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Date : 20150623


Dossier : IMM-8200-14

Référence : 2015 CF 779

Ottawa, Ontario, le 23 juin 2015

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

SOEURETTE SERAPHIN

Demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], qui vise la décision du 27 octobre 2014, de la Section d’appel de l’immigration par laquelle l’appel de la décision de l’agente d’immigration, [l’agente] de refuser la demande de visa de résident permanent dans la catégorie de la famille présentée par son époux M. Claude Junior Auguste a été rejetée.

[2]               Suite à la lecture du dossier des parties et ayant considéré leurs représentations orales et écrites, la présente demande de révision judiciaire sera rejetée pour les raisons exposées ci-dessous.

I.                   Le contexte

[3]               La demanderesse est arrivée pour la première fois au Canada le 13 avril 2002 et a obtenu la résidence permanente le 2 décembre 2003, ayant été parrainée par son ex-époux. La demanderesse et M. Auguste se sont rencontrés le 5 juillet 2006 en Haïti, alors que la demanderesse était en visite. En juillet 2008, M. Auguste a demandé la demanderesse en fiançailles et le 9 août 2008, ils se sont fiancés. La demanderesse et M. Auguste ont alors décidé qu’ils allaient se marier un an plus tard. La demanderesse et M. Auguste se sont mariés le 29 août 2009 en Haïti. En mars 2010, la demanderesse a fait des démarches pour faire venir sa sœur au Canada, cette dernière ayant perdu sa fille dans le séisme de janvier 2010. En décembre 2010, la demanderesse a entrepris les démarches pour le processus de parrainage de M. Auguste.

[4]               Le 14 février 2011, M. Auguste s’est présenté à l’Ambassade du Canada en Haïti pour la tenue d’une entrevue avec l’agente. Le 22 février 2011, l’agente a confirmé le refus de la demande de visa de résident permanent de M. Auguste au titre de la catégorie du regroupement familial. L’agente n’était pas convaincue que la relation entre M. Auguste et la demanderesse était « authentique et de bonne foi ».

[5]               En mars 2011, la demanderesse a interjeté appel auprès de la SAI du refus de sa demande de parrainage de M. Auguste.

[6]               Le 12 novembre 2014, la SAI a rejeté l’appel de la demanderesse sur la base qu’elle n’avait pas pu démontrer que le mariage ne visait pas principalement l’acquisition, par M. Auguste, d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR.

II.                Questions en litige

[7]               Selon la demanderesse, la SAI a erré de la façon suivante :

  1. La SAI a utilisé le mauvais test en droit pour évaluer si le mariage visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR;
  2. La SAI a mis en doute la réalité de l’union sans l’expliquer, ne respectant pas les règles de justice naturelle; et
  3. La SAI n’a pas convenablement exposé ses motifs dans sa décision empêchant l’appelante de comprendre son raisonnement de manière compatible avec les règles de justice naturelle et du droit administratif.

III.             Analyse

[8]               La demanderesse soutient essentiellement que :

  • La SAI n’a pas évalué l’objectif principal du mariage au moment où il a été contracté, tel que le requière le test de l’alinéa 4(1)(a) du RIPR (Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1077 au para 20 [Singh]). En effet, peu d’éléments dans la décision font référence au moment du mariage.
  • Les motifs de la SAI sont insuffisants pour soutenir ses conclusions; et
  • Les motifs de la SAI sont tendancieux et ne prennent pas en compte ses explications et ceux de M. Auguste. Par exemple, la demanderesse a expliqué qu’elle ne disposait que de deux semaines de vacances par année à son travail et c’est pour cette raison qu’elle ne se rendait qu’une fois par année en Haïti, mais la SAI n’a pas traité de cette explication.

[9]               En l’espèce, je suis d’accord avec le défendeur que la SAI a appliqué le bon test en ce qui a trait à l’alinéa 4(1)(a) du RIPR. Par ailleurs, et tel que le souligne le défendeur, il n’existe pas de test précis dans l’évaluation de l’authenticité d’un mariage (Stuart c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1139 au para 24), et ce principe peut être transposé à l’évaluation de l’objectif d’un mariage (Patry-Shala c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 187 aux paras 8-9). Je suis aussi satisfait que la SAI a appliqué la norme de preuve adéquate dans l’application du paragraphe 4(1) du RIPR, soit la prépondérance des probabilités (Singh au para 13).

[10]           Ainsi, la crédibilité de la demanderesse et de M. Auguste sont des éléments pertinents à l’évaluation de l’objectif principal du mariage en 2009. C’est à la SAI qu’il revient de déterminer le poids à accorder aux divers éléments dans l’évaluation de l’objectif du mariage (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Chen, 2013 CF 215 au para 39).

[11]           En ce sens, je suis d’avis qu’il y avait suffisamment de preuve convaincante pour justifier la conclusion de la SAI qui n’a pas cru M. Auguste dans l’évaluation de l’objectif du mariage.

[12]           La SAI en est venue à la conclusion que le mariage visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR. Je suis satisfait qu’en l’espèce, la SAI a évalué l’ensemble de la preuve pour en arriver à cette conclusion et le fait que la SAI ait considéré des éléments survenus après que les époux aient contracté leur mariage ne constitue pas une erreur révisable. Ainsi, à la lumière des éléments suivants, je considère qu’il était raisonnable d’arriver à la conclusion que le mariage des époux est visé par l’alinéa 4(1)(a) du RIPR :

  • M. Auguste aurait décidé de déclarer son amour le 25 juin 2007 à la demanderesse et aurait par la suite décidé de l’épouser alors qu’il ne l’avait rencontrée que quelques fois;
  • M. Auguste est allé au Panama du 6 mai au 14 mai 2008 acheter des vêtements pour le mariage alors qu’il a demandé la demanderesse en mariage en juillet 2008;
  • M. Auguste a obtenu un document notarié donnant la garde de son enfant à la demanderesse quelques jours avant l’entrevue devant l’agente;
  • M. Auguste a témoigné de façon contradictoire sur le moment où il a abordé la question du mariage avec la demanderesse et sur le moment où celle-ci aurait rencontré sa famille pour la première fois;
  • Ni la demanderesse, ni M. Auguste n’ont été en mesure de témoigner clairement sur le moment où M. Auguste a demandé la demanderesse en mariage.
  • M. Auguste a déclaré n’avoir jamais eu de relation sérieuse avant de rencontrer la demanderesse, alors que ce dernier a un enfant issu d’une relation précédente;
  • M. Auguste a déclaré à l’agente des visas qu’il ne savait pas que la demanderesse avait contracté un mariage précédent et qu’elle avait immigré au Canada par la voie du parrainage;

[13]           Il est pertinent de tenir compte du fait que la demanderesse ne s’est rendu à Haïti qu’une fois par année, pour un total d’un mois, entre juillet 2006 et août 2009, soit avant que les époux contractent le mariage. Bien que la demanderesse explique qu’elle était limitée par les congés qu’elle pouvait prendre annuellement, il demeure que les époux ont eu peu de rencontres avant de décider de se marier. Aussi, le fait que la demanderesse a entamé le processus de parrainage de son époux seulement en décembre 2010 a une influence négative sur l’objectif du mariage. Je n’accepte pas l’argument de la demanderesse qu’elle a d’abord concentré ses efforts sur la démarche visant à faire venir sa sœur, victime du séisme de janvier 2010, au Canada, l’un n’empêchant pas l’autre.

[14]           Je n’accepte pas non plus l’argument de la demanderesse voulant que M. Auguste n’ait pas compris la question de l’agente lorsqu’elle lui a demandé s’il savait que la demanderesse avait contracté un précédent mariage et que c’est par la voie du parrainage qu’elle a immigré au Canada. En somme, la transcription de l’audience démontre que M. Auguste n’était pas un témoin crédible.

[15]           La Cour est d’accord que les motifs de la SAI pourraient être davantage étoffés, cependant, à la lumière de l’arrêt dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland], les motifs d’une décision doivent être évalués en relation avec le résultat et la décision devra être maintenue lorsque dans l’ensemble, la décision permet de déterminer si le résultat fait partie des issues possibles (Newfoundland au para 14). Je crois que la SAI a souligné dans sa décision les éléments qu’elle trouvait problématique, ce qui nous permet de conclure que la décision appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47).


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question n’est certifiée

« Peter Annis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-8200-14

 

INTITULÉ :

SOEURETTE SERAPHIN C LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 JUIN 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 juin

 

COMPARUTIONS :

Me Alain Vallières

 

pour le demandeur

 

Me Gretchen Timmins

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Alain Vallières

Montréal, Québec

 

pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

pour le défendeur

 

 

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