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Date : 20150513


Dossier : T‑1616‑14

Référence : 2015 CF 634

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 mai 2015

En présence de monsieur le juge Mandamin

ENTRE :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

JOHN T. LEE

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Le ministre du Revenu national (le demandeur, le ministre) demande que soit prononcée une ordonnance en application du paragraphe 231.7(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Loi), conformément à une demande de renseignements, datée du 1er juin 2012, que M. John T. Lee (le défendeur) a reçue du ministre en vertu du paragraphe 231.2(1) de la Loi.

[2]               La demande de renseignement a été délivrée au défendeur aux fins suivantes :

a)                  prendre contre M. Lee des mesures de recouvrement à l’égard de sa dette fiscale personnelle non remboursée;

b)                  déterminer si M. Lee possède suffisamment d’actifs personnels pour justifier l’établissement de cotisations dérivées à son égard, en tant qu’administrateur, en vertu de l’article 227.1 de la Loi et de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise (LTA), relativement aux dettes contractées par les sociétés, conformément à l’article 153 de la Loi et à l’article 228 de la LTA;

c)                  déterminer s’il peut être approprié d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de M. Lee, en vertu de l’article 160 de la Loi ou de l’article 325 de la LTA, relativement à un bien qui lui a été transféré par une personne avec qui il a un lien de dépendance, moyennant une contrepartie dont la valeur était inférieure à la juste valeur marchande du bien au moment où le cédant était redevable envers le ministre en vertu de la Loi ou de la LTA;

d)                 entreprendre une vérification des années d’imposition  2005 à 2011 inclusivement de M. Lee et, à ce propos si, à la suite de cette vérification, une nouvelle cotisation est établie à l’égard de M. Lee, utiliser les renseignements et les documents qui doivent être obtenus pour vérifier sa capacité à verser l'impôt sur le revenu dû et prendre les mesures de recouvrement possibles.

[3]               Je suis d’avis qu’il est difficile de savoir si la demande de renseignements a été adressée personnellement au défendeur ou aux différentes sociétés à qui le ministre demande également des renseignements. En conséquence, et pour les motifs qui suivent, je ne suis pas disposé à exercer mon pouvoir discrétionnaire pour rendre l’ordonnance demandée. La demande du ministre est rejetée.

II.                Le contexte

[4]               Le ministre a signifié à M. Lee, le défendeur, une demande de renseignements lors d’une réunion tenue le 5 juin 2012. La demande exigeait des renseignements et des documents exhaustifs qui contenaient une liste de l’actif, du passif, des sources de revenus et une annexe relative à la valeur nette de M. Lee pour le période allant du 1er janvier 2009 au 31 mai 2012.

[5]               Le libellé exact de la demande de renseignements figure dans l’affidavit daté du 15 juillet 2014 de l’agente de cas du ministre, Mme Arlene Dowdall, qui affirme que M. Lee disposait de 90 jours pour communiquer les renseignements suivants : 

a)                  les noms de toutes les banques et coordonnées de toutes leurs succursales où le défendeur a des comptes et/ou des coffrets de sûreté, et les montants déposés au 31 mai 2012;

b)                  la liste complète des comptes de courtage détenus par le défendeur, qu’ils soient ou non enregistrés à son nom, avec les noms et adresses des courtiers, et les soldes dus au 31 mai 2012;

c)                  un état complet des actions, ordinaires ou privilégiées, et des obligations détenues par le défendeur, qu’elles soient ou non enregistrées à son nom, précisant le coût unitaire par action et le lieu de situation de chaque titre;

d)                 un état complet des biens immobiliers appartenant au défendeur, qu’ils soient ou non enregistrés à son nom, y compris les descriptions officielles, les montants des charges, les noms et adresses des grevants, et les lieux de situation des bureaux d’enregistrement;

e)                  un état complet des assurances détenues par le défendeur, spécifiant pour chaque police le nom de l’assureur, le capital assuré, le numéro, le lieu de situation, ainsi que, le cas échéant, la valeur de rachat et le montant des dividendes accumulés;

f)                   un état complet des prêts hypothécaires et autres prêts en cours dans lesquels le défendeur avait un intérêt bénéficiaire, spécifiant les montants dus à ce dernier au 31 mai 2012, les dates d’enregistrement, les bureaux d’enregistrement, les descriptions officielles des biens grevés et, le cas échéant, les modalités de remboursement, les dates d’échéance, ainsi que les noms et adresses de tous les débiteurs hypothécaires et autres;

g)                  un état complet des emprunts hypothécaires et autres emprunts à payer par le défendeur au 31 mai 2012, spécifiant la valeur au cours du marché de toutes les sûretés réelles et portant les descriptions officielles de tous les biens remis en nantissement;

h)                  la liste complète des véhicules automobiles qui appartenaient au défendeur au 31 mai 2012, spécifiant pour chacun l’année, le style, la marque, le numéro d’immatriculation, le prix, ainsi que les nom et adresse du titulaire de privilège ou du grevant;

i)                    un état complet et détaillé de tous autres actifs, non couverts par ce qui précède, que détient le défendeur, qu’ils soient ou non enregistrés à son nom;

j)                    un relevé de la valeur nette du patrimoine au 31 mai 2012, y compris les annexes justificatives, le tout afin d’obtenir un portrait complet de son actif, de son passif et des dépenses du ménage;

k)                  un état complet des rémunérations et autres sommes reçues par le défendeur du 1er janvier 2009 au 31 mai 2012, précisant les noms et adresses des payeurs et la nature des paiements;

l)                    un relevé complet des jugements non exécutés rendus contre le défendeur, spécifiant la nature des dettes, ainsi que les noms et adresses des créanciers judiciaires;

m)                pour la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 31 mai 2012, une liste des dates et des montants individuels de tous les versements effectués dans une fiducie de retraite, un fonds ou tout autre type de rente, avec l’emplacement exact de la fiducie de retraite et le montant figurant présentement au crédit du défendeur et/ou au crédit des bénéficiaires.

[6]               Bien que Mme Dowdall affirme que la demande de renseignement utilise un formulaire‑type, j’estime que l’étendue et la portée de celle‑ci sont trop vastes. Par exemple, l’expression « qu’ils soient ou non enregistrés à son nom » est répétée sur la demande lorsqu’il est question d’une liste de comptes de courtage et d’un état des obligations, des actions, des biens immobiliers et d’autres actifs qui ne figurent pas encore sur la liste.

[7]               Le ministre précise qu’au moment où la demande de renseignements a été envoyée, M. Lee avait une dette personnelle à rembourser de 19 801 $. Selon l’affidavit de Mme Dowdall, daté du 15 juillet 2014, M. Lee est ou a été l’administrateur d’environ 44 sociétés ontariennes qui ont ou ont eu de longs antécédents de non‑respect de l’obligation de versement des montants dus au receveur général du Canada en ce qui concerne les comptes de retenues sur la paie suivant l’article 153 de la Loi ou les comptes de la TPS/TVH suivant l’article 228 de la Loi sur la taxe d’accise. Dans son affidavit, Mme Dowdall estime que les sociétés de M. Lee doivent environ 7 341 069 $ en combinant les comptes de société et ceux de la TPS/TVH et de retenues sur la paie. Elle ajoute que le ministre [traduction] « se penchera seulement sur la dette en souffrance relative aux retenues sur la paie et à la TPS/TVH des sociétés de M. Lee ».

[8]               Mme  Dowdall explique en outre que M. Lee et sa partenaire, Mme Laurel Clarry, étaient tous les deux administrateurs de 1573454 Ontario Ltd. qui avait une dette de TPS/TVH d’environ 431 091 $ et une dette d’entreprise de 2 699 903 $ qu’elle incluait dans la dette totale ci‑dessus qui s’élève à 7 341 069 $. Mme Dowdall affirme également que, le 8 août 2013, 1573454 Ontario Ltd. a déposé un avis d’opposition concernant les montants visés par les cotisations, en vertu de l’article 228 de la Loi sur la taxe d’accise, pour différentes périodes. Toutefois, aucune autre société du défendeur n’avait déposé d’avis d’opposition.

[9]               Mme Dowdall mentionne dans son affidavit du 15 juillet  2014 qu’elle a préparé comme suit les documents relatifs aux comptes susmentionnés au cours de la semaine du 16 janvier 2012 :

                     124 demandes péremptoires de paiement envoyées à différentes institutions financières et à d’autres tiers, dont 12 avaient trait à la dette fiscale personnelle de M. Lee et 112, à la dette fiscale des sociétés de ce dernier; 48 demandes péremptoires ont été envoyées à des tiers pour obtenir des renseignements et des documents relatifs à M. Lee ou à ses sociétés, dont huit concernaient M. Lee personnellement et 40, les sociétés de ce dernier;

                     une demande péremptoire de paiement, datée du 13 janvier  2012, a été envoyée à M. Lee, mais aucune réclamation n’a été faite auprès de Postes Canada;

                     deux séries de 10 lettres envoyées à M. Lee à titre d’administrateur de six sociétés; la première série lui demande des renseignements concernant ce qu’il a fait pour prévenir l’omission de verser les montants dus en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu ou de la Loi sur la taxe d’accise et la deuxième série l’avise des montants dus, des montants qui étaient dus conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu et/ou de la Loi sur la taxe d’accise; elle l’avise aussi que la Couronne avait un intérêt à titre bénéficiaire dans le bien ou le produit découlant du bien.

[10]           Mme Dowdall précise que, les 10 et 14 mai 2012, le chef d’équipe de l’Agence du revenu du Canada (ARC), M. Wayne Warner, l’agent d’un bureau local de l’ARC, M.  Norm Davis et elle-même ont rencontré M. Lee et Mme Clarry.

[11]           M. Lee affirme que, lors de la réunion tenue le 14 mai 2012, il a expliqué aux représentants de l’ARC que Mme Clarry et lui n’avaient pas d’argent et étaient aux prises avec des difficultés financières, parce que l’ARC détenait déjà un privilège de plus d’un million de dollars contre leurs biens. M. Lee a demandé à l’ARC d’envisager de mettre fin à la demande péremptoire, parce qu’il estimait que l’ARC avait déjà suffisamment de garanties. Mme Dowdall a déclaré : [traduction] «  Nous avons répondu que, tant qu’il serait administrateur de la société, il était tenu de s’assurer que tous les montants étaient correctement versés à l'ARC ». Lors de cette réunion, M. Lee a reçu une liste des sociétés gérées par Mme Dowdall et a été avisé que d’autres sociétés inscrites sur la liste étaient traitées par d’autres agents de recouvrement. Mme Dowdall précise en outre : [traduction] « Nous lui avons rappelé qu’il doit produire toutes les déclarations ou faire tous les versements demandés ».

[12]           Le 15 mai 2012, Mme Dowdall a écrit ce qui suit à M. Lee :

[traduction]

Le 14 mai 2012, une réunion a eu lieu au bureau des services fiscaux de Belleville. Lors de cette réunion, M. W. Warner vous a demandé de fournir une liste complète de tous vos biens, ainsi que des entreprises auxquelles vous êtes lié.  

Veuillez remplir la déclaration écrite faisant état de vos biens et la retourner à l’adresse suivante, d’ici le 25 mai 2012.

[13]           Le 5 juin 2012, une autre réunion a été tenue entre M.  Lee, Mme Clarry, M. Warner et Mme Dowdall. La demande de renseignements a été signifiée au défendeur au début de cette réunion.

[14]           Mme Dowdall décrit comme suit la réunion qui s’est tenue le 5 juin 2012 :

[traduction]

Lors de cette réunion, M. Lee a déclaré qu’il ignorait ce qu’il se passait exactement avec la plupart de ses sociétés puisqu’il ne participait pas à leur exploitation. Encore une fois, il a déclaré que c’était essentiellement le comportement d’un ancien ami ou employé qui expliquait le fait que divers comptes étaient en souffrance. Lorsqu’il a ensuite été question du fait que M. Lee n’a pas fourni à l’ARC une liste de ses biens, il a mal réagi. Il a affirmé qu’il s’agissait d’une demande ridicule et a prétendu que l’ARC disposait déjà de cette information. Il a ajouté qu’il n’avait pas d’avoirs à l'étranger et que l'ARC avait gelé leurs avoirs en exerçant son privilège. M. Warner a demandé à M. Lee pourquoi il ne voulait pas communiquer les renseignements. M. Lee a répondu : “Vous seriez au courant de tout ce que j’avais si je vous en dressais la liste”. M. Warner a rappelé à M. Lee que la demande de renseignements était un document juridique et qu’il était tenu de s’y conformer. M. Warner a essayé d’expliquer qu’une liste des biens aiderait M. Lee et Mme Clarry ainsi que l’ARC en ce sens que la liste permettrait à chacun de déterminer les entreprises qui n’étaient plus en activité et à l’ARC de mettre à jour l’information dans ses systèmes. M. Lee ne semblait pas réceptif à ce que disait M. Warner. Enfin, M. Warner a avisé M. Lee et Mme Clarry que l’ARC ferait ce qu’elle devait faire. Nous ne pouvions pas rencontrer M. Lee et Mme Clarry tous les jours pour discuter des comptes et leur permettre ainsi d’obtenir de l’information au sujet des comptes que l’ARC n’a pas ou ne connaît pas. L’ARC ignorait ce que faisaient les entreprises, c’était à M. Lee et à Mme Clarry de le savoir. Aucune autre rencontre n’aurait lieu à moins que M. Lee ne se présente avec une liste de ses biens.

[15]           Pour répondre à mon inquiétude concernant la portée de la demande péremptoire, le ministre a préparé un dossier de demande supplémentaire dans lequel figure un deuxième affidavit, daté du 18 septembre 2014, fourni par Mme Dowdall.

[16]           Dans ce deuxième affidavit, Mme Dowdall mentionne que la demande péremptoire est détaillée en ce qui a trait aux types de biens que possède M. Lee, parce que l’ARC ne connaît pas les types de biens que possède le défendeur ou la valeur de ceux‑ci. Elle affirme que l’obtention de renseignements concernant seulement certains biens ou l’obtention de renseignements partiels ne permettra pas d’atteindre l’objectif pour lequel la demande péremptoire a été envoyée, qui est de prendre des dispositions de paiement ou de repérer les biens qui peuvent permettre d’acquitter la dette fiscale personnelle de M. Lee.

[17]           Mme Dowdall ajoute que les renseignements sur les biens personnels du défendeur étaient également utiles aux efforts déployés par l’ARC pour recouvrer les dettes fiscales des sociétés du défendeur. Elle affirme que M. Lee exerçait les fonctions d’administrateur d’environ 44 sociétés ayant des soldes impayés de comptes de retenues sur la paie ou de TPS/TVH qui totalisent 1 545 809 $ et que, à titre d’administrateur de ces sociétés, il peut faire l’objet de cotisations dérivées en vertu de l’article 227.1 de la Loi et de l’article 228 de la Loi sur la taxe d’accise.

[18]           Mme Dowdall signale dans son deuxième affidavit qu'elle a fait des recherches sur 44 sociétés mentionnées dans son affidavit du 15 juillet 2014; elle comprend maintenant que 34 de ces sociétés ont été dissoutes il y a plus de deux ans. Cela laisse 10 sociétés actives, à l’exception de 1169657 Ontario Ltd. s/n The Winchester Arms qui a été dissoute le 27 janvier 2014.

[19]           Mme Dowdall poursuit en ces termes dans son deuxième affidavit :

[traduction]

La demande de renseignements (et, par extension, la présente demande) n’est pas liée aux mesures prises par la Division de la vérification de l’Agence du revenu du Canada dans le cadre du processus de vérification des sociétés de M. Lee. Ces vérifications visent à déterminer si une société de M. Lee a déclaré correctement le revenu et réclamé des montants à titre de déductions en vertu de la LIR ou déclaré correctement le montant de la taxe nette en vertu de l’ETA; dans la mesure où la demande de renseignements peut s’appliquer aux sociétés de M. Lee, c’est relativement aux tentatives du ministre de recouvrer, en établissant une cotisation dérivée à l’égard de M. Lee, les retenues à la source ou le montant de la taxe nette non versés qui ont été fixés dans la cotisation établie à l’égard des sociétés de M. Lee. En particulier, tel qu’il est mentionné ci‑dessus, les renseignements et les documents fournis par M. Lee, qui tient compte de la demande de renseignements, peuvent être examinés par le ministre pour déterminer si les biens de ce dernier justifient l’établissement de cotisations dérivées à son égard.

[20]           M. Lee a admis au cours de l’audience tenue devant moi qu'il a signé pour la délivrance d’une demande de renseignements qu’il a reçue le 5 juin 2012. En outre, il ne revendique pas le privilège entre client et avocat.

III.             Les dispositions légales pertinentes

[21]           Voici les dispositions pertinentes de la Loi :

231.2. (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et pour l’application ou l’exécution de la présente loi (y compris la perception d’un montant payable par une personne en vertu de la présente loi), d’un accord général d’échange de renseignements fiscaux entre le Canada et un autre pays ou territoire qui est en vigueur et s’applique ou d’un traité fiscal conclu avec un autre pays, par avis signifié à personne ou envoyé par courrier recommandé ou certifié, exiger d’une personne, dans le délai raisonnable que précise l’avis,

a) qu’elle fournisse tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration de revenu ou une déclaration supplémentaire;

b) qu’elle produise des documents.

231.7(1) Sur demande sommaire du ministre, un juge peut, malgré le paragraphe 238(2), ordonner à une personne de fournir l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents que le ministre cherche à obtenir en vertu des articles 231.1 ou 231.2 s’il est convaincu de ce qui suit :

a) la personne n’a pas fourni l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents bien qu’elle en soit tenue par les articles 231.1 ou 231.2;

b) s’agissant de renseignements ou de documents, le privilège des communications entre client et avocat, au sens du paragraphe 232(1), ne peut être invoqué à leur égard.

Infractions et peines

238. (1) Toute personne qui omet de produire, de présenter ou de remplir une déclaration de la manière et dans le délai prévus par la présente loi ou par une disposition réglementaire, qui contrevient aux paragraphes 116(3), 127(3.1) ou (3.2), 147.1(7) ou 153(1), à l’un des articles 230 à 232, 244.7 et 267 ou à une disposition réglementaire prise en vertu du paragraphe 147.1(18) ou qui contrevient à une ordonnance rendue en application du paragraphe (2) commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et outre toute pénalité prévue par ailleurs :

a) soit une amende de 1 000 $ à 25 000 $;

b) soit une telle amende et un emprisonnement maximal de 12 mois.

Ordonnance d’exécution

(2) Le tribunal qui déclare une personne coupable d’une infraction prévue au paragraphe (1) peut rendre toute ordonnance qu’il estime indiquée pour qu’il soit remédié au défaut visé par l’infraction.

 

231.2(1) Notwithstanding any other provision of this Act, the Minister may, subject to subsection (2), for any purpose related to the administration or enforcement of this Act (including the collection of any amount payable under this Act by any person), of a comprehensive tax information exchange agreement between Canada and another country or jurisdiction that is in force and has effect or, for greater certainty, of a tax treaty with another country, by notice served personally or by registered or certified mail, require that any person provide, within such reasonable time as stipulated in the notice,

(a) any information or additional information, including a return of income or a supplementary return; or

(b) any document

231.7(1) On summary application by the Minister, a judge may, notwithstanding subsection 238(2), order a person to provide any access, assistance, information or document sought by the Minister under section 231.1 or 231.2 if the judge is satisfied that

(a) the person was required under section 231.1 or 231.2 to provide the access, assistance, information or document and did not do so; and

(b) in the case of information or a document, the information or document is not protected from disclosure by solicitor-client privilege (within the meaning of subsection 232(1)).

Offences and punishment

238. (1) Every person who has failed to file or make a return as and when required by or under this Act or a regulation or who has failed to comply with subsection 116(3), 127(3.1) or (3.2), 147.1(7) or 153(1), any of sections 230 to 232, 244.7 and 267 or a regulation made under subsection 147.1(18) or with an order made under subsection (2) is guilty of an offence and, in addition to any penalty otherwise provided, is liable on summary conviction to

(a) a fine of not less than $1,000 and not more than $25,000; or

(b) both the fine described in paragraph 238(1)(a) and imprisonment for a term not exceeding 12 months.

Compliance orders

(2) Where a person has been convicted by a court of an offence under subsection 238(1) for a failure to comply with a provision of this Act or a regulation, the court may make such order as it deems proper in order to enforce compliance with the provision.

 

IV.             Jurisprudence

[22]           Dans la décision qu’a rendue la Cour suprême dans l’arrêt R c McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 RCS 627, le juge Wilson a conclu, à la page 649, que le paragraphe 231(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC (1952), ch. 148, antérieur à l’article 231.2 de la Loi, prescrit la « méthode la moins envahissante pour contrôler efficacement le respect de la Loi ».

[23]           En outre, dans la décision Stanfield c Canada (Ministre du Revenu national - MRN) 2008 CF 605, le juge Yvon Pinard a saisi l’occasion de préciser ce qui suit au paragraphe 16 :

Le pouvoir conféré au ministre par l’article 231.2 de la LIR ne concerne pas le recouvrement et n’est pas une mesure de recouvrement. Dans l’arrêt Donald Fabi c. Le Ministre du Revenu national, 2006 CAF 22, [2006] A.C.F. n° 43 (QL), la Cour d’appel fédérale écrivait ce qui suit :

[11] Avec respect, je crois que les demandes de renseignements émanant du ministre, faites en l’espèce pour établir en matière fiscale l’existence ou la valeur d’un actif qui serait dissimulé ou le montant de son prix de vente ou de sa disposition, ne constituent pas une mesure de recouvrement des réclamations prouvables en matière de faillite. Le ministre est chargé de l’application et de l’exécution de la Loi. Cette charge, qu’il assume dans l’intérêt public, emporte celle d’établir la dette fiscale d’un contribuable. L’évaluation de l’obligation fiscale d’un contribuable est un objectif lié à l’administration et à l’exécution de la Loi. Pour assumer valablement cette charge, le ministre doit pouvoir poser des questions pour obtenir et connaître les faits et les chiffres : [citation omise]

[24]           Les paragraphes 231.2(1) et 231.7 (1) de la Loi énonce trois conditions qui doivent être remplies avant qu’un juge puisse exercer son pouvoir discrétionnaire d’ordonner à une personne de fournir des renseignements ou des documents que le ministre cherche à obtenir. À cet égard, dans la décision Canada (Ministre du Revenu national) c SML Operations (Canada) Ltd, 2003 CF 868, au paragraphe 14 (SML Operations), la juge Danièle Tremblay‑Lamer a tenu les propos suivants :

1)                  la Cour doit être convaincue que la personne contre laquelle l’ordonnance est sollicitée était tenue en vertu des articles 231.1 ou 231.2 de fournir l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents que le ministre cherche à obtenir;

2)                  la Cour doit être convaincue que, bien que la personne ait été tenue de fournir les renseignements ou les documents que le ministre cherche à obtenir, elle ne l’a pas fait;

3)                  la Cour doit être convaincue qu’à l’égard des renseignements ou des documents demandés, « on ne peut invoquer le privilège des communications entre client et avocat » au sens de la Loi.

[25]           La juge Tremblay‑Lamer a souligné, au paragraphe 15, le sérieux des conséquences du non‑respect des dispositions de la Loi qui, en vertu du paragraphe 238(1), comprennent des amendes et/ou l’emprisonnement et a affirmé : « Je n’exercerai pas mon pouvoir discrétionnaire d’ordonner la production des documents que le ministre cherche à obtenir à moins d’être convaincue que les conditions ont été remplies de façon claire ». [Souligné dans l’original]

[26]           La décision SML Operations portait sur une demande de renseignements dont il était difficile de savoir si elle était adressée à la défenderesse [société] ou au destinataire personnellement. La juge Tremblay‑Lamer a conclu que, vu l’incertitude, elle n’était pas convaincue que la première condition ait été remplie. Elle a donc rejeté la demande du ministre.

[27]           De même, dans la décision Canada (Ministre du Revenu national)  c Glenn Chamandy 2014 CF 354, le ministre avait signifié la demande de renseignements au défendeur, en vertu de l’article 231.1 de la Loi. La juge Anne MacTavish a conclu aux paragraphes 31 et 32 que l’affaire qui lui était soumise était semblable à l’affaire SML Operations, nonobstant le fait que la demande ait été délivrée en vertu du paragraphe 231.1 de la Loi. Elle a fait observer que l’alinéa 231.7(1)a) prévoit qu’un juge doit être convaincu que la personne contre laquelle l’ordonnance est sollicitée « était tenue par les articles 231.1 ou 232.2 de fournir l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents » en question. [souligné dans l’original]

[28]           La juge MacTavish a estimé qu’il était difficile de savoir si la demande de renseignements était adressée au défendeur en son nom personnel ou à la société. Par conséquent, elle a conclu que le ministre n’avait pas rempli la première condition de l’article 231.7 de la Loi.

[29]           Dans la décision Canada (Ministre du Revenu national - MRN) c Marshall, 2006 CF 279, le juge Michel Shore a conclu que la défenderesse était effectivement la personne qui était tenue, en vertu du paragraphe 231.2(1) de la Loi, de fournir les livres et documents comptables de West Lake Housecleaning Ltd. ainsi que les livres et documents comptables de Linda Mae Marshall qui faisait parfois affaire sous le nom de West Lake Housecleaning Ltd. Le juge Shore a conclu que la défenderesse n’avait pas donné suite à la demande et que le privilège des communications entre client et avocat à l’égard des renseignements et documents demandés ne pouvait être invoqué. Les éléments de preuve saillants dont disposait la Cour avaient été fournis par l’ARC qui a montré que l’entreprise, qui avait été radiée du registre, était maintenant exploitée par la défenderesse à titre d’entreprise à propriétaire unique.

[30]           À la lumière de ce qui précède, je conclus que, même si le ministre dispose d’une grande latitude pour délivrer une demande de renseignements, en vertu du paragraphe 231.2(1) de la Loi, il est essentiel que le nom de la personne à qui a été signifiée la demande et le rôle de celle‑ci, lié à la nature de la demande, soient clairement indiqués.

V.                Les questions à trancher

[31]           Les questions déterminantes à trancher consistent d’abord à savoir si le ministre a correctement désigné le défendeur dans la demande péremptoire, puis à savoir si le ministre a suffisamment justifié la vaste portée de celle‑ci.

VI.             Observations

[32]           Après examen des arguments du défendeur, je conclus que les documents de ce dernier sont très peu pertinents en ce qui a trait à la question déterminante relative à la portée de la demande de renseignements et à la justification de cette portée. Je conclus également que ses allégations de conduite irrégulière à l’encontre du ministre sont inopportunes. Par exemple, le défendeur invoque la Charte des droits du contribuable pour étayer ses arguments selon lesquels le ministre a enfreint ses droits. Cependant, il n’a pas allégué à la Cour que la Loi n’était pas appliquée légitimement ou qu’elle a été invoquée à tort dans la présente demande.

[33]           À ce sujet, cependant, le défendeur se plaint de l’ampleur du dossier relatif à la demande de renseignements et fait valoir qu’à l’exception de 1226577 Ontario Ltd. et 573454 Ontario Ltd., les sociétés ne sont plus en activité. Il indique que le premier affidavit du ministre faisait mention de 44 entreprises numérotées, tandis que le deuxième affidavit n’en mentionnait que 10. Le défendeur soutient qu'il ne peut pas produire une grande partie des renseignements demandés, parce qu’il ne les a pas, ou qu’il est dissocié des sociétés ou encore, parce que le ministre les a déjà obtenus.  

[34]           Pour sa part, le demandeur fait valoir que les éléments de preuve fournis par Mme Dowdall dans son premier affidavit et l’aveu que le défendeur a fait à l'audience confirment que :

a)                  la demande de renseignements a été signifiée à M. Lee;

b)                  la demande de renseignements a été délivrée afin que M. Lee communique des renseignements et des documents et que des mesures de recouvrement, notamment, soient prises à l’égard de celui‑ci et ses sociétés grâce à l’établissement de cotisations à l’égard de M. Lee;

c)                  M. Lee a contrevenu à la demande de renseignements.

[35]           Le ministre soutient en outre que rien ne permet de penser que les renseignements et les documents demandés dans le cadre de la demande de renseignements sont protégés par le privilège entre client et avocat.

[36]           Par conséquent, le ministre fait valoir que les conditions préalables au prononcé d’une ordonnance de conformité ont été respectées et que la Cour devrait accorder l’ordonnance demandée.

VII.          Analyse

[37]           Je souligne d’abord que’en l’espèce, il ressort que les fonctionnaires de l’ARC ont souvent combiné enquêtes, réunions et correspondance concernant la dette fiscale personnelle du défendeur avec celles concernant les dettes fiscales de ses sociétés.

[38]           Le ministre allègue que la demande de renseignements exige que le défendeur communique les renseignements et les documents concernant ce qui suit :

a)                  les comptes bancaires ou les coffrets de sûreté;

b)                  les comptes de courtage;

c)                  les obligations et les actions, ordinaires ou privilégiées;

d)                 les biens immobiliers, y compris les charges grevant la propriété;

e)                  les assurances;

f)                   les emprunts hypothécaires et autres emprunts non remboursés;

g)                  les emprunts hypothécaires et autres emprunts à payer;

h)                  les véhicules automobiles;

i)                    tous autres actifs;

j)                    un relevé de la valeur nette du patrimoine au 31 mai 2012, y compris les annexes justificatives, le tout afin d’obtenir un portrait complet de son actif, de son passif et des dépenses du ménage; la rémunération et autres sommes reçues;

k)                  les jugements non exécutés;

l)                    les versements effectués dans une fiducie de retraite, un fonds ou tout autre type de rente.

[39]           J’estime, toutefois, que la portée de la demande de renseignements est plus vaste que la simple liste précédente, parce que l’expression « qu’ils soient ou non enregistrés à son nom » est ajoutée à la demande. Ce choix de libellé soulève une question de savoir s’il est demandé au défendeur de dresser la liste de ses biens personnels ou d'inclure les documents au sujet des actifs des sociétés, auxquels il n’aurait accès qu’en sa qualité d’administrateur ou de dirigeant des sociétés.

[40]           En examinant les comptes rendus de réunions entre le défendeur et les représentants du ministre avant la signification de la demande de renseignements, je constate que la clarté de celle‑ci est davantage mise en doute. J’apporte cette précision, parce que, à la suite des réunions du 10 et du14 mai 2012, les collaborateurs du ministre ont écrit au défendeur ce qui suit : [traduction] « Le 14 mai 2012, une réunion a eu lieu au bureau des services fiscaux de Belleville. Lors de cette réunion, M. W. Warner vous a demandé de fournir une liste complète de tous vos biens, ainsi que des entreprises auxquelles vous êtes lié » [non souligné dans l’original].

[41]           Le destinataire visé par la demande de renseignements reste imprécis, compte tenu de la réunion du 5 juin 2012 entre le ministre et le défendeur. Lors de cette réunion, Mme Dowdall signale que [traduction] « M. Warner a essayé d’expliquer qu’une liste des biens aiderait M. Lee et Mme Clarry ainsi que l’ARC en ce sens que la liste permettrait à chacun de déterminer les entreprises qui n’étaient plus en activité et à l’ARC de mettre à jour l’information dans ses systèmes » [non souligné dans l’original]. Il convient de répéter que c’était lors de cette réunion que la demande de renseignements a été signifiée au défendeur.

[42]           Si le défendeur était tenu de fournir les documents relatifs aux sociétés, il devient évident que la demande de renseignements ne visait pas simplement le défendeur personnellement.

[43]           À mon avis, une demande de renseignements destinée à un administrateur ou à un dirigeant d’une société, qui concerne les actifs de l’entreprise, doit être une demande qui vise la personne morale elle‑même.

[44]           Ainsi, en ce qui concerne la demande de renseignements, je suis convaincu que le ministre n’a pas rempli l’une des trois conditions préalables exigées au paragraphe 231.7(1) de la Loi, à savoir que la Cour doit être convaincue que la personne contre laquelle l’ordonnance est sollicitée « n’a pas fourni l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents [que le ministre cherche à obtenir] bien qu’elle en soit tenue par les articles 231.1 ou 231.2 ». Je ne suis pas convaincu, malgré les affirmations du ministre, que celui‑ci a prouvé que le défendeur était tenu à titre personnel seulement de donner suite à la demande de renseignements.

[45]           Compte tenu des conséquences graves de la non‑conformité décrites par la juge Tremblay‑Lamer dans la décision SML Operations, la présente Cour exige une certitude quant à savoir à qui la demande de renseignements est signifiée et ce qui est exigé de la personne désignée. Le fait de combiner les obligations fiscales personnelles aux obligations fiscales des sociétés sur une seule demande nuit à la certitude qu’exige la Cour avant d’envisager d’accorder au ministre une ordonnance de conformité en vertu du paragraphe 231.7(1) de la Loi.

VIII.       Conclusion

[46]           Compte tenu de ma préoccupation au sujet de l’incertitude sur la question de savoir si la demande de renseignements a été signifiée au défendeur personnellement ou au défendeur en sa qualité d’administrateur ou de dirigeant de sociétés, je ne suis pas disposé à exercer mon pouvoir discrétionnaire en faveur de la demande d’une ordonnance de conformité de la part du demandeur.

[47]           Étant donné que j’ai rejeté la demande du ministre, la demande du défendeur concernant la tenue d’une contre‑interrogation relativement aux affidavits est sans objet. Les autres demandes du défendeur sont également refusées.

[48]           Je ne rends aucune ordonnance quant aux dépens.

[49]           À l’audience, le ministre et le défendeur ont convenu que la présente demande sommaire est étroitement liée à T‑1615‑14, soit le même type de demande qui a été déposée par le demandeur contre la partenaire conjugale du défendeur, Mme Clarry. Pour des raisons de santé de la part de cette dernière, la demande du ministre relative à celle du défendeur a été entendue en premier. La demande du ministre relative à celle de Mme Clarry a été ajournée indéfiniment.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.                  La demande du ministre est rejetée.

2.                  Mis à part le rejet de la demande du ministre, les demandes du défendeur sont refusées.

3.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Leonard S. Mandamin »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1616‑14

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c JOHN T. LEE

 

LIEU D’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 26 août 2014

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE MANDAMIN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 13 mai 2015

 

COMPARUTIONS :

Margaret Nott

 

POUR LE DEMANDEUR

 

John T. Lee

 

POUR LE DÉFENDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

John T. Lee

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

 

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