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Date : 20150717


Dossier : T‑2099‑14

Référence : 2015 CF 877

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 juillet 2015

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

SIMON JAMES ELLIOTT

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie de la requête écrite en vue d’interjeter appel de la décision, en date du 10 avril 2015, par laquelle le protonotaire Aalto a radié la présente action. Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je rejette l’appel et je confirme la décision du protonotaire Aalto.

[2]               La défenderesse reconnaît qu’étant donné que l’ordonnance prononcée par le protonotaire a eu pour effet de trancher l’action, la Cour devrait procéder à un examen de novo.

[3]               La défenderesse admet en outre que la radiation d’un acte de procédure ne peut avoir lieu que s’il est « évident et manifeste » que l’acte est sans fondement, même en tenant pour acquis que les faits allégués sont véridiques.

[4]               Dans sa déclaration, le demandeur sollicite des dommages‑intérêts (généraux, particuliers et majorés) à la suite de la décision du ministre de Justice (le ministre) de mettre fin au financement de certains services religieux offerts aux détenus des établissements correctionnels fédéraux. Le demandeur affirme qu’il a été ainsi privé du soutien spirituel de son imam. Il invoque à l’appui de sa demande les quatre motifs d’ordre juridique suivants :

  1. la négligence;
  2. l’atteinte aux droits que lui garantit la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R‑U), 1982, ch. 1 [la Charte];
  3. l’atteinte aux droits que lui garantit l’article 7 de la Charte;
  4. l’atteinte aux droits que lui garantit l’article 12 de la Charte.

I.                   Question en litige : La déclaration devrait‑elle être radiée en application de l’alinéa 221(1)a) des Règles des Cours fédérales, parce qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable?

A.                La négligence alléguée

[5]               La défenderesse fait observer qu’il y a quatre conditions à remplir pour pouvoir conclure à la négligence :

  1. l’existence d’une obligation de diligence;
  2. l’existence d’un préjudice;
  3. le lien de causalité;
  4. la prévisibilité.

[6]               Selon la défenderesse, le demandeur ne fait valoir aucun principe de droit qui permet d’imposer une obligation de diligence relativement au financement des services d’un imam.

[7]               Le demandeur n’a pas répondu à cet argument.

[8]               J’accepte l’argument de la défenderesse et je conclus qu’il est évident et manifeste que cet aspect de la demande est sans fondement.

B.                 Les allégations de violation de la Charte

[9]               L’alinéa 2a) de la Charte est libellé comme suit :

Libertés fondamentales

 

Fundamental freedoms

 

2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

 

2. Everyone has the following fundamental freedoms:

 

a) liberté de conscience et de religion;

 

(a) freedom of conscience and religion;

 

[10]           La défenderesse affirme que cette disposition vise à empêcher l’État de porter atteinte aux croyances et aux pratiques religieuses des particuliers, mais n’a pas pour effet d’imposer à celui‑ci l’obligation concrète d’assurer au demandeur l’accès gratuit aux moyens privilégiés de pratiquer sa religion.

[11]           L’article 7 de la Charte prévoit ce qui suit :

Vie, liberté et sécurité

 

Life, liberty and security of person

 

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

 

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

 

[12]           La défenderesse fait valoir que l’omission de l’État de financer les services d’un imam ne constitue pas une atteinte au droit du demandeur à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, ou à l’un ou l’autre de ces droits. En l’absence d’une telle atteinte, il ne peut y avoir de violation de l’article 7 de la Charte.

[13]           L’article 12 de la Charte est ainsi libellé :

Cruauté

 

Treatment or punishment

 

12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.

 

12. Everyone has the right not to be subjected to any cruel and unusual treatment or punishment.

 

[14]           Selon la défenderesse, une allégation de violation de l’article 12 de la Charte impose à la Cour d’établir « si [les traitements et les peines] sont tellement excessifs qu’ils violent les normes de décence et dépassent toutes les limites logiques en matière de traitements ou de peines » : Piche c Canada (Solliciteur général), [1984] ACF no 1008, au par. 455 (CF 1re inst.) (QL), conf. par [1989] ACF no 204 (CA) (QL). La défenderesse affirme qu’il s’agit d’une norme relativement élevée, sur le fondement de laquelle la décision du ministre de mettre fin au financement des services offerts par les imams dans les établissements correctionnels fédéraux ne saurait porter atteinte à l’article 12 de la Charte.

[15]           Le demandeur n’a répondu à aucun de ces arguments relatifs à la Charte.

[16]           J’accepte tous les arguments de la défenderesse concernant les questions liées à la Charte et je conclus qu’il est évident et manifeste que ces éléments de la requête du demandeur sont sans fondement.

II.                Autres questions

[17]           Compte tenu de mes conclusions, il n’est pas nécessaire que je me penche sur l’autre argument présenté par la défenderesse voulant que la requête du demandeur constitue un abus de procédure.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

  1. Le présent appel de la décision du protonotaire est rejeté et la radiation de l’action est confirmée.
  2. Les dépens du présent appel, qui sont fixés à 300 $, sont adjugés à la défenderesse.

« George R. Locke »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑2099‑14

 

INTITULÉ :

SIMON JAMES ELLIOTT c SA MAJESTÉ LA REINE

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 JUILLET 2015

 

COMPARUTIONS :

Simon James Elliott

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Debjani Poddar

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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