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Date : 20150619


Dossier : T-1095-13

Référence : 2015 CF 770

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 juin 2015

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

NOVARTIS PHARMACEUTICALS

CANADA INC.

demanderesse

et

TEVA CANADA LIMITÉE ET

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

et

NOVARTIS AG

défenderesse/brevetée

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               La demanderesse, Novartis Pharmaceuticals Canada Inc., sollicite une ordonnance interdisant au ministre de la Santé d’accorder à la défenderesse, Teva Canada Limitée, un avis de conformité (AC) qui l’autoriserait à commercialiser une version générique du produit breveté de Novartis appelé EXJADE. EXJADE, qui contient un principe actif, le deferasirox (DFS), qui agit comme un chélateur du fer – c’est-à-dire qu’il se lie au fer et donc qu’il peut être employé dans le traitement des affections associées à un excès de fer. Le brevet canadien de Novartis no 2 255 951 (le brevet 951) a été déposé en 1997 et expirera le 24 juin 2017. Le brevet concerne le DFS et d’autres composés analogues, ainsi que leur utilisation dans le traitement des affections liées à un excès de fer.

[2]               Dans l’avis d’allégation (AA) signifié à Novartis en 2013, Teva faisait valoir que le brevet 951 était invalide pour un certain nombre de motifs : inutilité, évidence, caractère insuffisant de la divulgation, portée excessive et ambiguïté. À l’audience, les motifs ont été réduits à l’inutilité, l’évidence et le caractère insuffisant de la divulgation.

[3]               Je suis convaincu que la plupart des allégations de Teva sont injustifiées. En ce qui concerne l’utilité en particulier, je ne suis pas convaincu que le brevet 951 promet explicitement et globalement que les composés qu’il décrit se sont révélés utiles dans le traitement des troubles liés à une surcharge en fer chez l’humain. En fait, l’utilité énoncée des nouveaux composés du brevet 951 est plus modeste – les composés se lient notablement au fer, sont solubles et induisent l’excrétion du fer dans des essais sur les animaux. Par contre, j’accepte l’affirmation de Teva d’après laquelle les revendications du brevet 951 concernant l’utilisation des composés du brevet visant à traiter les affections liées à une surcharge en fer chez l’humain promettent explicitement un résultat spécifique, qui n’a été ni démontré ni valablement prédit à la date du dépôt (24 juin 1997). Par conséquent, l’allégation d’inutilité avancée par Teva à l’égard des revendications d’utilisation du brevet est justifiée, mais pas son allégation parallèle se rapportant aux composés nouveaux du brevet 951.

[4]               Par ailleurs, je ne suis pas convaincu que les allégations d’évidence et d’insuffisance avancées par Teva sont justifiées. Eu égard à l’état de la technique et aux connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art à la date du dépôt, les nouveaux composés du brevet 951 n’étaient pas évidents. En outre, Novartis n’a pas dissimulé, comme le prétend Teva, l’invention réelle en n’établissant pas le DFS comme le composé qui finirait par être commercialisé. À mon avis, Novartis a suffisamment divulgué son invention en répertoriant trente composés qui présentaient les propriétés utiles décrites dans le brevet – la liaison au fer, la solubilité et l’induction de l’excrétion.

[5]               Par conséquent, je dois accorder l’ordonnance que Novartis sollicite.

[6]               Les questions en litige sont les suivantes :

1.      Novartis a-t-elle démontré que l’allégation d’inutilité avancée par Teva est injustifiée?

2.      Novartis a-t-elle démontré que l’allégation d’évidence avancée par Teva est injustifiée?

3.      Novartis a-t-elle démontré que l’allégation d’insuffisance avancée par Teva est injustifiée?

II.                Contexte

[7]               Un excès de fer dans l’organisme peut provoquer de graves problèmes de santé, et notamment endommager les organes. Le surplus de fer peut résulter de transfusions sanguines répétées (par exemple, pour traiter l’anémie) ou de l’absorption excessive de fer alimentaire. Les primates, contrairement à d’autres espèces, ne sont pas dotés de mécanismes efficaces pour excréter le fer excédentaire. Un chélateur efficace peut se lier au fer et permettre l’excrétion du surplus.

[8]               La mise au point d’un chélateur du fer convenable soulève certaines difficultés. Le composé doit être à même de pénétrer dans l’organisme et de se lier au fer qui s’y trouve. Le composé résultant de la liaison entre le fer et le chélateur, souvent désignée comme le « complexe de coordination », doit aussi être suffisamment soluble pour être excrété. De plus, les composés susceptibles de provoquer des effets toxiques doivent évidemment être évités.

[9]               La prédécesseure de Novartis, Ciba-Geigy, a commercialisé pour la première fois un chélateur du fer appelé desferrioxamine (la DFO) dans les années 1960. La DFO a des inconvénients – elle ne peut être administrée que par perfusion quotidienne d’une durée de huit à douze heures. C’est pour résoudre ce problème que les chercheurs ont naturellement tenté d’obtenir un chélateur administrable par voie orale. Un grand nombre de chélateurs de ce type testés au fil des années se sont avérés trop toxiques ou peu efficaces pour être utiles.

[10]           Ciba-Geigy a commencé à étudier d’autres chélateurs potentiels du fer dans les années 1980. Elle a testé des centaines de composés et découvert une classe méritant des études plus approfondies, les bis-hydroxyphényl-triazoles. Trente de ces composés relèvent des revendications du brevet 951. Il a été établi in vitro qu’ils se liaient tous notablement au fer. Dix-huit de ces trente composés ont été testés in vivo chez le rat et se sont avérés induire l’excrétion du fer. Onze de ces dix-huit composés ont ensuite été testés chez le singe, et il a été établi qu’ils provoquaient l’excrétion du fer.

[11]           Le brevet 951 se rapporte spécifiquement aux composés désignés comme les 3,5-diphényl-1,2,4-triazoles. Certains d’entre eux étaient connus, d’autres étaient nouveaux. Les inventeurs indiquent que les composés présentent des propriétés pharmaceutiques utiles comme chélateurs actifs du fer et qu’à ce titre, ils peuvent servir au traitement de la surcharge en fer chez les animaux à sang chaud.

[12]           Le brevet décrit les affections attribuables à une surcharge en fer et l’état de la technique se rapportant à leur traitement, à savoir l’utilisation de la DFO et les inconvénients qui s’y rattachent. Il indique ensuite – et c’est la phrase cruciale dont le sens est débattu par les parties – qu’il a été établi que les composés brevetés [traduction« posséd[aient] des propriétés pharmaceutiques avantageuses lorsqu’ils sont utilisés dans le traitement de troubles entraînant un excès de métaux chez l’homme ou l’animal ou causés par celui-ci, notamment une liaison notable aux ions métalliques trivalents, et à ceux du fer en particulier ». Le brevet mentionne ensuite les études effectuées chez le rat et le singe et cite des extraits d’articles publiés qui décrivent en détail ces expériences.

[13]           Le brevet indique spécifiquement que l’invention concerne certains composés connus (désignés comme les composés de la « formule I ») destinés au traitement de maladies affectant l’humain. Ces composés connus avaient été précédemment utilisés à d’autres fins, par exemple comme herbicides. Le brevet décrit également des composés nouveaux, un sous-groupe des composés de la formule I, désignés comme les composés de la « formule II ». Le brevet explique ensuite les procédés de synthèse des composés revendiqués et les méthodes de préparation de leurs formes pharmaceutiques.

[14]           Les revendications du brevet visent les composés dits de la formule I, c’est-à-dire les composés qui étaient déjà connus et utilisés dans le traitement de maladies liées à une surcharge en fer chez l’humain ou l’animal (revendications 1 à 4). Les revendications couvrent également les nouveaux composés de la formule II (revendications 5 à 37), y compris le DFS (revendication 32), leurs préparations pharmaceutiques (revendications 38 et 39) et leur utilisation dans le traitement des surcharges en fer chez l’humain ou l’animal (revendications 40 à 42).

III.             Allégations de Teva

[15]           La position de Teva quant à l’utilité découle entièrement de son interprétation de la promesse du brevet. Encore une fois, la phrase clé du brevet 951 qui pose le litige entre les parties est la suivante :

[traduction]

Il est maintenant établi que certains 3,5-diphényl-1,2,4-triazoles possèdent des propriétés pharmaceutiques avantageuses lorsqu’ils sont utilisés dans le traitement de troubles entraînant un excès de métaux chez l’homme ou l’animal ou causés par celui-ci, notamment une liaison notable aux ions métalliques trivalents, et à ceux du fer en particulier.

[16]           Teva soutient que cette phrase promet explicitement un résultat spécifique, à savoir que les composés brevetés ont non seulement été testés chez l’humain, mais qu’ils se sont révélés utiles dans le traitement des troubles liés à une surcharge en fer chez l’humain, du fait de leur capacité à se lier notablement au fer. Teva fait valoir que cette promesse générale s’applique à toutes les revendications du brevet, y compris à celles qui visent simplement les composés nouveaux, qu’elles renvoient ou non effectivement à une utilité particulière. D’après Teva, la doctrine de la différentiation des revendications ne devrait pas s’appliquer compte tenu de la promesse globale du brevet 951.

[17]           En s’appuyant sur cette interprétation du brevet, Teva soutient en outre que la promesse, à savoir l’utilité énoncée du brevet 951, n’a pas été démontrée puisqu’en réalité aucun test n’a été effectué chez l’humain. Cette utilité, affirme Teva, ne pouvait même pas être valablement prédite sur la seule base des tests menés par Novartis chez le rat et le singe.

[18]           En outre, Teva indique que si son interprétation du brevet était erronée, et que l’utilité des composés se réduisait simplement à leur capacité à se lier au fer, les composés de l’invention sont alors évidents compte tenu des antériorités et des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art à la date pertinente.

[19]           Enfin, Teva soutient que la divulgation du brevet est insuffisante puisqu’un lecteur du brevet 951 versé dans l’art ne comprendrait pas que la véritable invention concernait le DFS, enfoui qu’il est dans la revendication 32.

IV.             Interprétation du brevet 951

[20]           Avant d’examiner toute question liée à la validité du brevet, celui-ci doit être interprété du point de vue de la personne versée dans l’art. Les parties ne sont pas d’accord sur l’identité de cette personne aux fins de cet exercice. Pour Novartis, il s’agit d’un chimiste médical ayant des connaissances sur les affections liées à une surcharge en fer. Teva affirme que la personne versée dans l’art possède les aptitudes d’une équipe composée d’un chimiste, d’un médecin ayant une bonne connaissance des affections liées à une surcharge en fer et d’une personne éclairée en matière d’essais pharmacologiques concernant les chélateurs du fer.

[21]           À mon avis, le brevet 951 s’adresse à une personne ayant une formation en chimie médicinale et une bonne connaissance des affections liées à une surcharge en fer et de leur traitement, et notamment des propriétés que devrait avoir un chélateur du fer administré par voie orale. Cette personne pourrait être un médecin, mais pas nécessairement.

[22]           Selon moi, la personne versée dans l’art comprendrait la phrase clé du brevet 951 comme décrivant les propriétés désirables des composés de l’invention, à savoir leur faculté particulière à se lier au fer, leur solubilité et leur capacité à entraîner l’excrétion. Ces propriétés rendraient les composés utiles dans le traitement des troubles liés à une surcharge en fer. Contrairement à ce que Teva m’invite à conclure, j’estime que le passage contesté n’équivaut pas à affirmer que les composés ont été testés chez l’humain et qu’ils se sont avérés utiles dans le traitement des troubles liés à une surcharge en fer.

[23]           Il est vrai que la déclaration contestée est malencontreuse. Mais son sens peut être dégagé lorsqu’elle est interprétée dans son contexte. Encore une fois :

[traduction]
Il est maintenant établi que certains 3,5-diphényl-1,2,4-triazoles possèdent des propriétés pharmaceutiques avantageuses lorsqu’ils sont utilisés dans le traitement de troubles entraînant un excès de métaux chez l’homme ou l’animal ou causés par celui-ci, notamment une liaison notable aux ions métalliques trivalents, et à ceux du fer en particulier.

[24]           Les [traduction« propriétés pharmaceutiques avantageuses » mentionnées au début de la phrase sont précisées en fin de phrase : principalement une liaison notable aux métaux trivalents, et à ceux du fer en particulier. Les composés présentent donc des propriétés utiles dont la plus importante est une remarquable affinité pour le fer. Le milieu de la phrase explique en quoi ces propriétés sont avantageuses : [traduction« ils s’avèrent avantageux lorsqu’ils sont utilisés dans le traitement de troubles caractérisés par un excès de fer ». Ce sont ces propriétés qui sont qualifiées d’avantageuses dans le traitement des troubles liés à une surcharge en fer; le brevet ne dit pas que les composés ont été utilisés à cette fin.

[25]           Teva aimerait que j’interprète la phrase comme indiquant que les composés brevetés ont révélé des propriétés utiles, notamment la chélation du fer, lorsqu’ils ont servi au traitement de troubles liés une surcharge de ce métal. Je reconnais que c’est une interprétation possible de la phrase, mais non la plus probable.

[26]           La nature de l’invention apparaît clairement dans le sommaire du brevet, par exemple. Celui-ci précise que les composés brevetés [traduction« présentent des propriétés pharmaceutiques utiles et sont particulièrement actifs comme chélateurs du fer. Ils peuvent être utilisés dans le traitement d’une surcharge en fer dans l’organisme d’animaux à sang chaud. Certains de ces composés sont nouveaux ».

[27]           Dans ce contexte, les termes « utiles » et « avantageuses » sont équivalents. Le sommaire indique clairement que les composés dotés de ces propriétés utiles peuvent être employés dans le traitement d’affections liées à une surcharge en fer, mais il ne dit pas qu’ils ont été utilisés à cette fin, et ne mentionnent aucun usage chez l’humain.

[28]           En outre, immédiatement après la déclaration contestée, dans le même paragraphe, le brevet évoque les tests effectués chez le rat et le singe. Il indique que [traduction« dans un modèle animal, par exemple », les composés sont à même [traduction« de prévenir le dépôt de pigments contenant du fer et, en présence de dépôts de fer dans le corps, de provoquer l’excrétion du fer ». Il n’est fait mention d’aucun test effectué chez l’humain, ni de traitements des affections liées à une surcharge en fer. Je ne vois pas comment un lecteur versé dans l’art déduirait de ces informations que les composés de l’invention ont été testés chez l’humain et qu’ils se sont révélés avantageux dans le traitement des affections en question.

[29]           Teva cite d’autres passages du brevet qui lui paraissent confirmer son interprétation. Par exemple, le brevet indique que l’invention se rapporte à [traduction« l’utilisation de composés de la formule I […] dans le traitement de maladies entraînant un excès de métaux chez l’humain ou l’animal […] en particulier, dans une méthode de traitement thérapeutique chez l’humain ». Le brevet indique par ailleurs que les préparations pharmaceutiques contenant des composés de la formule I sont destinées à une administration entérale et parentérale [traduction« chez des animaux à sang chaud, et l’homme en particulier ».

[30]           À mon avis, ces passages n’étayent guère l’affirmation de Teva selon laquelle le brevet promet que tous les composés de l’invention ont été testés chez l’humain et qu’ils se sont révélés utiles dans le traitement des troubles liés à une surcharge en fer. Les déclarations citées par Teva appuient les revendications d’usage du brevet pour ce qui est des composés de la formule I. Comme je l’ai noté, ces composés étaient connus. Le brevet en revendique (dans les revendications 1 à 4) [traduction« l’utilisation dans le traitement de maladies entraînant un excédent de métaux chez l’humain ou l’animal ou d’une maladie causée par un excès de métaux chez l’humain ou l’animal ». Par conséquent, les extraits ne font que confirmer ce qu’indiquent les revendications elles-mêmes à l’égard des composés de la formule I. À mon avis, ils sont inutiles en vue de l’interprétation de l’ensemble des revendications. Plus particulièrement, ils ne laissent pas entendre que les revendications regardant les composés nouveaux de la formule II devraient être comprises comme incluant une promesse globale concernant leur utilité dans le traitement des troubles caractérisés par un excès de fer chez l’humain.

[31]           Teva soutient également que la mention des études sur le rat et le singe ne devrait pas autoriser Novartis à revenir sur la déclaration claire suivant laquelle les composés brevetés se sont révélés avantageux dans le traitement des affections liées à une surcharge en fer chez l’humain. Teva a raison en principe. Le breveté ne peut restreindre la portée de sa promesse explicite en invoquant les limites de ses propres travaux. Comme l’a noté le juge Donald Rennie, « [e]n limitant la portée de la promesse en se fondant sur ce qui est démontré dans le brevet, il est impossible de conclure qu’un brevet est invalide pour défaut d’utilité » (Astrazeneca Canada Inc c Apotex Inc, 2014 CF 638, au paragraphe 128).

[32]           Cependant, comme je l’ai signalé, je ne trouve pas dans le brevet la promesse explicite sur laquelle Teva doit s’appuyer pour avancer cet argument. En outre, la référence aux études sur le rat et le singe contribue à élucider l’utilité énoncée. Je ne me sers pas de ces références pour autoriser Novartis à restreindre la portée de sa propre promesse, mais plutôt pour comprendre l’utilité énoncée du brevet (Apotex Inc c Allergan Inc et al, 2015 CAF 137, au paragraphe 7(i)).

[33]           Par conséquent, j’interpréterai ainsi les revendications du brevet relatives aux composés, du point de vue de la personne versée dans l’art : les revendications 5 à 37 se rapportent aux composés nouveaux de la formule II, y compris le DFS (revendication 32), utiles en raison de leur liaison notable avec le fer, comme le montrent les études in vitro et in vivo effectuées sur des animaux. Ces dernières confirment que les composés sont suffisamment solubles pour provoquer une excrétion du complexe ferreux. Je ne vois pas dans ces revendications la promesse élargie invoquée par Teva – à savoir que les composés ont été testés et qu’ils se sont révélés avantageux dans le traitement des troubles liés à un excès de fer chez l’humain.

[34]           J’estime que cette interprétation est étayée par des principes bien établis en droit des brevets. D’une manière générale, l’exigence d’utilité renvoie à un critère assez souple, à moins que les inventeurs promettent explicitement un résultat s6, surtout lorsque l’utilité est énoncée dans les revendications plutôt que dans la divulgation. La promesse explicite qui figure dans la divulgation peut se rapporter à toutes les revendications, mais en même temps, il peut être opportun de distinguer la promesse des revendications concernant les composés, d’une part, et celle des revendications concernant les usages, de l’autre (Apotex Inc c Pfizer Canada Inc, 2014 CAF 250, aux paragraphes 64, 65, 71, 77, 87 et 88).

[35]           En l’espèce, comme nous l’analyserons plus en détail ci-après, le brevet 951 contient la promesse explicite d’un résultat spécifique, mais seulement à l’égard des utilisations particulières mentionnées dans les revendications de l’usage du brevet. Les revendications relatives aux composés ne contiennent pas une telle promesse. Par conséquent, l’exigence habituelle, et relativement faible, concernant l’utilité s’applique à ces revendications.

V.                Question 1 – Novartis a-t-elle démontré que l’allégation d’inutilité avancée par Teva est injustifiée?

[36]           Teva a produit suffisamment d’éléments de preuve pour mettre en jeu la question de l’inutilité. Par conséquent, il incombe à Novartis d’établir que les allégations de Teva sont injustifiées.

[37]           Comme je l’ai mentionné, Teva allègue que la promesse explicite du brevet 951 est que les composés revendiqués se sont avérés avantageux dans le traitement de troubles liés à un excès de fer chez l’humain du fait de leur capacité à se lier à cette substance. Pour Teva, il est évident que les inventeurs indiquent aux lecteurs du brevet versés dans l’art qu’ils ont effectué suffisamment d’essais chez l’humain pour avancer cette revendication. Comme rien ne prouve que ces essais ont été menés, Teva affirme que l’utilité énoncée du brevet n’a pas été démontrée ni valablement établie.

[38]           De plus, compte tenu de cette interprétation du brevet, Teva allègue que l’utilité de l’invention doit également inclure une absence de toxicité, un degré acceptable de solubilité et une propriété d’administration pour le traitement des affections chroniques. Autrement, selon Teva, les composés ne peuvent passer pour avoir le type de propriétés pharmaceutiques avantageuses qu’un médicament servant au traitement d’affections liées une surcharge en fer est censé présenter.

[39]           Je suis convaincu que ces allégations sont injustifiées. À mon avis, comme je l’ai expliqué ci-dessus, Teva a exagéré l’utilité énoncée du brevet 951 (du moins à l’égard des revendications relatives aux composés). L’utilité énoncée,  en ce qui concerne ces revendications, se limite à la capacité des composés à se lier notablement au fer dans les études in vitro et in vivo effectuées sur des animaux, et au fait qu’ils sont suffisamment solubles pour induire une excrétion du fer. L’objectif des inventeurs était certainement d’obtenir une méthode de traitement de la surcharge en fer chez l’humain, mais ils n’y étaient pas encore arrivés.

[40]           S’agissant des composés testés chez les animaux, l’utilité énoncée avait clairement été démontrée à la date de dépôt du brevet. En outre, comme tous les composés testés sur les animaux présentaient les mêmes effets, on pouvait valablement prédire que les autres composés revendiqués qui n’avaient été testés qu’in vitro produiraient des résultats similaires. Comme l’affirme M. Desi Raymond Richardson, [traduction« [b]ien qu’une minorité des 30 composés n’aient pas été étudiés dans un modèle animal, il serait raisonnable de prédire qu’ils auraient aussi une activité dans ces modèles » (voir l’annexe II pour un sommaire des compétences des experts). Par conséquent, je suis convaincu que l’allégation d’inutilité avancée par Teva est injustifiée à l’égard des revendications relatives aux composés.

[41]           Cependant, en ce qui concerne les revendications d’usage, les allégations de Teva sont fondées. Comme le reconnaissent les experts de Novartis eux-mêmes, ces revendications contiennent la promesse explicite d’un résultat spécifique. M. Richardson déclare : [traduction« il ressort clairement de la lecture du brevet que la seule promesse explicite d’une utilité spécifique figure dans la revendication 1 et les autres revendications d’usage ». De même, M. Thomas Baillie affirme au sujet du terme « traitement » : [traduction« Je ne vois pas comment il peut y avoir de promesse explicite d’un résultat spécifique en dehors de la manière dont il est employé dans la revendication 1 et les revendications 40 à 42 ». À mon avis, cette utilité n’avait pas été démontrée; elle ne pouvait pas non plus être valablement prédite à l’égard des études animales, comme le reconnaissent les experts. Ces études sont un excellent moyen de sélection des médicaments à mettre au point et peuvent indiquer à la personne versée dans l’art que les composés testés sont susceptibles de présenter une activité chez l’humain, mais dans les faits, on est encore loin de pouvoir traiter les troubles liés à une surcharge de fer chez l’humain. Comme l’a convenu M. Victor Gordeuk, des centaines de chélateurs du fer prometteurs ont été testés et analysés au fil des ans, et presque tous ont été abandonnés pour des raisons de toxicité ou d’inefficacité. D’après lui, la découverte d’un composé qui pourra réellement servir au traitement demandera beaucoup de travail. M. René Lattman a également fait observer que la plupart des chélateurs du fer sont toxiques aux doses nécessaires à une action pharmacologique.

[42]           Dans ce contexte, les allégations de Teva selon lesquelles les composés doivent être non toxiques, raisonnablement solubles et se prêter à une administration chronique, ont plus de poids. Cependant, je suis convaincu que dans l’ensemble Novartis s’est acquittée de son fardeau de montrer que l’allégation générale de Teva selon laquelle l’ensemble du brevet 951 est invalide pour cause d’inutilité est injustifiée. Les allégations de Teva concernant les revendications de composés du brevet 951 ne sont pas étayées.

VI.             Question 2 – Novartis a-t-elle démontré que l’allégation d’évidence avancée par Teva est injustifiée?

[43]           Teva a produit suffisamment d’éléments de preuve pour mettre en jeu la question de l’évidence. Par conséquent, il incombe à Novartis d’établir que les allégations de Teva sont injustifiées.

[44]           Dans le cas où ses observations sur la promesse du brevet 951 ne devaient pas aboutir, Teva fait valoir que les composés de ce brevet sont évidents parce qu’ils sont pratiquement identiques à ceux qui ont été divulgués dans des publications antérieures. Ces composés se sont révélés des chélateurs métalliques efficaces et, d’après Teva, la personne versée dans l’art n’aurait pas eu à prendre des mesures ingénieuses pour parvenir à l’invention énoncée dans le brevet, compte tenu de ses connaissances générales courantes et des antériorités.

[45]           Je ne suis pas d’accord.

[46]           Le critère relatif à l’évidence est bien établi (Apotex c Sanofi-Synthelabo Canada, 2008 CSC 61, [2008] 3 RCS 265, au paragraphe 67). Il s’agit de comparer les antériorités et les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art d’une part, et l’idée originale des revendications du brevet, de l’autre. S’il n’y a pas de différence entre elles, les revendications sont évidentes. En cas de différence, les revendications seront évidentes si la personne versée dans l’art n’a pas à prendre de mesures originales pour combler les lacunes. Dans les affaires pharmaceutiques, il conviendra souvent de se demander si les mesures prises par les inventeurs résultaient d’essais « allant de soi ». Les facteurs pertinents à prendre en compte incluront les suivants: existait-il une motivation pour trouver la solution qu’enseigne le brevet? Allait-il plus ou moins de soi que les mesures prises fonctionneraient? Les essais effectués étaient-ils courants plutôt qu’ardus et prolongés?

[47]           La position de Teva sur ce point repose sur une interprétation considérablement restreinte de l’invention énoncée dans le brevet 951. Elle soutient ici que si le brevet ne contient aucune promesse globale et explicite d’un résultat précis (c’est-à-dire le traitement des affections liées à une surcharge en fer chez l’humain), il doit alors être interprété comme révélant un groupe de composés qui se lient simplement au fer. En d’autres termes, d’après Teva, l’idée originale du brevet 951 se limiterait à une série de composés ayant une affinité avec le fer.

[48]           C’est sur la base de cette description de l’idée originale que Teva affirme que les composés de l’invention sont évidents compte tenu des antériorités et des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art.  Plus précisément, des composés similaires aux propriétés analogues étaient divulgués dans les antériorités.

[49]           Compte tenu de mon interprétation, exposée plus haut, je décrirais l’idée originale du brevet 951 comme une catégorie de composés à même de se lier au fer, solubles in vivo, et susceptibles d’induire l’excrétion du complexe ferreux. Rien n’indique que des composés dotés de ces propriétés feraient partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, ou qu’ils étaient divulgués dans les antériorités.

[50]           Les antériorités sur lesquelles Teva se fonde ne révèlent aucun composé présentant les caractéristiques revendiquées dans le brevet 951. Ces antériorités révèlent :

(i)     une méthode de synthèse des composés de la formule I du brevet 951 aux fins d’une utilisation comme stabilisateurs légers (Ryabukhin (1983)). Cet article ne contient aucun renseignement sur la chélation du fer, mais est cité dans le brevet en lien avec une méthode de fabrication des composés de l’invention;

(ii)   une méthode de synthèse de composés polymères qui se lient au cuivre, au nickel et au cobalt aux fins d’une utilisation comme matériaux antifriction (Ryabukhin (1987/1988)). Cet article contient des données sur la chélation de métaux divalents, mais non trivalents comme le fer;

(iii)       un brevet concernant des matériaux de départ en vue de préparer des composés pouvant se lier à certains métaux bivalents, ce qui n’inclut pas le fer, pour former des composés complexes résistants à la chaleur, façonnables et solides d’un point de vue mécanique (US 3 113 942);

(iv)       un brevet concernant des chélateurs d’ions métalliques produisant des composés résistants à la chaleur et façonnables (US 3 211 698);

(v)   des articles décrivant l’utilisation du modèle de rat pour tester des chélateurs (analogues de la desferrithiocine) administrés par voie orale (Bergeron 1991, 1994);

(vi)       un article décrivant des chélateurs du fer, testés in vitro et susceptibles d’être utilisés dans le traitement de maladies liées à une surcharge en fer ou du cancer (Richardson, 1995).

[51]           Je doute sérieusement que certaines de ces sources fassent partie des antériorités pertinentes. Par exemple, les articles de Ryabukhin ont été publiés dans des revues de seconde catégorie et n’auraient probablement pas été trouvés par la personne versée dans l’art à la recherche d’information sur les chélateurs du fer. M. Alvin Crumbliss, l’expert de Teva, a déclaré qu’il était au fait de ces articles, et M. Lattman, l’un des inventeurs, connaissait le premier de ces articles, mais cela ne suffit pas pour établir que ces références faisaient partie des connaissances générales courantes de la personne fictive versée dans l’art recherchant des composés se liant notablement au fer en vue de leur utilisation éventuelle dans le traitement des troubles liés à une surcharge en fer. À mon avis, cette personne serait vraisemblablement à la recherche de sources traitant spécifiquement de la chélation du fer et des métaux trivalents, et non de la chélation en général. Même si, comme le fait remarquer M. Crumbliss, la différence entre les composés évoqués dans Ryabukhin 1987/1988 et le DFS est négligeable (ce dernier contient un groupe carboxylate destiné à améliorer la solubilité), cela ne suffit pas non plus à faire du DFS un choix évident de composé à mettre au point en vue d’une utilisation tout à fait différente – soit le traitement des troubles liés à une surcharge en fer.

[52]           De même, comme les composés dont il était question dans les références de Ryabukhin, les deux brevets américains concernaient des chélateurs se liant à des métaux bivalents, et non trivalents comme le fer. Il est possible, comme le fait remarquer M. Crumbliss, que ces composés se lient aussi au fer, mais il n’est pas évident qu’ils le fassent notablement, voire même qu’ils le fassent tout court. M. Lattman explique que même s’il se lie aussi à d’autres métaux, le DFS est particulièrement sélectif à l’égard du fer. Par exemple, son affinité pour ce métal est seize fois plus élevée que pour le cuivre. En outre, ces sources, comme Richardson, ne disent rien de la capacité des composés respectifs à devenir des chélateurs actifs du fer in vivo, et n’indiquent pas s’ils sont suffisamment solubles pour induire l’excrétion.

[53]           Teva soutient que la Loi sur les brevets (article 28.3; voir le libellé des dispositions citées à l’annexe I) n’exige plus que les antériorités soient trouvables à l’issue d’une recherche raisonnable et diligente – il suffit qu’elles soient publiques. Teva cite l’ouvrage collectif de Barrigar et autres, Canadian Patent Act Annotated, 2e éd., feuillets mobiles (consulté le 1er avril 2015) (Aurora (Ontario) : Canada Law Book, 1994), à la page PA-341), où les auteurs se demandent si l’article 28.3 annule la jurisprudence antérieure concernant l’accessibilité des antériorités. Teva se fonde également sur l’analyse ayant trait à l’anticipation effectuée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Wenzel Downhole Tools Ltd c National-Oilwell Canada Ltd, 2012 CAF 333, aux paragraphes 68 à 70, et fait valoir qu’elle devrait s’appliquer au droit relatif à l’évidence. Cependant, des précédents ont continué d’appliquer le critère habituel de la « recherche raisonnable et diligente », même après l’adoption de l’article 28.3 (Dow Chemical Company c NOVA Chemicals Corporation, 2014 CF 844, aux paragraphes 232 à 236; Eurocopter c Bell Helicopter Textron Canada Limitée, 2012 CF 113, au paragraphe 80, conf. par 2013 CAF 219; Eli Lilly and Company c Apotex Inc., 2009 CF 991, au paragraphe 532; Takeda Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2015 CF 570, aux paragraphes 59 et 60). Je ne vois aucune raison d’adopter une approche différente en l’espèce.

[54]           Même si on suppose que Teva a découvert les antériorités pertinentes, il y a une lacune importante entre ces sources et l’idée originale du brevet 951. À mon avis, la preuve démontre que les inventeurs de ce brevet ont dû faire preuve d’une ingéniosité originale pour combler cette lacune. Par conséquent, l’objet du brevet 951 n’est pas évident.

[55]           Par ailleurs, je note que les inventeurs ont passé de nombreuses années à tester des centaines de composés avant d’arriver à ceux du brevet 951. Le projet sur la chélation du fer a débuté en 1980, mais ce n’est qu’au milieu des années 1990 que les recherches ont été axées vers le groupe des bis-hydroxyphényl-triazoles, auquel le DFS appartient. En tout, cinq groupes comprenant entre 700 et 800 composés individuels ont été synthétisés et testés durant cette période. Cette preuve indique que l’idée originale du brevet 951 était loin d’être évidente; d’ailleurs, rien dans les antériorités ne donne à penser qu’il allait de soi de soumettre cette classe de composés à des essais.

VII.          Question 3 – Novartis a-t-elle démontré que l’allégation d’insuffisance avancée par Teva est injustifiée?

[56]           Teva allègue que la divulgation du brevet 951 ne permet pas à une personne versée dans l’art de réaliser l’invention. Dans son AA, elle fait valoir qu’un travailleur versé dans l’art ignorerait lequel des trente nouveaux composés revendiqués serait efficace dans le traitement des troubles liés à une surcharge en fer. Elle laisse entendre que la véritable invention était enfouie dans la revendication 32.

[57]           Cet argument procède d’une interprétation du brevet que j’ai rejetée ci-dessus. En dehors des revendications relatives à l’utilisation des composés, le brevet concerne de nouveaux composés qui se lient notablement au fer, sont solubles in vivo et induisent l’excrétion du complexe ferreux formé. Il a été démontré ou valablement prédit que les trente nouveaux composés revendiqués présentaient tous ces propriétés, et le brevet décrit la manière de tous les synthétiser. Il fournit également à la personne versée dans l’art des données sur les essais qui ont permis d’évaluer leur activité in vivo (c’est-à-dire les études animales). À mon avis, Novartis a donc démontré qu’elle a rempli les exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets en fournissant à la personne versée dans l’art une description de l’invention, ainsi que des instructions sur la manière de la mettre en pratique (Cobalt Pharmaceuticals Company c Bayer Inc, 2015 CAF 116, aux paragraphes 64 à 67).

[58]           Teva soulève également d’autres questions liées à la suffisance. Novartis affirme qu’elles ne figuraient pas dans l’AA de Teva, et qu’elles ne m’ont donc pas été dûment soumises. Comme j’estime que ces allégations additionnelles peuvent être rejetées sans peine, je les évoquerai brièvement.

[59]           Teva fait remarquer que le brevet ne recense pas spécifiquement les composés testés in vivo, de sorte que le lecteur versé dans l’art ignorerait lequel d’entre eux fonctionne. En outre, le brevet n’informe pas la personne versée dans l’art que l’un des composés testés chez le rat pouvait être toxique. Enfin, même si le brevet indique que l’excrétion du fer a été observée dans des modèles animaux à des doses commençant à 5 μmol/kg, rien n’indique que des essais ont été effectués à cette dose.

[60]           Comme je l’ai déjà mentionné, il a été démontré ou valablement prédit que tous les trente nouveaux composés revendiqués présentaient l’utilité énoncée dans le brevet. Une personne versée dans l’art n’aurait eu aucune difficulté à fabriquer et à utiliser au moins l’un de ces composés sur la base des informations contenues dans le brevet.

[61]           Il est vrai qu’un rat est mort après avoir reçu un des composés revendiqués (revendication 22). Cependant, rien n’indique que la mort résultait d’une toxicité. Il est également plausible que le composé administré se soit avéré trop efficace et ait éliminé une quantité excessive de fer chez l’animal. En l’absence de preuve de toxicité, les inventeurs n’étaient pas tenus d’informer le lecteur versé dans l’art de cet événement isolé.

[62]           Il ressort du brevet que les composés de l’invention ont permis de réduire le fer dans les modèles animaux [traduction« à des doses commençant à 5 μmol/kg environ ». En fait, aucun test n’a été effectué à cette dose. Cependant, cette déclaration n’induirait pas en erreur le lecteur versé dans l’art. Rien n’indique que les composés de l’invention ne seraient pas actifs à cette dose. Si une personne versée dans l’art essayait de réaliser l’invention en se servant de cette dose, elle pourrait constater un certain effet, mais elle voudrait certainement tester les composés à des doses plus élevées, puisque le brevet ne précise que la dose minimale, et non pas la dose définitive ou l’intervalle posologique.

[63]           Par conséquent, j’estime que les allégations additionnelles de Teva concernant la suffisance ne sont pas convaincantes. Je suis convaincu que Novartis a démontré que la divulgation du brevet 951 était suffisante.

VIII.       Dispositif

[64]           J’ai conclu que Novartis s’était acquittée de son fardeau de montrer que les diverses allégations de Teva concernant la validité du brevet 951 sont injustifiées. Par conséquent, je dois accorder à Novartis l’ordonnance qu’elle sollicite afin d’interdire au ministre de la Santé de délivrer un AC à Teva, avec dépens.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la requête de la demanderesse visant à obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à la défenderesse est accordée, avec dépens.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale


Annexe - I

Loi sur les brevets, LRC (1985), c P-4

Patent Act, RSC, 1985, c. P-4

Mémoire descriptif

Specification

27(3) Le mémoire descriptif doit :

27(3) The specification of an invention must :

a) décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

(a) correctly and fully describe the invention and its operation or use as contemplated by the inventor;

b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

(b) set out clearly the various steps in a process, or the method of constructing, making, compounding or using a machine, manufacture or composition of matter, in such full, clear, concise and exact terms as to enable any person skilled in the art or science to which it pertains, or with which it is most closely connected, to make, construct, compound or use it;

c) s’il s’agit d’une machine, en expliquer clairement le principe et la meilleure manière dont son inventeur en a conçu l’application;

(c) in the case of a machine, explain the principle of the machine and the best mode in which the inventor has contemplated the application of that principle; and

d) s’il s’agit d’un procédé, expliquer la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l’invention en cause d’autres inventions

(d) in the case of a process, explain the necessary sequence, if any, of the various steps, so as to distinguish the invention from other inventions

Objet non évident

Invention must not be obvious

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

28.3 The subject-matter defined by a claim in an application for a patent in Canada must be subject-matter that would not have been obvious on the claim date to a person skilled in the art or science to which it pertains, having regard to

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

(a) information disclosed more than one year before the filing date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere; and

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

(b) information disclosed before the claim date by a person not mentioned in paragraph (a) in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere.


Annexe – II

Brève présentation des experts

Novartis

Thomas Baillie

M. Baillie est chimiste médical, professeur et doyen à l’École de pharmacie de l’Université de Washington. Avant sa carrière universitaire, M. Baillie a passé quatorze ans au laboratoire de recherche de Merck, où il était chargé de la supervision générale du service du métabolisme et de la pharmacocinétique des médicaments. Tout au long de sa carrière, M. Baillie a effectué des recherches dans le domaine du métabolisme des composés étrangers chez les animaux et les humains. Il a écrit ou co-écrit environ 240 articles, et il siège ou a siégé dans différents comités consultatifs de rédaction.

René Lattman

M. Lattman est un chimiste médical à la retraite. Il a rejoint Ciba-Geigy en 1984 à titre de chimiste de synthèse et est intervenu dans le projet lié à la chélation du fer de cette compagnie en 1994. M. Pierre Acklin et lui sont nommés comme les inventeurs du brevet 951.

Hanspeter Nick

M. Nick est un biochimiste à la retraite. En 1984, il a commencé à travailler au Friedrich Miescher Institute de Ciba-Geigy, en Suisse. En 1991, M. Nick est intervenu dans le projet sur la chélation du fer chez Ciba-Geigy comme directeur de laboratoire.

Issac Odame

Le Dr Odame est professeur et médecin membre du personnel de l’hôpital pour enfants malades Toronto (Hospital for Sick Children in Toronto) (hématologie/oncologie). Il est connu pour ses travaux sur la drépanocytose et a de l’expérience dans le traitement des troubles liés à une surcharge en fer. Dr Odame a notamment pris part aux essais cliniques concernant Exjade en tant qu’investigateur.

Desi Raymond Richardson

M. Richardson est biologiste et professeur de la biologie des cellules cancéreuses. Il occupe aussi de nombreuses autres fonctions liées à la médecine et à la recherche, et a siégé dans plus de trente comités de rédaction de revues. M. Richardson a écrit ou co-écrit plus de 300 articles, dont un grand nombre portent sur la chélation. Son laboratoire de recherche, qui regroupe plus de trente scientifiques, s’intéresse surtout à l’utilisation des chélateurs du fer comme agents thérapeutiques dans le traitement des maladies.

James Wust

M. Wust est chimiste organique et professeur. Il a de l’expérience en chimie médicinale et en pharmacologie, et a formé de nombreux chimistes médicaux ou chimistes de procédés qui ont rejoint l’industrie pharmaceutique. M. Wust est connu pour ses recherches dans son domaine, notamment pour ses travaux sur la conception, la synthèse, la structure et les réactions de composés organiques et inorganiques.

Teva

Alvin Crumbliss

M. Crumbliss est chimiste organique et inorganique et professeur. Depuis près de quarante ans, les travaux de recherche de M. Cumbliss portent surtout sur la biochimie du fer. Par exemple, il était co-chercheur principal dans le cadre de travaux financés par une bourse du National Institutes of Health des États-Unis en vue de l’élaboration de chélateurs du fer destinés au traitement par voie orale de la bêta-thalassémie. Il a formé près de cent étudiants de premier cycle, de deuxième cycle et postdoctoraux, et a collaboré à plus de 230 articles, dont un grand nombre sur la chélation du fer.

Victor Gordeuk

M. Gordeuk est clinicien, professeur d’hématologie/d’oncologie et occupe actuellement le poste de directeur du Centre polyvalent sur les drépanocytes de l’Université de l’Illinois à Chicago. Il a publié plus de 250 articles ou chapitres d’ouvrages, dont un grand nombre portaient sur les drépanocytoses, le métabolisme du fer, l’anémie attribuable au paludisme et la polycythémie congénitale.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1095-13

 

INTITULÉ :

NOVARTIS PHARMACEUTICALS CANADA INC. c TEVA CANADA LIMITÉE ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET NOVARTIS AG

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 mars 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 19 JUIN 2015

 

COMPARUTIONS :

Anthony Creber

Alex Gloor

 

POUR LA demanderesse

 

David Aitken

Scott Beeser

 

POUR LA défenderesse – TEVA Canada LIMITÉE

 

Non représenté

 

pour le défendeur – le ministre de la Santé

 

Non représentée

 

POUR LA défenderesse /brevetéE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l., s.r.l.

Avocats, Agents de brevets et de marque de commerce

Ottawa (Ontario)

 

pour la demanderesse

 

Aitken Klee LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

pour la défenderesse – teva Canada limitée

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

pour le défendeur – le ministre de la Santé

 

Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l., s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

pour la défenderesse /brevetée

 

 

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