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Date : 20150819


Dossier : IMM-402-15

Référence : 2015 CF 986

Montréal (Québec), le 19 août 2015

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

DIANE BRUNET

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Au préalable

[18]           À la question pertinente de savoir si le mariage est authentique ou s’il a été contracté dans le but d’obtenir un privilège ou un statut en vertu de la Loi, la jurisprudence a déjà bien établi que c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique (voir Chen c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2011 CF 1268, Singh c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 565 [Singh] et Mohamed, ci-dessus).

[17]           Tel qu’établi par la jurisprudence, le fardeau de la demanderesse devant la SAI était de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que son époux satisfaisait aux exigences de l’article 4 du Règlement (voir, entre autres, Mohammed c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2055 CF 1442 et Mohamed c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 696, 296 F.T.R. 73 [Mohamed]).

[22]           À mon sens, les arguments de la demanderesse commandent un regard microscopique sur la décision du tribunal. Après avoir lu la décision dans son ensemble, avoir entendu les procureurs des parties et avoir révisé les éléments de preuve pertinents, je suis satisfait que la SAI a bien pris en considération les éléments de preuve devant elle et qu’il s’agit ici d’une décision raisonnable pouvant appartenir aux issues probables et acceptables.

(Comme spécifié par le juge Yvon Pinard dans Perez Achahue c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1210).

II.                Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] à l’encontre d’une décision datée du 10 décembre 2014 par laquelle la Section d’appel de l’immigration [SAI] rejette l’appel de la demanderesse du refus de la demande de parrainage de son époux.

III.             Faits

[2]               La demanderesse est une citoyenne canadienne âgée de 54 ans ayant présenté une demande de parrainage de son époux, un citoyen tunisien de 33 ans (d’ici un mois).

[3]               La demanderesse et son époux se sont rencontrés sur un site de clavardage. Ils ont commencé à communiquer ensemble sur ce site en août 2009 pour ensuite s’échanger des courriels. En septembre 2009, l’époux de la demanderesse a déclaré son amour à cette dernière.

[4]               En novembre 2009, la demanderesse a voyagé en Tunisie pour deux semaines afin de visiter son futur époux. Au cours d’un deuxième voyage de deux semaines, en janvier 2010, ce dernier l’a demandée en mariage.

[5]               Lors d’un troisième voyage, les époux se sont mariés en Tunisie en mai 2010.

[6]               Au total, la demanderesse a fait onze voyages en Tunisie pour visiter et vivre avec son époux.

[7]               Dans une lettre datée du 8 avril 2011, un agent des visas refuse la demande de parrainage de la demanderesse et de son époux pour le motif que ce dernier n’appartient pas au regroupement familial puisqu’il est visé par le paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR].

[8]               Le 15 octobre 2014, une audience de novo a été tenue devant la SAI et l’appel a été rejeté le 10 décembre 2014.

IV.             Décision contestée

[9]               Dans ses motifs, la SAI conclut que la demanderesse n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que son mariage est authentique et ne vise pas principalement l’acquisition d’un statut ou privilège sous le régime de la LIPR, suivant le paragraphe 4(1) du RIPR.

[10]           Particulièrement, la SAI détermine que la demanderesse et son époux ne sont pas crédibles en ce qui concerne l’authenticité de leur mariage, au regard des critères élaborés dans Chavez, Rodrigo c MCI, SAI TA3-24409 (Hoare, 11 février 2005) [Chavez] :

i.        La durée de la relation : La SAI constate que la relation entre la demanderesse et son époux a évolué très rapidement. La SAI n’est pas convaincue que « l’intérêt du demandeur pour l’appelante se fonde sur son désir de connaître le Canada » et observe qu’il n’est pas « crédible qu’un amour mutuel ait pu naître en si peu de temps dans le contexte particulier de cet appel, compte tenu des différences entre l’appelante et le demandeur, et du fait que la relation a évolué principalement sur Internet » (Décision de la SAI, Dossier de la demanderesse, au para 14).

ii.      Le temps passé ensemble : La SAI conclut que « [c]ompte tenu du fait que l’appelante était pratiquement une étrangère, que le demandeur l’avait rencontrée en tête-à-tête pour la première fois seulement deux jours auparavant, qu’elle avait vingt-et-un an de plus que lui et qu’elle était chrétienne, j’ai du mal à croire que la famille du demandeur, musulmane, aussi ouverte d’esprit qu’elle ait pu être, ait accepté d’emblée de recevoir l’appelante à son domicile alors que le demandeur l’avait présentée comme une connaissance sur Internet. Cela n’a simplement aucun bon sens. Le demandeur n’a pas non plus été en mesure de dire clairement ce qui serait arrivé s’ils ne s’étaient pas entendus cette première fois. Il n’y avait apparemment pas de plan B » (Décision de la SAI, Dossier de la demanderesse, au para 15).

iii.    La célébration du mariage : La SAI observe que les époux se sont mariés à l’hôtel de ville suite auquel une petite réception d’environ dix personnes a eu lieu. D’après les témoignages, la réception était sobre parce que le demandeur portait encore le deuil de sa mère. La SAI conclut que l’attitude du père du demandeur, qui lui a souhaité bonne chance pour son mariage, est « tout à fait invraisemblable de la part d’un parent » et que « [m]ême un parent à l’esprit ouvert se serait quelque peu inquiété, à tout le moins en ce qui concerne la différence d’âge ou la difficulté probable pour le couple d’avoir des enfants ». La SAI a également noté que les amis du demandeur n’ont pas émis de critiques à l’égard du mariage. En somme, la SAI conclut que « le fait que personne dans la famille ou le cercle d’amis du demandeur n’ait été préoccupé par ce mariage constitue un facteur défavorable dans l’évaluation de l’authenticité de ce mariage » (Décision de la SAI, Dossier de la demanderesse, au para 16).

iv.    Le comportement après le mariage : La SAI observe que les époux ont de nombreux contacts et échanges, comme en fait foi la preuve sous forme de courriels et d’appels téléphoniques qui ont lieu presque chaque jour entre ceux-ci. Toutefois, la SAI constate que lors de l’entrevue avec l’agent des visas, l’époux de la demanderesse n’a pas été en mesure d’expliquer ce qui l’attirait chez la demanderesse ni de démontrer une connaissance suffisante à son égard. Ainsi, la SAI rejette comme étant non crédibles les explications de l’époux relatives à son manque de connaissances au sujet de la demanderesse au moment de l’entrevue de février 2010, tout en reconnaissant que l’époux de la demanderesse avait beaucoup plus de connaissances au sujet de son épouse lors de l’audience devant la SAI, cinq ans plus tard.

Ensuite, la SAI note qu’il y a des « problèmes de compatibilité évidents entre l’appelante et le demandeur. L’appelante a cinquante-trois ans et prendra sa retraite l’année prochaine. Elle a eu deux relations de longue durée auparavant. Le demandeur est âgé de trente-deux ans et ne travaille toujours pas dans son domaine. L’appelante est catholique et le demandeur musulman. Même si aucun des deux n’est religieux, leurs antécédents culturels diffèrent » (Décision de la SAR, Dossier de la demanderesse, au para 22).

[11]           Finalement, la SAI conclut que bien que les sentiments de la demanderesse envers son époux soient sincères, la preuve ne permet pas de démontrer que le mariage n’a pas été contracté, du point de vue de son époux, principalement à des fins d’immigration au Canada.

V.                Disposition législatives

[12]           Le paragraphe 4(1) du RIPR est reproduit ci-dessous :

Mauvaise foi

Bad faith

4. (1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas :

4. (1) For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner or a conjugal partner of a person if the marriage, common-law partnership or conjugal partnership

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

(a) was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or

b) n’est pas authentique.

(b) is not genuine.

VI.             Question en litige

[13]           Est-ce que la décision de la SAI est raisonnable au regard de la preuve au dossier ?

VII.          Analyse

[14]           La demanderesse allègue que la décision de la SAI est déraisonnable puisqu’elle ne tient pas compte de la preuve au dossier.

[15]           La demanderesse soutient également que les critères généralement reconnus pour évaluer l’authenticité d’un mariage découlant de la décision Chavez, ci-dessus, n’ont pas été évalués de façon équitable; la SAI s’est plutôt attardée à la rencontre de la demanderesse et de son conjoint.

[16]           Au contraire, l’évaluation faite par la SAI, selon ses motifs, démontre une décision profondément réfléchie par une analyse raisonnable selon les critères reconnus de la décision Chavez, ci-dessus. Chaque critère a été pesé et démontre une compréhension d’ensemble des faits du dossier (Voir ci-dessus le paragraphe 10 des motifs de cette Cour selon les propos analysés par la SAI). La Cour note aussi les pages 2487 à 2491 du dossier du tribunal et particulièrement le paragraphe 15 de la décision de la SAI.

VIII.       Conclusion

[17]           Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-402-15

 

INTITULÉ :

DIANE BRUNET c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 août 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 août 2015

 

COMPARUTIONS :

Stéphanie Valois

 

Pour la partie demanderesse

 

Sylviane Roy

 

Pour la partie défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stéphanie Valois

Montréal (Québec)

 

Pour la partie demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la partie défenderesse

 

 

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