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Date : 20150624


Dossier : IMM-5921-14

Référence : 2015 CF 784

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 juin 2015

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

ABDUL BASIT FIDA

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La contestation du demandeur à l’égard de la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la décision défavorable de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] doit être rejetée.

[2]               Monsieur Fida vient du Pakistan et a demandé l’asile au Canada sur le fondement de son identité sexuelle en tant qu’homosexuel. La SPR ne l’a pas cru; elle a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles prouvant qu’il était gai ou avait subi les épreuves qu’il prétend avoir subies.

[3]               Parmi d’autres sujets de préoccupation, la SPR a souligné dans sa décision que le demandeur d’asile n’avait pas fourni de preuve corroborant son identité sexuelle ou les épreuves qu’il a subies en lien avec cette identité sexuelle, qui constituaient le fondement de sa crainte :

[traduction] Le tribunal conclut qu’il n’est pas raisonnable qu’il n’ait pas fourni de documents corroborants sous forme d’affidavits de la part de ces personnes étant donné qu’il vit avec son oncle et que Jawad Jamal et sa femme étaient directement impliqués dans les incidents allégués par le demandeur d’asile. Le tribunal tire une conclusion négative concernant son manque d’efforts pour corroborer des éléments centraux de sa demande.

[4]               Dans le cadre de son appel devant la SAR, le demandeur a présenté les trois affidavits précis dont la SPR reprochait qu’ils n’avaient pas été déposés. Le demandeur a demandé à la SAR de les accepter comme preuve dans le cadre de son appel.

[5]               La SAR a souligné la restriction sur l’acceptation de nouveaux éléments de preuve figurant au paragraphe 110(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, lequel prévoit ce qui suit : « Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet. »

[6]               La SAR a fait observer que « [s]i les exigences de la loi sont respectées, le tribunal doit alors tenir compte des facteurs énoncés dans l’affaire Raza [2007 CAF 385] » [non souligné dans l’original]. Bon nombre d’affaires dont la Cour est saisie portent sur la question de savoir si la SAR doit tenir compte du critère de l’arrêt Raza et l’appliquer aux nouveaux éléments de preuve; toutefois, cette question ne se pose pas en l’espèce parce que la SAR a expressément conclu que les exigences du paragraphe 110(4) de la Loi n’avaient pas été respectées. Le demandeur souligne que cette conclusion est déraisonnable.

[7]               À l’audience devant la SPR, on a demandé au demandeur pourquoi il n’avait pas présenté d’affidavits semblables à ceux en litige pour corroborer ses éléments de preuve. Il a répondu qu’il ne savait pas qu’il pouvait présenter ce genre de preuve. Il soutient que le fait qu’il ne savait pas que pareils documents seraient importants est corroboré par le fait qu’il les fournissait maintenant en réponse à la décision de la SPR. La SAR n’a pas accepté cette explication.

En toute déférence, la SAR n’est pas de cet avis. L’appelant a reçu les services d’un conseil compétent au moment de l’audience devant la SPR. Par ailleurs, le formulaire Fondement de la demande d’asile (FDA) et la trousse remis à l’appelant expliquent le processus à suivre et comprennent des directives concernant la présentation d’éléments de preuve corroborants à l’appui des allégations. L’appelant a eu la possibilité de présenter de tels éléments de preuve au moment de l’audience devant la SPR et jusqu’au 3 octobre 2013, date à laquelle la SPR a rejeté sa demande d’asile. Il ne l’a pas fait. Par conséquent, tous ces « nouveaux » documents ne respectent pas l’exigence de la loi, puisqu’ils auraient normalement pu être accessibles au moment de l’audience devant la SPR. La SAR attire une attention particulière sur l’affidavit de l’oncle de l’appelant au Canada, qui aurait pu se présenter en personne et comparaître comme témoin à l’audience devant la SPR.

[8]               Les décisions de la SAR sont examinées par la Cour selon la norme de la décision raisonnable, sauf pour des questions de droit. J’estime que l’évaluation de la SAR selon laquelle les « nouveaux » éléments de preuve ne respectaient pas les exigences du paragraphe 110(4) de la Loi était raisonnable; de plus, il s’agit de la décision même que la Cour aurait rendue au vu des faits. La Cour s’arrête particulièrement sur le fait que ni le demandeur ni son avocat n’ont présenté une demande d’ajournement à l’audience devant la SPR en vue d’obtenir les affidavits, ni présenté une demande pour les présenter à la suite de l’audience. Qui plus est, la décision de la SPR a été rendue plus de trois mois après la dernière date d’audience, mais les affidavits ont été déposés seulement lorsque la SPR a rendu sa décision défavorable et était functus officio. Bref, rien n’a été fait pour fournir les affidavits avant que la décision rejetant la demande du demandeur ne soit rendue.

[9]               Le demandeur d’asile ou son avocat ne devrait pas s’étonner que prouver l’identité sexuelle puisse nécessiter davantage que le simple témoignage sous serment du demandeur d’asile : voir, par exemple, Ferguson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067.

[10]           Le demandeur soutient également que la SAR n’a pas appliqué le bon critère lorsqu’elle a examiné sa crédibilité. La SAR a examiné les diverses conclusions de la SPR sur lesquelles elle a fondé sa conclusion selon laquelle le demandeur n’était pas crédible. Il ressort clairement de la décision qu’elle a mené sa propre analyse indépendante de ces éléments de preuve. En fait, deux des fondements sur lesquels la SPR s’est fondée ont été jugés par la SAR comme ne constituant pas une évaluation raisonnable de la preuve. Malgré l’omission de ces exceptions, la SAR était d’accord avec la SPR sur les autres et a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles permettant de rendre une décision favorable selon laquelle le demandeur était homosexuel ou avait subi les épreuves au Pakistan qu’il prétend avoir subies. Cette conclusion est raisonnable au vu de la preuve à l’appui.

[11]           Le demandeur a soutenu dans son mémoire que la commissaire de la SAR était partiale. Aucun élément de preuve fourni par le demandeur ou se trouvant dans le dossier ne permet d’étayer ne serait-ce qu’un soupçon de partialité.

[12]           Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, et aucune ne se pose au vu des faits dont dispose la Cour.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée et aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5921-14

 

INTITULÉ :

ABDUL BASIT FIDA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 JUIN 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 JUIN 2015

 

COMPARUTIONS :

Peter J. Wuebbolt

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter J. Wuebbolt

Avocat

Etobicoke (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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