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Date : 20150611


Dossier : IMM‑1634‑14

Référence : 2015 CF 741

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 juin 2015

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

EUGENE MARIYADAS

MARY DORIN CHRISHANTHY PETER

ASHLEY LYDIA EUGENE

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), à l’encontre de la décision, datée du 10 février 2014 (la décision), par laquelle une agente d’immigration (l’agente) a rejeté la demande de résidence permanente au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières.

II.                CONTEXTE

[2]               Les demandeurs sont une famille tamoule originaire du Sri Lanka. Il s’agit du mari (le demandeur principal), de son épouse et de leur fillette âgée de huit ans.

[3]               Les demandeurs revendiquent le statut de réfugiés en raison des expériences vécues par le demandeur principal auprès de l’armée sri‑lankaise, des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET) et du Parti démocratique populaire de l’Eelam (le PDPE). Le demandeur principal affirme qu’il a été détenu en avril 2008 et accusé d’entretenir des liens avec les TLET. Il affirme également avoir été harcelé et menacé par l’armée sri‑lankaise, les TLET et le PDPE alors qu’il travaillait comme graphiste pour un journal.

[4]               En avril 2008, la famille a fui le Sri Lanka et réside en Inde depuis ce temps. En avril 2009, la famille élargie des demandeurs a reçu l’autorisation de parrainer les demandeurs en vue de l’obtention de la résidence permanente au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières.

III.             DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[5]               La demande de résidence permanente des demandeurs a été refusée le 10 février 2014. L’agente n’était pas convaincue que les demandeurs étaient des membres au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières, étant donné que le demandeur principal et son épouse ont fourni des réponses incohérentes et contradictoires à propos de leurs craintes d’un retour au Sri Lanka lors de leur entrevue. L’agente a affirmé qu’elle a donné l’occasion aux demandeurs d’exprimer leurs craintes, mais qu’ils n’ont pas fourni suffisants de détails ou d’explications pour dissiper ses réserves. Elle a conclu que les demandeurs n’étaient pas crédibles et elle n’était pas convaincue qu’ils craignaient avec raison d’être persécutés, ou qu’ils ont été, ou continuent d’être, gravement et personnellement touchés par la guerre civile, un conflit armé ou des violations massives des droits de la personne. 

IV.             QUESTIONS EN LITIGE

[6]               Les demandeurs soulèvent les questions en litige suivantes dans la présente demande :

1.      L’agente a‑t‑elle commis une erreur en ne tenant pas compte de tous les motifs de protection susceptibles d’être inférés de la preuve?

2.      L’agente a‑t‑elle commis une erreur en omettant d’évaluer s’il existait une preuve indépendante permettant d’étayer la demande d’asile des demandeurs?

3.      L’agente a‑t‑elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité des demandeurs?

V.                NORME DE CONTRÔLE

[7]               La Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (arrêt Dunsmuir) a conclu que l’analyse de la norme de contrôle n’a pas besoin d’être menée dans chaque instance. Au contraire, lorsque la norme applicable à la question précise qui se pose est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut l’adopter. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse, ou si la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire, que la cour de révision doit entreprendre l’analyse des quatre facteurs qui permettent de déterminer la bonne norme de contrôle : Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.

[8]               Les demandeurs soutiennent que les questions discrétionnaires et les questions mixtes de fait et de droit sont examinées selon la norme de la décision raisonnable. Les questions d’équité procédurale et les questions de droit sont examinées selon la norme de la décision correcte : Kastrati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1141, aux paragraphes 9 et 10. La décision de l’agente quant à savoir si les demandeurs faisaient partie de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières est une question mixte de fait et de droit examinée selon la norme de la décision raisonnable : Kamara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 785, au paragraphe 19 (Kamara); Alakozai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 266, au paragraphe 18 (Alakozai); Alfred c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 987, au paragraphe 19. Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable aux décisions relatives à la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières est celle de la décision raisonnable : Sivakumaran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 590, au paragraphe 19 (Sivakumaran); Sribalaganeshamoorthy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 11, au paragraphe 14.

[9]               Les deux premières questions soulèvent des questions mixtes de fait et de droit concernant la décision de l’agente relativement à la demande au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières. La Cour reconnaît que ces questions sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Kamara, précitée, au paragraphe 19; Sivakumaran, précitée, au paragraphe 19. L’appréciation de l’agente quant à la crédibilité est également susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Aguebor c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1993), 160 NR 315 (CAF); Singh c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1994), 169 NR 107 (CAF).

[10]           Lorsqu’une décision est examinée selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse doit s’attacher à « l’existence de la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel [ainsi qu’] à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne doit intervenir que si la décision soumise à son contrôle était déraisonnable, au sens où elle n’appartiendrait pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.             DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[11]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Définition de « réfugié »

Convention refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

[12]           Les dispositions suivantes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement) s’appliquent en l’espèce :

Qualité

Member of Convention refugees abroad class

145. Est un réfugié au sens de la Convention outre‑frontières et appartient à la catégorie des réfugiés au sens de cette convention l’étranger à qui un agent a reconnu la qualité de réfugié alors qu’il se trouvait hors du Canada.

145. A foreign national is a Convention refugee abroad and a member of the Convention refugees abroad class if the foreign national has been determined, outside Canada, by an officer to be a Convention refugee.

VII.          ARGUMENT

A.                Demandeurs

[13]           Les demandeurs soutiennent que l’agente n’a pas tenu compte de tous les motifs de protection qui pouvaient être inférés de la preuve. En particulier, les demandeurs affirment que l’agente n’a pas examiné si l’emploi antérieur du demandeur principal pour un journal et un éditeur aurait pu établir le besoin d’obtenir l’asile. Il incombe à l’agent de soulever et d’examiner les motifs pertinents : Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689 (Ward); Pastrana Viafara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1526, au paragraphe 6 (Pastrana Viafara); Adan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 655, aux paragraphes 30‑31, 39 (Adan). L’agente a demandé au demandeur principal s’il avait travaillé comme journaliste, mais le fait qu’il a répondu négativement n’aurait pas dû mettre fin aux questions de l’agente à cet égard.

[14]           Les demandeurs soutiennent également que l’agente a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que les demandeurs avaient satisfait aux exigences subjective et objective relatives à l’asile, malgré la conclusion selon laquelle ils n’étaient pas crédibles : Attakora c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1989), 99 NR 168 (CAF); Seevaratnam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 167 FTR 130, aux paragraphes 11, 13; Manickan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1525, aux paragraphes 1, 6. L’agente n’a pas tenu compte du profil du demandeur principal, en particulier de son origine ethnique combinée à ses antécédents d’emploi, dans le contexte de la preuve documentaire sur la situation du Sri Lanka. L’agente est présumée connaître la situation générale du pays : Citoyenneté et Immigration Canada OP5 : Sélection et traitement à l’étranger des cas de réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières et de personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières; Saifee c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 589, aux paragraphes 28, 30‑31. L’agente n’a pas tiré de conclusions de crédibilité au sujet des antécédents d’emploi du demandeur principal. La preuve documentaire indique que les journalistes, et autres personnes qui travaillent dans les médias, continuent d’être en danger au Sri Lanka. L’agente a omis également de tenir compte du risque de torture auquel sont exposés les demandeurs en tant que demandeurs d’asile déboutés.

[15]           Enfin, l’agente a commis une erreur en tirant une conclusion générale concernant la crédibilité en se fondant sur une seule incohérence entre les témoignages du demandeur principal et de son épouse : Guney c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1134, au paragraphe 17. L’agente n’a pas précisé pourquoi elle avait jugé le reste des témoignages des demandeurs non crédibles.

B.                 Défendeur

[16]           Le défendeur soutient que les demandeurs n’ont pas contesté la question de crédibilité déterminante; les demandeurs ont plutôt tenté de contourner cette question en reformulant leur demande d’asile devant la Cour. Les conclusions de l’agente quant à la crédibilité appellent un haut degré de retenue : Alakozai, précitée, aux paragraphes 19, 35‑37; Xuan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 673, aux paragraphes 18‑20. L’agente a fait part aux demandeurs de ses réserves au sujet de leur crédibilité; non seulement ils n’ont pas fourni une explication raisonnable quant à leurs incohérences, mais leurs explications évoluaient. La Cour fédérale a conclu qu’un agent n’est pas tenu de faire une analyse sur la crédibilité du demandeur lorsque celui‑ci omet de fournir une preuve indépendante : Paplekaj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 947, aux paragraphes 14‑17 (Paplekaj); Aguilar Moncada c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 104, au paragraphe 33.

[17]           Le défendeur soutient également que les demandeurs ont reformulé leur demande d’asile devant la Cour. L’agente a demandé à maintes reprises aux demandeurs ce qu’ils craignaient et le demandeur principal a toujours répondu qu’il craignait d’être persécuté en raison de son origine ethnique tamoule. Un contrôle judiciaire ne doit pas être considéré comme une seconde chance pour reformuler une demande : Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1370, au paragraphe 12 (Singh); Zsoldos c Canada (Procureur général), 2003 CAF 305. Les demandeurs ne peuvent pas étayer le dossier en invoquant de nouveaux risques dans leur affidavit présenté à la Cour : Construction and Specialized Workers’ Union, Local 1611 c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 512, au paragraphe 83; Stemijon Investments Ltd c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, au paragraphe 41.

[18]           Enfin, les défendeurs font valoir que la décision précise que l’agente s’est demandé si les demandeurs courraient un risque en tant que demandeurs d’asile déboutés. Les notes figurant dans le Système mondial de gestion des cas (le SMGC) font partie de la décision : Pirzadeh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 461, au paragraphe 29.

C.                 Réponse des demandeurs

[19]           En réponse, les demandeurs soutiennent qu’ils n’ont pas reformulé leur demande devant la Cour, mais qu’ils ont plutôt allégué que l’agente avait omis de prendre en considération tous les motifs possibles de protection qui pouvaient être inférés de la preuve. Il incombait à l’agente d’examiner si la preuve pouvait justifier des motifs additionnels de protection, compte tenu du fait que les demandeurs n’étaient pas représentés : Adan, précitée. Les demandeurs ont également répété qu’ils contestent effectivement les conclusions de l’agente quant à leur crédibilité.

D.                Autres observations du défendeur

[20]           Dans des observations additionnelles, le défendeur fait remarquer que la réponse des demandeurs reconnaît qu’ils n’ont présenté aucun argument relatif à des risques prospectifs fondé sur les antécédents d’emploi du demandeur principal. Le seul risque que le demandeur principal a invoqué en relation avec son emploi en tant que graphiste est sa crainte que dans l’avenir il ait à travailler de nuit et qu’il puisse être arrêté en raison de son origine ethnique tamoule. La Cour ne peut se prononcer sur une question qui se pose en contrôle judiciaire qui n’a pas été soulevée devant le décideur de l’instance administrative : Toussaint c Canada (Commission des relations de travail) (1993), 160 NR 396, au paragraphe 5 (CAF); Abbott Laboratories Limited c Canada (Procureur général), 2008 CAF 354, au paragraphe 37.

[21]           La Cour d’appel fédérale a également statué qu’un décideur ne commet pas une erreur du fait qu’il omet de tenir compte d’un élément d’une allégation lorsqu’il est raisonnable de s’attendre à ce que le demandeur ait soulevé la question : Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164, au paragraphe 10 (CA). Les demandeurs se sont fondés à tort sur l’arrêt Ward. L’omission de l’agente de créer un nouveau risque prospectif n’équivaut pas à l’omission de l’agent dans l’arrêt Ward de décider de quel motif énuméré relevait un risque prospectif. L’agente n’avait aucune raison de se demander de quel motif relèverait la crainte du demandeur principal d’être pris pour cible en tant que graphiste puisque la question n’a jamais été soulevée : Paramanathan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 338, aux paragraphes 12‑18; Suppaiah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 429, au paragraphe 41. Il est illogique de solliciter un contrôle judiciaire à l’égard d’une allégation de risque qui n’a jamais été présentée à un agent : Mariko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1136, au paragraphe 29; Kanapathipillai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 477, aux paragraphes 29‑31. 

[22]           Le fait que les demandeurs se sont représentés eux‑mêmes initialement n’écarte pas le fardeau d’établir le bien‑fondé de leur demande; ni n’augmente le fardeau de l’agente : Adams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 529, aux paragraphes 24‑25; Kamara, précitée, aux paragraphes 20‑21, 25. En outre, les demandeurs étaient représentés au moins dans le cadre de leur demande initiale; des observations écrites par un avocat ont été soumises à l’agente.

[23]           Enfin, les demandeurs n’ont signalé aucune erreur dans les conclusions de l’agente concernant la crédibilité : Alibali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 657, au paragraphe 18; Jarrah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 FCT 180, aux paragraphes 17‑18. Le fait que les demandeurs sont insatisfaits du résultat ne constitue pas un motif pour obtenir un contrôle judiciaire : Singh, précité, au paragraphe 12. 

VIII.       ANALYSE

[24]           Les demandeurs ont soulevé trois (3) motifs principaux de contrôle que j’examinerai à tour de rôle.

A.                Omission de tenir compte de tous les motifs susceptibles d’être inférés de la preuve

[25]           Il ressort clairement de la lecture de la décision (y compris les notes du SMGC) que l’agente a eu beaucoup de mal à cerner et à examiner le fondement de la crainte des demandeurs de retourner au Sri Lanka. L’agente ne peut inventer de craintes et doit se fonder sur ce que les demandeurs lui disent. Elle a demandé à maintes reprises aux demandeurs ce qu’ils craignaient et les a ensuite interrogés en vue d’essayer de déterminer le fondement objectif des craintes qu’ils exprimaient.

[26]           En particulier, les demandeurs soutiennent que l’agente n’a pas examiné et pris en compte l’emploi antérieur du demandeur principal en tant que graphiste pour le journal d’Uthayan à Jaffna et la presse d’Amaithi à Vavuniya en vue de cerner un motif possible de protection.

[27]           Lorsqu’elle a directement demandé au demandeur principal « pouvez‑vous me dire pourquoi vous pensez que vous ou votre famille seriez ciblés personnellement? » sa réponse a été la suivante (DCT, page 56) :

[traduction]

... En 2008 et 2007 j’ai été arrêté, et précédemment mon épouse (avant notre mariage en 1993) avait été enlevée pour travailler pour eux. Son père avait dû demander qu’on la relâche. Et même malgré cela, je travaillais pour un journal appelé Udayan Publications, et on ne pouvait jamais se rendre au travail. Ils nous interceptaient toujours et nous causaient des ennuis. En 2004, je suis déménagé à Vavunia [sic] et j’ai travaillé comme graphiste et, à cette époque, l’armée avait l’habitude de nous causer des ennuis. J’en avais enduré suffisamment. C’est pourquoi j’ai décidé de quitter le SL. Qu’est‑ce que vous faisiez comme travail pour le journal? – graphiste. Vous n’étiez pas journaliste? – non. Je ne comprends pas tout à fait encore pourquoi des incidents du passé vous font craindre de retourner maintenant? – même l’année dernière, mes parents ont été capturés et comme j’étais le membre de la famille qui manquait, ils ont demandé où j’étais. Mes parents ont été torturés, puisqu’ils n’ont rien dit au sujet de mes allées et venues. Mes dossiers d’arrestation se trouvent au service de police et je suis certain que, si je retourne, ils m’arrêteront encore. Quand est‑ce que vos parents ont été capturés? – en décembre dernier lorsqu’ils se rendaient à une messe de minuit. Ils ont été arrêtés. Et ensuite l’incident d’une fillette me fait peur car ma fille a 8 ans. Je n’y vois aucune garantie de sécurité là‑bas. Qu’est‑ce qui vous fait croire que la même chose pourrait arriver à votre fille? Quel est le lien avec votre famille? – C’est arrivé à une fillette là‑bas ça pourrait arriver à ma fille. Il n’y a aucune garantie de vivre. Les parents de cette fillette ne s’attendaient pas à un tel incident. Je ne veux pas prendre ce risque avec ma fille. Malheureusement, de terribles crimes sont commis dans tous les pays, mais qu’est‑ce qui vous fait croire que votre famille pourrait être ciblée de la même façon? – la même chose peut arriver à n’importe qui. Même si on retournait, rien n’est garanti pour aucun d’entre nous. Nous étions jeunes à l’époque et nous avons été arrêtés tellement de fois que nous avons décidé de partir pour l’Inde. Maintenant, on craint que tout ce qui arrive aux autres nous arrive aussi. Mon beau‑frère a été enlevé de l’intérieur de la maison devant nous, mais nous n’avons pas pu poser de questions. Même lorsque je partais travailler, personne ne savait si j’allais rentrer à la maison après le travail. Rien n’a changé même aujourd’hui. Comme il n’y aucune sécurité, j’ai peur de retourner...

[28]           Plus tard au cours de l’entrevue, l’agente a encore une fois tenté de vraiment comprendre les craintes des demandeurs et a posé la question suivante au demandeur principal : [traduction« J’aimerais vous donner une dernière chance de m’expliquer pourquoi cet incident concerne votre famille? Comme je l’ai déjà dit, des crimes horribles sont commis dans tous les pays, y compris le Canada. Pourquoi selon vous cet incident avec la fillette mettrait‑il en danger votre famille? »

[29]           En réponse à cette question, le demandeur principal mentionne une fois encore son emploi (DCT, page 57) :

[traduction]

...cet incident est arrivé dans notre village à des personnes que nous connaissons très bien, c’est pourquoi nous avons peur parce que je me rendrai toujours au même village si je retourne. De plus, si je dois travailler, je dois le faire pour un journal ou un éditeur puisque je suis graphiste et on me fera travailler seulement de nuit. Alors, s’ils m’enlèvent, personne ne le saura car, en 2007, la même chose s’est produite. Les personnes qui ont été témoins de l’incident ont informé mes parents, sinon ils n’auraient jamais su où on m’amenait. Maintenant, une organisation tamoule appelée le PDPE nous cause des ennuis parce qu’elle pense que tous les Tamouls sont des TLET. Quel est le nom de votre village? – Mandeithevu. C’est une île où ne vivent que des pêcheurs. Même les magasins de mon frère se trouvent à Jaffna, à une distance d’environ 6 ou 7 km, et même si je retournais il me faudrait vivre sur ma terre et dans mon village et me déplacer pour mon travail, c’est pourquoi j’ai peur qu’on m’arrête en route vers le travail ou au retour de celui‑ci...

[30]           Il convient de garder à l’esprit que l’agente a tiré une conclusion défavorable globale quant à leur crédibilité : [traduction« Ces versions contradictoires diminuent la crédibilité de tout ce que vous m’avez dit » (DCT, page 54). Indépendamment de cette conclusion, l’agente a poursuivi en examinant de façon appropriée la preuve documentaire sur le pays concernant les Tamouls de retour de l’Inde et a tenté de cerner les raisons pour lesquelles les demandeurs estimaient être exposés à un risque du fait que la preuve documentaire n’indiquait pas que tous les Tamouls sont en danger.

[31]           Comme les réponses du demandeur principal en rendent compte clairement, celui‑ci n’a pas affirmé à l’entrevue qu’il avait peur d’être arrêté ou ciblé parce qu’il a travaillé en tant que graphiste dans le passé, ou qu’il avait peur d’être arrêté dans l’avenir parce qu’il devra travailler comme graphiste pour un journal ou un éditeur. La peur qu’il a exprimée est celle d’être enlevé en route vers le travail ou au retour de celui‑ci et que personne ne le sache. Il n’établit aucune association avec un éditeur pour justifier sa crainte. En ce qui concerne une association antérieure avec un éditeur, la preuve laisse entendre que le demandeur principal n’a pas travaillé comme graphiste depuis avril 2006. Son emploi le plus récent était entre autres dans le domaine informatique et des opérations sur le terrain.

[32]           Le rôle de l’agente n’est pas de suggérer des motifs possibles de protection que les demandeurs peuvent ensuite adopter. Son rôle est de donner pleinement la possibilité aux demandeurs de préciser le fondement de leurs craintes et ensuite d’examiner leurs craintes subjectives en vue d’établir l’existence d’un fondement objectif. Voir Pastrana Viafara, précitée. C’est précisément ce qu’a fait l’agente en l’espèce. Le demandeur principal n’a rien fourni permettant de conclure qu’il redoutait les risques liés à son travail pour un éditeur. Il s’agit d’un nouveau motif invoqué par les demandeurs dans le cadre de la présente demande. Ce motif n’a pas été soumis à l’agente, ni directement ni implicitement, et, par conséquent, l’omission de l’agente d’en tenir compte ne peut être considérée comme une erreur susceptible de contrôle. L’ancien avocat des demandeurs a présenté des observations à l’agente au nom des demandeurs et n’a pas laissé entendre que l’emploi antérieur du demandeur principal comme graphiste était lié à des risques prospectifs. L’avocat a plutôt soutenu que les demandeurs étaient [traduction« victimes de persécution aux mains des forces de sécurité sri‑lankaises et des TLET et avaient été contraints de fuir en raison de l’absence de protection de l’État » (DCT, page 184). En ce qui concerne l’avenir, le demandeur principal affirme qu’il entend travailler comme graphiste pour [traduction« n’importe quel journal ou éditeur ». Il ne précise pas si le journal serait lié aux Tamouls ou opposé au gouvernement. Il n’y a donc aucune preuve pour appuyer un risque futur du fait de son association avec un quelconque journal qui pourrait faire en sorte qu’il soit harcelé ou agressé. Le dossier révèle que le Formulaire de renseignements personnels du demandeur principal faisait état de deux incidents de persécution qui sont survenus lorsqu’il travaillait comme graphiste pour un journal. L’agente disposait donc de certains renseignements concernant l’expérience de persécution antérieure du demandeur principal alors qu’il travaillait dans les médias, ainsi que d’une preuve documentaire générale sur le traitement réservé aux journalistes et aux professionnels dans les médias. Ce qu’il manquait était une tentative de la part des demandeurs d’établir un lien entre ces renseignements et un risque futur. Le demandeur principal n’a pas travaillé comme « professionnel dans les médias » au cours des deux dernières années au Sri Lanka et rien n’indiquait qu’il occuperait de nouveau un tel emploi. Comme il est expliqué dans le jugement, il n’a également jamais dit qu’il était en danger parce qu’il travaillait en tant que professionnel dans les médias, mais plutôt qu’il courait un risque parce qu’il était un homme tamoul qui travaillerait de nuit. De plus, on ne trouve aucune preuve véritable des risques auxquels les « professionnels des médias » continuent de faire face. La preuve révèle que des journalistes perçus comme des partisans des TLET sont en danger mais rien d’autre ne semble s’appliquer aux demandeurs en l’espèce.

B.                 Preuve indépendante permettant d’étayer la demande d’asile des demandeurs

[33]           Les demandeurs affirment que (dossier des demandeurs, page 259) :

[traduction]

L’agente n’a pas tenu compte du profil des demandeurs principaux [sic], en particulier de son origine ethnique combinée à ses antécédents d’emploi dans les médias et en journalisme, dans le contexte de la preuve documentaire, laquelle l’agente est présumée connaître. En outre, la preuve soumise à l’agente indiquait que les demandeurs seraient expulsés de force de l’Inde vers le Sri Lanka en tant que demandeurs d’asile déboutés.

[34]           Une fois encore, les demandeurs font référence à la situation d’emploi du demandeur principal et affirment que la preuve soumise à l’agente indiquait que non seulement les journalistes risquaient d’être persécutés au Sri Lanka, mais aussi les personnes [traduction« travaillant dans les médias ou associées à ceux‑ci ». Les demandeurs affirment ensuite ce qui suit (dossier des demandeurs, page 262) :

[traduction]

L’agente disposait d’éléments de preuve établissant un lien entre le demandeur principal et la preuve documentaire en ce qui a trait aux risques courus par des personnes correspondant à certains profils au Sri Lanka, éléments de preuve qui auraient dû être examinés par l’agente malgré ses conclusions quant à la crédibilité.

[35]           Les demandeurs reprochent une fois encore à l’agente de ne pas avoir évalué un risque prospectif qu’ils n’ont pas invoqué dans leur demande. Comme je l’ai déjà mentionné, aucune preuve n’indique que le demandeur principal a prétendu avoir un profil à risque en se fondant sur sa possible association future avec certains éditeurs et aucune conclusion n’a été tirée à cet égard. Le demandeur principal a affirmé qu’il craignait d’être persécuté parce qu’il est un homme tamoul et qu’il est inquiet pour sa fille.

[36]           L’agente ne disposait d’aucune preuve concernant l’éditeur pour lequel le demandeur principal pourrait travailler dans l’avenir qui l’exposerait à un risque.

[37]           Les demandeurs renvoient aux principes directeurs relatifs à l’évaluation des besoins de protection internationale des demandeurs d’asile originaires du Sri Lanka du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés qui indiquent que les « autres professionnels dans les médias » peuvent courir un risque, mais le demandeur principal n’a pas invoqué un risque en tant que « professionnel dans les médias », et il n’a pas fourni de preuve qu’il serait ciblé dans l’avenir à cause de son emploi. Une fois encore, les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire à l’égard d’une question qu’ils n’ont pas soumise à l’agente ou que l’agente pouvait considérer implicitement comme un risque. Les demandeurs ont bien précisé les risques auxquels ils affirmaient être exposés et l’agente a demandé à maintes reprises des précisions sur ces risques.

[38]           Les demandeurs reprochent également à l’agente de ne pas avoir évalué les risques qu’ils courent en tant que « demandeurs d’asile déboutés ». Une fois encore, les demandeurs soulèvent un motif de contrôle qui n’a pas été présenté à l’agente et lorsqu’elle a demandé s’il y avait d’autres raisons de craindre de retourner au Sri Lanka, l’épouse du demandeur principal a répondu avec certitude « non, il n’y en a pas d’autres ». L’agente a clairement indiqué au demandeur principal que [traduction« Tout ce que vous me dites aujourd’hui est confidentiel et personne dans votre pays ne saura ce dont nous avons parlé ». Rien ne laisse croire dans les réponses du demandeur principal aux questions de l’agente qu’il craignait d’être maltraité en tant que demandeur d’asile débouté. Une fois encore, les demandeurs soulèvent une question aux fins de contrôle qui n’a pas été présentée à l’agente, ni directement ni implicitement. Lorsqu’il lui a demandé « Pourquoi pensez‑vous ne pas pouvoir retourner maintenant? », le demandeur principal a répondu (DCT, page 56) :

[traduction]

... dès qu’on arrivera à l’aéroport, j’ai peur qu’on nous arrête. Je n’ai ni terre ni maison pour commencer une nouvelle vie. Aussi, le PDPE et l’armée ont fait leur enquête et les dossiers de la police contiennent tous les détails sur la famille. Même l’année dernière mes parents ont été arrêtés et torturés. Ils voulaient savoir où j’étais. Mes frères trouvaient ça difficile de vivre là‑bas. J’ai également entendu dire que les gens qui se sont absentés du SL pendant longtemps sont arrêtés aussitôt leur arrivée et interrogés. En 2012, j’ai entendu dire qu’une fillette de 7 ans avait été violée et que son corps avait été trouvé dans un puits. Ma fille grandit et j’ai peur pour sa sécurité. Pourquoi pensez‑vous que vous seriez arrêté à l’aéroport? – J’entends dire par les gens de l’Inde que ceux qui vont au SL sont arrêtés, mais ils ne savent pas où ils se trouvent. Le CID surveille constamment les personnes qui retournent au SL. C’est pourquoi j’ai peur que la même chose puisse m’arriver. Il est très normal de voir les personnes qui arrivent ou reviennent dans leur pays d’origine être interrogées sur ce qu’ils ont fait par les autorités. – J’ai peur parce que nous sommes Tamouls et ma carte d’identité indique que je suis un citoyen tamoul. On nous soupçonne tous d’appuyer [sic] d’être des TLET. S’ils nous ramassent à l’aéroport, nous ne saurons pas où ils nous amènent. Personne ne saura où ils nous auront amenés.

[39]           Le demandeur principal ne mentionne jamais qu’il craint de retourner en tant que demandeur d’asile débouté. Peu importe, la décision révèle que l’agente a poursuivi en examinant la preuve documentaire sur les Tamouls qui retournent au Sri Lanka. À mon avis, les demandeurs n’ont pas soulevé une erreur susceptible de contrôle quant à cette preuve. Les demandeurs n’ont pas établi qu’ils avaient le profil de personnes qui risqueraient de subir un préjudice à leur retour. Leurs craintes subjectives sont insuffisantes.

C.                 Appréciation de la crédibilité

[40]           La crédibilité était l’élément central de la décision. Les demandeurs prétendent que la décision était déraisonnable du fait que l’agente a tiré une conclusion défavorable globale quant à leur crédibilité en se fondant sur les témoignages contradictoires du demandeur principal et de son épouse. Ils prétendent également que l’agente n’avait aucune raison de ne pas croire les antécédents d’emploi du demandeur principal. 

[41]           Les allégations selon lesquelles il aurait antérieurement été pris pour cible étaient essentielles à la demande et, comme l’a signalé l’agente, les demandeurs adultes ont donné des réponses contradictoires [traduction« directement liées aux craintes exprimées en cas de retour au Sri Lanka » (DCT, page 3). Les antécédents d’emploi du demandeur principal ne sont pas pertinents quant à la décision parce que le profil d’emploi du demandeur principal n’a pas été invoqué comme motif de risque prospectif. Comme je l’ai déjà mentionné, le demandeur principal craignait d’être pris pour cible en se rendant au travail et en revenant, surtout de nuit. Cette crainte est directement liée aux incidents selon lesquels il aurait antérieurement été pris pour cible relativement auxquels les demandeurs adultes ont fourni des témoignages contradictoires à une multitude d’égards importants et déterminants. Cependant, l’agente a également précisé que les [traduction« versions contradictoires diminuent la crédibilité de tout ce que vous m’avez dit » (DCT, page 54). Autrement dit, les contradictoires étaient tellement grandes que les demandeurs ne pouvaient être considérés comme dignes de foi. Étant donné que les demandeurs ont été jugés non dignes de foi en raison des faits relatifs à la partie principale de leurs allégations, rien n’empêchait de rejeter l’ensemble de leur témoignage sans le mentionner expressément, tandis que d’autres incidents et facteurs n’étaient étayés que par leur témoignage. Voir Paplekaj, précitée, au paragraphe 17; Alakozai, précitée, aux paragraphes 36‑37. Il restait à l’agente à évaluer les risques courus par les demandeurs en tant que Tamouls revenant de l’Inde, ce qu’elle a fait.

[42]           En conclusion, je ne constate aucune erreur susceptible de révision dans cette décision.

[43]           Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est d’accord.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.      La demande est rejetée.

2.      Il n’y a aucune question à certifier.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1634‑14

 

INTITULÉ :

EUGENE MARIYADAS, MARY DORIN CHRISHANTHY PETER, ASHLEY LYDIA EUGENE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 AVRIL 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 JUIN 2015

 

COMPARUTIONS :

Krassina Kostadinov

 

POUR LES DEMANDEURS

Bradley Bechard

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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