pour ce qui est de l’atteinte minimale et des effets préjudiciables.

[112]       La défenderesse n’a pas établi que l’utilisation de données déficientes satisfaisait aux exigences de l’article premier, malgré la possibilité que la violation d’un principe de justice fondamentale protégé par l’article 7 constitue une limite dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

V.                Conclusion

[113]       La Cour en arrive aux conclusions suivantes :

a)                  l’utilisation des instruments d’évaluation susmentionnés est incompatible avec les principes énoncés à l’alinéa 4g) de la Loi, parce qu’elle ne tient pas compte des besoins propres aux Autochtones, et va également à l’encontre du paragraphe 24(1) de la Loi;

b)                  l’utilisation des instruments d’évaluation susmentionnés porte atteinte aux droits garantis au demandeur par l’article 7 et cette atteinte ne peut être justifiée au regard de l’article premier.

[114]       La Cour a l’intention de rendre une ordonnance définitive interdisant l’utilisation des instruments d’évaluation à l’endroit du demandeur et des autres détenus autochtones jusqu’à ce que, à tout le moins, la défenderesse mène une étude qui confirme la fiabilité de ces instruments dans le cas des délinquants autochtones.

[115]       La Cour rendra une ordonnance exigeant la tenue d’une audience relative aux réparations afin d’examiner la façon la plus juste et la plus efficace de mettre en œuvre l’ordonnance définitive envisagée.

[116]       Dans l’intervalle, il est interdit à la défenderesse d’utiliser les résultats des instruments d’évaluation à l’endroit du demandeur.

« Michael L. Phelan »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 18 septembre 2015

Traduction certifiée conforme

S. Tasset


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T ‑1350‑05

 

INTITULÉ :

JEFFREY G. EWERT c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA (LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA, LE DIRECTEUR DE L’ÉTABLISSEMENT DE KENT ET LE DIRECTEUR DE L’ÉTABLISSEMENT DE MISSION)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATES DE L’AUDIENCE :

LES 25, 26, 28 ET 29 MAI 2015

ET LES 1er, 2, 4 et 5 JUIN 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 septembRe 2015

 

COMPARUTIONS :

Jason Gratl

Eric Purtzki

 

POUR LE demandeur

 

Sean Stynes

Ainslie Harvey

Nicholas Claridge

 

POUR LA défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gratl & Company

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

PoUr Le demandeur

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

PoUr LA défenderesse

 

 

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