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Date : 20150715


Dossier : T-63-15

Référence : 2015 CF 867

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 15 juillet 2015

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

RICKTA MATHILDA MCLAWRENCE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               Selon la jurisprudence de notre Cour, l’adoption d’un enfant donne naissance à un lien orienté vers l’avenir. L’appréciation du caractère véritable du lien parent-enfant « ne dépend pas d’événements passés mais d’événements futurs résultant de l’adoption » (Perera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] ACF no 1443, aux paragraphes 15 et 16 [Perera]; voir : Young c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 316, au paragraphe 31 [Young]).

II.                Introduction

[2]               La demanderesse sollicite, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], le contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente de la citoyenneté [l’agente] a rejeté, le 17 décembre 2014, la demande de citoyenneté de la demanderesse.

III.             Contexte

[3]               La demanderesse est une citoyenne de la Grenade âgée de 17 ans qui, à la suite du décès de sa mère, le 19 février 2002, a été adoptée par sa tante canadienne, Mme Pansy Elizabeth Davidson, le 15 avril 2011.

[4]               Le 23 mai 2011, la demanderesse a présenté une demande de citoyenneté canadienne, et le 25 juin 2013, une décision défavorable a été rendue.

[5]               Le 17 juin 2014, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, le juge Yves de Montigny de notre Cour a ordonné que la demande de citoyenneté de la demanderesse soit examinée de nouveau (dossier T‑1481‑13). Dans sa décision, le juge de Montigny a d’abord conclu que les conclusions de l’agente ne révélaient pas une prise en compte de l’ensemble de la preuve. Plus particulièrement, il a souligné que l’agente n’avait pas tenu compte du rapport détaillé de la travailleuse sociale du Québec dans son appréciation du caractère véritable du lien parent-enfant. Le juge de Montigny a également estimé que les conclusions de l’agente étaient déraisonnables, notamment quant à la prétendue capacité du père de la demanderesse de prendre soin d’elle, malgré la preuve faisant état de changements importants au fil des ans. Il a finalement conclu qu’une entrevue avec la mère adoptive de la demanderesse devrait avoir lieu « si le but de l’adoption est mis en doute » (ordonnance T‑1481‑13 datée du 17 juin 2014, dossier certifié du tribunal, aux pages 15 à 20 [le DCT].

[6]               La demanderesse et Mme Davidson ont donc été convoquées à une entrevue au haut-commissariat du Canada à Port of Spain (Trinité‑et‑Tobago), tenue le 24 novembre 2014.

[7]               La demande de citoyenneté de la demanderesse a été rejetée par lettre en date du 17 décembre 2014.

IV.             Décision contestée

[8]               En rejetant la demande de citoyenneté de la demanderesse, l’agente a conclu que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences des alinéas 5.1(1)a), 5.1(1)b) et 5.1(1)d) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29 [la Loi].

[9]               Premièrement, l’agente a conclu que la demanderesse n’avait pas établi que l’adoption avait été faite dans l’intérêt supérieur de l’enfant (la demanderesse). Plus particulièrement, l’agente a souligné que la demanderesse n’avait pas fait valoir de [traduction] « considérations comme les liens familiaux, l’amour parental, le lien étroit, le lien parent-enfant » à l’appui de sa demande (décision de l’agente, DCT, à la page 7).

[10]           Deuxièmement, l’agente a observé une absence de preuve quant au caractère véritable du lien parent-enfant. Dans les notes du Système mondial de gestion des cas [SMGC] relatives à la décision, l’agente mentionne que [traduction] « les rapports très limités et la preuve limitée quant à l’existence de rapports » entre la demanderesse et ses parents adoptifs, la [traduction] « connaissance très limitée du Canada et de sa famille au Canada » de la demanderesse et le fait que la demanderesse semble avoir [traduction] « un lien plus étroit avec la famille de sa sœur qu’avec [ses] parents et ses frères et sœurs adoptifs » étayent cette conclusion (notes de l’agente, DCT, à la page 3). De plus, l’agente mentionne que la demanderesse n’a désigné Mme Davidson comme étant sa mère que vers la fin de l’entrevue.

[11]           Troisièmement, l’agente a conclu que l’adoption visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège relatifs à l’immigration ou à la citoyenneté, et plus particulièrement, à permettre à la demanderesse de [traduction] « jouir des privilèges découlant des généreux systèmes de santé et d’éducation du Canada » (décision de l’agente, DCT, à la page 7).

V.                Dispositions législatives

[12]           Le paragraphe 5.1(1) de la Loi précise ce qui suit :

Cas de personnes adoptées — mineurs

Adoptees – minors

5.1 (1) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), le ministre attribue, sur demande, la citoyenneté soit à la personne adoptée avant le 1er janvier 1947 par une personne qui a obtenu qualité de citoyen à cette date — ou avant le 1er avril 1949 par une personne qui a obtenu qualité de citoyen à cette date par suite de l’adhésion de Terre-Neuve-et-Labrador à la Fédération canadienne — soit à la personne adoptée par un citoyen le 1er janvier 1947 ou subséquemment, lorsqu’elle était un enfant mineur. L’adoption doit par ailleurs satisfaire aux conditions suivantes :

5.1 (1) Subject to subsections (3) and (4), the Minister shall, on application, grant citizenship to a person who, while a minor child, was adopted by a citizen on or after January 1, 1947, was adopted before that day by a person who became a citizen on that day, or was adopted before April 1, 1949 by a person who became a citizen on that later day further to the union of Newfoundland and Labrador with Canada, if the adoption

a) elle a été faite dans l’intérêt supérieur de l’enfant;

(a) was in the best interests of the child;

b) elle a créé un véritable lien affectif parent-enfant entre l’adoptant et l’adopté;

(b) created a genuine relationship of parent and child;

c) elle a été faite conformément au droit du lieu de l’adoption et du pays de résidence de l’adoptant;

(c) was in accordance with the laws of the place where the adoption took place and the laws of the country of residence of the adopting citizen;

c.1) elle a été faite d’une façon qui n’a pas eu pour effet de contourner les exigences du droit applicable aux adoptions internationales;

(c.1) did not occur in a manner that circumvented the legal requirements for international adoptions; and

d) elle ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège relatifs à l’immigration ou à la citoyenneté.

(d) was not entered into primarily for the purpose of acquiring a status or privilege in relation to immigration or citizenship.

VI.             Questions en litige

[13]           La demanderesse soumet à la Cour les questions suivantes :

a)      L’agente a‑t‑elle commis une erreur susceptible de contrôle dans son appréciation de la preuve?

b)      L’agente a‑t‑elle manqué à l’équité procédurale en ne convoquant pas en entrevue la mère adoptive de la demanderesse?

VII.          Norme de contrôle

[14]           Les parties s’entendent pour dire que la norme de contrôle applicable à l’appréciation de la preuve et aux conclusions de l’agente en ce qui concerne les alinéas 5.1a), b) et d) de la Loi est celle de la décision raisonnable. Comme l’a résumé le juge Donald J. Rennie dans la décision Young c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 316, aux paragraphes 15 à 17 [Young] :

[15]      La norme de la raisonnabilité s’applique aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit, comme celle de savoir si l’adoption visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège relatifs à l’immigration ou à la citoyenneté, au sens de l’alinéa 5.1(1)d). La décision de l’agente prise aux termes de l’article 5.1 de la Loi sur la citoyenneté appelle donc l’application de la norme de contrôle de la raisonnabilité. Lorsque la raisonnabilité d’une décision est contestée, l’analyse porte principalement sur « la justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel » : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

[16]      En l’espèce, le rôle de l’agente a consisté à faire passer une entrevue à Mme Pope et à Mme Young, à tirer des conclusions de fait en se fondant sur ces entrevues et à appliquer ensuite ces faits aux dispositions légales pertinentes : Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c Davis, 2015 CAF 41, au paragraphe 9. Dans un « contexte aussi factuel », il y a lieu de faire preuve de retenue à l’égard [traduction] « de l’expertise de l’agent d’immigration tant sur le plan des conclusions de fait que dans l’application de ces faits aux dispositions pertinentes de la Loi sur la citoyenneté » : Davis, au paragraphe 9. Ce contexte particulier [traduction] « élargit la gamme des résultats possibles, acceptables et défendables » : Davis, au paragraphe 9.

[17]      Il n’incombe pas à la Cour d’apprécier à nouveau les preuves; la Cour a toutefois le pouvoir d’intervenir si elle constate que l’agente a commis une erreur en ne tenant pas compte de certains éléments de preuve ou en tirant de la preuve des inférences déraisonnables : Smith c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 929; Jardine c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 565.

[Non souligné dans l’original.]

[15]           Le droit à une entrevue constitue une question d’équité procédurale qui commande l’application de la norme de la décision correcte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, [2009] ACS 12, aux paragraphes 42 et 43).

VIII.       Analyse

A.                Caractère véritable du lien parent-enfant (alinéa 5.1(1)b))

[16]           Les notes du SMGC de l’agente ayant trait à l’entrevue tenue le 24 novembre 2014 révèlent que l’agente n’était pas convaincue de l’existence d’un véritable lien parent-enfant en raison surtout des rapports limités de la demanderesse avec ses parents adoptifs, et de sa connaissance limitée du Canada et de sa famille au Canada. L’agente a donc conclu que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences de l’alinéa 5.1(1)b) de la Loi.

[17]           Selon la jurisprudence de notre Cour, l’adoption d’un enfant donne naissance à un lien orienté vers l’avenir. L’appréciation du caractère véritable du lien parent-enfant « ne dépend pas d’événements passés mais d’événements futurs résultant de l’adoption » (Perera, aux paragraphes 15 et 16; voir : Young, précité, au paragraphe 31).

[18]           Le raisonnement suivi par le juge Jean-Eudes Dubé dans la décision Perera, et récemment adopté par le juge Rennie dans la décision Young, est instructif quant à la façon d’apprécier le caractère véritable du lien parent-enfant aux fins d’immigration :

[13]      En outre, la section d’appel a adopté un concept erroné en ce qui concerne le « véritable lien de filiation » en disant que le fait que les parents adoptifs voulaient amener les garçons au Canada et leur assurer une meilleure vie et une meilleure instruction va à l’encontre de la création d’un véritable lien de filiation. Contrairement à l’interprétation que la section d’appel a donnée à la définition du mot « adopté », les mots « véritable lien de filiation» n’exigent pas l’existence d’un lien de filiation bien établi entre les parents adoptifs et les enfants au moment où la demande parrainée est présentée. En général, c’est l’adoption qui crée le véritable lien de filiation. Le simple fait que les parents adoptifs veulent amener avec eux les enfants adoptés dans le pays où ils habitent ne permet pas de présumer qu’ils tentent de créer une adoption de convenance. Les parents canadiens se rendent partout au monde pour trouver et adopter des enfants. À coup sûr, les agents de visas ne fermeront pas la porte à ces enfants en se fondant sur le fait qu’aucun véritable lien de filiation n’a encore été créé.

[14]      Comme dans le cas d’un soi-disant « mariage de convenance » (dans le cadre duquel deux personnes qui ne se connaissent absolument pas font semblant d’entretenir une relation conjugale illusoire de façon à admettre un conjoint temporaire au Canada), les citoyens canadiens, dans le cas d’une « adoption de convenance », prétendraient adopter un enfant inconnu de façon à l’amener au Canada en échange d’une récompense financière. À coup sûr, tel n’est pas ici le cas.

[Non souligné dans l’original.]

(Perera, précité, aux paragraphes 13 et 14.)

B.                 Principal but visé par l’adoption (alinéa 5.1(1)d))

[19]           Dans la décision Young, précitée, le juge Rennie a récemment résumé ainsi le droit applicable à la conclusion d’un agent de la citoyenneté voulant qu’une adoption vise principalement l’acquisition d’un privilège relatif à l’immigration ou à la citoyenneté :

[18]      Le seuil à franchir pour pouvoir conclure qu’une adoption visait principalement l’acquisition d’un avantage en matière d’immigration ou de citoyenneté est élevé. Lorsqu’une adoption a été approuvée par un tribunal canadien, il faut établir que le jugement a été obtenu suite à une fraude au système judiciaire : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Dufour, 2014 CAF 81. Cette approche donne effet à l’intention du législateur lorsqu’il a adopté l’article 5.1; à savoir, faciliter l’obtention de la citoyenneté canadienne pour les enfants adoptés à l’étranger par des citoyens canadiens : Dufour, au paragraphe 53. Dans les cas où il n’y a pas de jugement d’une cour canadienne sanctionnant le caractère légitime de l’adoption, comme en l’espèce, il faut « des preuves claires à l’effet qu’il s’agit d’une adoption de complaisance » : Dufour, au paragraphe 57.

[19]      Une adoption de complaisance « ne vise que la situation où les parties (l’adopté ou l’adoptant) n’ont pas une véritable intention de créer un lien de filiation » : Dufour, au paragraphe 55. Essentiellement, une telle adoption constitue un « stratagème dont le but est de contourner les exigences de la Loi sur la [Citoyenneté] ou de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 » : Dufour, au paragraphe 55. Dans Perera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] ACF no 1443, au paragraphe 14, la Cour fédérale a jugé que « comme dans le cas d’un soi‑disant ‘mariage de convenance’ (dans le cadre duquel deux personnes qui ne se connaissent absolument pas font semblant d’entretenir une relation conjugale illusoire de façon à admettre un conjoint temporaire au Canada), les citoyens canadiens, dans le cas d’une ‘adoption de convenance’ prétendraient adopter un enfant inconnu de façon à l’amener au Canada en échange d’une récompense financière ».

[20]           La Cour a également statué que l’intention d’un parent adoptif d’assurer une meilleure qualité de vie pour un enfant adopté au Canada constitue un « objectif légitime » (Smith c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 929, au paragraphe 65 [Smith]).

[21]           Une telle intention ne dénote pas nécessairement une adoption de complaisance. Comme l’a illustré le juge Rennie dans la décision Young :

[24]      Le fait que le parent adoptif et le parent naturel souhaitent donner à l’enfant une vie meilleure pour ce qui est de l’accès aux soins médicaux et aux études ne permet pas de conclure que l’intention principale de l’adoption était de contourner les lois sur l’immigration. Le caractère fallacieux de ce raisonnement serait encore plus clair si la proposition était inversée; est‑ce qu’un parent donnerait son enfant en adoption s’il savait qu’il allait avoir une vie plus difficile et moins de possibilités?

C.                 Discussion

[22]           Après avoir exposé les principes juridiques pertinents élaborés par la jurisprudence, la Cour conclut que la décision de l’agente ne saurait être confirmée.

[23]           Premièrement, à part l’entrevue tenue le 24 novembre 2014, qui visait à remédier à un manquement à l’équité procédurale, l’agente a omis de traiter des erreurs soulevées par le juge de Montigny dans le cadre du contrôle judiciaire.

[24]           Deuxièmement, l’agente n’étaye d’aucun raisonnement la conclusion voulant que l’adoption vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège relatifs à l’immigration ou à la citoyenneté au Canada. L’agente se contente plutôt d’affirmer qu’elle n’est pas convaincue que l’adoption satisfait aux exigences de l’alinéa 5.1(1)d) de la Loi.

[25]           Une telle conclusion n’est pas ancrée dans la preuve et contredit l’avis de la Cour selon lequel le simple fait que les parents adoptifs veulent amener les enfants adoptés au Canada afin de leur offrir une meilleure qualité de vie ne permet pas de présumer qu’ils tentent de créer une adoption de complaisance (Perera, précité, au paragraphe 13; Smith, précité, au paragraphe 65; Young, précité, au paragraphe 24).

[26]           Troisièmement, les motifs de l’agente révèlent que des éléments de preuve versés au dossier, comme le rapport du tuteur à l’instance et le rapport de la travailleuse sociale, n’ont pas été pris en compte dans la décision prise à l’égard de la demande de citoyenneté de la demanderesse.

[27]           Comme le juge de Montigny l’a déjà mentionné dans sa décision (T‑1481‑13), les deux rapports fournissent une preuve abondante et une analyse approfondie quant à l’intérêt supérieur de l’enfant (la demanderesse), la nature du lien entre la demanderesse et ses parents adoptifs et les circonstances et motivations de l’adoption (rapport du tuteur à l’instance concernant Rickta Mathilda McLawrence et évaluation psychosociale à des fins d’adoption internationale, DCT, aux pages 53 à 65 et 68 à 72).

[28]           L’omission d’un agent de tenir compte de l’ensemble de la preuve, et particulièrement des éléments qui semblent contredire sa conclusion, constitue une erreur susceptible de contrôle. Comme l’a affirmé le juge Richard G. Mosley dans la décision Jardine c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 565, au paragraphe 21 :

[21]      Il est bien établi que, même si le décideur est réputé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve, lorsque des éléments de preuve pertinents vont directement à l’encontre de la conclusion qu’il a tirée sur la question fondamentale à trancher, il doit analyser ces éléments et expliquer pourquoi il ne les accepte pas ou pourquoi il leur préfère d’autres éléments de preuve : Pradhan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1500, 52 Imm. L.R. (3d) 231, au paragraphe 14; Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35, [1998] A.C.F. no 1425 (QL).

[29]           Il était donc déraisonnable de la part de l’agente de conclure que l’adoption n’avait pas été faite dans l’intérêt supérieur de l’enfant (la demanderesse), tout en faisant abstraction des éléments de preuve qui réfutaient cette proposition.

[30]           En somme, la décision de l’agente manque de transparence et de justification intelligible et, par conséquent, ne satisfait pas aux exigences relatives au caractère raisonnable établies dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] ACS 9, au paragraphe 47.

IX.             Conclusion

[31]           Compte tenu de ce qui précède, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucuns dépens ne sont adjugés. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-63-15

INTITULÉ :

RICKTA MATHILDA MCLAWRENCE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 JUILLET 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :

LE 15 JUILLET 2015

COMPARUTIONS :

Mark J. Gruszczynski

POUR LA DEMANDERESSE

Patricia Nobl

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gruszczynski, Romoff

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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