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Date : 20150827


Dossier : IMM‑6264‑14

Référence : 2015 CF 1021

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 août 2015

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

MASOOD UR REHMAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               Le demandeur, M. Rehman, est un citoyen du Pakistan. En août 2011, il est entré au Canada muni d’un permis d’études et a fréquenté le Collège communautaire du Nouveau‑Brunswick [CCNB] de septembre 2011 à juin 2013 dans le cadre d’un programme de deux ans en administration des affaires et en comptabilité. Il a étudié à temps plein jusqu’au 19 avril 2013, puis à temps partiel du 22 avril au 21 juin 2013.

[2]               M. Rehman n’a pas pu obtenir son diplôme en juin 2013 parce qu’il a échoué à un cours de comptabilité de niveau intermédiaire. Il s’est inscrit à titre d’étudiant à temps partiel dans d’autres établissements durant trois sessions, soit de juillet 2013 à juin 2014, en vue de réussir le cours qui lui manquait pour obtenir son diplôme. Après deux tentatives infructueuses, il a finalement réussi un cours équivalent. Le CCNB a accepté de transférer ses crédits, et M. Rehman a obtenu son diplôme en juillet 2014.

[3]               Le permis d’études de M. Rehman a expiré le 31 mars 2014. Il a cessé d’avoir le statut de résident temporaire au Canada à cette date.

[4]               Le 1er juillet 2014, M. Rehman a présenté une demande de permis de travail postdiplôme et a sollicité le rétablissement de son statut de résident temporaire. Le 12 août 2014, Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] a rejeté sa demande de permis de travail postdiplôme. L’agent d’immigration [l’agent] a conclu que M. Rehman ne possédait pas de permis d’études valide au moment où il a présenté sa demande et qu’il n’avait pas étudié à temps plein au Canada de façon continue, tel qu’il est exigé dans le cadre du Programme de permis de travail postdiplôme.

[5]               M. Rehman soutient que la décision de l’agent de rejeter sa demande de permis de travail postdiplôme est déraisonnable du fait qu’elle est fondée sur une interprétation erronée des lignes directrices administratives de CIC définissant les critères d’admissibilité à un tel permis. Il sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l’agent et demande à la Cour d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire à un autre agent en vue d’un nouvel examen.

[6]               Après examen de la preuve dont disposait l’agent et du droit applicable, je ne vois aucune raison d’annuler la décision de l’agent. La décision est fondée sur la preuve, et l’issue peut se justifier au regard des faits et du droit. Je dois donc rejeter la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Rehman.

[7]               La seule question à trancher est celle de savoir si la décision de l’agent était déraisonnable.

II.                Décision de l’agent

[8]               La décision de l’agent est brève.

[9]               L’agent a déterminé que M. Rehman ne répondait pas aux critères d’admissibilité à un permis de travail postdiplôme, notamment celui d’« avoir été, sans interruption, un étudiant à plein temps au Canada », étant donné qu’il s’est inscrit à des sessions d’études à temps partiel consécutives (y compris des cours en ligne) en vue d’achever son programme d’études au Canada et de remplir les critères pour l’obtention de son diplôme. M. Rehman n’était donc pas admissible au permis de travail qu’il a demandé.

[10]           Par ailleurs, l’agent a souligné qu’étant donné que M. Rehman n’avait plus le statut de résident temporaire au Canada au moment où il a présenté sa demande, sa demande de permis de travail postdiplôme devait également être rejetée.

III.             La décision de l’agent était‑elle déraisonnable?

[11]           Selon M. Rehman, l’agent a interprété de manière déraisonnable les lignes directrices de CIC en rejetant sa demande de permis de travail postdiplôme. M. Rehman reconnaît s’être inscrit à des cours à temps partiel en vue de terminer son programme menant à un grade. Il affirme toutefois que, d’après les lignes directrices, il n’est pas nécessaire d’être étudiant à temps plein durant toute la période visée par le permis de travail. Il soutient que, tant que le demandeur étudie à temps plein sans interruption pendant au moins huit mois, il peut suivre des cours à temps partiel durant le reste de la période de validité du permis de travail. D’après M. Rehman, une personne qui a réussi tous les cours d’un programme d’études hormis un seul, qui a toujours eu l’intention de terminer le programme et qui, finalement, obtient son certificat de fin d’études, ne devrait pas se voir refuser la participation au programme de permis de travail postdiplôme. À l’audience devant la Cour, l’avocat de M. Rehman a ajouté que la décision de l’agent allait à l’encontre des objectifs de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] et avait pour conséquence absurde de pénaliser indûment un étudiant qui a échoué à un cours à la fin de son programme d’études.

[12]           Je ne suis pas d’accord.

[13]           La décision de l’agent est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Dans les procédures de contrôle judiciaire, la norme de la raisonnabilité exige que la décision soit justifiable, intelligible et transparente et qu’elle appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47; Ni c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 725, au paragraphe 24).

[14]           Selon l’article 199 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, un étranger peut faire une demande de permis de travail s’il détient un permis de travail ou un permis d’études ou est admissible par ailleurs. Les critères d’admissibilité plus précis visant les permis de travail postdiplôme figurent dans les lignes directrices de CIC, lesquelles sont reproduites sur le site Web de CIC; une version initiale a été publiée en novembre 2014, puis achevée en juillet 2015. Les lignes directrices sont claires : pour répondre aux critères d’admissibilité à un permis de travail postdiplôme, un demandeur doit : 1) avoir été un étudiant à temps plein au Canada et avoir terminé un programme d’études d’une durée minimale de huit mois; 2) avoir un permis d’études valide au moment où il demande le permis de travail.

[15]           M. Rehman ne répondait à ni l’un ni l’autre de ces critères au moment où il a présenté sa demande de permis de travail postdiplôme.

[16]           Premièrement, M. Rehman ne détenait pas de permis d’études valide lorsqu’il a présenté sa demande de permis de travail postdiplôme. Son permis d’études avait expiré le 31 mars 2014. Son permis d’études n’était d’ailleurs plus valide non plus quand il a suivi le cours de comptabilité qui lui manquait à l’été 2014. De plus, M. Rehman n’avait pas sollicité le rétablissement de son statut d’étudiant. Il devait avoir un permis d’études valide pour obtenir un permis de travail postdiplôme (Adroh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 393, au paragraphe 4 [Adroh]).

[17]           En l’absence d’un tel permis d’études et vu les exigences explicites énoncées dans les lignes directrices de CIC, il n’y a aucun doute que la décision de l’agent de refuser la demande pour ce motif appartient aux issues possibles acceptables. En effet, il s’agissait vraisemblablement de la seule option raisonnable qui s’offrait à l’agent (McLean c Colombie‑Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, au paragraphe 38).

[18]           Deuxièmement, même si le permis d’études de M. Rehman avait été valide au moment de la demande, ce dernier n’était pas admissible à un permis de travail postdiplôme parce qu’il s’était inscrit à trois sessions consécutives d’études à temps partiel pour réussir le cours de comptabilité qui manquait à son dossier après ses deux années d’études au CCNB. Cela va clairement à l’encontre des lignes directrices de CIC.

[19]           Il ressort de la simple lecture des lignes directrices de CIC en ce qui concerne le permis de travail postdiplôme que le statut d’étudiant à temps plein et la durée du programme constituent deux critères distincts : une personne qui demande un permis de travail postdiplôme doit avoir été étudiant à temps plein au Canada ET avoir terminé un programme d’études d’une durée minimale de huit mois. De plus, d’après la section des lignes directrices de CIC datant de juillet 2015 concernant la « dernière session d’études », « si un étudiant satisfait à tous les critères d’admissibilité, sauf à celui relatif au statut d’étudiant à plein temps pendant sa dernière session, il est jugé admissible à ce programme ». Si l’étudiant n’était pas tenu par ailleurs d’être aux études à temps plein, cette section serait dénuée de sens, et CIC n’aurait pas à préciser qu’il est acceptable qu’un étudiant adopte un régime d’études à temps partiel à sa dernière session.

[20]           Il était donc parfaitement raisonnable que l’agent conclue que le critère relatif au statut d’étudiant à temps plein s’applique à toute la durée du programme de M. Rehman et que ce dernier n’avait pas rempli ce critère en vue de l’obtention d’un permis de travail postdiplôme du fait qu’il s’était inscrit à des sessions d’études à temps partiel successives et à des cours en ligne pour obtenir son diplôme. En fait, j’estime que la décision de l’agent correspondait, encore là, à la seule interprétation raisonnable de cette condition énoncée dans les lignes directrices de CIC.

[21]           Je ne suis pas d’accord avec l’argument de l’avocat de M. Rehman selon lequel la décision de l’agent contredit les objectifs de la LIPR. Le programme de permis de travail postdiplôme établit les conditions à remplir pour que les étrangers acquièrent de l’expérience de travail au Canada après avoir terminé un programme d’études, conditions au nombre desquelles figure celle d’être étudiant à temps plein. Le programme de permis de travail postdiplôme a été créé à l’intention des étudiants à temps plein. Comme l’a déclaré la Cour au paragraphe 10 de la décision Adroh, l’objectif de faciliter l’entrée d’étudiants et de travailleurs temporaires au Canada doit être « équilibré par la nécessité de protéger l’intégrité des programmes de CIC ». En l’espèce, l’agent ne pouvait faire abstraction des conditions précises des lignes directrices de CIC concernant le programme de permis de travail postdiplôme.

IV.             Conclusion

[22]           Le rejet par l’agent de la demande de permis de travail postdiplôme de M. Rehman constitue une issue justifiable au regard du droit et de la preuve dont disposait CIC. Selon la norme de la décision raisonnable, il suffit que la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier, et je conviens qu’il n’y en a aucune.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans dépens;
  2. Aucune question de portée générale n’est énoncée.

« Denis Gascon »

Juge

Traduction certifiée conforme

Stéphanie Pagé, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑6264‑14

INTITULÉ :

MASOOD UR REHMAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 AOÛT 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

DATE DES MOTIFS :

LE 27 AOÛT 2015

COMPARUTIONS :

M. Raj Sharma

POUR LE DEMANDEUR

Mme Maia McEachern

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsanyi

Droit de l’immigration et de la famille et droit criminel

Avocats

Calgary (Alberta)

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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