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Date : 20150618


Dossier : T-1282-13

Référence : 2015 CF 767

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 juin 2015

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

ROBERT MCNALLY

demandeur

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               M. McNally a produit sa déclaration de revenus fédérale pour 2012 à temps, soit le 14 avril 2013. Plus de deux années se sont écoulées et il n’a pas encore reçu son avis de cotisation. Il a demandé à la Cour une ordonnance de mandamus exigeant que le ministre traite sa déclaration de revenus et lui établisse un avis de cotisation sans délai. Il invoque le paragraphe 152(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi) qui énonce ce qui suit :

152. (1) Le ministre, avec diligence, examine la déclaration de revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, fixe l’impôt pour l’année, ainsi que les intérêts et les pénalités éventuels payables et détermine :

152. (1) The Minister shall, with all due dispatch, examine a taxpayer’s return of income for a taxation year, assess the tax for the year, the interest and penalties, if any, payable and determine

a) le montant du remboursement éventuel auquel il a droit […] pour l’année;

(a) the amount of refund, if any, to which the taxpayer may be entitled … for the year; or

b) le montant d’impôt qui est réputé […] avoir été payé au titre de l’impôt payable par le contribuable en vertu de la présente partie pour l’année.

(b) the amount of tax, if any …  to be paid on account of the taxpayer’s tax payable under this Part for the year.

[2]               Dans sa déclaration de revenus, M. McNally demande un crédit découlant de sa participation à des dons utilisés comme abris fiscaux. Le ministre désapprouve ce type d’abris fiscaux précis, bien que la Cour canadienne de l’impôt n’ait pas encore statué sur leur validité. M. McNally fait valoir que le ministre retarde délibérément le traitement de sa déclaration de revenus, à des fins inappropriées, qui sont de dissuader la participation à de tels abris fiscaux.

[3]               Pour sa part, le ministre admet volontiers que la raison principale pour laquelle la déclaration de revenus de M. McNally (comme celle d’autres personnes dans la même situation) n’a pas encore été traitée est de dissuader la participation à de tels abris fiscaux. Le ministre soutient qu’il s’agit d’un motif tout à fait valable, qui ne contrevient pas au paragraphe 152(1) de la Loi. En outre, le ministre affirme qu’il repousse le traitement de la déclaration de revenus de M. McNally jusqu’à ce que la vérification des dons utilisés comme abris fiscaux auxquels il a participé soit terminée et aussi aux fins d’éducation des contribuables. Ces deux raisons sont aussi parfaitement valides et ne contreviennent pas au paragraphe 152(1).

[4]               Selon M. McNally, le résultat de sa cotisation est inévitable. Son crédit sera refusé à titre de don de bienfaisance non valide. Cependant, jusqu’à ce que la cotisation soit établie, il lui est impossible de contester cette cotisation au moyen des dispositions de la Loi relatives à l’appel, et, selon toute vraisemblance, à la Cour canadienne de l’impôt et peut-être au-delà.

I.                   Question en litige

[5]               La question est de savoir si le ministre contrevient à son obligation d’examiner la déclaration de revenus de M. McNally « avec diligence ». S’il n’a pas agi ainsi, la demande d’ordonnance de mandamus est un moyen de recours approprié. La question n’est pas de savoir si l’abri fiscal est conforme à la Loi.

[6]               La Cour n’examine pas les déclarations de revenus, les cotisations et les nouvelles cotisations. De telles tâches relèvent de la compétence de la Cour canadienne de l’impôt. Par conséquent, s’il est ordonné au ministre d’examiner la déclaration de revenus de M. McNally et d’établir sans délai l’impôt à payer pour l’année d’imposition 2012, une telle ordonnance n’indique nullement en quoi doit consister la cotisation en question.

[7]               Pour replacer les faits dans leur contexte, il est nécessaire de présenter le point de vue du ministre relativement aux dons utilisés comme abris fiscaux et de décrire brièvement l’abri fiscal en question, soit le programme de dons et d’investissements EquiGenesis 2012, ainsi que les programmes antérieurs.

II.                Abris fiscaux très commercialisés fondés sur des dons

[8]               Comme il l’indique clairement dans son mémoire des faits et du droit et comme il l’a dit pendant sa plaidoirie, le ministre du Revenu national et l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) sont d’avis que les abris fiscaux très commercialisés sont généralement non valides. Dans le passé, le ministre procédait d’abord à un examen sommaire de la déclaration de revenus du participant, communément appelé une [traduction] « cotisation rapide », et autorisait la demande de crédit d’impôt pour les dons de bienfaisance. Toutefois, le don utilisé comme abri fiscal devait être vérifié, ce qui entraînait une nouvelle cotisation à l’égard du contribuable et le refus du crédit d’impôt pour les dons de bienfaisance. Plus récemment, le ministre a décidé de ne pas établir de cotisation pour la déclaration de revenus des participants avant la fin de la vérification des dons utilisés comme abris fiscaux. C’est dans une telle situation que se trouve M. McNally pour l’année d’imposition 2012.

[9]               Le ministre admet volontairement, en fait, il se targue de ce que [traduction] « son intention lors de la mise en application de ce changement était de dissuader la participation à de tels abris fiscaux ».

[10]           À partir de l’année d’imposition 2012, l’ARC a conçu le programme national relatif aux dons utilisés comme abris fiscaux, aussi appelé Projet d’interception. Il vise les abris fiscaux très commercialisés qui ne visent pas des actions accréditives. Huit abris, y compris le programme de dons et d’investissement EquiGenesis 2012 (EquiGenesis 2012), relevaient du programme national des dons utilisés comme abris fiscaux.

[11]           Le ministre et ses prédécesseurs se méfient depuis longtemps de ces dons utilisés comme abris fiscaux. Déjà en novembre 2003, un document d’information intitulé Arrangements relatifs à des dons comme abris fiscaux était publié. À l’époque, l’Agence des douanes et du revenu du Canada avait publié un communiqué de presse relativement aux arrangements relatifs à des dons utilisés comme abris fiscaux. Ces arrangements sont souvent décrits comme étant des dons pour un montant plus élevé que ce qui a été payé, comme c’est le cas pour l’achat d’une œuvre d’art dont l’évaluation aux fins de l’impôt est beaucoup plus élevée que sa valeur réelle.

[12]           L’ARC a publié un document d’information, en novembre 2004, dans lequel elle avertissait les investisseurs des risques associés à certains arrangements relatifs à des dons utilisés comme abris fiscaux, notamment les arrangements de dons en fiducie, de dons en espèces empruntées et de dons pour un montant plus élevé que ce qui a été payé. L’ARC indiquait qu’elle contesterait tout arrangement ne respectant pas la Loi et qu’elle vérifierait les déclarations de revenus des investisseurs. Une autre alerte visait à informer les contribuables qu’une participation à un arrangement relatif à des dons utilisés comme abris fiscaux pourrait accroître le fardeau fiscal. Des milliers de contribuables avaient reçu une nouvelle cotisation et plus de 2,5 milliards de dollars de crédits pour des dons avaient été refusés.

[13]           Ces communiqués de presse mentionnent que les objectifs du programme visent notamment l’éducation et la protection des Canadiens contre les stratagèmes relatifs à des dons utilisés comme abris fiscaux.

[14]           Un certain nombre de cotisations, ou de nouvelles cotisations, selon le cas, ont été contestées. La Cour canadienne de l’impôt entendra en octobre prochain une action visant l’un de ces abris fiscaux, un des prédécesseurs du programme EquiGenesis 2012, le programme EquiGenesis 2009.

III.             Le programme de dons et d’investissement EquiGenesis 2012

[15]           D’après ce que j’en comprends, le programme possède deux volets, un investissement dans une société en commandite et un don de bienfaisance en argent. M. McNally a emprunté la majeure partie de l’argent nécessaire pour acquérir des parts dans la société en commandite. Il a ensuite choisi de mettre en gage ses parts pour garantir un second prêt, dont le montant a été utilisé pour faire un don en argent à un organisme de bienfaisance canadien reconnu. Cela a donné lieu à un certain nombre de demandes de déductions, comme les intérêts sur les fonds empruntés et un crédit d’impôt pour un don de bienfaisance d’un montant beaucoup plus élevé que ce qu’il a payé.

[16]           La promotrice du programme et la commanditée sont EquiGenesis Corporation, une entreprise dirigée par Kenneth Gordon. Selon son témoignage dans la présente affaire, des programmes ont été offerts chaque année depuis 2003, y compris en 2012, sauf en 2007 et en 2008.

A.                Les programmes de 2003 et 2004

[17]           Ils ont fait l’objet d’une vérification et des participants ont reçu des avis de nouvelle cotisation rejetant les crédits d’impôt pour don de bienfaisance. Ces programmes ont ensuite été modifiés quelque peu et n’ont pas encore fait l’objet d’une décision.

B.                 Les programmes de 2005 et 2006

[18]           Ces programmes ont été jugés valides. Aucun avis de nouvelle cotisation n’a été établi. Selon M. Gordon, les programmes offerts de 2009 à 2012 sont pratiquement identiques. Toutefois, la Cour n’a pas tous les détails concernant ces programmes, et, quoi qu’il en soit, il serait inapproprié d’émettre des commentaires sur l’avis de M. Gordon.

C.                 Le programme de 2009

[19]           Ce programme a été vérifié et le crédit d’impôt pour don de bienfaisance a été rejeté. Une des participantes à ce programme plaidera sa cause devant la Cour canadienne de l’impôt en octobre prochain.

D.                Les programmes de 2010, 2011 et 2012

[20]           La vérification de ces programmes n’est pas encore terminée.

IV.             Le demandeur

[21]           M. McNally est un partenaire et un expert-conseil en évaluation au sein d’un important cabinet de comptables agréés et de services-conseils aux entreprises. Il est devenu comptable agréé en 1977 et a été nommé expert en évaluation d’entreprises en 1998. Pendant le contre-interrogatoire de son affidavit, il a affirmé qu’il s’est fondé sur le fait que les programmes de 2005 et 2006 ont été vérifiés, mais pas contestés. Par la suite, il a investi dans les programmes de 2009 à 2012. Il juge que le crédit d’impôt est légitime et souhaite aller devant les tribunaux pour faire valoir son point de vue.

[22]           En juin 2013, environ deux mois après avoir produit sa déclaration de revenus de 2012, il a reçu une lettre de l’ARC, dont une bonne partie ne contient manifestement que de simples banalités. Par exemple, [traduction] « l’Agence du revenu du Canada (ARC) prend actuellement des mesures pour mieux informer et protéger les contribuables des stratagèmes très commercialisés relatifs à des dons utilisés comme abris fiscaux ». M. McNally est manifestement un investisseur averti qui n’avait pas besoin des conseils de l’ARC et n’en voulait pas.

[23]           La lettre se poursuit par l’indication que la déclaration de revenus de 2012 n’a pas fait l’objet d’un avis de cotisation, parce que l’ARC entreprend une vérification de l’abri fiscal. Ces vérifications sont complexes et [traduction] « elles peuvent durer jusqu’à deux ans ». Apparemment, plus de 167 000 contribuables qui ont participé aux « stratagèmes » des abris fiscaux se sont vu refuser plus de 5,5 milliards de dollars en dons déduits. Le statut d’organisme de bienfaisance de 44 organismes a été révoqué et quelque 63,5 millions de dollars en pénalités imposées à des tiers promoteurs et spécialistes en déclarations de revenus ont été prélevés.

[24]           L’ARC se flatte ensuite en soulignant qu’une participation à de tels abris fiscaux a régulièrement diminué pour passer d’environ 50 000 en 2006 à presque 10 000 dans les dernières années. [traduction] « Tant que nous ne vérifions pas votre déclaration de revenus de 2012 et jusqu’à ce que nous ayons terminé notre examen de votre admissibilité à la déduction pour un don de bienfaisance, nous évitons l’octroi d’un remboursement qui pourrait ne pas être valable et que vous devriez rembourser. »

[25]           M. McNally a eu la possibilité de retirer la demande de déduction pour le don et le cas échéant, sa déclaration de revenus aurait été traitée plus tôt. Ce n’est pas aussi draconien qu’il y paraît. La Loi lui accorde cinq ans de plus pour déduire le don. Certaines prestations, comme le crédit d’impôt pour enfants et le crédit pour TPS, ne peuvent être faites avant qu’un avis de cotisation ait été établi.

[26]           M. McNally a répondu par le dépôt d’un avis de demande à la Cour le 25 juillet 2013. Il souhaite obtenir une ordonnance contraignant le ministre à examiner sa déclaration de revenus de 2012 sans délai, et qu’un avis de cotisation soit établi à son égard. À titre subsidiaire, il sollicite une ordonnance selon laquelle le ministre n’a pas compétence pour retarder sa cotisation afin de dissuader ou de limiter la participation des contribuables à un abri fiscal reconnu, ou pour atteindre des objectifs autres que ceux directement liés à l’examen de sa déclaration de revenus de 2012 et à l’établissement des impôts, intérêts ou pénalités qui pourraient être dus.

V.                La décision Ficek

[27]           Ce n’est pas la première fois que la nouvelle politique du ministre sur la vérification des abris fiscaux avant l’établissement de la cotisation du contribuable est débattue devant la Cour. Le juge Phelan a commencé sa décision dans Ficek c Canada (Procureur général), 2013 CF 502, de la façon suivante :

[1]        La question en litige dans le présent contrôle judiciaire est de savoir si le ministre du Revenu national (le ministre) a satisfait à l’obligation d’examiner la déclaration de revenus de la demanderesse « avec diligence », dans des circonstances où le retard dans l’examen était causé par la politique du centre fiscal de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) dont la demanderesse relève, politique visant à décourager certains types de dons utilisés comme abris fiscaux.

[28]           Dans cette affaire, le retard découlait d’un projet pilote du centre fiscal de Winnipeg de l’Agence du revenu du Canada. Après que la demande a été entendue, mais avant que le juge Phelan n’ait rendu sa décision, la cotisation de Mme Ficek a été établie. Le ministre a ensuite demandé que la demande soit rejetée en raison de son caractère théorique. Le juge Phelan a rejeté la demande. Ses motifs sont répertoriés sous la référence 2013 CF 430. Il a déclaré ce qui suit :

[25]      La nouvelle politique continuera d’avoir des incidences sur d’autres contribuables ainsi que sur la demanderesse dans les années à venir. Il s’agit d’une politique d’une large portée touchant les personnes ayant fait des dons à certains types d’organismes de bienfaisance reconnus. Les deux parties ont reconnu que la présente affaire constitue une cause type concernant la nouvelle politique du Centre fiscal de Winnipeg en matière de vérification.

[26]       Si le présent litige n’est pas réglé, il se peut que pendant un certain temps la question de la légalité de la nouvelle politique demeure non résolue. Comme la question en jeu concerne le système fiscal national, il s’agit d’une question d’importance publique et nationale.

[27]      Enfin, la résolution de cette question aura des incidences en ce qui concerne l’année d’imposition 2011 ainsi que les années d’imposition subséquentes de la demanderesse, si elle continue d’effectuer des dons de la même façon. Elle aura aussi des incidences sur les autres personnes visées par la nouvelle politique ou susceptibles d’être visées par celle‑ci ou une politique similaire. La décision aura donc un effet pratique.

[29]           Depuis lors, le projet pilote, après quelques modifications, est devenu le programme national relatif aux dons utilisés comme abris fiscaux.

[30]           Le juge Phelan a ensuite déclaré que le ministre avait refusé d’examiner la déclaration de revenus de Mme Ficek « avec diligence ».

[31]           L’abri fiscal en question était le programme Global Learning Gifting Initiative, qui ne semble pas être lié de quelque façon que ce soit à EquiGenesis.

[32]           Le juge Phelan a analysé en profondeur la jurisprudence relative à la « diligence ». Il a cité les décisions suivantes : Jolicoeur c Minister of National Revenue, [1960] CTC 346, 60 DTC 1254 (C. de l’É.); Provincial Paper Ltd c Minister of National Revenue, [1954] C.T.C. 367; Merlis Investments Ltd c Ministre du Revenu national, (2000), [2001] 1 CTC 57, 2000 DTC 6634 (CFPI); Rodmon Construction Inc c R , [1975] CTC 73, 75 DTC 5038 (CFPI); J Stoller Construction Ltd c Ministre du Revenu national, [1989] 1 CTC 2171, 89 DTC 134 (CCI); et Hillier c Canada (Procureur général), 2001 CAF 197, [2001] 3 CTC 157.

[33]           L’expression « avec diligence » n’impose pas une date butoir. Pour appliquer correctement la Loi, le ministre possède un certain pouvoir discrétionnaire. La question à savoir si une déclaration de revenus a été examinée « avec diligence » est une question de fait. Toutefois, comme l’a indiqué le juge Phelan au paragraphe 21, en invoquant la décision J Stoller, précitée : « Toutefois, le pouvoir discrétionnaire n’est pas absolu; il doit être raisonnable et utilisé dans le but adéquat d’établir et de fixer la dette fiscale du contribuable. »

[34]           Le juge Phelan a souligné qu’il faut permettre aux contribuables d’être fixés au sujet de leur situation financière le plus rapidement possible. Il y a une limite de trois ans pour les nouvelles cotisations. Cependant, ce délai ne débute qu’à partir de la cotisation initiale. Par conséquent, « le contribuable ne peut pas exiger d’être remboursé du paiement d’impôts en trop s’il n’y a pas eu d’avis de cotisation initial; il ne peut pas non plus interjeter appel devant la Cour de l’impôt jusqu’à ce qu’un avis de cotisation soit établi » (paragraphe 23).

[35]           Le juge Phelan a conclu que même s’il pouvait y avoir eu une autre raison d’attendre que la vérification de l’abri fiscal soit faite, la décision de procéder à la vérification est si empreinte de la véritable raison d’être de la nouvelle politique, précisément la dissuasion, que « la vérification est une excuse pour le retard, et non une raison du retard » (paragraphe 33).

[36]           M. McNally fait valoir que je devrais me conformer à la décision Ficek, car il s’agit de courtoisie judiciaire. C’est inexact. La courtoisie judiciaire s’applique aux décisions d’un même tribunal sur des questions de droit. La décision du juge Phelan est principalement fondée sur les faits. Le dossier dont je suis saisi n’est pas le même, et même si c’était le cas, je pourrais tirer des conclusions différentes d’après les faits.

[37]           Toutefois, je souscris à l’avis du juge Phelan; non parce que je dois le faire, mais parce que je le veux.

[38]           Le ministre a tenté d’écarter la décision Ficek, qui n’a pas fait l’objet d’un appel. Il s’agissait d’une politique locale, pas d’une politique nationale. Le programme national comporte certaines différences, comme de permettre à un contribuable de renoncer à un crédit d’impôt demandé et de le réclamer à nouveau au cours des années ultérieures. En outre, le programme national s’applique à huit abris fiscaux, et non pas à un seul. Si le programme était erroné alors qu’il était appliqué aux contribuables des Prairies, il ne peut être adéquat lorsqu’il est appliqué à l’échelle nationale.

[39]           Il se peut que la décision de procéder à la vérification des abris fiscaux avant d’établir la cotisation selon la déclaration de revenus d’un contribuable fût légitime relativement aux sept autres abris fiscaux. Je ne pourrais le dire.

[40]           En ce qui concerne l’abri fiscal EquiGenesis 2012, je peux dire, pour paraphraser le juge Phelan, que la décision de procéder à une vérification est si empreinte de la véritable raison d’être du programme relatif aux dons utilisés comme abris fiscaux que la vérification est une excuse pour le retard, et non une raison du retard.

[41]           Andre Malouf, analyste principal du service de la vérification des abris fiscaux de la Division de la planification fiscale abusive de la Direction générale des programmes d’observation de l’Agence du revenu du Canada, admet que le programme de 2012 est semblable au programme de 2009. C’est ce qu’a affirmé M. Malouf, il y a plus d’un an, en mars 2014. Inévitablement, le crédit d’impôt pour don de bienfaisance de M. McNally sera rejeté. Bien que le ministre soit responsable de l’administration de la Loi, en fin de compte, il incombe aux tribunaux de décider si une déduction demandée est valide ou non. Il est indubitable que les droits de M. McNally ont été bafoués à des fins étrangères.

[42]           Le ministre a un devoir légal envers M. McNally d’examiner sa déclaration de revenus « avec diligence ». Il est tout à fait possible que dans certaines circonstances, il faille du temps pour tirer des conclusions quant à une déclaration de revenus donnée. Il pourrait être adéquat d’attendre la fin de la vérification par des tierces parties. La présente affaire ne fait cependant pas partie de ces cas. Même si ce n’est pas aussi flagrant que dans l’arrêt Roncarelli c Duplessis, [1959] RCS 121, comme l’a indiqué M. le juge Rand à la page 140 :

[traduction]

[…] un « pouvoir discrétionnaire » absolu et sans entraves n’existe pas, c’est-à-dire celui où l’administrateur pourrait agir pour n’importe quel motif ou pour toute raison qui lui passerait par l’esprit; une loi ne peut, sans libellé clair, s’interpréter comme ayant voulu conférer un pouvoir arbitraire illimité pouvant être exercé dans n’importe quel but, si arbitraire et hors de propos soit-il, sans avoir égard à la nature ou à l’objectif de cette loi.

[43]           L’ARC a le droit d’exprimer des réserves quant à certains abris fiscaux et de mettre en garde les contribuables que de tels abris fiscaux seront soumis à des vérifications. Cependant, dans le cas de M. McNally, le retard qui en est résulté est arbitraire et ne peut être toléré. Même si on suppose que de tels objectifs secondaires soient valides, ils sont éclipsés par l’objectif principal et ne peuvent sauver la mise (Canada (Revenu national) c Compagnie d’assurance vie RBC, 2013 CAF 50, [2013] 3 CTC 126, 2013 DTC 5051).


JUGEMENT

POUR LES MOTIFS SUSMENTIONNÉS;

LA COUR ORDONNE :

1.                  la demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens. À défaut d’accord, les parties peuvent demander des directives dans les trente (30) jours qui suivent la présente décision;

2.                  le ministre du Revenu national doit examiner la déclaration de revenus de M. McNally pour l’année d’imposition 2012 et de lui établir un avis de cotisation dans les trente (30) jours suivant la présente décision.

« Sean Harrington »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

T-1282-13

 

INTITULÉ :

ROBERT MCNALLY c MRN

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 JUIN 2015

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE HARRINGTON

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 18 Juin 2015

COMPARUTIONS :

Al Meghji

Pooja Samtani

Andrew Boyd

 

 POUR LE DEMANDEUR

Arnold H. Bornstein

Darren Prevost

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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