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Date : 20150624


Dossier : IMM-6132-14

Référence : 2015 CF 781

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 juin 2015

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

RANGATHURAI KRISHNAPILLAI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés [SAR] a rejeté l’appel d’une décision défavorable rendue par la Section de protection des réfugiés [SPR]. Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera rejetée.

[2]               Le demandeur, Rangathurai Krishnapillai, est un citoyen du Sri Lanka. Il est un jeune Tamoul de la province du Nord. La SPR a fondé sa décision sur sa conclusion selon laquelle le demandeur n’était pas crédible. Elle a conclu que son témoignage était « confus et incohérent » et que « certains éléments de preuve étaient exagérés ». Le demandeur a notamment affirmé que le gouvernement voulait annihiler la race tamoule et qu’à cette fin, il castrait chimiquement les jeunes hommes tamouls et violait les jeunes femmes tamoules.

[3]               Le demandeur a interjeté appel auprès de la SAR, alléguant que la SPR avait commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité du demandeur et qu’elle avait omis d’examiner sa demande en se fondant sur la preuve qu’elle avait jugée crédible. Outre ces questions, la SAR s’est penchée sur la question de la norme applicable en appel d’une décision de la SPR. Elle a conclu qu’elle devait examiner la décision selon la norme de la décision raisonnable, et non selon celle de la décision correcte, comme l’a fait valoir le demandeur.

[4]               La SAR a conclu que l’analyse de la crédibilité faite par la SPR était raisonnable, mais qu’elle avait « omis de traiter de la question centrale de la demande d’asile, qui consiste à se demander si l’identité de jeune Tamoul [du demandeur] justifie sa crainte subjective d’être persécuté ». Par conséquent, la SAR a effectué sa propre analyse du profil de personne à risque des jeunes tamouls qui retournent au Sri Lanka et a conclu qu’il n’y avait qu’une simple possibilité que le demandeur soit exposé à la persécution.

[5]               Je rejette l’argument du demandeur selon lequel la décision doit être annulée du fait que la norme de la décision correcte n’a pas été appliquée en appel. J’adopte le point de vue exprimé par le juge Noël dans l’affaire Yin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1209, aux paragraphes 35 à 39, selon lequel il est approprié pour la SAR d’appliquer la norme de la décision raisonnable aux conclusions tirées par la SPR au sujet de la crédibilité. Par conséquent, la SAR n’a commis aucune erreur en appliquant la norme de la décision raisonnable aux conclusions relatives à la crédibilité. De plus, elle a agi dans les limites de sa compétence en tant que tribunal d’appel lorsqu’elle a fait sa propre analyse du profil de personne à risque.

[6]               Je vais maintenant me pencher sur la dernière question en litige – l’évaluation des risques de la SAR était-elle raisonnable?

[7]               Le demandeur soutient qu’elle n’était pas raisonnable parce que : (i) la SAR a eu tort d’exiger que le demandeur soit exposé à un risque personnalisé plutôt que généralisé; (ii) la SAR a eu tort de ne pas conclure que les jeunes hommes tamouls du Nord du Sri Lanka sont perçus comme des sympathisants des TLET, ce qui est le cas du demandeur, en plus d’être un demandeur d’asile débouté; (iii) la SAR a eu tort de ne pas examiner les deux fondements de la demande (jeune homme tamoul du Nord et demandeur d’asile débouté) de façon cumulative; et (iv) la SAR a eu tort de fonder une partie de décision sur le fait que le demandeur a utilisé son propre passeport pour quitter le Sri Lanka.

[8]               Je ne suis pas convaincu que l’une ou l’autre des erreurs alléguées a été commise ou qu’elles ont été déterminantes quant à l’issue de l’appel.

[9]               En l’espèce, la SAR n’a pas écarté la possibilité de conclure à la persécution fondée sur un risque généralisé; au contraire, dans le cadre de son analyse visant à déterminer si le demandeur est un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger, elle a raisonnablement affirmé qu’il fallait un minimum de preuve que le demandeur était personnellement exposé à un risque, car il n’existait qu’une simple possibilité qu’il soit exposé à un risque généralisé. La SAR cite l’affaire Nagendrarasa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 618, qui est semblable à la présente affaire en ce qui concerne le besoin de preuve de risque personnalisé. Le juge Roy a conclu que l’analyse relative au statut de personne à protéger était raisonnable.

[10]           La SAR a examiné les documents portant sur les conditions dans le pays et a préféré adopter les principes directeurs du HCR de 2010 et de 2012, selon lesquels chaque demande d’asile doit être examinée selon les faits qui lui sont propres puisqu’il n’est plus présumé que les jeunes hommes tamouls du Nord du pays nécessitent la protection accordée aux réfugiés. 

[11]           La SAR a examiné la question de savoir si le demandeur était exposé à un risque en raison de ses profils – jeune homme tamoul du Nord du pays et demandeur d’asile débouté – et a conclu qu’il ne courait aucun risque. Rien dans le dossier n’indique que, si les profils avaient été examinés de façon cumulative, la conclusion aurait été différente.

[12]           Je conviens avec le défendeur que [traduction] « la SAR pouvait — surtout compte tenu du témoignage du demandeur qui ne laissait pas croire qu’il était lié aux TLET ou qu’il serait perçu comme étant associé aux TLET — examiner le fait qu’il avait pu quitter le Sri Lanka légalement en utilisant son propre passeport ». Ce fait n’est pas déterminant en soi, mais il fait partie de la preuve qui a été examinée pour savoir si le demandeur était exposé à un risque en tant que jeune homme tamoul du Nord du pays.

[13]           En résumé, la décision, prise dans son ensemble, est raisonnable. La SAR a raisonnablement conclu que le demandeur n’était pas perçu comme étant un membre ou un sympathisant des TLET. De plus, le fait d’être un jeune homme tamoul du Nord du Sri Lanka ne suffit pas pour justifier la protection accordée aux réfugiés. La SAR s’est raisonnablement fondée sur les principes directeurs du HCR et a reconnu la preuve contraire à sa conclusion.

[14]           Les parties n’ont pas proposé de questions à certifier et les faits en l’espèce n’en soulèvent aucune.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6132-14

 

INTITULÉ :

RANGATHURAI KRISHNAPILLAI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 JUIN 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 JUIN 2015

 

COMPARUTIONS :

Jack Davis

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Alexis Singer

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davis & Grice

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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