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Date : 20150202


Dossier : IMM-1144-14

Référence : 2015 CF 102

Ottawa (Ontario), le 2 février 2015

En présence de madame la juge Bédard

ENTRE :

WILFRID NGUESSO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS MODIFIÉS

[1]               La présente instance a trait à une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue le 20 décembre 2013 par Constance Terrier (l’agente ou Mme Terrier), agente d’immigration au Service d’immigration de l’ambassade du Canada à Paris. Dans sa décision, l’agente a déclaré le demandeur interdit de territoire pour criminalité organisée et elle a rejeté sa demande de résidence permanente dans la catégorie de regroupement familial.

[2]               La Cour est saisie de trois requêtes qui ont été entendues dans le cadre de la gestion de la présente instance.[1] Ces requêtes ont été déposées suite à de nombreux désaccords survenus entre les parties relativement aux documents qui devraient faire partie du dossier certifié du tribunal (DCT) déposé en vertu de la règle 17 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 [Règles en matière d’immigration] et à l’étendue du droit de contre-interroger Mme Terrier sur ses affidavits.

I.                   Le contexte de la demande de contrôle judiciaire

A.                Le traitement de la demande de résidence permanente

[3]               Le demandeur est citoyen de la République du Congo, mais il réside en France et y détient une carte de résidence valide jusqu’au 31 décembre 2022. Il est marié à une citoyenne canadienne et il est le père de six enfants, tous citoyens canadiens. Le 20 décembre 2006, il a déposé auprès de l’ambassade du Canada à Paris, une demande de résidence permanente dans la catégorie de regroupement familial.

[4]               Le traitement de la demande s’est étiré, et le 22 mai 2012, le demandeur a déposé une demande de mandamus devant cette Cour (Dossier IMM-4924-12) pour obliger l’ambassade à rendre une décision. Ce litige a été réglé hors cour le 3 juillet 2012 sur la base d’un échéancier proposé par le défendeur.

[5]               Ainsi, en juillet 2012, le demandeur a reçu une lettre de convocation à une entrevue fixée le 19 septembre 2012. Suite à la demande de l’avocate qui représentait le demandeur à cette époque, une nouvelle lettre de convocation a été envoyée modifiant la date d’entrevue au 25 septembre 2012.

[6]               Le 5 septembre 2012, le demandeur a reçu une « lettre d’équité » du Service d’immigration de l’ambassade l’avisant de préoccupations relativement à son admissibilité en vertu de l’alinéa 37(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR].

[7]               L’entrevue a eu lieu le 25 septembre 2012 et elle a été dirigée par l’agente. Le 28 septembre 2012, le Service de l’immigration de l’ambassade a envoyé au demandeur une lettre contenant une liste détaillée de documents et renseignements additionnels à fournir, qu’elle lui demandait de fournir dans un délai de 90 jours.

[8]               L’actuelle avocate du demandeur, Me Johanne Doyon, est intervenue au dossier à compter de janvier 2013. Le 1er février 2013, elle a demandé un délai additionnel pour fournir les documents demandés dans la lettre du 28 septembre 2012. Elle a également demandé la divulgation de la « documentation ouverte, convergente et constante » auquel fait référence la lettre d’équité du 5 septembre 2012. L’agente a accordé au demandeur un délai additionnel pour soumettre les documents demandés, mais elle a refusé la demande de divulgation au motif « qu’à ce stade du processus, il n’est pas requis de fournir l’ensemble des sources ou copie de documents consultés dans la mesure où votre client a eu une occasion raisonnable de prendre connaissance des renseignements sur lesquels nous entendons nous fonder pour prendre notre décision ». Le 27 février 2013, l’agente a par ailleurs fourni ses notes d’entrevue au procureur du demandeur.

[9]               Le 30 avril 2013, le demandeur, par l’entremise de Me Doyon, a soumis une plainte au directeur du Service de l’immigration de l’ambassade alléguant une atteinte à l’équité procédurale en raison du refus de l’agente de lui divulguer les documents et renseignements demandés. Le demandeur invoquait également la mauvaise foi de l’agente dans la façon dont elle avait conduit son interrogatoire. Dans cette même lettre, Me Doyon a fourni certains des renseignements et documents demandés dans la lettre du 28 septembre 2012. Cette plainte a été rejetée par le gestionnaire du programme – immigration par une lettre datée du 6 décembre 2013 et Mme Terrier est demeurée l’agente d’immigration assignée au dossier du demandeur.

B.                 La décision faisant l’objet de la demande de contrôle judiciaire

[10]           Dans sa décision, l’agente a déclaré que le demandeur était interdit de territoire pour motif de criminalité organisée en vertu de l’alinéa 37(1)a) de la LIPR. Elle a conclu qu’elle avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur était membre d’un groupe criminel par le biais de ses liens familiaux (le demandeur est le neveu et le fils adoptif du président de la République du Congo), qu’il avait été impliqué dans des activités de criminalité organisée impliquant notamment des dissimulations et détournements de fonds, l’abus de biens sociaux et du blanchiment d’argent, et qu’il avait participé à des montages financiers opaques afin de s’enrichir personnellement au détriment de personnes morales.

[11]           Dans sa décision, l’agente a en outre noté qu’elle avait consulté les informations transmises par le demandeur, des informations accessibles au public et des informations fournies par l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) et le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE-FINTRAC), et que ces informations l’avaient amené à avoir des doutes sur la progression du demandeur dans le monde professionnel et sur l’origine de son enrichissement personnel. Elle a indiqué que les documents fournis par le demandeur en réponse à sa demande étaient partiels et qu’ils ne dissipaient pas ses doutes; au contraire, certains documents les avaient confirmés. Elle a par la suite détaillé les éléments qui sous-tendaient sa décision.

C.                 La demande d’autorisation et de contrôle judiciaire

[12]           Le 25 février 2014, le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision. La demande a été autorisée le 14 août 2014 par le juge Mosley.

[13]           Au soutien de sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur soulève divers moyens. Il invoque notamment que la décision rendue par l’agente est entachée d’erreurs de droit, qu’elle est déraisonnable et que le processus ayant mené à la décision a été entaché par des violations des règles d’équité procédurale. Au niveau de son allégation relative à l’équité procédurale, le demandeur invoque dans son mémoire que l’agente a fait défaut de lui divulguer initialement ses allégations véritables à son endroit et qu’elle a refusé de lui divulguer les documents et les sources d’informations sur lesquels elle fondait ses allégations, ce qui l’avait empêché de se préparer et de répondre adéquatement aux questions à l’entrevue et aux allégations d’interdiction de territoire. Il allègue également que l’agente a conduit l’entrevue de façon irrégulière et inéquitable et qu’elle a basé sa décision sur des motifs d’interdiction autres que ceux qui avaient été mentionnés dans la lettre d’équité du 5 septembre 2012.

[14]           Dans l’affidavit qu’il a déposé au soutien de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, le demandeur insiste sur la manière dont l’agente a conduit l’entrevue. De façon plus particulière, il allègue que lors de l’entrevue, l’agente a utilisé et fait référence de façon répétée à des documents ou des renseignements qui ne lui avaient pas été préalablement divulgués et qu’elle a conduit l’entrevue d’une manière inappropriée. Le demandeur soutient que les questions que lui a posées l’agente et la façon dont les questions lui ont été posées révèlent la présence de préjugés, d’insinuations et de commentaires négatifs qui n’étaient pas fondés sur des éléments de preuve. Le demandeur allègue également que les notes d’entrevue de l’agente révèlent de multiples violations à l’équité procédurale et remettent en cause l’impartialité du processus.

D.                L’ordonnance d’autorisation et l’échéancier

[15]           Le 14 août 2014, le juge Mosley a accueilli la demande d’autorisation et il a fixé un échéancier qui a par la suite été modifié à la demande des parties.

E.                 La première requête visant la communication complète du DCT

[16]           Le 25 août 2014, le Service de l’immigration de l’ambassade à Paris a envoyé le DCT au demandeur. Le 15 septembre 2014, le demandeur a déposé une première requête en vertu de la règle 17 des Règles en matière d’immigration visant la communication complète du DCT. Le demandeur soutenait dans un premier temps que plusieurs documents contenus au DCT ne lui avaient pas été communiqués dans le processus d’étude de sa demande. Il soutenait également que le DCT était incomplet et qu’il y manquait notamment les documents suivants dont il recherchait la communication :

  • Les échanges entre le Service d’immigration de l’ambassade de Paris et l’ASFC au sujet du demandeur et le traitement de son dossier;
  • Les échanges entre le Service d’immigration de l’ambassade de Paris et/ou Citoyenneté et Immigration (CIC) et/ou l’ASFC (y incluant la Section du crime organisé) avec le CANAFE-FINTRAC et toute requête transmise à ce dernier au sujet du demandeur;
  • Les échanges et demandes entre le Service d’immigration de l’ambassade de Paris et/ou CIC et/ou l’ASFC (y incluant la Section du crime organisé) avec Interpol au sujet du demandeur;
  • Les échanges et demandes entre le Service d’immigration de l’ambassade de Paris et/ou CIC et/ou l’ASFC (y incluant la Section du crime organisé) avec ICES au sujet du demandeur;
  • L’ensemble des demandes qui ont été faites auprès des instances en France concernant l’enquête menée en France sur une plainte contre la famille du demandeur et les réponses qui ont été reçues;
  • Les notes manuscrites, résumés, mémorandum et/ou échanges suite et relatifs à la recommandation de l’ASFC datée du 1 novembre 2012 à l’effet qu’il n’existe pas de motifs raisonnables de croire à une interdiction de territoire en vertu de l’article 37 de la LIPR, s’il y a lieu.

[17]           Dans ses prétentions, le demandeur soutenait que ces documents devaient exister et qu’ils faisaient partie des documents et des éléments considérés dans le cadre du processus décisionnel ayant mené à la décision contestée. Le demandeur soutenait également que si certains de ces documents n’avaient pas été utilisés par l’agente pour rendre sa décision, ils étaient tout de même pertinents parce qu’ils étaient nécessaires pour lui permettre d’exercer pleinement son droit au contrôle judiciaire. De façon plus particulière, le demandeur soutenait que les documents en cause étaient nécessaires pour lui permettre de démontrer ses allégations de violations à l’équité procédurale et de partialité.

[18]           En réponse à cette requête, le défendeur a déposé un affidavit souscrit par Mme Terrier le 19 septembre 2014. Dans son affidavit, Mme Terrier a déclaré avoir supervisé la confection du DCT. Elle a également déclaré que le DCT contenait tous les documents pertinents qu’elle avait consultés pour rendre sa décision et qui étaient en possession ou sous la garde du Service de l’immigration de l’ambassade au moment où elle a pris sa décision. Au paragraphe 7 de son affidavit, Mme Terrier a déclaré que de façon plus précise les documents suivants se retrouvaient dans le DCT :

  • Tous ses échanges de communication avec l’ASFC et CIC, incluant ceux relatifs à l’information reçue du CANAFE-FINTRAC et d’Interpol;
  • Tous les échanges de communication entre ses collègues du Service de l’immigration de l’ambassade du Canada à Paris et l’ASFC et CIC qui lui ont été communiqués, incluant ceux relatifs à l’information reçue du CANAFA-FINTRAC et d’Interpol;
  • Toutes ses sources documentaires;
  • Toutes ses notes.

[19]           L’affidavit de Mme Terrier traite également d’échanges qu’elle a déclaré avoir eus avec des juges d’instruction. Elle a affirmé que le 8 avril 2011, elle avait communiqué avec le doyen des juges d’instruction de Paris concernant une enquête sur les biens mal acquis par certains présidents africains et leur famille. Elle a ajouté que le doyen des juges d’instruction lui a répondu que le juge responsable de cette affaire était tenu par le secret de l’instruction, mais que l’enquête progressait et qu’il espérait la voir aboutir au début de 2012. Mme Terrier a indiqué que le doyen des juges d’instruction lui a permis de communiquer à nouveau avec lui à ce sujet. Elle a également affirmé que le 15 mai 2013, elle a communiqué avec le juge d’instruction chargé de cette enquête, mais qu’aucune information ne lui a été communiquée puisque les enquêtes de cette nature étaient protégées par le secret de l’instruction.

[20]           Elle a par ailleurs déclaré, au paragraphe 12 de son affidavit, qu’il ne manquait aucun document au DCT qui avait été déterminant pour sa décision.

[21]           La requête a été entendue par le juge Martineau le 23 septembre 2014. J’ai écouté l’enregistrement de l’audience. Lors de cette audience, l’avocate du demandeur a renoncé à contre-interroger Mme Terrier sur son affidavit. Les parties ont par ailleurs présenté leurs positions respectives quant à la notion de pertinence au sens de la règle 17 des Règles en matière d’immigration et plus particulièrement des documents dont le demandeur recherchait la communication. Le défendeur soutenait que les documents en cause étaient soit non existants ou non pertinents. Le juge Martineau a rejeté la requête du demandeur dans une ordonnance du 24 septembre 2014. Le passage pertinent de son ordonnance se lit comme suit :

CONSIDÉRANT que « tous les documents pertinents qui sont en la possession ou sous la garde du tribunal administratif » ont été inclus dans le dossier du tribunal administratif (DTA), le tout tel qu’il appert de l’affidavit du 19 septembre 2014 de l’agent d’immigration Constance Terrier, qui a rendu la décision attaquée en l’espèce;

CONSIDÉRANT qu’il sera toujours loisible au demandeur de soumettre dans son mémoire supplémentaire ou de faire valoir à l’audition que la non-communication par l’agent d’immigration, avant la décision attaquée, de tout document ou information mentionnés au paragraphe 3 de l’avis de requête ou à l’affidavit de Mme Terrier soulève une crainte raisonnable de partialité ou a fait en sorte de la priver de son droit d’être entendu et de faire des représentations ou de produire des preuves utiles en lien direct avec la décision attaquée;

[22]           Le dossier a par la suite suivi son cours et le défendeur a déposé un second affidavit souscrit par Mme Terrier le 24 septembre 2014 au soutien de sa position quant au mérite de la demande de contrôle judiciaire. Dans cet affidavit, Mme Terrier relate principalement les diverses étapes survenues dans le traitement de la demande de résidence permanente du demandeur. Mme Terrier a été interrogée sur son affidavit les 7 et 8 octobre 2014.

[23]           Lors de cet interrogatoire, le défendeur s’est opposé à ce que Mme Terrier soit interrogée sur son affidavit du 19 septembre 2014. Le défendeur s’est également opposé à plusieurs questions posées à Mme Terrier et à plusieurs engagements qui lui ont été demandés.

II.                La requête du 14 octobre 2014 qui a été amendée le 16 octobre 2014

[24]           Le 16 octobre 2014, le demandeur a déposé une requête pour modifier l’échéancier au motif qu’en raison des objections soulevées par le défendeur lors de l’interrogatoire de Mme Terrier et des délais requis pour faire trancher ces objections, l’échéancier ordonné par le juge Mosley devait être modifié. Cette requête faisait également état d’un désaccord entre les parties sur la longueur des mémoires supplémentaires.

[25]           La question relative à l’échéancier n’est plus en cause puisque lors de l’audience, j’ai convenu avec les parties qu’un nouvel échéancier serait fixé après l’émission de la présente ordonnance.

[26]           Par conséquent, la seule question en litige découlant de cette requête qui subsiste est celle relative à la longueur des mémoires supplémentaires.

[27]           Le défendeur demande l’autorisation de déposer un mémoire supplémentaire d’au plus 60 pages qui remplacerait entièrement le mémoire qu’il a déposé au stade de la demande d’autorisation.

[28]           La règle 70(4) des Règles des cours fédérales, DORS/98-106 [Règles] s’applique aux instances en matière d’immigration par le biais de la règle 4(1) des Règles en matière d’immigration. La règle 70(4) des Règles prévoit qu’un mémoire ne peut contenir plus de trente pages sauf sur ordonnance contraire de la Cour.

[29]           Dans Canada c Général Electric Capital Canada Inc, 2010 CAF 92 au para 5, [2010] ACF no 461, le juge Stratas a insisté sur l’importance de la concision dans la préparation des mémoires tout en reconnaissant que dans certaines circonstances, il peut être justifié d’autoriser les parties à produire des mémoires excédant trente pages et que l’obligation d’équité procédurale de la Cour constitue le principe fondamental à appliquer.

[30]           En l’espèce, je considère qu’il est approprié d’autoriser chacune des parties à produire un mémoire supplémentaire qui remplacera le mémoire qu’elles ont déposé au stade de la demande d’autorisation et qui pourra comporter au plus 60 pages. Le présent dossier soulève plusieurs questions dont certaines mettent en cause une allégation de partialité et plusieurs aspects de l’équité procédurale. De plus, le traitement du dossier s’est échelonné sur une longue période et il a impliqué l’analyse d’un nombre élevé de documents. Bref, la trame factuelle du présent dossier est longue et la demande de contrôle judiciaire soulève plusieurs questions.

[31]           Je considère donc que dans les circonstances particulières du présent dossier, la demande du défendeur est raisonnable et j’estime qu’il pourrait être difficile pour les parties d’exposer efficacement leurs arguments respectifs à l’intérieur d’un mémoire de trente pages. J’estime également que la Cour a avantage à ce que les parties aient l’occasion d’élaborer, dans leurs mémoires respectifs, leur position de façon complète.

III.             Les requêtes du 29 octobre 2014 et du 20 novembre 2014

[32]           Suite à l’interrogatoire de Mme Terrier, le demandeur a déposé une requête datée du 29 octobre 2014. Cette requête a été suivie d’une seconde requête en date du 20 novembre 2014. Certaines des questions soulevées dans chacune des requêtes sont liées et/ou s’entrecoupent.

A.                Position du demandeur

(1)               La requête du 29 octobre 2014

[33]           Le demandeur a produit une requête dans laquelle il recherche cinq conclusions différentes. Premièrement, cette requête vise à faire trancher les objections soulevées par le défendeur lors du contre-interrogatoire de Mme Terrier sur son affidavit du 24 septembre 2014. Lors de l’audition de la requête, 37 objections étaient encore en litige.

[34]           Deuxièmement, le demandeur demande l’autorisation de contre-interroger Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014.

[35]           Troisièmement, le demandeur demande l’autorisation de contre-interroger Mme Susan Bradley sur les deux affidavits qu’elle a souscrits les 25 et 28 avril 2014, au soutien du mémoire déposé par le défendeur au stade de la demande d’autorisation.

[36]           Quatrièmement, la requête vise l’obtention d’une ordonnance qui enjoindrait le défendeur à ajouter des documents au DCT. Les documents visés sont en la possession du demandeur, mais n’ont pas été inclus dans le DCT et sont différents des documents dont la communication était recherchée dans le cadre de la requête qui a été présentée devant le juge Martineau.

[37]           Cinquièmement, la requête vise l’obtention d’une ordonnance qui enjoindrait le défendeur à ajouter d’autres documents au DCT. Ces documents ont été visés par des demandes d’engagement formulées lors de l’interrogatoire de Mme Terrier.

[38]           Le demandeur soutient qu’il a le droit de contre-interroger Mme Terrier sur l’affidavit qu’elle a souscrit le 19 septembre 2014 et que la Cour devrait autoriser son ré-interrogatoire à cette fin. Le demandeur soutient également que plusieurs des questions auxquelles le défendeur s’est opposé avaient trait à l’affidavit souscrit par Mme Terrier le 24 septembre 2014 et étaient pertinentes.

[39]           Au niveau des principes, les deux parties reconnaissent que les principes de base qui encadrent le droit de contre-interroger l’auteur d’un affidavit ont été énoncés par le juge Hugessen dans Merck Frosst Canada Inc c Canada (ministre de la Santé), [1997] ACF no 1847 au para 7, 146 FTR 249 [Merck Frosst].

[40]           Elles adoptent toutefois une position différente relativement à la portée réelle de ces principes et à d’autres principes qui ont été reconnus dans certaines décisions.

[41]           Dans un premier temps, le demandeur soutient que dans Merck Frosst, la Cour a reconnu que le contre-interrogatoire de l’auteur d’un affidavit peut porter sur les faits énoncés dans l’affidavit en cause ou sur tout autre affidavit produit dans le cadre de l’instance. Au soutien de son argument, le demandeur invoque également Sam Levy et Associés c Lafontaine (sub nom Sam Lévy & Associés Inc c Canada (Surintendant des faillites)), 2005 CF 621 au para 10, [2005] ACF no 768 [Sam Levy] et Eli Lilly and Co c Novopharm Ltd, [1996] ACF no 465 au para 2, 67 CPR (3d) 362 [Eli Lilly] , dans lesquels la Cour a cité les propos du juge Hugessen dans Merck Frosst.

[42]            Le demandeur soutient que dans Merck Frosst, la Cour a également reconnu la pertinence juridique d’une question lorsqu’elle porte sur un fait dont l’existence ou la non‑existence peut contribuer à déterminer si le redressement recherché par le demandeur dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire peut-être accordé. Par conséquent, le demandeur y voit la possibilité d’interroger Mme Terrier sur des faits qui à son avis ont été omis dans son affidavit du 24 septembre 2014, mais qui sont pertinents aux fins de trancher les moyens invoqués dans sa demande de contrôle judiciaire. 

[43]           Le demandeur soutient également que la jurisprudence reconnaît que le contre-interrogatoire sur affidavit peut déborder des faits énoncés par le déclarant dans la mesure où les questions posées portent sur les sujets contenus dans l’affidavit (Maheu c IMS Health Canada, 2003 CFPI 647 au para 5, [2003] ACF no 902 [Maheu]), découlent des faits énoncés dans l’affidavit (Sivak v Canada (Citizenship and Immigration), 2011 FC 402 au para 13, [2011] FCJ No 513 [Sivak], ou encore, lorsqu’elles constituent des questions corollaires qui découlent des réponses données par l’affiant (Royal Bank of Scotland plc c Golden Trinity (Le), [2000] ACF no 896, [2000] 4 CF 211). Le demandeur s’est également appuyé sur Stella Jones Inc c Mariana Maritime SA, [2000] ACF no 2033, (sub nom Stella-Jones Inc v Hawknet Ltd) 2000 CarswellNat 3006 (CAF) [Stella Jones], Stanfield c Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CF 584 au para 28, [2004] ACF no 719 et AgustaWestland International Ltd c Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2005 CF 627 au para 12, [2005] ACF no 805 [AgustaWestland International Ltd].

[44]           Le demandeur soumet également qu’il est reconnu que des questions qui débordent le cadre des faits énoncés dans l’affidavit peuvent être posées lorsqu’elles ont trait à la crédibilité de l’affiant ou lorsqu’elles concernent une allégation de partialité de la part du décideur lorsque de telles questions sont soulevées dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire (Sivak, aux para 15-16).

[45]           Le demandeur invoque comme dernier élément que lorsque l’auteur de l’affidavit est un représentant ou un mandataire du défendeur, il peut-être tenu de se renseigner afin de répondre à des questions soulevées lors de l’interrogatoire et il s’appuie sur Maheu, au para 9. Le demandeur soutient que dans son dossier de demande de résidence permanente, Mme Terrier a agi en tant que représentante du Service d’immigration de l’ambassade.

[46]           Le demandeur avance également que l’ordonnance du juge Martineau n’a pas comme portée de l’empêcher de contre-interroger Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014, et ce pour plusieurs raisons. Dans un premier temps, il soutient que l’ordonnance du juge Martineau est une ordonnance intérimaire qui n’a pas scellé le sort du DCT de façon définitive. Dans un deuxième temps, il invoque que l’ordonnance du juge Mosley lui accorde le droit de contre-interroger les auteurs des affidavits, et ce en regard de tous les affidavits déposés au dossier. Il invoque également, comme je l’ai déjà mentionné, son droit d’interroger l’auteur d’un affidavit sur tous les affidavits qu’il a produit dans le cadre de l’instance.

[47]           Le demandeur soutient également que toutes les objections soulevées par le défendeur aux questions posées à Mme Terrier devraient toutes être rejetées puisque les questions étaient pertinentes en regard des deux affidavits souscrits par Mme Terrier. À son avis, toutes les questions respectaient les paramètres élaborés par la jurisprudence. Le demandeur soutient que les questions auxquelles le défendeur s’est opposé étaient toutes des questions recevables et pertinentes puisqu’elles portaient sur :

  • l’affidavit du 19 septembre qui traite de la composition du DCT; ou
  • l’affidavit du 24 septembre 2014 qui traite de l’historique du traitement de la demande de résidence permanente du demandeur; ou
  • la crédibilité de Mme Terrier; ou
  • les faits qu’elle a omis de déclarer dans son affidavit du 24 septembre 2014 et qui sont pertinents aux fins des moyens invoqués dans la demande de contrôle judiciaire et plus particulièrement ceux relatifs aux violations à l’équité procédurale et à la crainte raisonnable de partialité; ou
  • des informations ou des documents qui sont visés par l’obligation qu’a Mme Terrier de se renseigner.

[48]           Je reviendrai en détail sur chacune des objections lors de mon analyse.

[49]           Le demandeur demande également à la Cour l’autorisation de contre-interroger Mme Bradley sur les affidavits qu’elle a souscrits les 25 et 28 avril 2014. Mme Bradley est adjointe juridique au ministère de la Justice et son affidavit a été déposé par le défendeur en appui au mémoire qu’il a déposé au stade de la demande d’autorisation. Dans son affidavit du 25 avril 2014, Mme Bradley énonce que Mme Kathleen Knox-Dauthuile du Service de l’immigration de l’ambassade du Canada à Paris a consulté le dossier du demandeur et qu’elle a assuré le défendeur que Mme Terrier avait à sa disposition un certain nombre de documents qu’elle a énumérés lorsqu’elle a rendu la décision faisant l’objet de la demande de contrôle judiciaire. Mme Bradley a joint les documents en question à son affidavit. Le deuxième affidavit souscrit par Mme Bradley le 28 avril 2014 avait pour objet d’ajouter deux documents à ceux énumérés dans son affidavit initial.

[50]           Le demandeur soutient que l’affidavit de Mme Bradley a été déposé par le défendeur au soutien de son mémoire sur le mérite de la demande de contrôle judiciaire et qu’il est clairement visé par l’ordonnance du juge Mosley.

[51]           Le demandeur soutient également que plusieurs documents sont manquants au DCT dont certains d’entre eux ont été abordés lors de l’interrogatoire de Mme Terrier. Il demande à la Cour d’enjoindre le défendeur de joindre ces documents au DCT. Les documents manquants sont énumérés à l’affidavit souscrit par l’adjointe de Me Doyon.

[52]           Le demandeur soutient que le critère qui doit être retenu pour déterminer les documents qui doivent être inclus au DCT en vertu de la règle 17 des Règles en matière d’immigration est celui de la pertinence. 

[53]           Le demandeur soumet au départ que les principes élaborés sur la notion de pertinence au sens des règles 317 et 318 des Règles s’appliquent également au sens à donner à la notion de pertinence prévue au paragraphe 17b) des Règles en matière d’immigration (Douze v Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2010 FC 1086 au para 19, [2010] FCJ No 1383 [Douze]. Le demandeur avance que le Tribunal a l’obligation de produire un dossier complet qui doit inclure tous les documents pertinents à l’affaire qui sont en sa possession ou sous son contrôle.

[54]           Le demandeur soutient que tout document que le décideur avait à sa disposition lorsqu’il a pris sa décision est présumé être pertinent et doit être inclus dans le DCT (Jolivet c Canada (Ministre de la Justice), 2011 CF 806 au para 27, [2011] ACF no 1094 [Jolivet]; Kamel c Canada (Procureur général), 2006 CF 676 au para 13, [2006] ACF no 876 [Kamel]).

[55]           Le demandeur avance également que les documents qui n’étaient pas devant le décideur, mais qui auraient dû l’être doivent aussi être inclus au DCT (Kamel, para 12). Le demandeur soutient également que le DCT ne se limite pas aux documents sur lesquels le décideur a fondé sa décision. Il doit également inclure les documents qui sont pertinents aux fins de trancher les moyens liés à l’équité procédurale et à la partialité qu’il a invoqués dans la demande de contrôle judiciaire. À cet égard, il invoque l’affaire Canada (Commission des droits de la personne) c Pathak, [1995] 2 CF 455 au para 10, [1995] FCJ No 555 [Pathak], dans laquelle la Cour d’appel fédérale a indiqué qu’un document est pertinent et doit être transmis par l’office fédéral s’il peut influer sur la façon dont la Cour disposera de la demande de contrôle judiciaire.  Le demandeur a également invoqué la décision de la Cour d’appel fédérale dans Maax Bath Inc c Almag Aluminium Inc, 2009 CAF 204 au para 9, [2009] ACF no 725 [Maax Bath]. Le demandeur soutient qu’il est reconnu qu’un document en possession du tribunal peut être pertinent et devra être communiqué, même s’il ne fait pas en soi partie du dossier du tribunal, s’il tend à démontrer un parti pris de la part du décideur ou de l’institution (Majeeb c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 908 (QL) au para 3, 68 FTR 75).

(2)               La requête du 20 novembre 2014

[56]           Parallèlement aux procédures engagées dans la présente instance, le demandeur a fait des demandes d’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A-1, auprès de l’ASFC et de CIC. Le demandeur a reçu les documents qui lui ont été communiqués par l’ASFC le ou vers le 20 octobre 2014, soit après le contre-interrogatoire de Mme Terrier. Le demandeur soutient que plusieurs des documents communiqués par l’ASFC n’ont pas été inclus dans le DCT alors qu’ils auraient dû l’être. Le demandeur soutient également que certains de ces documents contredisent des réponses données par Mme Terrier lors de son contre-interrogatoire.

[57]           Le demandeur soutient également que cette constatation l’a incité à réviser à nouveau les documents que CIC lui avait communiqués le 15 novembre 2013 et le 5 juin 2014, et qu’il a constaté que certains documents qui lui ont été communiqués par CIC auraient dû être inclus au DCT.

[58]           Par sa requête, le demandeur recherche dans un premier temps, une déclaration de la Cour qui constaterait la nature incomplète du DCT et le défaut du défendeur d’y inclure des documents d’importance capitale. À titre subsidiaire, le demandeur demande à la Cour d’émettre une ordonnance enjoignant le défendeur à compléter le DCT en y ajoutant les documents visés.

[59]           Deuxièmement, le demandeur recherche l’autorisation de réinterroger Mme Terrier sur ses deux affidavits des 19 et 24 septembre 2014. À titre subsidiaire, le demandeur recherche une ordonnance qui lui permettrait de déposer des documents supplémentaires et un affidavit supplémentaire.

[60]           Le demandeur a déposé, par le biais de l’affidavit de l’adjointe de Me Doyon, les documents qui, à son avis, auraient dû être déposés au DCT. Les documents en cause qui lui ont été communiqués par l’ASFC sont les suivants :

  • Courriel de Constance Terrier à Michelle Sinuita (ASFC), 30 août 2012;
  • Courriel de Michelle Sinuita (ASFC) et de Mme Terrier, 10 août 2012;
  • Courriel de Michelle Sinuita (ASFC) à Constance Terrier, 16 juillet 2012;
  • Courriel de Constance Terrier à Marie-Claude Beaumier, Me Joubert et Sean McNair (ASFC), 13 juillet 2012;
  • Courriel de Constance Terrier à Marc Gauthier (ASFC), 14 juin 2012;
  • Courriels entre Constance Terrier et Michelle Sinuita (ASFC), 16 juillet 2012;
  • Courriels entre Constance Terrier et Marc Gauthier (ASFC), 22 juin 2012;
  • Courriel de Marc Gauthier (ASFC) à Constance Terrier, 22 juin 2012;
  • Envoi de Kathleen Knox-Dauthuile de l’Ambassade du Canada – Paris à l’ASFC, 7 février 2008;
  • Courriels entre Connie Reynolds (ASFC) et Luc Piché (Ambassade), 5 juin 2012;
  • Courriels entre employés de l’ASFC, les 26 et 27 août 2010 et les 13 et 14 avril 2011;
  • Notes informatisées de l’ASFC;
  • Rapport de CANAFE-FINTRAC du 5 avril 2011 concernant le demandeur;
  • « Case Log Sheet – OCS » signé par Michelle Sinuita (ASFC) le 1 novembre 2012;
  • Notes manuscrites;
  • Courriel de Sean Curran (ASFC) à Marie-Eve Proulx (War Crimes Section), 6 avril 2009.

[61]           Les documents provenant de CIC sont les suivants :

  • Courriel de Constance Terrier à Vladislav Mijic (Ambassade), 1er juin 2012;
  • Plainte du 30 avril 2013 avec annotations manuscrites.

[62]           Le demandeur soutient que ces documents sont clairement pertinents et qu’ils auraient dû être inclus au DCT. Il ajoute que ces documents démontrent que d’autres documents ont été omis dans le DCT, lesquels ont trait à :

  • L’ensemble des échanges de Mme Terrier avec l’ASFC et/ou la section B du Service d’immigration de l’ambassade;
  • L’existence d’un deuxième rapport non divulgué préparé par CANAFE-FINTRAC au sujet du demandeur;
  • L’ensemble des échanges entre Mme Terrier et le juge d’instruction en France et/ou ceux de la Section B du Service d’immigration de l’ambassade et/ou de l’ASFC, le cas échéant;
  • L’existence de notes manuscrites de Mme Terrier sur la plainte du 30 avril 2013 déposée par le demandeur.

[63]           Le demandeur soutient que les documents manquants démontrent que le DCT était clairement incomplet et que certains d’entre eux contredisent certaines des réponses données par Mme Terrier lors de son contre-interrogatoire. Le demandeur avance que ces circonstances à elles seules justifient que la Cour l’autorise à interroger Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre et ce, peu importe la portée que l’on peut accorder à l’ordonnance du juge Martineau. Le demandeur soumet que la découverte de ces documents constitue une circonstance nouvelle qui justifie que la question du caractère complet du DCT soit réexaminée et que la Cour autorise l’interrogatoire de Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014. Le demandeur soutient également que plusieurs des documents découverts ont un lien avec les objections soulevées par le défendeur lors de l’interrogatoire de Mme Terrier et devraient avoir une incidence sur le sort de ces objections.

[64]           Le demandeur invoque qu’à la lumière des moyens soulevés dans la demande de contrôle judiciaire, et plus particulièrement ses allégations de violation à l’équité procédurale et de crainte raisonnable de partialité, les documents qui n’ont pas été inclus dans le DCT sont d’une importance capitale dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire. Le demandeur allègue que la découverte de ces documents après l’interrogatoire de Mme Terrier démontre que le défendeur l’a induit en erreur et qu’il a également induit la Cour en erreur en prétendant à tort que le DCT était complet.

B.                 Position du défendeur

(1)               La requête du 29 octobre 2014

[65]           Le défendeur s’oppose à ce que Mme Terrier puisse être contre-interrogée sur son affidavit du 19 septembre 2014. À cet égard, le défendeur avance dans un premier temps que l’affidavit du 19 septembre 2014 n’a pas été déposé au soutien de sa position sur le mérite de la demande de contrôle judiciaire et qu’il n’est donc aucunement visé par l’ordonnance du juge Mosley.

[66]           Le défendeur rappelle que l’affidavit du 19 septembre 2014 de Mme Terrier a été déposé en réponse à la requête du demandeur dans lequel il prétendait que le DCT n’était pas complet. Le défendeur soutient que lors de l’audience de la requête devant le juge Martineau, le demandeur a expressément renoncé à contre-interroger Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014. Le défendeur soutient que le demandeur est lié par sa renonciation et qu’il ne peut changer d’idée en cours d’instance. Il appuie sa position sur Imperial Oil Limited c Lubrizol Corp, [1998] ACF no 1089, 1998 CanLII 8152 [Imperial Oil]. Le défendeur soutient également que l’ordonnance du juge Martineau a réglé de façon définitive la question relative au caractère complet du DCT. Il y a donc chose jugée à cet égard (Canada (Attorney General) v Central Cartage Co, [1987] FCJ No 345, 10 FTR 225, conf par [1990] FCJ No 409).

[67]           Le défendeur rejette également l’argument du demandeur suivant lequel il peut, nonobstant l’ordonnance du juge Martineau, interroger Mme Terrier sur tous les affidavits auquel elle a souscrit dans le cadre de l’instance. À cet égard, il soutient en outre que les autorités sur lesquelles le demandeur s’est appuyé, notamment Merck Frosst et Sam Levy, ne sont pas pertinentes puisque dans les deux causes, il n’était pas question du droit de contre- interroger l’auteur d’un affidavit sur un autre affidavit du même auteur produit dans le cadre d’une requête interlocutoire dont la Cour avait disposée.

[68]           Au niveau des paramètres relatifs au droit du demandeur de contre-interroger Mme Terrier sur son affidavit du 24 septembre 2014, le défendeur défend une vision plus restrictive que le demandeur.

[69]           Le défendeur soumet que le contre-interrogatoire sur affidavit dans le contexte d’une demande de contrôle judiciaire est beaucoup plus restrictif qu’un interrogatoire au préalable qui survient dans le cadre d’une action. Le défendeur soutient que les questions posées à l’auteur d’un affidavit doivent être limitées aux questions qui mettent en cause la crédibilité de l’affiant ou les faits énoncés dans l’affidavit qui ont un lien avec les fins pour lesquelles l’affidavit a été souscrit. Le défendeur a appuyé sa position sur Merck Frosst, Lépine c Banque de Nouvelle‑Écosse, 2006 CF 1455 aux para 9, 18, [2006] ACF no 1839, Autodata Ltd c Autodata Solutions Co, 2004 CF 1361 aux para 2, 19, [2004] ACF no 1653 [Autodata] et Imperial Chemical Industries PLC v Apotex, 1988 CarswellNat 642 (WL) au para 9, 22 CIPR 226 (FCTD) [Imperial Chemical] ). En l’espèce, le défendeur soumet que l’affidavit souscrit par Mme Terrier le 24 septembre 2014 avait pour unique but de traiter de la question de l’équité procédurale et d’énoncer les démarches effectuées pour assurer son respect. Le défendeur rappelle qu’au mérite, la Cour devra déterminer si le demandeur a eu la possibilité de participer pleinement au processus décisionnel en ayant été informé des renseignements qui lui étaient défavorables et en ayant eu l’occasion de donner son point de vue (El Maghraoui c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 883 au para 27, [2013] ACF no 916). 

[70]           Le défendeur a aussi insisté sur le fait que l’affidavit d’un décideur ne peut servir à compléter ou à étoffer les motifs de la décision qui fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire (Leahy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 227 au para 145, [2012] ACF no 1158; Sellathurai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255 aux para 45-47, [2008] ACF no 1267; Stemijon Investments Ltd c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299 aux para 40-42, [2013] ACF no 553). Par conséquent, le défendeur soutient que les questions qui sont posées lors d’un contre-interrogatoire sur affidavit ne peuvent pas non plus servir à faire témoigner l’affiant sur les motifs de sa décision et il s’appuie sur Pinto c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 349 aux para 8, 10, [2013] ACF no 368.

[71]           Le défendeur soumet de plus que l’auteur d’un affidavit n’a pas à répondre à des questions de droit ou à énoncer la position du défendeur sur les questions juridiques en litige. De plus, l’auteur d’un affidavit n’a pas à se renseigner pour répondre à des questions dont il ne connaît pas la réponse (Ward c Nation Crie de Samson, 2001 CFPI 990 au para 3, [2001] ACF no 1383). Le défendeur soutient qu’en l’espèce, Mme Terrier est l’agente qui a traité la demande de résidence permanente du demandeur, mais qu’elle n’est pas la mandataire ou la représentante du défendeur. Par conséquent, elle n’est tenue de répondre qu’aux questions pertinentes auxquelles elle connaît la réponse et elle n’a pas une obligatoire supplémentaire de se renseigner.

[72]           Le défendeur soutient également qu’il n’existe aucune obligation de souscrire des engagements dans le cadre d’un interrogatoire sur affidavit et l’auteur de l’affidavit n’a pas l’obligation de produire des documents. Le défendeur s’appuie sur Autodata, aux para 2, 19.

[73]           Quant aux questions auxquelles il s’est opposé, le défendeur soutient qu’elles étaient soit :

  • reliées à l’affidavit du 19 septembre 2014; ou
  • elles débordaient le cadre de l’affidavit du 24 septembre 2014; ou
  • elles n’étaient pas pertinentes; ou
  • Mme Terrier n’en connaissait pas la réponse et elle n’avait pas l’obligation de s’informer; ou
  • les questions posées à Mme Terrier avaient trait à des questions de droit.

[74]           Quant aux engagements demandés, le défendeur soutient que Mme Terrier n’avait pas l’obligation de s’informer et rechercher des documents ou de produire des documents qu’elle n’avait pas en sa possession.

[75]           Le défendeur ne partage pas non plus la position du demandeur relativement aux documents qui doivent être inclus dans le DCT. Le défendeur soutient la thèse que le DCT n’a pas à contenir tous les documents qui sont en possession du défendeur relativement au dossier de demande de résidence permanente du demandeur. À son avis, le DCT doit être composé des « éléments matériels produits devant le tribunal aux fins de sa décision » (Tajgardoon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), [2001] 1 CF 591au para 15, [2001] ACF no 1450). Le défendeur prétend que la jurisprudence a défini la pertinence au sens des règles 317 et 318 des Règles et de la règle 17 des Règles en matière d’immigration comme référant aux  documents qui ont une importance capitale pour la décision. Le défendeur appuie sa position sur la jurisprudence qui a établi que l’absence de documents au DCT peut entrainer l’annulation de la décision en cause si le ou les documents manquants étaient « d’une importance capitale pour la décision » (Aryaie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 469 au para 26, [2013] ACF no 498 [Aryaie]).

(2)               La requête du 20 novembre 2014

[76]           Le défendeur réitère sa position relativement aux documents qui doivent faire partie du DCT. Il reconnaît que la Cour peut autoriser le dépôt de documents en sus de ceux inclus dans le DCT et les dossiers des parties qui n’étaient pas en la possession du décideur lorsqu’il a rendu sa décision. Toutefois, il soutient que le dépôt d’éléments de preuve additionnels ne doit être autorisé que dans des circonstances restreintes, notamment lorsque les documents en cause sont nécessaires pour régler les allégations de violation des règles de justice naturelle ou d’équité procédurale (Alabadleh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 716 au para 6, [2006] ACF no 913).

[77]           En l’espèce, le défendeur soutient qu’aucun des documents que le demandeur invoque comme étant « manquants » n’est d’une importance capitale dans le cadre des moyens qu’il avance au soutien de sa demande de contrôle judiciaire. Le défendeur soutient également que les documents en cause ne sont pas pertinents pour déterminer si l’agente a violé les règles d’équité procédurale ou s’il existait une crainte raisonnable de partialité. Le défendeur soutient enfin que plusieurs des documents en cause n’ont eu aucune incidence sur la décision attaquée.

C.                 Analyse

[78]            Avant de me prononcer de façon spécifique à l’égard des différentes conclusions recherchées par le demandeur dans ses requêtes et des objections soulevées par le défendeur lors de l’interrogatoire de Mme Terrier, je vais traiter de certains principes généraux qui auront une incidence sur mes conclusions.

(1)               La composition du DCT

[79]           Je traiterai dans un premier temps des principes applicables à la composition du DCT. Au départ, les parties n’ont pas la même perception des catégories de documents qui doivent être inclus dans le DCT en vertu de la règle 17 des Règles en matière d’immigration. La règle se lit comme suit :

17. Dès réception de l’ordonnance visée à la règle 15, le tribunal administratif constitue un dossier composé des pièces suivantes, disposées dans l’ordre suivant sur des pages numérotées consécutivement :

a) la décision, l’ordonnance ou la mesure visée par la demande de contrôle judiciaire, ainsi que les motifs écrits y afférents;

b) tous les documents pertinents qui sont en la possession ou sous la garde du tribunal administratif,

c) les affidavits et autres documents déposés lors de l’audition,

d) la transcription, s’il y a lieu, de tout témoignage donné de vive voix à l’audition qui a abouti à la décision, à l’ordonnance, à la mesure ou à la question visée par la demande de contrôle judiciaire,

dont il envoie à chacune des parties une copie certifiée conforme par un fonctionnaire compétent et au greffe deux copies de ces documents.

17. Upon receipt of an order under Rule 15, a tribunal shall, without delay, prepare a record containing the following, on consecutively numbered pages and in the following order:

(a) the decision or order in respect of which the application for judicial review is made and the written reasons given therefor,

(b) all papers relevant to the matter that are in the possession or control of the tribunal,

(c) any affidavits, or other documents filed during any such hearing, and

(d) a transcript, if any, of any oral testimony given during the hearing, giving rise to the decision or order or other matter that is the subject of the application for judicial review,

and shall send a copy, duly certified by an appropriate officer to be correct, to each of the parties and two copies to the Registry.

[80]           Le défendeur soutient que le DCT doit être composé des seuls documents sur lesquels le décideur s’est appuyé pour rendre sa décision. Il soutient même que les documents pertinents se limitent à ceux qui ont une importance telle dans la décision que l’omission de les inclure dans le DCT serait susceptible d’entraîner l’annulation de la décision. Avec respect, je ne partage pas la position du défendeur à cet égard et je suis d’avis que la position du demandeur correspond davantage à l’état du droit sur la question.

[81]           D’abord, le critère de la pertinence aux fins de constituer le DCT est différent de celui applicable lorsque la Cour est appelée à déterminer si l’omission d’inclure un document au DCT doit entraîner l’annulation de la décision contestée.

[82]           Il est vrai que l’omission d’inclure certains documents au DCT peut entraîner l’annulation de la décision si les documents manquants étaient « d’une importance capitale pour la décision » (Aryaie, au para 26; voir également Machalikashvili c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 622 au para 9, [2006] ACF 898).

[83]           Il y a toutefois une distinction importante entre l’obligation pour le tribunal administratif de produire un DCT complet au state de la divulgation et les conséquences qui peuvent découler de l’omission d’inclure certains documents dans le DCT. Un document peut très bien être manquant et ainsi le tribunal administratif n’aura pas satisfait à l’obligation qui lui est imposée par la règle 17 des Règles en matière d’immigration. Il n’en découle pas nécessairement que la sanction doit être l’annulation de la décision.

[84]           Un document peut être pertinent au sens de la règle 17 sans être un document qui a été d’une importance capitale pour la décision. Dans le cadre d’une requête en communication, la Cour peut forcer le tribunal administratif à ajouter au DCT des documents manquants qui sont jugés pertinents ou encore autoriser le demandeur à déposer des documents et un affidavit additionnel. Il ne s’en suit pas qu’il est utile ou approprié que la Cour détermine, à ce stade des procédures, si les documents en cause sont d’une importance capitale pour la décision. Je considère que lorsqu’une telle allégation est faite, il revient au juge qui disposera du mérite de la demande de contrôle judiciaire de déterminer si les documents qui n’ont pas été inclus au DCT étaient d’une importance telle que l’omission de les inclure doit entraîner l’annulation de la décision.

[85]           Je considère par ailleurs que le défendeur soutient une vision trop restrictive du critère de la pertinence au sens de la règle 17 des Règles en matière d’immigration.

[86]           En effet, la notion de pertinence en matière de contrôle judiciaire ne s’apprécie pas uniquement en fonction des éléments qui ont influé sur la décision du tribunal administratif, mais également en fonction des éléments susceptibles d’influer sur la décision de la cour de révision. Dans Pathak, au para 10, la Cour d’appel fédérale a clairement énoncé que la pertinence d’un document au sens des règles 317 et 318 des Règles doit être envisagée dans la perspective des moyens invoqués dans la demande de contrôle judiciaire et de l’affidavit du demandeur, et elle a indiqué qu’un document est pertinent s’il peut influer sur la décision de la Cour :

10        Un document intéresse une demande de contrôle judiciaire s'il peut influer sur la manière dont la Cour disposera de la demande. Comme la décision de la Cour ne portera que sur les motifs de contrôle invoqués par l'intimé, la pertinence des documents demandés doit nécessairement être établie en fonction des motifs de contrôle énoncés dans l'avis de requête introductif d'instance et l'affidavit produits par l'intimé.

[87]           La règle de la pertinence au sens des règles 317 et 318 des Règles a été réitérée dans Maax Bath, alors que la juge Trudel a indiqué que la pertinence ne s’apprécie pas uniquement en fonction des documents qui ont influé sur la décision du tribunal administratif :

9          Un document est pertinent au sens des Règles 317 et 318 s'il a pu influer sur la décision du Tribunal ou s'il peut influer sur la manière dont la Cour disposera de la demande de contrôle judiciaire (Telus, précité, au paragraphe 5; Pathak, précité, au paragraphe 10).

[88]           Premièrement, selon les motifs de la demande de contrôle judiciaire, les documents pertinents pourraient inclure tous les documents qui étaient devant le décideur, incluant par exemple, ceux qui ont trait au processus de traitement du dossier. C’est d’ailleurs pour cette raison que la jurisprudence établit que tout document qui était devant le décideur, qu’il ait influé sur la décision ou non, est présumé pertinent. Par exemple, dans Access Information Agency Inc c Canada (Transports), 2007 CAF 224 au para 7, [2007] ACF 814, la Cour d’appel fédérale sous la plume du juge Pelletier a indiqué ce qui suit en regard des règles 317 et 318 des Règles:

Il est de jurisprudence constante que la partie demanderesse a le droit de demander que lui soit transmis tout ce qui était devant le décideur (et que la demanderesse n'a pas en sa possession) lorsque la décision en cause a été prise : 1185740 Ontario Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), [1999] A.C.F. no 1432 (C.A.F.).

[Je souligne]

[89]           Ainsi, je partage l’opinion émise par le juge Harrington dans Jolivet, au para 27, lorsqu’il mentionne qu’un document qui était devant le décideur lorsqu’il a pris sa décision est présumé pertinent et qu’il n’appartient pas au tribunal administratif dont la décision est attaquée de trancher la question de la pertinence d’un document. Cette responsabilité revient plutôt à la Cour :

27        Il est possible que nous puissions affirmer, objectivement parlant, que dans la présente affaire certains des documents dont disposait le groupe n'avaient aucune pertinence, mais il n'appartient pas au groupe de faire une telle détermination. Tel qu'il en ressort des motifs de la Cour d'appel fédérale dans Maax Bath, susmentionée, et Telus Communications Inc. c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 317, [2004] A.C.F. no 1587 (QL), il en revient à cette Cour de déterminer la pertinence de la documentation devant le groupe. Je commencerai par dire que si un document était devant le groupe lorsque celui-ci a pris sa décision, ce document doit être présumé comme pertinent. (Access Information Agency Inc. c. Canada (Transport), 2007 CAF 224, [2007] A.C.F. no 814 (QL) aux paragraphes 7, 21) Ces documents devraient donc être produits, à moins qu'une des exceptions susmentionnées puisse s'appliquer.

[Je souligne]

[Voir également Kamel, au para 3]

[90]           Deuxièmement, il ressort des principes énoncés dans Pathak et Maax Bath qu’un document qui n’était pas devant le décideur lorsqu’il a rendu la décision contestée peut néanmoins être pertinent s’ils est relié et utile aux fins d’apprécier une allégation de violation des règles d’équité procédurale ou de partialité. Un tel document est alors susceptible d’influer sur la façon dont la Cour disposera de la demande de contrôle judiciaire.

[91]           Je retiens à cet égard, les propos du juge Teitelbaum dans Gagliano c Canada (Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires – Commission Gomery), 2006 CF 720 aux para 49-50, [2006] ACF no 917, conf par 2007 CAF 131, [2001] ACF no 467 :

49        D'après l'arrêt Pathak, ci-dessus, et la jurisprudence ultérieure, un document est pertinent au sens de l'article 317 des Règles s'il peut influencer la décision de la cour de révision. La pertinence des documents demandés s'apprécie en fonction de l'avis de demande, des motifs d'examen invoqués par le demandeur et de la nature du contrôle judiciaire.

50        Il est bien établi que, d'une façon générale, seuls les documents dont disposait le décideur au moment où il a pris sa décision sont pertinents aux fins de l'article 317 des Règles. Cependant, la jurisprudence a apporté des exceptions à cette règle. La Commission a écrit dans ses observations écrites : [TRADUCTION] "Il existe une exception lorsqu'il est allégué que l'office fédéral a violé l'équité procédurale ou a commis une erreur de compétence : David Sgayias et al., Federal Practice, (Toronto: Thomson, 2005) à la p. 695, reproduit dans le mémoire des faits et du droit de la Commission (Chrétien, T-2118-05) au par. 24. L'observation ci-dessus est clairement étayée par la jurisprudence selon laquelle les documents dont ne disposait pas le décideur peuvent être considérés comme étant pertinents lorsqu'il est allégué que le décideur a violé l'équité procédurale ou lorsqu'il y a une allégation de crainte raisonnable de partialité de la part du décideur : Premières nations Deh Cho, ci-dessus; Friends of the West, ci-dessus; Telus, ci-dessus; Lindo, ci-dessus.

[Je souligne]

[92]           Dans Canada (Commissaire à l’intégrité du secteur public) c Canada (Procureur général), 2014 CAF 270 au para 4, [2014] ACF no 1167, la Cour d’appel fédérale a rappelé les paramètres applicables au droit de recevoir les documents qui n’étaient pas devant le décideur lorsqu’il a pris la décision :

Pour obtenir la divulgation de documents qui n'étaient pas devant le Commissaire lorsqu'il a pris sa décision, le demandeur devait établir que les documents recherchés sont pertinents au sens de la Règle 317. Premièrement, puisque règle générale, un contrôle judiciaire doit être décidé sur la base de l'information devant le décideur au moment de sa prise de décision, le demandeur devait avoir soulevé dans sa demande un motif de contrôle qui permettrait à la Cour de prendre en compte des éléments de preuve qui n'étaient pas devant le Commissaire. Ces exceptions au principe général sont bien établies dans la jurisprudence. Dans l'espèce, la seule exception pertinente était un manquement à l'équité procédurale, soit --la partialité de l'enquêteur qui aurait entaché tout le processus d'enquête. Deuxièmement, le motif de contrôle invoqué devait avoir un fondement factuel étayé par une preuve appropriée au besoin (Access Information Agency Inc. c. Canada (Transports), 2007 CAF 224, [2007] A.C.F. no 814, paragraphes 17 à 21). Ce dernier critère est particulièrement important puisqu'il permet d'éviter qu'un demandeur invoque un manquement à l'équité procédurale simplement pour avoir accès à des documents auxquels il ne pourrait avoir accès autrement.

[93]           Bref, la pertinence en matière de contrôle judiciaire ne se limite pas aux documents qui ont influé sur la décision du tribunal administratif, mais s’étend plutôt à tout ce qui était devant le décideur et possiblement, selon les motifs de contrôle judiciaire invoqués, aux documents qui n’étaient pas devant le décideur mais qui sont pertinents à une allégation de violation à l’équité procédurale, par exemple.

[94]           Dans Douze, au para 19, notre Cour a reconnu que la jurisprudence et les principes élaborés relativement à la notion de pertinence au sens des règles 317 et 318 des Règles sont également pertinentes aux fins de définir le concept de pertinence en vertu de la règle 17 des Règles en matière d’immigration. Je partage cet avis.

[95]           J’estime donc qu’à priori, tous les documents qui ont été à la disposition de Mme Terrier dans le cadre du traitement de la résidence permanente du demandeur sont présumés être pertinents et auraient dû être inclus au DCT. Le tribunal administratif doit conserver à l’esprit que le DCT doit être préparé à la lumière des allégations et des moyens invoqués dans la demande de contrôle judiciaire et dans l’affidavit du demandeur. En l’espèce, il ressort clairement de la demande de contrôle judiciaire et de l’affidavit du demandeur que l’équité procédurale et la crainte de partialité sont en cause dans la présente instance. Les allégations du demandeur à cet égard sont suffisamment détaillées dans son mémoire et dans son affidavit pour que le défendeur comprenne bien ses allégations. Dans un tel contexte, je considère que le défendeur devait inclure au DCT tous les documents qui ont été à la disposition de l’agente qui permettent de jeter un éclairage sur la façon dont le dossier du demandeur a été traité par l’agente et qui sont pertinents aux fins de trancher les allégations de violation de l’équité procédurale et de partialité, et ce même si ces documents n’ont pas eu d’incidence sur sa décision.

[96]           Dans son affidavit du 19 septembre 2014, Mme Terrier a affirmé avoir supervisé la confection du DCT. Si le DCT, tel qu’il a été constitué, a été préparé suivant la conception qu’a le défendeur de la notion de pertinence, j’estime qu’il est fort possible qu’il ne soit pas complet.

[97]           Le défendeur soutient que l’ordonnance du juge Martineau a réglé de façon définitive la question du caractère complet du DCT. Avec égard, je ne partage pas cet avis.

[98]           À mon avis, l’ordonnance du juge Martineau a accepté la prémisse que le dossier du tribunal contenait tous les documents que l’agente Terrier avait considérés pertinents, mais elle n’a pas réglé définitivement la question du caractère complet du DCT. Je conviens par ailleurs que dans le cadre de cette requête, le demandeur a renoncé à son droit de contre-interroger Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014 qui traitait clairement de la composition du DCT. En renonçant à contre-interroger Mme Terrier, le demandeur acceptait la prémisse énoncée dans l’affidavit suivant laquelle le DCT était composé des documents que Mme Terrier avait consultés qu’elle a jugé pertinents pour rendre sa décision. La suite des événements m’amène à penser qu’il aurait été préférable que le demandeur interroge Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014 avant que la Cour ne tranche la requête puisqu’un tel interrogatoire aurait vraisemblablement permis de connaître les paramètres qui ont guidé Mme Terrier lorsqu’elle a supervisé la confection du DCT. De plus, l’interrogatoire aurait possiblement permis d’identifier les documents qui n’ont pas été inclus au DCT parce que Mme Terrier ne les avait pas jugés pertinents aux fins de sa décision, mais qui peuvent, par ailleurs, être pertinents au terme des allégations de violation à l’équité procédurale et de partialité. À tout événement, le demandeur a choisi de ne pas contre-interroger Mme Terrier sur son affidavit et la Cour devait disposer de la requête à la lumière du dossier tel qu’il était constitué. Ainsi, le juge Martineau n’a pas eu à se prononcer sur la justesse de la notion de pertinence qui a guidé l’agente Terrier lorsqu’elle a affirmé, dans son affidavit, que tous les documents pertinents étaient inclus au DCT. Je considère que le juge Martineau a été appelé à se prononcer sur le caractère complet du DCT dans le contexte spécifique des catégories de documents énumérées dans la requête. Une écoute de l’enregistrement de l’audience me permet de confirmer que le caractère pertinent de chaque catégorie de documents a été débattu par les parties. Dans un tel contexte, je considère que l’ordonnance rendue par le juge Martineau réglait de façon définitive la question liée à la pertinence des documents visés par l’ordonnance mais qu’elle ne réglait pas nécessairement de façon définitive toutes les questions pouvant se soulever relativement à la composition du DCT qui pouvaient survenir en fonction de l’évolution du dossier.

[99]           Je reviendrai sur les documents spécifiques que le demandeur cherche à faire inclure au DCT.

(2)               La portée du contre-interrogatoire sur affidavit

[100]       Je vais maintenant traiter des principes généraux qui, à mon avis, doivent encadrer le droit de contre-interroger l’auteur d’un affidavit dans le contexte d’une demande de contrôle judiciaire et qui vont guider mon appréciation des objections soulevées lors du contre-interrogatoire de Mme Terrier et les autres demandes du demandeur.

[101]       Il est bien établi que le contre-interrogatoire sur affidavit est plus restrictif qu’un interrogatoire au préalable dans le cadre d’une action. Il faut conserver à l’esprit la nature sommaire et expéditive d’une demande de contrôle judiciaire.

[102]       Tout comme les parties, j’estime que dans Merck Frosst, le juge Huguessen a bien énoncé les paramètres de base qui encadrent le droit de contre-interroger l’auteur d’un affidavit dans une instance de contrôle judiciaire. Il est utile comme point de départ, de citer l’extrait pertinent de ce jugement :

4          Il convient tout d'abord de rappeler certaines notions élémentaires. Le contre-interrogatoire n'est pas un interrogatoire préalable et il diffère de celui-ci sous plusieurs rapports importants. Plus particulièrement,

a) la personne interrogée est un témoin, et non une partie;

b) les réponses données sont des éléments de preuve, et non des aveux;

c) le témoin peut légitimement répondre qu'il ignore quelque chose; il n'est pas tenu de se renseigner;

d) on ne peut exiger d'un témoin qu'il produise un document que s'il en a la garde ou la possession, les mêmes règles s'appliquant à tous les témoins;

e) les règles relatives à la pertinence sont plus restreintes.

5          Comme les oppositions qui sont à l'origine des requêtes sur lesquelles je suis appelé à statuer se fondent presque toutes sur la pertinence, j'aborde immédiatement la question.

6          Aux fins de la présente instance, j'estime utile de scinder la pertinence en deux catégories, soit la pertinence formelle et la pertinence juridique.

7          La pertinence formelle est liée aux questions de fait qui opposent les parties. Dans le cas d'une action, ces questions sont délimitées par les actes de procédure, mais dans le cas d'une demande de contrôle judiciaire, où aucun acte de procédure n'est déposé (l'avis de requête lui-même ne devant faire état que du fondement juridique, et non factuel, de la demande de contrôle), elles sont circonscrites par les affidavits que déposent les parties. Le contre-interrogatoire de l'auteur d'un affidavit ne peut donc porter que sur les faits énoncés dans celui-ci ou dans un autre affidavit produit dans le cadre de l'instance.

8          Toutefois, outre la pertinence formelle, les questions posées en contre-interrogatoire doivent avant tout satisfaire à l'exigence de la pertinence juridique. Même le fait énoncé dans un affidavit produit dans le cadre de l'instance n'est pertinent sur le plan juridique que lorsque son existence ou son inexistence peut contribuer à déterminer si le redressement demandé peut ou non être accordé. (Je laisse de côté les questions visant à miner la crédibilité du témoin, car elles constituent une catégorie à elles seules.) Ainsi, par exemple, il serait très exceptionnel qu'une question se rapportant au nom et à l'adresse, souvent déclinée par le déposant, ait une pertinence juridique, c'est-à-dire qu'elle peut avoir une incidence sur l'issue du litige.

[103]       Il est clair qu’au départ, les sujets qui peuvent être abordés lors d’un contre-interrogatoire sur affidavit doivent être liés aux moyens soulevés dans la demande de contrôle judiciaire. Il est évident que les questions peuvent porter sur tous les faits déclarés par l’affiant.

[104]       Par contre, depuis Merck Frosst, certains jugements ont quelque peu élargi les paramètres du contre-interrogatoire pour permettre des questions qui débordent du cadre strict des faits énoncés par l’affiant dans la mesure où les questions se rapportent aux sujets abordés dans l’affidavit et qu’elles sont pertinentes aux fins pour lesquelles l’affidavit a été souscrit. Les questions incidentes qui découlent des réponses données par l’affiant sont également permises.

[105]       À cet égard, je partage les propos du juge Kelen dans AgustaWestland International Ltd, au para 12, alors que commentant les propose de la Cour d’appel fédérale dans Stella Jones, il s’est exprimé comme suit :

12        L'étendue du contre-interrogatoire et la production de documents au contre-interrogatoire sur affidavit dans le cadre de demandes de contrôle judiciaire ont fait l'objet de différents traitements dans les décisions publiées. Je suis d'avis cependant que la Cour d'appel fédérale a élargi la portée du contre-interrogatoire sur affidavit pour qu'il s'étende à des aspects pertinents dépassant les quatre coins de l'affidavit et qu'il exige la production de documents qui échappent à la portée de l'affidavit lui-même. Le contre-interrogatoire et la production de documents sont limités par la notion de pertinence. Voir Stanfield c. Canada (Ministre du Revenu national), (2004) 255 F.T.R. 240, 2004 CF 584, aux paragraphes 24 à 29, où le protonotaire Hargrave a fait une analyse minutieuse de la jurisprudence. Il a d'ailleurs affirmé ce qui suit au paragraphe 28 :

[...] Essentiellement, ce que la Cour d'appel a fait dans l'arrêt Stella Jones, ce n'est pas seulement d'élargir le contre-interrogatoire sur affidavit pour qu'il s'étende à des aspects pertinents dépassant largement les quatre coins de l'affidavit, mais également d'élargir la production de documents en imposant la production de documents liés à des relations antérieures, documents qui manifestement échappaient à la portée de l'affidavit lui-même. La Cour d'appel a exprimé l'avis que le juge des requêtes n'avait pas le loisir d'exclure la possibilité que des relations antérieures puissent apporter un éclairage. Naturellement, le contre-interrogatoire et la production de documents découlant du contre-interrogatoire sont limités par la notion de pertinence, notamment celle dont parle le juge Hugessen dans l'affaire Merck Frosst, précitée, et celle dont parle la Cour d'appel dans l'arrêt Stella Jones Inc., précité.

[106]       De même, je partage les propos du juge Mosley dans Almrei (Re), 2009 FC 3 au para 71, [2009] FCJ No 1, lorsqu’il a exprimé :

[Traduction] La jurisprudence est à l’effet que le contre-interrogatoire ne se limite pas strictement à la teneur du texte de l’affidavit, pourvu qu’il soit pertinent, légitime et axé sur une question soulevée dans l’instance ou sur la crédibilité du demandeur.

[107]       Je retiens également les propos du juge Russell dans Ottawa Athletic Club Inc (fas Ottawa Atheletic Club) c Athletic Club Group Inc, 2014 CF 672 au para 132, [2014] ACF no 743:

132      La description que le juge Hugessen donne des faits pertinents, soit les "faits énoncés dans [l'affidavit du déposant] ou dans un autre affidavit produit dans le cadre de l'instance" est plus large que certaines descriptions antérieures (voir Joel Wayne Goodwin c Canada (Procureur général), T-486-04 (6 octobre 2004) [Goodwin], et la décision Merck (1994), précitée, selon lesquelles ils se limitaient aux questions découlant de l'affidavit lui-même ainsi qu'aux questions portant sur la crédibilité du déposant), mais plus restreinte que d'autres (voir Almrei (Re), 2009 CF 3, au paragraphe 71 : [TRADUCTION] "le contre-interrogatoire ne se limite pas strictement à la teneur du texte de l'affidavit, pourvu qu'il soit pertinent, légitime et axé sur une question soulevée dans l'instance ou sur la crédibilité du demandeur"). Cependant, il semble être généralement admis que [TRADUCTION] "l'auteur d'un affidavit qui formule certaines déclarations sous serment ne devrait pas échapper à un contre-interrogatoire légitime au sujet des renseignements qu'il fournit volontairement dans son affidavit" et "qu'il peut être contre-interrogé non seulement sur des questions précisément énoncées dans son affidavit, mais également sur les questions connexes que soulèvent ses réponses" : Merck Frosst Canada Inc c Canada (Minister of National Health and Welfare), [1996] A.C.F. no 1038, au paragraphe 9, 69 CPR (3d) 49 [Merck (1996)], citant Wyeth Ayerst Canada Inc c Canada (Minister of National Health and Welfare) (1995), 60 CPR (3d) 225 (CF 1re inst.).

133      Quelle que soit la façon dont la portée du contre-interrogatoire d'un déposant d'un affidavit est définie, l'auteur de l'affidavit doit répondre aux questions légitimes et pertinentes sur le plan juridique n'outrepasse pas cette portée (décision Merck (1996), précisée).

[Voir également Maheu, para 5]

[108]       Je considère donc que les questions qui peuvent être posées dans le cadre d’un contre-interrogatoire sur affidavit peuvent, selon le contexte, dépasser le cadre des faits strictement énoncés dans l’affidavit. Toutefois, le contre-interrogatoire doit se limiter à des questions de fait, et non des questions de droit, qui découlent des faits énoncés et des sujets abordés dans l’affidavit et des raisons pour lesquelles l’affidavit a été souscrit et déposé. Tel que je l’ai déjà exprimé, il va sans dire que la pertinence des questions doit aussi s’apprécier en fonction des moyens de contestations invoqués dans la demande de contrôle judiciaire.

[109]       En l’espèce, l’affidavit de Mme Terrier a été souscrit pour soutenir la position du défendeur en réponse aux allégations de violation de l’équité procédurale et de partialité soulevées par le demandeur dans sa demande de contrôle judiciaire. L’affidavit du 24 septembre 2014 relate les étapes du traitement de la demande de résidence permanente. À mon avis, les questions qui visent des faits qui n’ont pas nécessairement été énoncés directement dans l’affidavit, mais qui ont trait aux étapes que Mme Terrier a suivi dans le traitement du dossier du demandeur et à la façon dont la demande a été traitée sont pertinentes et découlent des faits allégués dans son affidavit.

[110]       Il est également reconnu, et le défendeur l’admet, que l’interrogatoire peut déborder des faits allégués dans l’affidavit si les questions ont trait à la crédibilité de l’affiant.

[111]       Le demandeur soutient que son droit de contre-interroger inclut le droit d’exiger que Mme Terrier se renseigne pour répondre aux questions dont elle ne connaît pas la réponse. Je ne partage pas cette position. Mme Terrier a été l’agente d’immigration qui a traité la demande de résidence permanente du demandeur. Je ne pense pas qu’en agissant à ce titre, elle peut être reconnue comme étant la mandataire corporative ou la représentante du défendeur au sens entendu par la jurisprudence qui a imposé une obligation de se renseigner à l’auteur d’un affidavit. Par conséquent, je considère qu’elle n’avait pas l’obligation de se renseigner sur des éléments de faits qui vont au-delà des faits dont elle a une connaissance personnelle et qui ont été pertinents dans son traitement de la demande de résidence permanente du demandeur. Les moyens invoqués au soutien de la demande de contrôle judiciaire attaquent la façon dont Mme Terrier a traité la demande de résidence permanente du demandeur, et ce qui est pertinent doit être lié à la façon dont Mme Terrier a traité la demande de résidence permanente du demandeur et aux documents et renseignements qui ont été portés à sa connaissance.

[112]       Je vais maintenant aborder les différentes demandes formulées par le demandeur.

(3)               L’interrogatoire de Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014

[113]       Les arguments invoqués par le demandeur dans sa requête du 29 octobre 2014 pour justifier le contre-interrogatoire de Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014 ne me convainquent pas.

[114]       Premièrement, je considère que l’ordonnance du juge Mosley ne visait pas l’affidavit du 19 septembre 2014. Dans son ordonnance, le juge Mosley a accueilli la demande d’autorisation et il a fixé un échéancier. Cette ordonnance visait les interrogatoires qui sont normalement faits à l’égard des affidavits qui sont déposés par les parties au soutien de leurs prétentions sur le mérite de la demande de contrôle judiciaire. L’affidavit du 19 septembre 2014 a été souscrit et déposé dans le contexte précis de la requête en communication complète du DCT déposée par le demandeur. Il n’avait pas comme objectif d’appuyer la position du défendeur sur le mérite des moyens invoqués par le demandeur dans la demande de contrôle judiciaire. Je considère donc qu’il n’était pas visé par l’ordonnance du juge Mosley.

[115]       Deuxièmement, je rejette la prétention du demandeur suivant laquelle le droit de contre- interroger l’auteur d’un affidavit inclut le droit de contre-interroger cette personne à l’égard de tout autre affidavit déposé dans le cadre de l’instance. J’estime que les autorités invoquées par le demandeur au soutien de sa position, notamment Merck Frosst, Sam Levy et Eli Lilly, ne lui sont d’aucun secours parce qu’en l’espèce, et contrairement au contexte qui prévalait dans ces affaires, le demandeur a expressément renoncé à contre-interroger Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014.

[116]        Je considère également que dans le cadre de l’interrogatoire qui a eu lieu les 7 et 8 octobre 2014, le défendeur était bien fondé de s’opposer à ce que le demandeur contre-interroge Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014. Le demandeur a expressément renoncé à contre-interroger Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014 lors de l’audience de sa première requête en communication. L’affidavit de Mme Terrier avait été souscrit pour les fins précises de sa requête en communication dans le cadre de laquelle le demandeur soulevait le caractère incomplet du DCT. Je considère qu’à moins de circonstance particulières, le demandeur demeure lié par sa décision de ne pas contre-interroger Mme Terrier. Or, il n’y a aucun élément au dossier qui me permet de conclure que dans le cadre de la requête du 29 octobre 2014, des circonstances particulières justifiaient que le demandeur soit autorisé à changer d’idée.

[117]       Dans l’arrêt Imperial Oil invoqué par le défendeur, le juge Nadon a indiqué qu’en principe, une partie était liée par sa décision de ne pas contre-interroger sur affidavit l’auteur d’un affidavit. Il a par ailleurs reconnu que certaines circonstances peuvent commander que la Cour autorise une partie à modifier sa position :

9          Force m'est de conclure que la raison pour laquelle les avocats des défenderesses n'ont pas contre-interrogé Me Éthier était que son affidavit ne les intéressait pas. Il ne leur est plus loisible de modifier leur position. Je ne suis par ailleurs pas convaincu que, parce qu'un autre juge préside l'audience, les parties devraient être autorisées à repenser leur stratégie antérieure. Il peut y avoir des situations dans lesquelles les circonstances commanderaient d'autoriser une partie à modifier sa position, mais les circonstances de l'affaire dont je suis saisi n'entrent pas dans cette catégorie.

[Je souligne]

[118]       Malgré ma position à l’égard des arguments invoqués par le demandeur dans sa requête du 29 octobre 2014, je considère que la situation a évolué entre le moment où Mme Terrier a été contre-interrogée (les 7 et 8 octobre 2014) et le dépôt de la requête du 20 novembre 2014. J’estime que les faits invoqués par le demandeur au soutien de sa requête du 20 novembre 2014 mettent en lumière des circonstances particulières qui justifient que la question du caractère complet du DCT soit à nouveau soulevée et que le demandeur soit autorisé à contre-interroger Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014.

[119]       En effet, je considère que certains documents reçus par le demandeur par le biais de ses demandes d’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information soulèvent des incertitudes quant aux documents qui ont ou non été inclus dans le DCT.

[120]       À titre d’exemple, dans son affidavit du 19 septembre 2014, Mme Terrier a déclaré que le DCT contenait tous les documents pertinents qu’elle a consultés pour rendre sa décision et qu’il contenait de façon plus précise tous ses échanges avec l’ASFC. Mme Terrier a également affirmé que le DCT contenait tous les échanges entre ses collègues et l’ASFC et/ou CIC qui lui ont été communiqués. Or, les courriels entre Mme Terrier et Michelle Sinuita qui ont été déposés au soutien de la requête du 20 novembre 2014, de même que les courriels que Mme Terrier a échangés avec Marc Gauthier, constituent clairement des documents qui font état « d’échanges » entre Mme Terrier et des représentants de l’ASFC. Est-ce à dire que lorsque Mme Terrier a affirmé que le DCT comprenait tous ses échanges avec l’ASFC, ces « échanges » étaient limités à ceux qu’elle estimait pertinents? Ou encore, est-ce que les documents énumérés à la requête ont été omis par inadvertance? Je ne suis pas en mesure de répondre à ces questions, mais je considère qu’il est pertinent que ces ambiguïtés soient clarifiées.

[121]       Je tiens à préciser que je ne tire aucune conclusion qui remet en question la bonne foi de Mme Terrier. Je considère toutefois que certains documents reçus par le demandeur dans le cadre ses demandes d’accès à l’information, qui ne sont pas inclus au DCT, soulèvent des incertitudes quant aux paramètres qui ont guidé Mme Terrier lorsqu’elle a supervisé la confection du DCT.

[122]       Tel que je l’ai mentionné, je considère que les documents qui ont été à la disposition de Mme Terrier au cours du processus du traitement de la demande de résidence permanente sont présumés pertinents. Il m’apparaît important que le demandeur puisse appuyer les moyens qu’il invoque au soutien de sa demande de contrôle judiciaire sur un DCT qui est complet. Il m’apparaît tout aussi important, compte tenu des moyens invoqués dans la demande de contrôle judiciaire, que la Cour puisse également faire son analyse sur la base d’un DCT qui est complet.

[123]       Je considère donc que les circonstances qui sous-tendent la requête du 20 novembre 2014 ne sont pas les mêmes que celles qui prévalaient lorsque les parties se sont présentées devant le juge Martineau, ni celles invoquées au soutien de la requête du 29 octobre 2014. Dans un tel contexte, et pour les raisons déjà exprimées, je considère qu’il est dans l’intérêt de la justice que le demandeur soit autorisé à contre-interroger Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014, et ce même s’il a renoncé à ce contre-interrogatoire dans le cadre de sa première demande de communication.

(4)               Les objections soulevées lors du contre-interrogatoire de Mme Terrier

[124]       Je vais maintenant m’attarder aux objections soulevées par le défendeur lors de l’interrogatoire de Mme Terrier et je les trancherai en prenant en considération ma décision d’autoriser l’interrogatoire de Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014.

Numéro d’objection

Question

Décision

1

Interrogatoire du 7 octobre 2014

« Dites-nous, madame, est-ce que vous avez supervisé ou été mêlée à la mise ensemble, la confection du dossier du tribunal? »

Question autorisée – la question porte sur le contenu du DCT

10

« Mais est-ce que vous avez été impliquée dans la préparation du dossier du tribunal? »

Question autorisée – la question porte sur le contenu du DCT

13

« Vous omettez de traiter de cette question-là alors qu’il y a eu une réponse? »

Question autorisée – il est pertinent de savoir pourquoi la réponse à la plainte n’a pas été versée au DCT.

14

« Donc, vous avez ignoré le contenu de la plainte? »

Objection maintenue – Mme Terrier avait déjà répondu en indiquant avoir transmis la plainte à M. Alain Théault.

15

« Est-ce qu’il y a une raison particulière pour laquelle la réponse est pas écrite ici dans votre affidavit? »

Question autorisée – il est pertinent de savoir pourquoi la réponse à la plainte n’a pas été versée au DCT.

25

« Est-ce que vous pouvez prendre l’engagement de vérifier si lesdites notes d’analyse d’autres personnes que vous concernant les plaintes existent, s’il vous plaît? »

Objection maintenue – Mme Terrier n’a pas à s’informer de faits dont elle n’a pas une connaissance personnelle.

27

« Est-ce que vous pouvez vérifier si Boyd et Prémont, qui étaient à la section « B » du CIC […], à quelle date sont-ils passés à l’Agence des services frontaliers? »

Objection maintenue – Mme Terrier n’a pas à s’informer de faits dont elle n’a pas une connaissance personnelle.

32

« Je vais vous demander de vous engager à nous fournir […] les notes ou les interventions de cette section [section B] et les réponses fournies par l’Agence des services frontaliers suite à leurs courriels qui se retrouvent au dossier du tribunal à la page 208-210, pendant la période pertinente au traitement de ce dossier. »

Question autorisée mais uniquement à l’égard des documents dont Mme Terrier a eu connaissance et qui n’ont peut-être pas été inclus au DCT et uniquement si de tels documents existent.

33

« Je veux juste savoir si elle a pris connaissance du mandat qui a été donné de la personne qui la précédait en termes de responsable du dossier à l’Agence des services frontaliers, est-ce qu’elle connaît la teneur du mandat qui a été donné à l’Agence, vraisemblablement en février 2008 »

Question autorisée – la question est pertinente en regard des allégations de violations à l’équité procédurale et à la partialité et en regard de la confection du DCT.

34

« Lorsque vous avez pris la suite du dossier, est-ce que madame Knox vous a expliqué les démarches qu’elle avait faites ou qu’elle n’avait pas faites relativement au traitement de ce dossier-là et à une interdiction de territoire à vérifier dans ce dossier-là? »

Question autorisée – la question est pertinente en regard des allégations de violations à l’équité procédurale et à la partialité.

35

« Est-ce que, dans le traitement de la demande de monsieur Nguesso, vous avez tenu compte de toutes les demandes et les réponses de l’Agence des services frontaliers dans le traitement de son dossier? »

Question autorisée – la question est pertinente en regard des allégations de violations à l’équité procédurale et à la partialité.

36

« Alors, si je comprends bien, l’agent d’immigration n’est pas au courant des inquiétudes de la section ‘B’ et la personne non plus, de par cette lettre-là du 13 mai 2008? »

Objection maintenue – la lettre se trouve au DCT et Mme Terrier ne peut témoigner sur son contenu.

37

« La lettre, est-ce que vous admettez que la lettre n’informe pas non plus des préoccupations? »

Objection maintenue – la lettre se trouve au DCT et Mme Terrier n’a pas à témoigner sur son contenu.

38

« Mais la lettre existe physiquement dans votre dossier? »

La lettre se retrouve au DCT dans les notes GCMS. Le format particulier n’est pas pertinent.

1

Interrogatoire du 8 octobre 2014

«  … est-ce que vous pouvez nous dire s’il y avait des … s’il y a pu avoir des échanges entre la Section B et les partenaires pendant cette période-là où vous attendiez les résultats, ou vous n’êtes pas au courant, vous, mais c’est possible qu’il y en ait eu des échanges entre la Section B, Fintrac, la Section B… »

La question est autorisée, mais uniquement à l’égard d’information et/ou de documents qui ont été portés à la connaissance de Mme Terrier.

3

« Est-ce que vous retrouvez le règlement hors cour dans le dossier de soixante-cinq pages, j’aurais aimé que la lettre soit restée au dossier pour compléter votre affidavit sur la période entre 2008 et 2012? »

Question autorisée.

6

« Si vous regardez la lettre de règlement hors cour du […] 3 juillet de maître Joubert, que vous avez reçue de votre procureur parce que je lui ai signifié comme étant un élément manquant au dossier, on ne fait pas mention de telles préoccupations? »

Objection maintenue – Mme Terrier n’a pas à témoigner sur le contenu de cette lettre.

10

Le demandeur introduit en preuve, sous objection, une lettre de convocation à une entrevue le 19 septembre 2012, datée le 13 juillet 2012 (D-4).

Le dépôt de la lettre est autorisé.

12

« Mais la lettre existe physiquement à votre dossier? »

Question autorisée.

17

« Lorsque vous dites qu’il était convenu qu’il fournisse des documents et que c’était une façon de procéder, entrevue, documents, ce n’est pas vrai, ce n’est pas reflété dans ce document-là, est-ce que c’est exact que ce n’est pas reflété? »

Question autorisée – la compréhension que Mme Terrier a eu des modalités du règlement hors cour est pertinente, mais elle ne peut être interrogée sur le contenu même de la lettre qui fait état du règlement hors cour.

18

« Mais quelle est votre explication à votre témoignage? Le document contredit votre témoignage. »

Question autorisée – la compréhension que Mme Terrier a eu des modalités du règlement hors cour est pertinente, mais elle ne peut être interrogée sur le contenu même de la lettre qui fait état du règlement hors cour.

26

« Est-ce que vous avez vous-même communiqué avec le juge d’instruction en France »?

Objection maintenue – la réponse de trouve à l’affidavit du 19 septembre 2014.

28

« Est-ce que c’est la première fois que vous faisiez ces recherches? »

Question autorisée – dans son affidavit du 19 septembre 2014 Mme Terrier mentionne avoir eu deux communications avec des juges d’instruction, une le 8 avril 2011 et une le 15 mai 2013. Or, dans le courriel daté du 1er juin 2012 (pièce C-3 de la requête du 20 novembre 2013), Mme Terrier mentionne avoir eu des contacts avec les juges d’instruction.

30

« Est-ce que vous concevez que pour une personne extérieure, votre intervention peut avoir carrément l’air d’une tentative d’informer plutôt le juge d’instruction que les autorités canadiennes avaient un intérêt dans l’instruction, et qu’en conséquence, votre intervention était davantage pour donner cette information ou influer sur le juge d’instruction que le contraire? »

Objection maintenue – il s’agit d’une question d’opinion et non de fait.

36

« Mais dans le dossier du tribunal, est-ce que vous avez pris pour acquis que monsieur Nguesso n’avait aucune accusation criminelle pendante contre lui formellement? »

Question autorisée – la question est pertinente en regard des allégations de violation de l’équité procédurale et de partialité.

37

« Est-ce que vous avez consulté les documents de CBSA ou de la Section B sur l’état d’accusations formelles contre monsieur Nguesso, l’absence? »

Question autorisée – la question est pertinente en regard des allégations de violation de l’équité procédurale et de partialité.

41

« Est-ce qu’on a les notes qui ont été envoyées à CBSA dans le dossier du tribunal? »

Les questions 41 à 48 sont autorisées

45

« Est-ce que vous avez les notes transmises à CBSA? »

[en blanc]

46

« Est-ce qu’elles existent au dossier du tribunal? »

[en blanc]

47

« Est-ce qu’il y a une preuve de votre envoi à CBSA? »

[en blanc]

48

« Est-ce que vous l’avez envoyé à la Section B? »

[en blanc]

51

« Et pourquoi [ont-elles été détruites]? »

Les objections 51 et 52 sont  maintenues – Mme Terrier a déjà répondu à la question.

52

« C’est la raison, parce qu’elles n’étaient pas intelligibles, c’est ça, votre raison? »

[en blanc]

54

« Est-ce que vous êtes d’accord avec moi que ce document aurait pu être l’objet de commentaires de quelque façon que ce soit par le demandeur pour soutenir qu’il n’était pas interdit de territoire? De différente façon, est-ce que vous d’accord avec moi que la divulgation de ce rapport-là aurait pu procéder de l’équité de ce dossier? »

Les objections 54 à 59 sont maintenues – il s’agit de questions d’opinion.

55

« Est-ce que vous pensez que le candidat informé des commentaires de CBSA aurait pu apporter des éclaircissements… »

[en blanc]

58

« … est-ce que vous ne pensez pas que factuellement monsieur Nguesso aurait pu l’utiliser pour contredire les informations et pour apporter des clarifications à cet aspect-là? »

[en blanc]

59

« …est-ce que vous ne pensez pas que vos communications avec le juge d’instruction ou la documentation convergente et ouverte qu’on a identifiée, la longue liste non divulguée, que monsieur Nguesso aurait pu contredire la fiabilité des sources, la crédibilité, les motivations, l’auteur, tout autre élément, il aurait pu, est-ce que vous n’êtes pas d’accord qu’il aurait pu peut-être même fournir des preuves qui démontraient que votre documentation était biaisée? »

[en blanc]

(5)               Le ré-interrogatoire de Mme Terrier sur son affidavit du 24 septembre 2014

[125]       Sous réserve de l’exception qui suit, le ré-interrogatoire du Mme Terrier sur son affidavit du 24 septembre 2014 sur des sujets autres que ceux ayant trait aux objections que j’ai tranchées ne m’apparaît pas nécessaire parce que j’ai déjà autorisé le contre-interrogatoire sur son affidavit du 19 septembre 2014 sur le contenu du DCT. De plus, le demandeur a déjà posé les questions qu’il souhaitait poser à Mme Terrier qui étaient liées à l’équité procédurale et à la partialité et j’estime que les questions que j’ai autorisées en tranchant les objections soulevées par le défendeur sont suffisantes pour compléter adéquatement le contre-interrogatoire de Mme Terrier sur son affidavit du 24 septembre 2014. J’autorise toutefois le demandeur à interroger Mme Terrier sur sa connaissance ou non du rapport de CANAFE-FINTRAC de novembre 2011, parce que ce volet est pertinent aux fins des allégations de violation de l’équité procédurale. La question à savoir si Mme Terrier a eu ce document en sa possession est également pertinente aux fins de son affidavit du 19 septembre 2014.

(6)               Interrogatoire de Mme Bradley

[126]       Je ne vois aucune pertinence à ce que le demandeur puisse interroger Mme Bradley puisqu’il est autorisé à interroger Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014 relativement au contenu du DCT.

(7)               Les documents énumérés à la requête du 29 octobre 2014 que le demandeur veut voir ajoutés au DCT

[127]       Les documents en cause sont les suivants :

  • la première lettre de convocation du demandeur à une entrevue à l’ambassade datée du 13 juillet 2012;
  • la demande de divulgation transmise à l’ambassade par Me Doyon le 1er février 2013;
  • la lettre transmise par l’ambassade à Me Doyon le 27 février 2013 en réponse à sa demande de divulgation;
  • la lettre d’équité transmise par l’ambassade au demandeur, datée du 27 février 2013;
  • une lettre du 3 juillet 2012 de Michèle Joubert à l’ancienne avocate du demandeur concernant le règlement hors cour survenu dans la demande en mandamus (Dossier IMM-4924-12);
  • des télécopies de Me Julie Resetarits, l’ancienne avocate du demandeur, datées des 4 et 26 septembre 2008 et du 31 octobre 2008, demandant de l’information sur l’état de la demande du demandeur et sur les motifs justifiant la demande de documents et de renseignements supplémentaires demandés au demandeur;
  • l’assignation à jour devant le juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Paris-SCP Bourgoing-Dumonteil & Associés Connecticut Bank of Commerce qui avait été déposé par Me Doyon au soutien de la plainte du 30 avril 2013;
  • les trois dernières pages des Conclusions SCP Bourgoing-Dumonteil & Associés au juge de l’exécution-audience, qui avait été déposées par Me Doyon au soutien de la plainte du 30 avril 2013;
  • l’extrait du registre de Commerce et des Sociétés du Luxembourg, CANAAN CANADA S.A. en date du 15 avril 2013 qui avait été déposé par Me Doyon au soutien de la plainte du 30 avril 2013;
  • les notes manuscrites de l’entrevue du 25 septembre 2012;
  • le début du formulaire « Renseignements supplémentaires Paris » qui se trouve aux pages 58-59 du DCT;
  • deux courriels échangés entre l’ambassade et le bureau de l’ancienne avocate du demandeur le 28 octobre 2011 concernant le suivi du traitement du dossier du demandeur;
  • la lettre envoyée à l’ambassade le 14 novembre 2013 concernant le suivi de la plainte du 30 avril 2013.

[128]       Tel que j’ai exprimé, j’estime que tous les documents qui ont été en la possession de Mme Terrier lorsqu’elle a traité le dossier du demandeur sont présumés pertinents. Le défendeur devra donc ajouter les documents énumérés au DCT dans la mesure où Mme Terrier les a eus en sa possession.

(8)               Documents énumérés à la requête du 20 novembre 2014 que le demandeur veut voir ajoutés au DCT

[129]       Dans sa requête du 20 novembre 2014, le demandeur demande à la Cour d’enjoindre le défendeur d’ajouter au DCT les documents suivants qui lui ont été communiqués par l’ASFC et CIC suite à ses demandes d’accès à l’information :

[en blanc]

Documents communiqués par l’ASFC

A2-A3

Courriel de Constance Terrier à Michelle Sinuita (ASFC), 30 août 2012

A4

Courriel de Michelle Sinuita (ASFC) à Constance Terrier, 10 août 2012

A5

Courriel de Michelle Sinuita (ASFC) à Constance Terrier, 16 juillet 2012

A9

Courriels entre Constance Terrier et Michelle Sinuita (ASFC), 16 juillet 2012

A6

Courriel de Constance Terrier à Marie-Claude Beaumier, Me Joubert et Sean McNair (ASFC), 13 juillet 2012

A7-A8

Courriel de Constance Terrier à Marc Gauthier (ASFC)

A10

Courriels entre Constance Terrier et Marc Gauthier (ASFC), 22 juin 2012

A11

Courriel de Marc Gauthier (ASFC) à Constance Terrier, 22 juin 2012

A12

Envoi de Kathleen Knox-Dauthuile de l’Ambassade du Canada – Paris à l’ASFC, 7 février 2008

A13-A14

Courriels entre Connie Reynolds (ASFC) et Luc Piché (Ambassade), 5 juin 2012

A15-A17

Courriels entre employés de l’ASFC, août 2010, avril 2011

A18-A26

Notes informatisées de l’ASFC

A27-A35

Rapport de CANAFE-FINTRAC du 5 avril 2011 concernant le demandeur

A36

« Case Log Sheet – OCS » signé par Michelle Sinuita (ASFC) le 1 novembre 2012

A37-A38

Notes manuscrites

A39

Courriel de Sean Curran (ASFC) à Marie-Eve Proulx (War Crimes Section), 6 avril 2009

[en blanc]

Documents communiqués par CIC

C3-C9

Courriel de Constance Terrier à Vladislav Mijic (Ambassade), 1er juin 2012

C10-C67

Plainte du 30 avril 2013 avec annotations manuscrites

[130]       Pour les motifs déjà exposés, le défendeur doit ajouter au DCT tous les documents parmi les documents ci-haut énumérés, qui émanent de Mme Terrier ou qui ont été en sa possession dans le cadre du traitement du dossier du demandeur. Le demandeur est autorisé à déposer les documents qui n’auront pas été inclus au DCT et à déposer un affidavit supplémentaire s’il juge que ces documents sont pertinents aux fins de ses allégations de violation des règles d’équité procédurale et de partialité.

(9)               Déclaration que le DCT est incomplet et le défaut du défendeur d’y inclure des documents d’importance capitale

[131]       J’ai déjà indiqué qu’à mon avis le DCT n’est pas complet et j’entends ordonner la production de certains documents. Je n’estime donc pas nécessaire d’inclure dans les conclusions de l’ordonnance une déclaration suivant laquelle le DCT est incomplet. Je n’ai pas non plus l’intention de me prononcer sur la question de savoir si les documents qui n’ont pas été inclus dans le DCT sont d’une importance capitale. Il appartiendra au juge qui entendra le mérite de la demande de contrôle judiciaire de trancher cette question s’il le juge pertinent et approprié. Il lui appartiendra également de déterminer la valeur probante à accorder au contre-interrogatoire de Mme Terrier et des documents contenus au DCT.  

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que

1.      Les parties sont autorisées à déposer des mémoires supplémentaires d’au plus 60 pages qui remplaceront les mémoires qu’elles ont déposés au stade de l’autorisation;

2.      Le demandeur est autorisé à contre-interroger Mme Terrier sur son affidavit du 19 septembre 2014;

3.      Le demandeur est autorisé à contre-interroger Mme Terrier sur son affidavit du 24 septembre 2014 pour répondre aux questions qui ont fait l’objet d’objections de la part du défendeur lors des interrogatoires des 7 et 8 octobre 2014 que j’ai autorisées et pout être interrogé sur sa connaissance on non du rapport de CANAFE-FINTRAC de novembre 2011;

4.      Le défendeur ajoute au DCT parmi les documents énumérés aux paragraphes 127 et 129 des motifs, ceux dont Mme Terrier est l’auteur et ceux qu’elle a eus en sa possession lors du traitement du dossier du demandeur;

5.      Le demandeur est autorisé à déposer un affidavit additionnel pour introduire en preuve les documents énumérés aux paragraphes 127 et 129 des motifs qui n’auront pas été inclus dans le DCT et qu’il estime pertinents pour appuyer les moyens invoqués dans sa demande de contrôle judiciaire, et plus particulièrement des allégations concernant la crainte de partialité et les violations à l’équité procédurale;

6.      Le tout sans frais.

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1144-14

 

INTITULÉ :

WILFRID NGUESSO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 JANVIER 2015

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 janvier 2015

 

DATE DES MOTIFS MODIFIÉS :

LE 2 FÉVRIER 2015

COMPARUTIONS :

Johanne Doyon

 

Pour le demandeur

 

Normand Lemyre

Lyne Prince

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Doyon & Associés Inc.

Avocat(e)s

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 



[1] Dans le cadre d’une ordonnance émise le 4 novembre 2014, le juge Noël a ordonné que l’instance se poursuive en gestion d’instance et au terme d’une ordonnance datée du 4 décembre 2014, le juge en chef m’a nommé responsable de la gestion de la présente instance.

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