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Date : 20150707


Dossier : IMM-5993-14

Référence : 2015 CF 826

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Calgary (Alberta), le 7 juillet 2015

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

WILMA VILLANUEVA

 

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demanderesse demande à la Cour d’annuler la décision par laquelle un agent de l’ambassade à Londres (R.‑U.) a refusé de lui délivrer un permis de travail pour un poste d’aide familial auprès d’un homme âgé. Pour les motifs qui suivent, sa demande doit être rejetée.

Contexte

[2]               La demanderesse, Wilma Villanueva, est une citoyenne britannique originaire des Philippines. Elle possède un diplôme de sage‑femme qu’elle a obtenu aux Philippines en 1972.

[3]               Pendant qu’elle était à Londres, la demanderesse a travaillé comme assistante en soins de santé au service de néonatalité de l’University College London Hospital [UCLH] d’avril 1991 à janvier 2011. Elle a ensuite travaillé comme aide ménagère de salle à l’UCLH de janvier 2011 à mars 2013.

[4]               Entre juin 1991 et décembre 1996, la demanderesse a travaillé à temps partiel comme auxiliaire et première aide‑soignante pour le St. Mary’s Convent and Nursing Home.

[5]               Le 1er octobre 2013, la demanderesse s’est vu offrir un poste pour prendre soin de son oncle, Gregorio Tupas. En février 2014, après qu’elle eut présenté une demande de permis de travail à titre d’aide familiale, l’agent a informé la demanderesse qu’elle devait fournir une preuve établissant qu’elle avait une expérience d’une année d’emploi rémunéré à temps plein dans la prestation de soins aux personnes âgées. La demanderesse a fourni de la documentation.

[6]               La demande a été rejetée par lettre datée du 15 mai 2014. L’agent n’était pas convaincu que la demanderesse remplissait les exigences de l’article 112 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR]. Plus particulièrement, l’agent n’était pas convaincu que la demanderesse avait terminé avec succès une formation à temps plein de six mois en salle de classe, dans un domaine ou une catégorie d’emploi lié au travail demandé, ou avait terminé une année d’emploi rémunéré à temps plein, dont au moins six mois d’emploi continu auprès d’un même employeur, dans un domaine ou une catégorie d’emploi lié au travail demandé.

[7]               Les notes du Système mondial de gestion des cas [les notes du SMGC] indiquent que l’agent ne pouvait prendre en compte l’expérience en soins aux aînés que la demanderesse avait acquise au St. Mary’s parce qu’elle était en dehors de la période de trois ans désignée comme étant la période pertinente dans le RIPR. La demanderesse ne conteste pas cette conclusion.

[8]               L’agent a indiqué que les tâches de son emploi d’aide ménagère de salle à l’UCLH [traduction] « ne semblent pas […] liées aux soins directs aux patients, ou à un emploi au Canada pour prendre soin d’une personne âgée ». Il a en outre conclu que sa formation de sage‑femme [traduction] « n’est pas liée à un emploi au Canada, soins à une personne âgée ».

Questions en litige

[9]               Deux questions sont soulevées dans la présente demande : la norme de contrôle et la question de savoir si l’agent a commis une erreur dans sa décision ou si sa décision était déraisonnable.

Analyse

[10]           La demanderesse soutient que sa formation et son expérience satisfaisaient toutes deux aux exigences de l’alinéa 112c) du RIPR, qui est ainsi libellé :

Le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger qui cherche à entrer au Canada au titre de la catégorie des aides familiaux que si l’étranger se conforme aux exigences suivantes :

[…]

c) il a la formation ou l’expérience ci-après dans un domaine ou une catégorie d’emploi lié au travail pour lequel le permis de travail est demandé :

(i) une formation à temps plein de six mois en salle de classe, terminée avec succès,

(ii) une année d’emploi rémunéré à temps plein — dont au moins six mois d’emploi continu auprès d’un même employeur — dans ce domaine ou cette catégorie d’emploi au cours des trois années précédant la date de présentation de la demande de permis de travail;

[11]           Elle soutient que l’agent a commis une erreur dans son interprétation et son application de l’alinéa 112c) du RIPR. Selon elle, l’agent a fait la même erreur que celle qui a été faite dans la décision Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 684 [Singh] en ce que l’agent a interprété l’article 112 du RIPR comme exigeant que la demanderesse possède une expérience de travail ou une formation précise dans le domaine des soins aux aînés, alors que l’expérience et la formation qu’elle possédait était dans le domaine des soins aux enfants.

[12]           La demanderesse cite plusieurs décisions à l’appui de la thèse selon laquelle, lorsqu’il s’agit d’interpréter un règlement, la norme de contrôle est celle de la décision correcte; voir, par exemple, la décision Singh. L’intimé invoque la décision Mayorga c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1180, à l’appui de la thèse voulant que les affaires de ce genre doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable.

[13]           Je suis d’accord avec l’intimé pour dire que la conclusion relative à la norme de contrôle tirée dans la décision Singh est suspecte à la lumière des décisions de la Cour suprême du Canada dans les arrêts Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 54, Smith c Alliance Pipeline Ltd, 2011 CSC 7, au paragraphe 28, et Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, au paragraphe 30. Ces décisions indiquent que, sous réserve de rares exceptions, qui ne sont pas présentes en l’espèce, lorsque le décideur interprète sa loi constitutive, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable.

[14]           Quoi qu’il en soit, je ne puis souscrire à l’argument de la demanderesse selon lequel l’agent cherchait précisément des soins aux aînés sans tenir compte des soins dans les autres domaines. À mon avis, bien que les mots choisis puissent donner à penser que c’est ce qu’il a fait, il s’agissait d’une formulation abrégée, et la décision dans son ensemble, en particulier les notes du SMGC, indique que ce qui le préoccupait, c’était que la demanderesse ne possédait aucune expérience ou formation se rapportant au type de soins directs exigé en l’espèce. Il s’agissait là d’une appréciation des faits énoncés dans la demande de la demanderesse, et non de l’interprétation d’un texte législatif.

[15]           Selon l’offre d’emploi relative au poste de la demanderesse dans le domaine des soins aux aînés, les responsabilités et tâches de celle‑ci étaient les suivantes :

[traduction] Préparer et servir des repas nutritifs, acheter de la nourriture et des articles ménagers, laver, repasser et presser les vêtements et le linge de maison, effectuer de légères tâches d’entretien ménager et de nettoyage, fournir de la compagnie.

[16]           L’objet du poste d’aide ménagère de salle que la demanderesse a occupé dans le service de néonatalité a été énoncé ainsi :

[traduction] L’aide ménagère fait partie de l’équipe de soutien aux soins infirmiers qui fournit un service 7 jours par semaine aux unités de soins intensifs, de grande dépendance, de soins spéciaux et de soins transitoires du service, et travaille sous la supervision directe du personnel infirmier qualifié. L’équipe de soutien dont fait partie l’aide ménagère permet aux infirmières de passer plus de temps à prodiguer des soins aux bébés et à leurs familles, et aide à créer un environnement qui convient à la prestation de ces soins.

[17]           L’agent a souligné que le poste d’aide ménagère ne concernait pas directement la prestation de soins. Il n’est pas déraisonnable de conclure que son expérience pertinente n’est pas « dans un domaine ou une catégorie d’emploi lié au travail pour lequel le permis de travail est demandé », comme l’exige le RIPR.

[18]           De la même façon, il n’est pas déraisonnable de conclure que la formation de sage‑femme de la demanderesse n’était pas « dans un domaine ou une catégorie d’emploi lié au travail pour lequel le permis de travail est demandé », comme l’exige le RIPR. Je ne puis souscrire à l’argument de la demanderesse selon lequel des cours de nutrition et d’hygiène satisfont à l’exigence. À mon avis, en l’absence de toute preuve contraire, il est raisonnable de conclure qu’il existe une différence importante entre la nutrition, les premiers soins et l’hygiène que requièrent les femmes avant et après l’accouchement et ceux que requièrent les aînés.

[19]           Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, et les faits de l’espèce n’en soulèvent aucune.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée, et aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5993-14

 

INTITULÉ :

WILMA VILLANUEVA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 JUIN 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 JUILLET 2015

 

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

John Doncar

 

POUR L’INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dov Maierovitz

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

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