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Date : 20150611


Dossier : T-1835-14

Référence : 2015 CF 735

Ottawa (Ontario), le 11 juin 2015

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

GUY LAFOND

Demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire par Guy Lafond [le demandeur] présentée en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7,  suite au rejet de sa plainte par la Commission canadienne des droits de la personne [CCDP] en vertu du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H-6 [la Loi].

II.                Faits

[2]               Le demandeur est employé au sein du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration Canada depuis le 7 septembre 2001. Le 30 avril 2012, il a déposé une plainte interne à la Direction de la Région internationale [RI] de Citoyenneté et de l’Immigration Canada [CIC] contre Mme Nathalie Smolynec et Mme Roswitha Diehl-MacLean, deux superviseures. Le 21 janvier 2013, cette plainte a été déclarée comme étant non fondée.

[3]               Le 25 avril 2013, le demandeur a déposé une plainte devant la CCDP aux motifs d’avoir été traité différemment en cours d’emploi en raison de son âge, de son sexe et d’une déficience. Le 24 avril 2014, l’enquêtrice, Mme Anick Hébert [l’enquêtrice] a rendu son rapport d’enquête quant aux allégations comprises au rapport d’enquête. Elle a recommandé que la plainte soit rejetée en vertu du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi. Le 4 mai 2014, le demandeur a soumis ses représentations écrites en réponse au rapport d’enquête de l’enquêtrice à la CCDP. Le 27 juin 2014, le défendeur a soumis ses représentations écrites à la CCDP en réponse à celles du demandeur. Le 30 juillet 2014, la CCDP a rejeté la plainte du demandeur en vertu du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi. Ceci est la décision contestée.

III.             Décision contestée

[4]               La CCDP a rejeté la plainte du demandeur après avoir étudié le rapport de l’enquêtrice et les représentations fournies par les deux parties. Les motifs de la CCDP se trouvent dans le rapport d’enquête (Dubé c Société Radio-Canada, 2015 CF 78 au para 15 [Dubé], citant Canada (Procureur général) c Sketchley, 2005 CAF 404 au para 37 [Sketchley]; Din Ali c Canada (Procureur général), 2013 CF 30 au para 20 [Din Ali] conf. par la Cour d’appel fédérale dans El Din Ali c Canada (Procureur général), 2014 CAF 124).

[5]               L’enquêtrice note d’abord que le demandeur alléguait subir du harcèlement et de la discrimination en raison de son âge, de son sexe et d’une déficience.

[6]               Quant aux allégations du demandeur voulant qu’il ait été traité différemment lors de sa plainte interne, l’enquêtrice a conclu que le demandeur n’a pas précisé comment le processus lui avait été appliqué différemment et n’a pas soumis de preuve au soutien de ses allégations. L’enquêtrice a également conclu que la preuve au dossier n’appuie pas son allégation voulant qu’il ait été humilié par Mme Smolynec. Le demandeur a également prétendu avoir été critiqué sans raison valable par Mme Smolynec qui n’a pris en considération son problème de vue, soit qu’il souffre de cataracte. L’enquêtrice a par contre noté dans son rapport que Mme Smolynec a su que le demandeur avait eu un problème aux yeux, car il a dû s’absenter du travail, sans savoir de quoi il s’agissait précisément. L’enquêtrice a également écrit que le demandeur a confirmé qu’il n’avait pas demandé de mesures d’adaptation pour ses problèmes d’yeux. Sur ce point, l’enquêtrice a conclu que la preuve n’appuie pas la position du demandeur. Le demandeur a aussi prétendu qu’il a fait de multiples demandes de changements de superviseur. L’enquêtrice a conclu que le demandeur ne travaille plus pour Mme Dielh-MacLean et Mme Smolynec, mais relève d’un autre superviseur, M. Terry Brown et d’un autre gestionnaire, M. André Voltaire. En effet, cette demande a été satisfaite. Le demandeur a allégué avoir fait l’objet d’une discrimination en 2011 alors qu’il n’a pas été sélectionné pour une affectation à Pretoria en Afrique du Sud. L’enquêtrice a conclu que la preuve n’appuie pas cette allégation. Finalement, le demandeur prétend avoir eu des difficultés administratives après être retourné au travail. L’enquêtrice a conclu qu’il y en a eu plusieurs. Mais, elle a par contre noté que ces problèmes étaient hors du contrôle de la direction.

[7]               L’enquêtrice a donc conclu que la preuve ne démontrait pas que le demandeur avait été traité différemment en raison de son âge, de son sexe et de sa déficience. Elle a par conséquent recommandé que la CCDP rejette la plainte en vertu du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi, soit que compte tenu des circonstances de la plainte, l’instruction de celle-ci par un tribunal n’était pas justifiée.

IV.             Prétentions du demandeur

[8]               Le demandeur soutient qu’il y a une erreur sur la date du rapport, soit qu’il est indiqué que la plainte a été déposée le 9 juillet 2009 alors qu’il l’a déposé le 25 avril 2013. Il soutient également que l’enquêtrice ne s’est pas interrogée à savoir pourquoi il lui a été interdit de retourner au travail le 30 avril 2012, qu’elle a mal évalué le contenu de la lettre datée du 14 mai 2012 de Mme Dielh-MacLean destiné à son médecin de famille et que cette dernière avait également refusé de l’aider lors de son retour à son poste d’analyste en décembre 2012.

[9]               Le demandeur soutient également que l’enquêtrice a décliné de tenir compte des éléments de preuve qu’il a soumis dans sa plainte déposée le 27 décembre 2012 à la RI. Le demandeur avance aussi que l’enquêtrice n’a pas tenu compte de ce qu’il a soumis au soutien de sa plainte pour harcèlement déposé à l’encontre de Mme Sharon Chomyn. Il argumente également que la conclusion à savoir qu’il n’a pas subi de discrimination en n’étant pas sélectionné pour une affectation à Pretoria était erronée. Le demandeur remet également en question la conclusion de l’enquêtrice voulant que les exigences de la norme de rendement ne constituent pas du harcèlement parce que la norme de rendement n’est pas clairement définie par le Service du Conseil du Trésor. Il dit aussi avoir fait l’objet de nouvelles représailles depuis le dépôt de sa plainte.

[10]           Le demandeur prétend en plus que la plainte a pris plus de 12 mois à être traitée et que l’enquêtrice n’a pas tenu compte de ses explications à savoir pourquoi il lui a été interdit de retourner au travail le 30 avril 2012. Finalement, il explique que Mme Anita Biguzs avait confirmé par écrit le 30 mai 2014 qu’elle ne présenterait aucune observation additionnelle suite au rapport de l’enquêtrice, mais qu’elle en a déposé le 27 juin 2014. Il soutient qu’il n’a pas eu la possibilité de commenter les allégations de Mme Biguzs. Quant à lui, ceci constitue un bris d’équité procédurale.

V.                Prétentions du défendeur

[11]           Le défendeur soutient que contrairement aux allégations du demandeur, l’enquêtrice a évalué toute la preuve qui lui a été présentée et a examiné tous les documents qui lui ont été fournis. Il prétend que la CCDP a tenu compte du rapport en plus des observations présentées par les parties avant de rendre sa décision. Le défendeur dit que l’enquêtrice n’était pas tenue de commenter tous les incidents de discrimination soumis par le demandeur et que les lacunes d’un rapport d’enquête ne vicieront pas la décision de la CCDP pourvu qu’elles ne soient pas fondamentales au point où les observations écrites des parties ne peuvent y remédier.

[12]           Le défendeur explique aussi que le retard de douze (12) mois était raisonnable. Il soutient que le demandeur n’a pas soumis de preuve à l’effet qu’il avait subi un préjudice à cause de ce retard.

[13]           Le défendeur dit finalement que le demandeur n’a déposé aucune preuve selon laquelle la CCDP lui aurait interdit de déposer une réplique aux observations de Mme Biguzs et que cette demande lui aurait été refusée.

VI.             Questions en litige

[14]           Après avoir révisé les prétentions des parties et leur dossier respectif, je formule les questions en litige comme suit :

  • Est-ce que la décision de la CCDP de rejeter la plainte en vertu du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi est raisonnable?
  • Est-ce que la CCDP a manqué à son devoir d’équité procédurale en ne donnant pas la possibilité au demandeur de déposer une réplique aux représentations du défendeur?
  • Est-ce que le retard de douze mois encouru par la CCDP pour enquêter sur la plainte du demandeur et ensuite rendre sa décision constitue un bris d’équité procédurale?

VII.          Norme de révision

[15]           La question à savoir s’il était raisonnable pour le CCDP de rejeter la plainte du demandeur est une question mixte de faits et de droit et s’évalue sous la norme de la décision raisonnable (Dupuis c Canada (Procureur général), 2010 CF 511 au para 10 [Dupuis], se référant à Bredin c Canada (Procureur général), 2008 CAF 360 au para 16 et Davidson c Société Canadienne des postes, 2009 CF 715 au para 54). La norme de contrôle applicable à la décision que la CCDP rend lorsqu’elle reçoit un rapport d’enquête comporte un degré élevé de retenue (Rabah v Canada (Attorney General), 2001 FCT 1234 au para 9). Cette Cour n’interviendra donc que si la décision est déraisonnable, soit qu’elle tombe en dehors « des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c New Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 au para 47).

[16]           Les deux questions portant sur l’équité procédurale s’évaluent en fonction de la norme de la décision correcte (Dupuis, précité au para 11, se référant à Lusina c Bell Canada, 2005 CF 134 au para 29; Bateman c Canada (Procureur général), 2008 CF 393 au para 20; Sketchley, précité au para 53).

VIII.       Analyse

A.                Est-ce que la décision de la CCDP de rejeter la plainte en vertu du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi est raisonnable?

[17]           Le sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi précise que « sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission [CCDP] […] rejette la plainte, si elle est convaincue […] que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci n’est pas justifié ».

[18]           Madame la juge Kane a récemment résumé le processus de plainte et le rôle de la CCDP dans la décision Alkoka c Canada (Procureur général), 2013 CF 1102 [Alkoka] :

[40]      Dans la récente décision Syndicat canadien des employés de la fonction publique (division du transport aérien) c Air Canada, 2013 CF 184, au paragraphe 60, [2013] ACF no 230 [SCEFP], la juge Mactavish a traité de la norme de contrôle et résumé tous les principes applicables aux enquêtes de la Commission. Comme ces principes intéressent précisément les questions soulevées en l’espèce et renvoient à la jurisprudence citée par le demandeur et le défendeur, je les ai reproduits ci‑après :

[60]      Le rôle de la Commission canadienne des droits de la personne a été examiné par la Cour suprême du Canada dans Cooper c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1996] A.C.S. no 115, [1996] 3 R.C.S. 854. Dans cet arrêt, la Cour a fait observer que la Commission n’était pas un organisme décisionnel et que c’était au Tribunal canadien des droits de la personne qu’il revenait de trancher les plaintes en matière de droits de la personne.

[61]      La Commission exerce plutôt des fonctions d’administration et d’examen préalables. Son rôle consiste « à déterminer si, aux termes des dispositions de la Loi et eu égard à l’ensemble des faits, il est justifié de tenir une enquête. L’aspect principal de ce rôle est alors de vérifier s’il existe une preuve suffisante » (arrêt Cooper, précité, au paragraphe 53; voir également Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] A.C.S. no 103, [1989] 2 R.C.S. 879 [SEPQA]).

[62]       La Commission dispose d’un large pouvoir discrétionnaire qui lui permet de décider si, « compte tenu des circonstances relatives à la plainte », la poursuite de l’enquête est justifiée (Halifax (Regional Municipality) c. Nouvelle‑Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10, [2012] 1 R.C.S. 364, aux paragraphes 26 et 46; Mercier c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1994] 3 C.F. 3, [1994] 3 A.C.F. no 361 (C.A.F.)). 

[63]      D’ailleurs, dans l’arrêt Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, [1999] 1 C.F. 113, [1998] A.C.F. no 1609 [Bell Canada], la Cour d’appel fédérale a fait observer que « [l]a Loi confère à la Commission un degré remarquable de latitude dans l’exécution de sa fonction d’examen préalable au moment de la réception d’un rapport d’enquête » (au paragraphe 38).

[19]           Je suis de l’avis que le demandeur est simplement insatisfait du rapport de l’enquêtrice et de la décision de la CCDP. En l’espèce, le rapport de l’enquêtrice explique adéquatement sa conclusion de recommander à la CCDP le rejet de la plainte du demandeur. Avant de rendre sa décision, la CCDP avait en plus du rapport, les observations des parties, dont les mêmes observations que le demandeur réitère en contrôle judiciaire. Il était justifié pour la CCDP de rejeter la plainte pour insuffisance de preuve (Cooper c Canada (Commission canadienne des droits de la personne), au para 53; Herbert c Canada (Procureur général), 2008 CF 969 au para 16 [Hébert]; Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 RCS 879, à la page 899). De plus, l’enquêtrice n’est pas tenue de commenter sur chacun des incidents rapportés par le demandeur dans son rapport (Miller c Canada (Commission des droits de la personne), [1996] ACF no 735 (1re inst.); Murray c Canada (Commission canadienne des droits de la personne), 2002 CFPI 699, [2002] ACF no 1002 [Murray] au para 24, conf. dans Murray c Canada (Commission canadienne des droits de la personne), 2003 CAF 222). Les parties ont également eu l’opportunité de répondre au rapport dans leurs observations, dont la CCDP a tenu compte avant de rejeter la plainte du demandeur. Comme il est expliqué dans Slattery c Canada (Commission des droits de la personne), [1994] ACF no 181 (1re inst.)(QL), conf. par [1996] ACF no 385 (CA), il faut faire preuve de retenue judiciaire à l’égard des décideurs administratifs qui doivent évaluer la valeur probante de la preuve et décider si un examen est justifié. La Cour doit déférence à la CCDP pour son appréciation des faits au dossier (Sketchley, précité au para 38). En l’espèce, le rapport de l’enquêtrice a bien détaillé son rapport et a conclu de recommander le rejet de la plainte. La décision de la CCDP de rejeter la plainte est donc raisonnable sous les critères de Dunsmuir, précité. Il n’y a pas lieu pour la Cour d’intervenir.

B.                 Est-ce que la CCDP a manqué à son devoir d’équité procédurale en ne donnant pas la possibilité au demandeur de déposer une réplique aux représentations du défendeur?

[20]           Le demandeur prétend que la CCDP a erré en ne lui permettant pas de déposer une réplique aux observations du défendeur. Il se base sur le fait que Mme Biguzs, par lettre datée du 30 mai 2014, indique son intention de ne pas fournir d’observations relative à la plainte ou au rapport. Par contre, dans une lettre datée du 27 juin 2014, Mme Biguzs soumet ses observations, ayant été informée que le demandeur avait soumis des commentaires suite au rapport. Le demandeur prétend alors ne pas avoir eu l’opportunité de répondre aux observations de Mme Biguzs. Cette prétention est erronée.

[21]           En l’espèce, l’équité procédurale exigeait que le demandeur connaisse les allégations formulées contre lui en plus d’avoir la possibilité d'y répondre (Canada (Procureur général) c Cherrier, 2005 CF 505 [Cherrier] au para 22; Alkoka, précité au para 67). De plus, « le processus d'examen préalable de la Commission [CCDP] n'est pas fondé sur le principe du débat contradictoire. Les arguments auxquels le demandeur doit répondre se trouvent dans le rapport » (Khapar c Air Canada, 2014 CF 138 [Khapar] au para 56). En l’espèce, le demandeur était au courant des conclusions du rapport et de la recommandation de l’enquêtrice. Il a eu l’opportunité de répondre au rapport afin de corriger toute lacune ou lui signaler toute preuve manquante qu'il considère comme importante (Alkoka, précité au para 68). Une réplique aux observations du défendeur n’était donc pas nécessaire.

[22]           De plus, le demandeur n’a présenté aucune preuve voulant qu’il ait demandé de déposer une réplique et que ceci lui ait été refusé par la CCDP. Le demandeur a donc eu l’opportunité de faire valoir son point de vue et de présenter sa preuve avant que l’enquêtrice ait remis son rapport. De plus, le demandeur a eu l’opportunité de soumettre ses observations avant que la CCDP détermine de rejeter la plainte du demandeur. Le demandeur était donc au courant de la teneur du dossier et a eu l’opportunité d’y répondre. Compte tenu de ces circonstances, il n’y a eu aucun bris d’équité procédurale en l’espèce (Cherrier, précité au para 45).

C.                 Est-ce que le délai de douze mois encouru par la CCDP pour enquêter sur la plainte du demandeur et ensuite rendre sa décision constitue un bris d’équité procédurale?

[23]           Le demandeur laisse entendre que la CCDP a pris une période de temps trop longue avant de rendre sa décision, soit douze (12) mois. La question consiste donc à savoir si ce délai était raisonnable, et si cela a causé un préjudice pour le demandeur (Murray, précité au para 24; voir aussi Blencoe c Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, [2000] 2 RCS 307 au para 120 [Blencoe]). En l’espèce, le délai était raisonnable et aucun préjudice n’a été causé au demandeur.

[24]           Selon le demandeur, entre le dépôt de sa plainte et le dépôt du rapport d’enquête, quatre (4) personnes auraient contacté le demandeur au sujet de sa plainte (DD à la page 131 au para 9). Dans l’affaire Murray, précitée, il était question d’un retard de presque quatre (4) ans entre le dépôt de la plainte et le dépôt du rapport, qui a été jugé déraisonnable. Par contre, la Cour a précisé que bien que ce délai ait constitué une violation de l’équité procédurale, la CCDP en serait arrivée au même résultat (au para 34). De plus, la Cour cite la décision Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202, [1994] ACS no 14 (CSC) de la Cour suprême du Canada à l’effet qu’ il « était justifiable d'ignorer un manquement à la justice naturelle "lorsque le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir" » (Ibid). En l’espèce, les parties, l’enquêtrice et les autres gens impliqués dans le processus de plainte ont été en constante communication et un délai de douze (12) mois n’est pas excessif au point de causer un abus de procédure (Blencoe, précité au para 132).

[25]           Quant au préjudice, le demandeur explique avoir subi des difficultés avec sa famille, de s’être séparé de sa femme suite au dépôt de sa plainte à la CCDP et cherche maintenant à conserver la garde partagée de sa fille. Bien que ces évènements puissent peser sur un individu, ils ne constituent pas un préjudice lié au délai de douze (12) mois en question. Le demandeur n’a également présenté aucune preuve démontrant un préjudice lié à ce délai. Je suis de l’opinion que le retard ne constitue pas un fondement pour annuler la décision en l'espèce et n’a causé aucun préjudice au demandeur.

IX.             Conclusion

[26]           La décision de la CCDP de rejeter la plainte du demandeur en vertu du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi est raisonnable. Il n’y a pas eu de bris d’équité procédurale ni en ce qui a trait aux observations soumises par les parties ni en ce qui a trait au délai de douze (12) mois entre le dépôt de la plainte et la décision de la CCDP. L’intervention de cette Cour n’est pas requise.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.         La demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée;

2.         Les dépens sont accordés en faveur du défendeur.

« B. Richard Bell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

T-1835-14

 

INTITULÉ :

GUY LAFOND c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 mai 2015

 

JUGEMENT ET motifs :

LE JUGE BELL

DATE DES MOTIFS :

LE 11 juin 2015

COMPARUTIONS :

M. Guy Lafond

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Me Claudine Patry

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Guy Lafond

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

pour le défendeur

 

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