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Date : 20150619


Dossier : IMM‑5003‑14

Référence : 2015 CF 768

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 juin 2015

En présence de monsieur le juge Barnes

ENTRE :

ADRIANA CAICEDO HURTADO ET

ANDREW VALENCIA (REPRÉSENTÉ PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE,

ADRIANA CAICEDO HURTADO)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA

SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision concernant un examen des risques avant renvoi (ERAR), par laquelle les demandes d’asile d’Adriana Caicedo Hurtado et de son fils, Andrew Valencia, ont été rejetées.

[2]               Madame Hurtado est une citoyenne de la Colombie et son fils est un citoyen des États‑Unis. Elle a présenté sa demande d’asile en invoquant un risque allégué de persécution aux mains des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ainsi que sa situation de mère sans conjoint d’origine ethnique afro‑colombienne. Elle a allégué qu’elle avait été attaquée et blessée par les FARC au cours d’un assaut contre sa maison familiale en 1996. Sa mère avait été tuée lors du même incident.

[3]               Dans les semaines qui ont suivi, Mme Hurtado a quitté la Colombie en direction des États‑Unis. Pendant presque 14 ans, elle a séjourné sans statut aux États‑Unis. Au cours de cette période, elle a vécu sous une fausse identité et elle s’est constituée un lourd casier judiciaire sous son pseudonyme.

[4]               Mme Hurtado et son fils sont entrés au Canada en 2010 et ils ont demandé l’asile. Leurs demandes ont été rejetées par la Section de la protection des réfugiés (SPR) le 14 décembre 2012. La demande de Mme Hurtado a été refusée pour grande criminalité, et celle de son fils, parce qu’il avait la citoyenneté américaine.

[5]               Dans la présente instance, les demandeurs contestent la décision prise à la suite de l’examen des risques avant renvoi (ERAR) entraînant le rejet de leurs demandes de réparation. 

[6]               L’agent d’ERAR a refusé la demande des demandeurs, notamment parce qu’il n’a pas cru que l’agression commise en 1996 contre Mme Hurtado avait un lien avec les FARC et parce qu’il a rejeté [traduction« l’allégation [de Mme Hurtado] selon laquelle l’attaque ou les attaques de 1996 permettent de croire qu’elle est exposée à une menace importante maintenant ». L’allégation de risque fondé sur l’origine ethnique de la part de Mme Hurtado a été rejetée pour les motifs suivants :

[traduction

Les Afro‑Colombiens font l’objet de discrimination, mais surtout dans le contexte de personnes déplacées par les FARC ou d’autres acteurs. Ce n’est pas la situation de Mme Caicedo Hurtado.

Elle a allégué qu’elle était exposée à un risque en tant que mère sans conjoint ou que mère sans conjoint afro‑colombienne, mais elle n’a pas produit de preuve convaincante d’un risque personnalisé fondé sur ce motif.

[7]               À titre de citoyen des États‑Unis, Andrew a été réputé n’être exposé à aucun risque s’il devait retourner dans ce pays.

[8]               L’avocate de Mme Hurtado fait valoir avec une grande conviction que l’agent avait l’obligation en vertu de la loi de tenir une audience avant de rejeter ces demandes. Je suis d’accord avec l’avocat du Ministre sur le fait que la norme de contrôle applicable à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agent en application de l’article 113 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), et de l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (Règlement), est la norme de la décision raisonnable : voir Kioko c Canada, 2014 CF 717, selon le juge George Locke, aux paragraphes 15 à 19, 244 ACWS (3e) 175.

[9]               Pour justifier l’argument de Mme Hurtado en faveur d’une audience, son avocate a fait ressortir plusieurs mentions négatives dans la décision sur la crédibilité, y compris l’affirmation selon laquelle [traduction« [i]l y a des problèmes de crédibilité dans la preuve de Mme Caicedo Hurtado ». À n’en pas douter, l’agent n’a pas cru les parties du récit de Mme Hurtado qui liaient l’attaque de 2006 aux FARC. Il s’agit du genre de conclusion qui pourrait justifier une audience sous le régime de l’article 113 de la LIPR.

[10]           Toutefois, l’agent n’a pas justifié sa décision seulement par son appréciation de la crédibilité de Mme Hurtado. Il a également établi que même si le témoignage de Mme Hurtado au sujet de l’implication des FARC était vrai, rien dans la preuve devant lui n’indiquait que les FARC auraient les moyens ou la motivation de se lancer à ses trousses 19 ans plus tard.

[11]           Je trouve entièrement raisonnable de la part de l’agent d’avoir conclu que tout risque personnel était totalement éteint, puisqu’elle avait vécu à l’extérieur de la Colombie pendant presque deux décennies sans incident apparent. Étant donné que l’agent a conclu que le risque que présentaient les FARC en Colombie n’existait plus, ses conclusions sur la crédibilité n’étaient pas déterminantes pour la demande de réparation, et aucune audience n’était nécessaire.

[12]           L’avocate de Mme Hurtado remet également en question la minceur des motifs invoqués par l’agent pour rejeter le risque allégué fondé sur l’origine ethnique ainsi que le risque pour Andrew. Il est vrai que les motifs formulés par l’agent sont parcimonieux, mais dans le contexte de la preuve qui a été produite, ils étaient suffisants pour statuer raisonnablement sur ces arguments. La preuve sur les conditions au pays faisait seulement état d’un risque généralisé de préjudice attribuable surtout au contexte d’un conflit armé en cours. Dans le cas des gens qui ne sont pas directement touchés par les hostilités, les problèmes auxquels font face les femmes afro‑colombiennes et leurs enfants ont été décrits comme des formes de discrimination. Absolument aucun motif factuel ne justifie l’argument voulant qu’à l’âge de 7 ans, Andrew serait exposé au risque d’être recruté de force par les FARC. L’agent a pris acte du fait que cinq sœurs de Mme Hurtado sont en Colombie, et il était raisonnable de sa part de supposer que la famille pouvait lui fournir du soutien et de l’assistance si le besoin s’en faisait sentir.

[13]           Les demandeurs affirment aussi que l’agent aurait commis une erreur en mentionnant le manque de preuve corroborante pour étayer le récit du risque par Mme Hurtado. Cependant, un décideur ne commet pas une erreur s’il tient compte de l’absence d’une corroboration aisément disponible lorsqu’il évalue le bien‑fondé d’une demande. En Colombie, Mme Hurtado avait un grand réseau familial dont les membres avaient directement connaissance de son histoire. De plus, compte tenu de la gravité des événements qu’elle a décrits, l’omission de produire des rapports vérifiables de tiers qui établiraient un lien avec les FARC (p. ex. : articles de journaux) et d’inclure ces renseignements dans la lettre de présentation pour les employeurs est inexplicable. Il n’était pas erroné pour l’agent de s’attendre à plus et de rejeter la demande une fois que la preuve attendue n’a pas été produite.

[14]           Pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. 

[15]           Les parties n’ont proposé aucune question à certifier et la présente affaire ne soulève aucune question de portée générale. 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. 

« R.L. Barnes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Pierre Ballard, LL.L., traducteur agréé


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5003‑14

 

INTITULÉ :

ADRIANA CAICEDO HURTADO ET

ANDREW VALENCIA (REPRÉSENTÉ PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE, ADRIANA CAICEDO HURTADO)

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA

SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 juin 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BARNES

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 19 juin 2015

 

COMPARUTIONS :

Mme Razmeen Joya

 

POUr LES demandeurs

 

M. Christopher Ezrin

 

POUR LES défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Razmeen Joya

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES demandeurs

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES défendeurs

 

 

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