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Date : 20150713


Dossier : IMM-6875-14

Référence : 2015 CF 855

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 juillet 2015

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

KALEECHARAN KANDASAMY

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie de la demande de contrôle judiciaire, qui vise la décision de l’agent (agent) de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), demandant à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) de constater la perte de l’asile du demandeur.

II.                Le contexte

[2]               Le demandeur est citoyen du Sri Lanka qui est arrivé au Canada en 2004 à titre de personne de pays d’accueil, pendant la guerre civile au Sri Lanka. Il craignait d’être persécuté par le gouvernement et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET).

[3]               La guerre civile a pris fin en 2009. Le demandeur est retourné au Sri Lanka en 2013.

[4]               Le demandeur soutient qu’à son retour au Canada, il a été interrogé sans être informé que le but des questions était d’enquêter afin de constater la perte de son asile.

[5]               Un fait revêt une importance particulière : le demandeur a été invité à se présenter à une entrevue ou à faire des observations à l’agent avant que ne soit déposée la demande de constat de perte de l’asile. Il n’a fait ni l’un, ni l’autre.

[6]               L’agent a déposé une demande de constat de perte de l’asile en se fondant sur l’alinéa 108(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27. Voici les dispositions applicables :

108. (1) Est rejetée la demande d’asile et le demandeur n’a pas qualité de réfugié ou de personne à protéger dans tel des cas suivants :

108. (1) A claim for refugee protection shall be rejected, and a person is not a Convention refugee or a person in need of protection, in any of the following circumstances:

a) il se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité;

(a) the person has voluntarily reavailed themself of the protection of their country of nationality;

b) il recouvre volontairement sa nationalité;

(b) the person has voluntarily reacquired their nationality;

c) il acquiert une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays de sa nouvelle nationalité;

(c) the person has acquired a new nationality and enjoys the protection of the country of that new nationality;

d) il retourne volontairement s’établir dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré et en raison duquel il a demandé l’asile au Canada;

(d) the person has voluntarily become re-established in the country that the person left or remained outside of and in respect of which the person claimed refugee protection in Canada; or

e) les raisons qui lui ont fait demander l’asile n’existent plus.

(e) the reasons for which the person sought refugee protection have ceased to exist.

(2) L’asile visé au paragraphe 95(1) est perdu, à la demande du ministre, sur constat par la Section de protection des réfugiés, de tels des faits mentionnés au paragraphe (1).

(2) On application by the Minister, the Refugee Protection Division may determine that refugee protection referred to in subsection 95(1) has ceased for any of the reasons described in subsection (1).

(3) Le constat est assimilé au rejet de la demande d’asile.

(3) If the application is allowed, the claim of the person is deemed to be rejected.

(4) L’alinéa (1)e) ne s’applique pas si le demandeur prouve qu’il y a des raisons impérieuses, tenant à des persécutions, à la torture ou à des traitements ou peines antérieurs, de refuser de se réclamer de la protection du pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré.

(4) Paragraph (1)(e) does not apply to a person who establishes that there are compelling reasons arising out of previous persecution, torture, treatment or punishment for refusing to avail themselves of the protection of the country which they left, or outside of which they remained, due to such previous persecution, torture, treatment or punishment.

[7]               La décision de l’agent était principalement fondée sur les nombreux voyages que le demandeur a effectués au Sri Lanka au cours des dernières années. Étant donné que le demandeur a refusé de se présenter à une entrevue, l’agent a conclu, en se fondant sur les éléments de preuve dont il disposait, que le demandeur s’était de nouveau et volontairement réclamé de la protection du pays dont il avait la nationalité et qu’il était une personne décrite à l’alinéa 108(1)a).

[8]               Dans les observations postérieures à l’audience, le demandeur a invité la Cour à se conformer à la décision du juge Mosley dans la décision Bermudez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 639 (Bermudez), plutôt qu’à celle de la juge Strickland dans la décision Olvera Romero c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 671, 242 ACWS (3d) 389 (Olvera Romero). Les parties s’opposent vivement quant à la question de savoir si un agent est tenu de prendre en compte les considérations d’ordre humanitaire avant de décider de demander le constat de la perte de l’asile.

À mon humble avis, ces deux décisions n’ont qu’une application limitée en l’espèce.

III.             Analyse

[9]               La seule véritable question litigieuse est celle de savoir si la décision de l’agent était raisonnable (voir Olvera Romero). La sous‑question est celle de savoir si le demandeur a eu droit à l’équité procédurale.

[10]           Je suis d’avis que le refus du demandeur de se présenter à l’entrevue ou de faire des observations (ce qu’il aurait pu faire à l’entrevue) est fatal à la présente demande de contrôle judiciaire.

[11]           Bien que dans la décision Olvera Romero, la Cour ait conclu que les droits de participation exigés par l’obligation d’équité ne nécessitaient pas la tenue d’une entrevue ou d’une audience de vive voix, la Cour a conclu dans la décision Bermudez qu’un demandeur avait au moins le droit de présenter des observations énonçant les raisons pour lesquelles une demande à la Section de la protection des réfugiés ne devrait pas être présentée.

Les deux décisions ne s’opposent pas directement sur cet élément.

[12]           Étant donné l’importance du processus pour le demandeur, j’adopte le raisonnement du juge Mosley, soit la justification afin d’imposer un certain degré de participation dans le processus.

[13]           La question de savoir si un agent peut ou doit tenir compte des considérations d’ordre humanitaire est théorique en l’espèce. L’agent ne l’a pas fait, car le demandeur n’a pas exercé son [traduction] « droit d’être entendu » en se présentant à une entrevue ou en déposant des observations.

[14]           Ainsi que l’ont relevé la juge Strickland et le juge Morsley, un demandeur jouit de droits procéduraux limités. Je souscris à l’avis du juge Morsley selon lequel ces droits incluent au moins le droit de présenter des observations à un agent, notamment les considérations d’ordre humanitaire relatives aux motifs sur lesquels une demande de constat de perte de l’asile peut être fondée.

[15]           Ces droits procéduraux sont minimaux, en partie parce que les mêmes questions de considérations d’ordre humanitaire peuvent être soulevées à la CISR. Une telle limite aux droits procéduraux est cohérente avec le processus en deux étapes prévu à l’article 108 : la décision d’un agent de présenter une demande à la CISR et la décision de la CISR sur le bien-fondé de la demande de constat de perte de l’asile.

[16]           Étant donné que le demandeur n’a pas profité de l’occasion qui lui était offerte de traiter la question avant que l’agent ne présente une demande à la CISR, je conclus que la décision de l’agent n’est ni entachée d’erreur ni déraisonnable.

IV.             Dispositif

[17]           Pour les motifs susmentionnés, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[18]           Bien que la présente affaire soit considérablement différente des décisions Olvera Romero et Bermudez, dans lesquelles des questions avaient été certifiées, j’accorderai aux parties dix jours à partir de la date de la publication des présents motifs pour présenter des observations, le cas échéant, relativement à une question certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  les parties ont dix jours à partir de la publication des présents motifs pour présenter leurs observations, le cas échéant, relativement à une question certifiée.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6875-14

 

INTITULÉ :

KALEECHARAN KANDASAMY c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 4 mai 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS DU JUGEMENT :

Le juge Phelan

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

le 13 juillet 2015

 

COMPARUTIONS :

Peter Edelmann

 

Pour le demandeur

 

R. Keith Reimer

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Edelmann et cie

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le défendeur

 

 

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