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Date : 20150824


Dossier : T-334-15

Référence: 2015 CF 1000

[TRADUCTION FANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 24 août 2015

En présence de monsieur le juge Beaudry

ENTRE :

CAMERON IP

demanderesse

et

HALDEX AB

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision rendue par une agente d’audience de la Commission des oppositions des marques de commerce le 30 décembre 2014. Dans sa décision, l’agente a maintenu en partie les enregistrements nos LMC693,747 et LMC667,821 relativement aux marques de commerce HALDEX et HALDEX et DESSIN (les marques) illustrées ci‑dessous appartenant à Haldex AB :

I.                   Contexte factuel

[2]               Le 29 mai 2012, la demanderesse a envoyé un avis au registraire des marques de commerce conformément à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), c T‑13 (la Loi). L’avis exigeait de la défenderesse qu’elle fournisse une preuve démontrant qu’elle avait employé les marques au Canada à un moment quelconque entre le 29 mai 2009 et le 29 mai 2012 (la période pertinente).

[3]               Le 24 janvier 2013, la défenderesse a produit en preuve deux affidavits, une brochure et trois factures confirmant l’emploi des marques au Canada pendant la période pertinente.

[4]               Dans sa décision, l’agente d’audience a expliqué la raison d’être des dispositions de la Loi relatives à la radiation. Elle a aussi souligné que, pour prouver que les marques étaient encore employées pendant la période pertinente, suffisamment d’éléments de preuve devaient être présentés et elle a cité la décision Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp, 2004 CF 448.

[5]               Elle a ensuite analysé les affidavits de Brian Bowerman, directeur des ventes sur le marché des pièces de rechange en Amérique du Nord pour Haldex Limited (les affidavits). M. Bowerman a expliqué qu’au Canada, Haldex Inc. est responsable de la fabrication de pièces liées à la marque Haldex, alors que Haldex Limited est responsable de la vente des pièces ainsi fabriquées. Dans ses affidavits, M. Bowerman a aussi confirmé l’emploi des marques au cours de la période pertinente. Les deux affidavits sont essentiellement les mêmes, la seule différence étant la marque visée dans chacun d’eux. Pour établir l’emploi des marques, le souscripteur d’affidavit a produit une copie d’une brochure intitulée Aftermarket Product Lines (la brochure) portant la marque HALDEX et DESSIN sur la page couverture, ainsi que des copies de factures établies par Haldex Limited (les factures).

[6]               L’agente d’audience a souscrit aux arguments de la défenderesse concernant l’emploi des marques sur les factures fournies par le souscripteur d’affidavit. En se fondant sur la jurisprudence, elle a souligné que le souscripteur d’affidavit avait « produit des déclarations attestant clairement que l’Inscrivant exerçait un contrôle sur la nature et la qualité de tous les produits vendus par Haldex Limited » et que, par conséquent, elle acceptait « qu’un tel emploi s’applique en faveur de l’Inscrivant ». De plus, elle a convenu que l’emploi de la marque HALDEX et DESSIN pouvait constituer un emploi de chacune des marques.

[7]               L’agente d’audience n’était toutefois pas d’accord avec la défenderesse en ce qui concerne l’emploi des marques en liaison avec les produits et les services pour lesquels les marques sont enregistrées. Elle a fait remarquer que la preuve d’emploi était insuffisante à l’égard de certains des produits et des services. Elle a donc conclu que les produits et les services pour lesquels rien ne démontrait l’emploi des marques seraient supprimés des enregistrements respectifs.

II.                Les questions en litige

[8]               Les questions soulevées par la demanderesse dans le présent appel sont les suivantes :

(1)   La défenderesse a-t-elle établi l’emploi des marques en liaison avec les produits?

(2)   La défenderesse a-t-elle établi l’emploi des marques en liaison avec les services?

III.             Les arguments de la demanderesse

A.                L’emploi en liaison avec les produits

[9]               La demanderesse allègue que l’agente d’audience n’a pas bien apprécié la brochure produite en preuve. En fait, elle prétend que, dans l’arrêt Nissan Canada Inc c BMW Canada Inc, 2007 CAF 255, la Cour d’appel fédérale a statué que, pour prouver l’emploi au moyen de brochures ou d’autre matériel publicitaire, le propriétaire de la marque doit [traduction] « aussi fournir des éléments de preuve établissant que les brochures ont été données lors du transfert de la propriété ou de la possession ». Cette conclusion a aussi été appliquée dans les affaires suivantes : Baker & McKenzie LLP c Dart Industries Ltd, 2012 COMC 20, et Grapha‑Holding AG c Illinois Tool Works Inc, 2008 CF 959. Cependant, en l’espèce, la défenderesse n’a présenté aucun élément de preuve montrant que la brochure sur laquelle l’agente s’est fondée pour établir l’emploi des marques avait été fournie au moment du transfert de la propriété.

[10]           En ce qui concerne les factures produites en preuve, la demanderesse souligne que [traduction] « si [une marque est] employée dans le corps d’une facture, il sera généralement tenu pour acquis que la marque est employée pour décrire les produits. Cependant, si la marque figure dans la partie supérieure de la facture, ce ne sera pas le cas ». En l’espèce, les marques figurent dans la partie supérieure des factures. De plus, ces factures comprennent des produits liés à d’autres marques de commerce. Par conséquent, les factures ne constituent pas une preuve acceptable, étant donné qu’elles renferment des renseignements équivoques en ce qui concerne l’emploi des marques.

B.                 L’emploi en liaison avec les services

[11]           La demanderesse soutient que l’agente d’audience a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’emploi combiné des marques sur les factures et la brochure démontraient que les marques étaient employées en liaison avec les services.

IV.             Les arguments de la défenderesse

[12]           La défenderesse souligne que la décision de l’agente d’audience était raisonnable. Pour ce qui est de l’emploi en liaison avec les produits, la défenderesse invoque la décision Hortilux Schreder BV c Iwasaki Electic Co, 2011 CF 967, conf. par 2012 CAF 321 (Hortilux), dans laquelle le juge Russell a conclu que plusieurs facteurs sont pertinents pour trancher la question de savoir si les factures établissent l’emploi de marques de commerce. Les facteurs, tels qu’ils ont été résumés par la défenderesse, sont les suivants :

(1)   la prédominance de la marque de commerce dans le haut de la facture;

(2)   la question de savoir si la marque de commerce est utilisée dans le but d’identifier l’entreprise;

(3)   la question de savoir si les marchandises de plus d’un fabricant sont vendues;

(4)   la question de savoir si l’acheteur connaît l’entreprise du propriétaire de la marque de commerce;

(5)   la question de savoir une autre marque de commerce figure sur la facture en liaison avec les marchandises vendues;

[13]           La défenderesse applique ces facteurs à la présente affaire et démontre comment ils justifient l’emploi des factures produites en preuve.

[14]           Pour ce qui est de la question de l’emploi des marques de commerce en liaison avec les services, la défenderesse prétend que, dans la décision LIDL Stiftung & Co KG c Thornbury Grandview Farms Ltd, [2005] COMC no 122, il est reconnu que [traduction] « l’affichage d’une marque de commerce sur des factures peut être considérée comme l’emploi de services ». La brochure et l’affidavit renforcent la décision de l’agente d’audience. Il était donc raisonnable pour elle de maintenir les marques.

V.                Analyse

[15]           La Cour convient avec les parties que la norme de contrôle applicable à un appel interjeté à l’encontre d’une décision du registraire des marques de commerce est celle de la décision raisonnable (Scott Paper Limited c Smart & Biggar, 2008 CAF 129; Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184). Ainsi, la Cour n’interviendra que si la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

[16]           La période pertinente ou cruciale en l’espèce pour conclure à l’emploi des marques allait du 29 mai 2009 au 29 mai 2012.

[17]           Le terme « emploi » (ou « usage ») est défini de la façon suivante à l’article 2 de la Loi : « tout emploi qui, selon l’article 4, est réputé un emploi en liaison avec des produits ou services ».

[18]           Le paragraphe 4(1) de la Loi énonce l’exigence à laquelle il doit être satisfait pour une marque de commerce qui en employée en liaison avec des produits :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with goods if, at the time of the transfer of the property in or possession of the goods, in the normal course of trade, it is marked on the goods themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the goods that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

[19]           Par conséquent, il doit être démontré que la propriété ou la possession des produits a été transférée et que la marque était liée aux produits d’une façon quelconque.

[20]           En l’espèce, les factures sont datées du 16 août 2010, du 23 novembre 2010 et du 24 mars 2011, soit des dates comprises dans la période pertinente. Il était donc raisonnable pour l’agente d’audience de conclure que la propriété des produits énumérés sur les factures avait été transférée au cours de la période pertinente.

[21]           Dans ses affidavits, M. Bowerman affirme que la marque de commerce était apposée sur les produits eux‑mêmes et qu’elle figurait sur l’emballage, sur la brochure et sur les factures. La Cour est d’avis que la conclusion de l’agente d’audience selon laquelle la marque était employée en liaison avec les produits est raisonnable.

[22]           Nulle part dans ses motifs l’agente d’audience ne semble donner à penser qu’elle s’est fondée seulement sur la brochure en tant que preuve pour lier les marques aux produits.

[23]           L’agente d’audience a analysé les factures produites par la défenderesse en fonction des faits attestés par M. Bowerman dans son affidavit et a conclu que l’emploi des marques avait été établi. La Cour n’a aucune raison d’intervenir à cet égard.

[24]           Les facteurs de la décision Hortilux citée au paragraphe 12 des présents motifs sont simplement des facteurs à prendre en considération. Ils ne constituent pas un critère strict et il ne faut pas les appliquer de façon isolée.

[25]           Le paragraphe 4(2) de la Loi énonce l’exigence à laquelle il doit être satisfait pour qu’une marque de commerce soit réputée employée en liaison avec des services :

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

(2) A trade-mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

[26]           L’agente d’audience a supprimé la plupart des services du registre. Les états déclaratifs des services modifiés pour les deux marques se limitent à la vente et à la distribution, et, dans le cas de l’enregistrement no LMC667,821, à la fabrication de pièces d’automobiles.

[27]           La marque Haldex figurait sur toutes les factures et sur la brochure. De plus, dans son affidavit, M. Bowerman affirme que les produits sont fabriqués par Haldex Inc. et vendus et distribués par Haldex Limited.

[28]           Compte tenu de la preuve, l’agente d’audience avait compétence pour conclure que la marque était employée en liaison avec les activités de vente et de distribution ainsi qu’en liaison avec la fabrication de pièces d’automobiles.

[29]           La Cour conclut que, dans son ensemble, la décision de l’agente d’audience ne peut pas être considérée comme déraisonnable.

[30]           Les parties conviennent qu’une somme forfaitaire de 2 500 $, plus les débours, devrait être adjugée au titre des dépens à la partie ayant eu gain de cause.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.      L’appel est rejeté.

2.      La demanderesse versera une somme forfaitaire de 2 500 $, plus les débours, à la défenderesse.

« Michel Beaudry »

Juge

Traduction certifiée conforme

Marie-Christine Gervais


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-334-15

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

CAMERON IP c HALDEX AB

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (ColOmbiE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 AOÛT 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 24 AOÛT 2015

 

COMPARUTIONS :

M. Jonathan Fung

 

POUR LA DEMANDERESSE

Mme Christine E. Hicks

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Jonathan Fung

Lindsay Kenney LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Mme Christine E. Hicks

Hicks Intellectual Property Law

Canmore (Alberta)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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