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Date : 20150624


Dossier : IMM-5292-14

Référence : 2015 CF 782

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 juin 2015

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

BLANCA INES ALDANA CARDENAS

YOFREDY ANTONIO HERNANDEZ LONDONO

JOHN FREDDY HERNANDEZ ALDANA

LUD YERETH LOPEZ

SOFIA HERNANDEZ LOPEZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Les demandeurs constituent une famille élargie venue de Colombie et disent craindre d’être persécutés par les Forces armées révolutionnaires de Colombie [les FARC]. La seule question en cause dans la décision de la SPR concernait la protection de l’État.

[2]               La demanderesse principale, Blanca Cardenas, a 49 ans. Sa demande a été jointe à celle de son mari, Yofredy Londono, ainsi qu’à celle de leur fils, Freddy Aldana, de son épouse, Lud Lopez, et de leur fille de six ans, Sofia Lopez. Ils se sont enfuis avec un autre fils, Cristian Hernandez Aldana, dont la demande d’asile a été disjointe de celles des autres membres de la famille. Il a fondé sa demande d’asile, qui a été accueillie, sur essentiellement les mêmes faits que ceux qu’ont invoqués les demandeurs dans leur demande d’asile, qui a été rejetée.

[3]               Les demandeurs ont subi trois agressions. Ils ont été attaqués une première fois à leur domicile à Anapoima. Puis, Yofredy a été attaqué dans une zone rurale, alors qu’il se rendait d’un lieu de travail à l’autre. Ils ont été agressés une troisième fois à Bogota. Après cette troisième agression, les demandeurs ont fui la Colombie pour venir au Canada, où ils ont demandé l’asile.

[4]               La SPR a rejeté la demande d’asile des demandeurs, estimant que la Colombie était en mesure de leur assurer une protection suffisante.

[5]               Je conviens avec le défendeur que, si l’on comprend difficilement qu’au vu des mêmes faits, la SPR ait conclu qu’un des fils ne pouvait pas obtenir de l’État une protection suffisante alors qu’elle a décidé qu’une telle protection pouvait être assurée au reste de la famille, ces conclusions opposées ne veulent pas dire que la décision en cause est déraisonnable. Ce curieux résultat ne fait que souligner le risque qu’il y a à disjoindre les demandes de membres d’une même famille. Précisons que cette disjonction des demandes avait été contestée par la famille, mais que la SPR avait insisté pour procéder ainsi.

[6]               Quoi qu’il en soit, l’analyse de la question de la protection de l’État et la conclusion tirée à cet égard sont déraisonnables et la décision doit être annulée.

[7]               Les demandeurs font valoir, et je suis d’accord avec eux, que l’analyse de la protection de l’État en l’espèce est semblable à celle effectuée récemment par le juge LeBlanc dans la décision Montoya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 808 [Montoya]. Aux paragraphes 38 à 58 de ses motifs, il a examiné les documents sur la situation au pays (les mêmes que ceux dont dispose la Cour) et a conclu qu’ils n’étayaient pas la conclusion relative à la protection de l’État et que la SPR n’avait pas pris en compte les nombreux éléments de preuve au dossier qui allaient directement à l’encontre de la conclusion qu’elle avait tirée. J’adopte son raisonnement et l’applique à la présente décision.

[8]               Le défendeur demande à la Cour de porter son attention sur la conclusion de la SPR selon laquelle les demandeurs n’ont pas donné à la Colombie la possibilité de les protéger, car, bien qu’ils aient rapporté les incidents à la police, ils ont déménagé après chaque incident et n’ont pas effectué de suivi auprès de la police.

[9]               Cette conclusion ne tient pas compte du fait que chacun des incidents a été suivi d’une nouvelle agression. Ces agressions subséquentes démontrent, selon moi, que malgré qu’ils aient rapporté les incidents aux autorités, ils n’ont pas pu bénéficier d’une protection adéquate. Rien dans le dossier n’indique que le fait de donner plus de temps aux autorités ou d’insister auprès de la police aurait changé quoi que ce soit à cet égard. Les personnes qui cherchent à se prévaloir de la protection de l’État n’ont pas à risquer leur vie pour vérifier le caractère adéquat de la protection en multipliant les démarches ou en donnant davantage de temps aux autorités lorsque les mesures de protection se sont révélées jusque‑là insuffisantes. Précisons que, comme l’ont relevé les demandeurs, chacune de leurs plaintes a été consignée et si la police avait voulu y donner suite, elle aurait pu retrouver les demandeurs partout en Colombie où ils sont allés vivre.

[10]           Les demandeurs soutiennent également que la SPR a manqué à l’équité procédurale puisqu’avant de tirer des conclusions défavorables quant à leur crédibilité, elle ne leur a pas indiqué que leur crédibilité était en cause. Cet argument n’est pas fondé, car la décision à laquelle la SPR est parvenue repose sur son analyse de la protection de l’État, qui ne dépend pas des quelques conclusions mineures qu’elle a tirées quant à la crédibilité.

[11]           Aucune des parties n’a proposé de question à certifier et les faits en l’espèce n’en soulèvent aucune.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la demande d’asile des demandeurs devra être tranchée par un tribunal différemment constitué de la Section de protection des réfugiés et aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5292-14

 

INTITULÉ :

BLANCA INES ALDANA CARDENAS ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 JUIN 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 JUIN 2015

 

COMPARUTIONS :

Daniel M. Fine

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Christopher Crighton

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Daniel M. Fine

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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