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Date : 20150715


Dossier : IMM-8451-14

Référence : 2015 CF 863

Montréal (Québec), le 15 juillet 2015

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

ZOHEIR BELAROUI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Au préalable

[23]      Une demande ERAR demeure une mesure exceptionnelle à n'accorder que sur preuve de nouveaux éléments de preuve non disponibles au moment de la décision de la SPR, et ce seulement dans la mesure où ces nouveaux éléments indiquent un risque pour les demandeurs advenant un retour dans leur pays d'origine. [Souligné dans l’original.]

(Roberto c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2009] FCJ 212 au para 23)

II.                Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] d’une décision datée du 29 octobre 2014 d’un agent d’immigration principal [agent] rejetant la demande d’examen des risques avant renvoi [ERAR] du demandeur.

III.             Faits

[2]               Le demandeur est un citoyen d’Algérie qui allègue un risque de persécution et de représailles par les autorités algériennes en raison de ses opinions politiques.

[3]               Le 9 octobre 2001, la Section de la protection des réfugiés a refusé la demande d’asile du demandeur en le jugeant non crédible. La demande était basée sur un récit très différent de la demande d’ERAR. Également, dans sa Demande d’ERAR, le demandeur précise avoir plaidé coupable à une accusation de complicité de vol à l’étalage au Canada.

[4]               Le 4 avril 2006, la première demande de résidence permanente du demandeur, basée sur des motifs d’ordre humanitaire, a été rejetée par Citoyenneté et Immigration Canada.

[5]               Le demandeur a ensuite présenté une deuxième demande de résidence permanente, dans la catégorie des époux et conjoints de fait, qui a été rejetée le 5 mars 2012.

[6]               Le 9 mai 2012, le demandeur a présenté une demande d’ERAR, appuyée de nouvelles preuves démontrant son rôle en tant qu’activiste et en tant que porte-parole pour le Comité d’action des sans-statut [CASS], une organisation visant à revendiquer un statut d’immigration pour tous les Algériens se trouvant en situation irrégulière au Canada.

[7]               Le 29 octobre 2014, l’agent a rejeté la demande d’ERAR du demandeur pour le motif que le demandeur n’a pas établi qu’il risque d’être exposé à la torture, à la persécution ou à une menace à sa vie, advenant son renvoi en Algérie.

IV.             Dispositions législatives

[8]               Les dispositions pertinentes de la LIPR relatives à une demande d’ERAR sont les suivantes :

Demande de protection

Application for protection

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

[…]

Examen de la demande

Consideration of application

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3) — sauf celui visé au sous-alinéa e)(i) ou (ii) —, sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3) — other than one described in subparagraph (e)(i) or (ii) — consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

      (i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

      (i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

      (ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada;

      (ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada; and

e) s’agissant des demandeurs ci-après, sur la base des articles 96 à 98 et, selon le cas, du sous-alinéa d)(i) ou (ii) :

(e) in the case of the following applicants, consideration shall be on the basis of sections 96 to 98 and subparagraph (d)(i) or (ii), as the case may be:

      (i) celui qui est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada pour une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans et pour laquelle soit un emprisonnement de moins de deux ans a été infligé, soit aucune peine d’emprisonnement n’a été imposée,

      (i) an applicant who is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction in Canada punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years for which a term of imprisonment of less than two years — or no term of imprisonment — was imposed, and

      (ii) celui qui est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans, sauf s’il a été conclu qu’il est visé à la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés.

      (ii) an applicant who is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, unless they are found to be a person referred to in section F of Article 1 of the Refugee Convention.

V.                Norme de contrôle

[9]               La norme de contrôle applicable aux décisions relatives aux demandes d’ERAR est celle de la décision raisonnable (Kandel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 659 au para 17; Hamida c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 998 au para 36; Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2010] ACF 980 au para 11).

[10]           Ainsi, la retenue s’impose envers l’analyse de l’agent d’ERAR des éléments de preuve au dossier, qui relève de son expertise (Aboud c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 1019 au para 33; Ferguson v Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2008] FCJ 1308 au para 33 [Ferguson]).

VI.             Analyse

[11]           La question centrale soulevée par la présente demande est celle de savoir si la décision de l’agent d’ERAR est raisonnable.

[12]           Dans le cadre d’une demande d’ERAR instruite en vertu de l’article 112 de la LIPR, il incombe au demandeur de démontrer selon la prépondérance des probabilités que sa crainte de persécution et le risque allégué sont fondés (Ferguson, ci-dessus au para 21; Pareja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2008] ACF 1705 au para 23).

[13]           Le demandeur fait valoir que les conclusions de l’agent relatives à son rôle au sein du CASS et au risque auquel il serait exposé en Algérie pour le motif de son activisme politique sont déraisonnables.

[14]           Dans ses motifs, l’agent constate que la preuve ne permet pas de conclure que le demandeur occupe un rôle de dirigeant ou de porte-parole au sein de cette organisation. Bien que le nom du demandeur soit identifié dans l’un des articles de presse, l’agent note l’absence de mention pouvant suggérer que ce dernier ait agi en tant que représentant du CASS. De même, les autres articles de presse et commentaires d’internautes soumis en preuve sont muets quant à l’implication du demandeur au sein du CASS. De plus, l’agent constate que les photographies présentées par le demandeur ne permettent pas de conclure que ce dernier a assumé un rôle public ou de porte-parole au sein du CASS (voir également Hernandez v Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2015 FC 578 au para 27).

[15]           Ensuite, quant aux affidavits de Mohamed Cherfi et de Fawzi Hoceini, qui affirment la véracité du récit du demandeur, l’agent conclut qu’ils ne précisent pas le rôle assumé par le demandeur au sein du CASS et n’identifient pas ce dernier en tant que dirigeant de l’organisation. En outre, l’agent observe l’absence de détails relativement aux activités politiques du demandeur.

[16]           L’agent considère également le risque de représailles envisagé par le demandeur relativement à son développement d’une conscience activiste et quant à son rôle de dénonciateur des violations des droits de la personne en Algérie. Suite à une évaluation de la preuve documentaire, l’agent reconnait la survenance de violations des droits de la personne en Algérie par l’État, notamment en ce qui concerne la liberté d’expression et d’association. Or, l’agent conclut que le demandeur n’a pas démontré qu’il a le profil d’une personne qui risque de devenir victime de représailles ou de détention arbitraire pour le motif de ses opinions politiques.

[17]           En l’absence de preuve probante démontrant un risque personnalisé, il était loisible pour l’agent de conclure que les risques invoqués par le demandeur advenant son retour en Algérie ne sont pas appuyés par la preuve objective et subjective. Tel qu’exprimé par le juge Yves de Montigny dans Ventura c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2010] ACF 1079 au para 25 :

[…] La Cour a statué, à plusieurs reprises, que la preuve de risques exige une preuve objective indépendante et crédible qui établit un lien entre la situation personnelle du requérant et celle ayant cours dans le pays. En l'absence de preuve démontrant un risque personnalisé, la situation ayant cours dans un pays n'est pas suffisante pour obtenir une décision d'ERAR favorable (voir par exemple, Alakozai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 266, aux paragraphes 35 à 37; Prophète c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2008 CF 331, [2009] A.C.F. no 374, aux paragraphes 16 et 17; Jarada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 409, [2005] A.C.F. no 506, au paragraphe 28.

[18]           Il se dégage du dossier certifié du tribunal que l’agent a considéré et soupesé l’ensemble de la preuve, incluant les nouveaux éléments de preuve déposés par le demandeur.

VII.          Conclusion

[19]           Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que la décision de l’agent est raisonnable, conformément aux principes élaborés par la Cour suprême dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190.

[20]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-8451-14

INTITULÉ :

ZOHEIR BELAROUI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 juillet 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :

LE 15 juillet 2015

COMPARUTIONS :

Noël Saint-Pierre

Pour le demandeur

Lynne Lazaroff

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Noël Saint-Pierre

Montréal (Québec)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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