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Date : 20150702


Dossier : IMM‑6109‑14

Référence : 2015 CF 819

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 juillet 2015

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

MARYNA KHODCHENKO

 

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demanderesse conteste la décision par laquelle un agent des visas à l’ambassade d’Ukraine a refusé sa demande de permis d’études. Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera accueillie.

[2]               La demanderesse vit avec sa mère et son frère à Kiev, en Ukraine. Elle détient un baccalauréat en philologie, avec spécialisation en langue anglaise. Depuis l’obtention de son diplôme, elle travaille au sein d’une agence de voyages à Kiev, en Ukraine.

[3]               En avril 2014, la demanderesse a été acceptée pour étudier au Centennial College de Toronto en administration des affaires, volet comptabilité, à compter de septembre 2014. Un ami de la famille, M. Alann Nazarevich, un avocat d’Edmonton, lui a offert de lui accorder un soutien financier complet pour ses études au Canada.

[4]               La demanderesse, afin de pouvoir profiter de cette occasion en matière d’éducation, a présenté une demande en vue d’obtenir un permis d’études. Sa première demande a été refusée par une lettre datée du 30 avril 2014. L’agent des visas n’était pas convaincu que la demanderesse disposait de suffisamment de ressources financières pour payer ses études et pour subvenir à ses besoins au Canada, et ce, sans égard à la lettre rédigée par M. Nazarevich, laquelle contenait sa déclaration de son intention d’accorder un soutien financier à la demanderesse. De surcroit, l’agent n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de sa période de séjour autorisée, et il a coché les expressions « objet de la visite » et « biens personnels et situation financière » sur la lettre type à titre de motifs pour sa décision.

[5]               Les notes suivantes consignées au Système mondial de gestion des cas [les notes consignées au SMGC] font état de ce qui suit au sujet du refus :

[traduction]

Étant donné que la PI ne semble pas avoir elle‑même de l’argent, et compte tenu du manque de justification produite par la tierce partie qui fournit les fonds, je ne suis pas convaincu que l’objet de la visite est entièrement celui qui est déclaré, que la PI dispose suffisamment de fonds et qu’elle est une résidente temporaire de bonne foi. Demande rejetée

[…]

La PI suivra à un cours de comptabilité d’un an. Elle a obtenu son diplôme en philologie et elle travaille actuellement comme gérante d’une agence de voyage. Le représentant de la PI mentionne qu’il défrayera toutes ses dépenses, et aucune preuve des fonds a été fournie. Aucune explication à savoir pourquoi une tierce partie assumerait les coûts. [Non souligné dans l’original.]

[6]               La demanderesse a présenté une deuxième demande le 14 juin 2014, laquelle était accompagnée de nouveaux documents, lesquels visaient à répondre aux préoccupations de l’agent. Ces documents comprenaient la preuve portant que M. Nazarevich avait ouvert un certificat de placement garanti de 40 000 $ au nom de la demanderesse et qu’il avait payé les frais de scolarité afférents à la première session; des copies de visas étrangers (y compris des É.‑U.), lesquels démontraient que la demanderesse avait antérieurement voyagé à l’étranger et qu’elle était retournée en Ukraine; un plan d’études, ainsi qu’une lettre de son employeur dans laquelle il mentionnait qu’elle pourrait retourner au travail.

[7]               La demande comprenait aussi une lettre rédigée par M. Nazarevich dans laquelle il faisait état de la raison pour laquelle il lui accordait son soutien :

[traduction]

Je connais la famille Khodchenko – Maryna, sa mère Natalia et son frère Bohdan, depuis environ quatre ans et demi.

[…]

Je suis père de trois enfants; je les ai aidés et je continue de les aider du point dans leur cheminement scolaire. Ceux‑ci sont maintenant, disons, bien avancés dans leur cheminement. C’est que je désire sincèrement aider une autre jeune personne à améliorer ses perspectives de carrière, et c’est pourquoi j’ai offert à Maryna Khodchenko d’assumer les coûts liés à son obtention d’un diplôme en administration des affaires, volet comptabilité, au Centennial College à Toronto. Par conséquent, j’ai déposé la somme de 40 000 $, sous forme d’un CPG, pour couvrir les frais liés au programme de trois sessions de Maryna.
[Non souligné dans l’original.]

[8]               L’agent a une fois de plus refusé de délivrer le permis d’études. Dans la lettre de refus, il a mentionné qu’il n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de sa période de séjour autorisée, et il a coché les expressions « objet de la visite » et « perspective d’emploi limité dans votre pays de résidence » à l’appui de sa décision. La Cour constate que la préoccupation liée aux perspectives d’emploi limitées n’avait pas été soulevée dans la première décision.

[9]               Les notes consignées au SMGC relativement à la deuxième lettre de refus sont les suivantes :

[traduction]

J’AI EXAMINÉ LES RENSEIGNEMENTS VERSÉS AU DOSSIER. LES DÉPENSES DE LA PI SERONT ASSUMÉES PAR M. NAZAREVICH, UN AMI DE LA FAMILLE. RIEN N’EXPLIQUE POURQUOI IL DÉFRAYERA UN TEL MONTANT D’ARGENT POUR LA PI. JE NE SUIS PAS CONVAINCU QUE LA PI DIT TOUT À PROPOS DE L’OBJET DU VOYAGE. SES LIENS AVEC L’UKRAINE SONT FAIBLES. REFUSÉE.
[Non souligné dans l’original.]

[10]           La lettre de M. Nazarevich mentionne clairement la raison pour laquelle il finançait les études de la demanderesse au Canada. La Cour est convaincue que la préoccupation de l’agent pouvait, dans les faits, davantage être qualifiée de soupçon quant à l’existence de dessous à ce généreux don. Ce soupçon signifiait que l’agent devait avoir des doutes à propos de la véracité de la déclaration de M. Nazarevich selon laquelle sa motivation était [traduction] « [qu’il] désire sincèrement aider une autre jeune personne à améliorer ses perspectives de carrière ». En résumé, l’agent tirait une inférence voilée en matière de crédibilité en ce qui concerne le bienfaiteur et la demanderesse, en mettant en doute le fait que leur arrangement était celui qu’ils avaient relaté. Dans une telle situation, l’agent a une obligation d’agir de manière équitable envers la demanderesse et de lui faire part directement et expressément de ses préoccupations, ainsi que de lui donner la possibilité de produire des observations en réponse. Il se pourrait bien qu’un déni, par la demanderesse et par l’avocat, qui est son bienfaiteur, quant au fait que le don n’était pas conditionnel à quoi que ce soit n’aurait pas convaincu l’agent – quoi que je ne peux pas comprendre pourquoi – mais une telle décision peut uniquement être prise après leur avoir fait part de ses soupçons et leur avoir sollicité une réponse.

[11]           Ce manquement à l’équité procédurale nécessite que la présente demande soit accueillie.

[12]           Le défendeur soutient que, même s’il existait un tel manquement, la décision ne devrait pas être annulée si la Cour souscrit à la conclusion de l’agent selon laquelle il n’était pas convaincu que la demanderesse retournerait en Ukraine à la fin de sa période de séjour autorisée. Je ne peux tirer une telle conclusion. L’agent ne traite pas de la preuve qui a été produite en ce qui a trait aux quatre voyages antérieurs à l’extérieur de l’Ukraine et de son retour au pays, et ce, dans chacun des cas. L’incidence que cet élément de preuve pourrait avoir sur l’appréciation de l’agent est incertaine.

[13]           Aucune partie n’a proposé une question à certifier et les faits n’en soulèvent aucune.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est accueillie, que la décision est annulée et que la demande de permis de travail présentée par la demanderesse sera tranchée par un autre agent, conformément aux présents motifs.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑6109‑14

 

INTITULÉ :

MARYNA KHODCHENKO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

lE 29 JUIN 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 2 JUILLET 2015

 

COMPARUTIONS :

Peter Smilsky

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Stephen Jarvis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS AUX DOSSIERS :

Mangat Law Professional Corporation

Barristers and Solicitors

Mississauga (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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