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Date : 20150617


Dossier : IMM‑854‑14

Référence : 2015 CF 762

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 juin 2015

En présence du juge en chef

ENTRE :

IQBAL SINGH DHALIWAL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Dans la présente demande de contrôle judiciaire, M. Dhaliwal conteste la décision du 28 janvier 2014 par laquelle Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a rejeté sa demande de permis de séjour temporaire (PST).

[2]               M. Dhaliwal soutient que le rejet de sa demande a été fait de mauvaise foi, pour trois motifs. Premièrement, il affirme que rien dans les circonstances n’a changé au point de rendre raisonnable la décision soudaine de rejeter sa demande, alors qu’il a obtenu différents PST entre 1993 et 2012. Deuxièmement, il souligne que CIC n’a pas tenu compte du fait qu’il a obtenu une réhabilitation après avoir été déclaré coupable, en 1996, de conduite avec facultés affaiblies. Troisièmement, il affirme n’avoir jamais été mis au courant des éléments de preuve sur lesquels CIC s’est appuyé pour conclure qu’il travaillait sans autorisation lorsqu’il a présenté sa demande.

[3]               Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

I.                   Contexte

[4]               M. Dhaliwal a une feuille de route longue et complexe en matière d’immigration au Canada.

[5]               En bref, M. Dhaliwal est arrivé au Canada en 1992, selon un document décrivant ses antécédents en matière d’immigration, qui a été joint à la recommandation (la recommandation) acceptée par l’agent principal ayant pris la décision définitive de rejeter sa demande. Il aurait intentionnellement omis de se soumettre à un examen à son arrivée au pays.

[6]               M. Dhaliwal a ensuite présenté une demande d’asile, qu’il a subséquemment abandonnée lorsque la femme qu’il a épousée peu de temps après son arrivée au Canada a présenté une demande de parrainage entre époux.

[7]               En 1993, il a obtenu ses premiers PST et permis de travail.

[8]               L’année suivante, il a divorcé de sa première femme, qui a ensuite retiré sa demande de parrainage.

[9]               En 1998, il s’est marié avec son épouse actuelle. Cela dit, la demande de parrainage que celle‑ci a présentée à titre de conjointe a été rejetée l’année suivante, au motif que le demandeur avait été déclaré coupable de conduite avec facultés affaiblies en 1996.

[10]           Le demandeur a obtenu d’autres PST, ou des prolongations de PST existants, en 1999, en 2007, en 2008, en 2010 et en 2011.

[11]           En 2000, il a obtenu une réhabilitation relativement à la déclaration de culpabilité de 1996.

[12]           En 2006, il a été déclaré interdit de territoire au Canada conformément à l’alinéa 34(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), en raison de son appartenance à la All India Sikh Student Federation (l’AISSF). Dans ses observations écrites présentées à l’appui de sa dernière demande de PST, M. Dhaliwal a mentionné que l’AISSF avait été frappée d’interdiction par les autorités indiennes de mars 1984 à janvier 1985 en raison de son implication dans des activités terroristes.

[13]           Lorsqu’il a présenté la demande d’asile à laquelle il a par la suite renoncé, M. Dhaliwal a invoqué son appartenance à l’AISSF. Il a réitéré son appartenance à l’AISSF lorsqu’il a présenté sa demande de résidence permanente en 1993, mais il a nié cette information lors d’entretiens avec CIC et avec le Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS).

[14]           En 2006, M. Dhaliwal a présenté une demande de dispense ministérielle en vertu du paragraphe 34(2) de la LIPR. Cette demande a été rejetée en octobre 2012. M. Dhaliwal a sollicité et obtenu le contrôle judiciaire de cette décision. En octobre 2013, l’affaire a été renvoyée sur consentement au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Le ministre n’avait pas encore rendu sa décision lorsque celle faisant l’objet de la présente espèce a été rendue. Deux jours avant l’audition de la présente demande, le ministre a rejeté la demande de dispense de M. Dhaliwal. Le 10 juin 2015, le juge Diner a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée par M. Dhaliwal à l’égard de cette décision.

[15]           Entre‑temps, en septembre 2012, soit quelques mois avant l’expiration de son dernier PST, M. Dhaliwal a fait une nouvelle demande de PST, qui a été rejetée en mai 2013.

[16]           En juin 2013, M. Dhaliwal a fait une autre demande de PST, qui a été rejetée en janvier 2014. Cette décision fait l’objet de la présente demande.

II.                Dispositions législatives pertinentes

[17]           M. Dhaliwal a présenté une demande de PST en vertu du paragraphe 24(1) de la LIPR, qui dispose que l’étranger qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la LIPR devient résident temporaire si l’agent estime que les circonstances justifient qu’un permis de séjour temporaire soit délivré.

[18]           Conformément à l’alinéa 34(1)f) de la LIPR, emporte interdiction de territoire pour raison de sécurité le fait, pour un résident permanent ou un étranger, d’être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur de certains actes, dont des actes de terrorisme.

[19]           Conformément à l’alinéa 36(2)a), emporte interdiction de territoire pour criminalité le fait, pour un étranger, d’avoir été déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation, entre autres.

III.             Norme de contrôle

[20]           Les parties soutiennent que la norme de contrôle applicable en ce qui concerne la présente demande est celle de la décision raisonnable.

[21]           Règle générale, les allégations de mauvaise foi sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte. (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 55 et 79 (Dunsmuir); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43; Ugro c Ministre du Revenu national, 2009 CF 826, aux paragraphes 33 à 35; Bageerathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 513, aux paragraphes 22 et 25.)

[22]           Cela dit, étant donné la nature des raisons présentées à l’appui des deux premiers motifs invoqués concernant l’allégation de mauvaise foi, je suis convaincu que M. Dhaliwal allègue essentiellement que la décision de CIC de rejeter sa nouvelle demande de PST était déraisonnable.

[23]           Ainsi, le premier des deux motifs, soit la question de savoir s’il y a eu un changement de circonstances qui pourrait raisonnablement justifier la décision soudaine de rejeter la demande de M. Dhaliwal, soulève une question mixte de fait et de droit. Ce genre de question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (arrêt Dunsmuir, précité, aux paragraphes 51 à 53). Après examen approfondi, ce motif pourrait également être considéré comme ayant un aspect purement juridique, en ce sens qu’il soulève la question de savoir s’il doit y avoir eu un changement de circonstances pour que CIC puisse rejeter une demande de prolongation de PST, ou une nouvelle demande de PST, à quiconque en a déjà obtenu un. Cet aspect juridique n’appartient à aucune des quatre catégories de décisions auxquelles s’applique la norme de la décision correcte, soit « les questions constitutionnelles, les questions de droit qui revêtent une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui sont étrangères au domaine d’expertise du décideur, les questions portant sur la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents, de même que la catégorie exceptionnelle des questions touchant véritablement à la compétence » (Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, [2014] 2 SCR 135, au paragraphe 55). Par conséquent, ce motif est également susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[24]           Le second motif invoqué par M. Dhaliwal concerne la question de savoir si CIC a omis de tenir compte du fait qu’il a obtenu une réhabilitation après avoir été déclaré coupable, en 1996, de conduite avec facultés affaiblies. Il s’agit d’une question de fait susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[25]           Le troisième motif invoqué par M. Dhaliwal est essentiellement une affirmation selon laquelle CIC, en rejetant sa demande, s’est fondé sur un élément de preuve extrinsèque, soit qu’il travaillait au Canada sans autorisation. Cette question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Level (Tutrice à l’instance de) c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 227, aux paragraphes 8 et 9; Amri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 713, au paragraphe 7). On peut en dire autant de l’autre argument présenté par le conseil de M. Dhaliwal lors de l’audition de la présente demande, soit que CIC, sans en informer le demandeur, s’est fondé sur des renseignements figurant aux dossiers de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] pour rendre sa décision. Dans l’analyse qui suit, cet argument sera analysé relativement au deuxième motif invoqué par M. Dhaliwal, en ce qui a trait à la réhabilitation.

IV.             Analyse

A.                Y a‑t‑il eu un changement de circonstances qui pourrait justifier le rejet de la demande de M. Dhaliwal?

[26]           M. Dhaliwal fait valoir qu’il a obtenu des PST pour une période de 20 ans environ, en dépit de son interdiction de territoire et de ses demandes de dispense ministérielle, et que rien dans les circonstances n’a changé au point de justifier le rejet soudain de sa nouvelle demande de PST. Je ne suis pas de cet avis.

[27]           M. Dhaliwal s’est vu refuser un PST en mai 2013, après avoir obtenu plusieurs PST entre 1993 et 2011. Ce refus concernait la demande de PST présentée en septembre 2012.

[28]           Dans sa demande de PST subséquente, présentée en juin 2013, M. Dhaliwal a déclaré travailler comme chauffeur de taxi pour Associated Cab Alta. Ltd., son employeur depuis juillet 2001 (Dossier certifié du tribunal [DCT], aux pages 40 et 49). Il a également présenté une lettre dans laquelle l’employeur confirme ce fait (DCT, à la page 57). Or, son plus récent permis de travail a expiré en décembre 2012, ce que confirment les observations faites par son conseil dans une lettre adressée à CIC le 10 juin 2013 (DCT, à la page 31).

[29]           Selon moi, le fait que la dernière demande de PST de M. Dhaliwal avait été rejetée et le fait que ce dernier avait travaillé sans autorisation au Canada depuis l’expiration de son plus récent permis de travail donnaient à penser que les circonstances avaient beaucoup changé depuis la présentation des demandes de PST précédentes. Selon moi, il était raisonnablement loisible à CIC de se fonder en partie sur le deuxième fait pour rejeter la demande de M. Dhaliwal. De fait, étant donné que travailler sans autorisation est un geste grave, il aurait été raisonnablement loisible à CIC de se fonder sur ce seul fait.

[30]           En fin de compte, CIC a exposé quatre raisons principales pour expliquer le rejet de la demande de M. Dhaliwal, soit : i) des éléments de preuve figurant au dossier donnaient à penser qu’il travaillait au Canada sans autorisation depuis l’expiration de son permis de travail, en décembre 2012; ii) il se trouvait au Canada depuis plus de 20 ans sans avoir de crainte manifeste de rentrer en Inde; iii) aucun élément de preuve n’établissait qu’il avait demandé ou obtenu une réhabilitation à l’égard de la déclaration de culpabilité pour conduite avec facultés affaiblies; iv) il avait été interdit de territoire conformément à l’alinéa 34(1)f) de la LIPR, bien que CIC reconnaissait qu’il souhaitait obtenir une dispense ministérielle à l’égard de cette décision.

[31]           Au regard des motifs invoqués par M. Dhaliwal à l’appui de sa nouvelle demande de PST, en juin 2013, il était raisonnablement loisible à CIC de rejeter la demande. Ces motifs étaient qu’il souhaitait demeurer au Canada avec son épouse et leurs enfants nés au Canada, et qu’il souhaitait poursuivre le recours judiciaire qu’il avait entamé relativement à son statut au Canada (DCT, à la page 33).

[32]           Le pouvoir de délivrer un PST conformément au paragraphe 24(1) de la LIPR est hautement discrétionnaire et exceptionnel (Farhat c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1275, aux paragraphes 22 à 24; Nasso c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1003, aux paragraphes 12 et 15; Vaguedano Alvarez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 FC 667, aux paragraphes 18 et 39; Afridi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 193, aux paragraphes 16 à 18).

[33]           Dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré relativement aux demandes de prolongation de PST ou aux nouvelles demandes de PST après délivrance d’un ou de plusieurs autres PST, CIC peut refuser une demande lorsque les circonstances n’ont pas changé depuis la délivrance des PST précédents. Si tel n’était pas le cas, quiconque se verrait octroyer un PST pourrait rester au Canada indéfiniment pourvu que les circonstances n’aient pas changé, et c’est ce que M. Dhaliwal affirme qu’il devrait pouvoir faire. Cette façon de voir les choses serait entièrement incompatible avec la nature « temporaire » du pouvoir discrétionnaire et exceptionnel prévu au paragraphe 24(1). Par ailleurs, cela nuirait considérablement à la capacité du gouvernement d’administrer le programme de PST d’année en année.

[34]           M. Dhaliwal fonde à tort ce motif de contestation sur la décision de la Cour dans l’affaire Beyer c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 823, aux paragraphes 72 à 81. Dans cette affaire, la décision de CIC de rejeter une demande de PST a été annulée principalement parce que la lettre dans laquelle la décision avait été communiquée ne fournissait pas de motifs suffisants. En outre, la décision ne tenait pas compte du fait qu’elle entraînerait de « graves conséquences » pour les demandeurs, principalement parce que le trajet entre le Canada et le pays d’origine des demandeurs « pourrait entraîner des complications graves et des risques pour la santé de la demanderesse qui souffre d’obésité morbide, qui est alitée pendant toute la journée et qui ne sort pas de chez elle ».

[35]           CIC a expressément pris en considération les motifs invoqués par M. Dhaliwal à l’appui de sa demande de PST et a conclu que ceux‑ci n’étaient pas suffisamment exceptionnels ni impérieux pour justifier qu’il exerce son pouvoir discrétionnaire et délivre le PST, en particulier compte tenu des quatre facteurs mentionnés au paragraphe 30 ci‑dessus. Cette décision appartenait « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). Elle était en outre justifiée, transparente et intelligible, comme il se devait.

B.                 CIC a‑t‑il commis une erreur en ne tenant pas compte de la réhabilitation de M. Dhaliwal?

[36]           M. Dhaliwal soutient que CIC a commis une erreur en affirmant que le dossier ne contenait aucun élément de preuve établissant qu’il avait déjà demandé ou obtenu une réhabilitation à l’égard de sa déclaration de culpabilité pour conduite avec facultés affaiblies. Il fait valoir que la recommandation mentionne qu’il a obtenu un PST en 1999 afin de pouvoir demeurer au Canada pour présenter une demande de réhabilitation. Il affirme également avoir obtenu cette réhabilitation en 2000, et que cette information figure au dossier de CIC depuis ce temps. Il soutient en outre que la recommandation fait référence à des consultations menées avec l’ASFC concernant son interdiction de territoire et au fait que l’ASFC était parfaitement au courant de sa réhabilitation, et que les représentants de CIC auraient obtenu confirmation de ce fait lors de communications avec leurs homologues de l’ASFC. Il ajoute que sa réhabilitation est mentionnée dans les recommandations défavorables présentées par l’ASFC en 2009 et en 2012 au regard de la dispense ministérielle.

[37]           Au cours de l’audition, le conseil a ajouté que certains des renseignements figurant dans la décision de CIC de rejeter la demande de PST ne pouvaient provenir que du dossier de l’ASFC.

[38]           Je ne souscris pas aux affirmations de M. Dhaliwal.

[39]           Il incombait à M. Dhaliwal d’établir la preuve de sa réhabilitation auprès de CIC lorsqu’il a présenté sa demande de PST. Dans les observations qu’il a présentées à la Cour, il est implicite qu’il ne l’a pas fait. En outre, rien dans le DCT n’étaye ses affirmations selon lesquelles avant de rejeter la plus récente demande de PST, CIC avait été mis au courant de sa réhabilitation, soit par ses contacts à l’ASFC soit autrement. Il semble que le seul renseignement dont disposait le décideur, et la personne ayant fait la recommandation, au sujet de la réhabilitation était que rien dans les dossiers de CIC ne donnait à penser que M. Dhaliwal avait de fait demandé et obtenu une réhabilitation.

[40]           Il est bien établi en droit que, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour ne doit tenir compte que du dossier dont disposait le décideur administratif ayant rendu la décision faisant l’objet du contrôle, sauf dans des circonstances limitées, notamment pour l’évaluation d’allégations relatives à l’équité procédurale (Rafieyan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 727, au paragraphe 20; Quiroa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 495, aux paragraphes 26 et 27; Spring c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 41, aux paragraphes 17 et 18; Christie c Canada (Procureur général), 2015 CF 210, au paragraphe 20). Par conséquent, je ne peux tenir compte du « nouvel » élément de preuve concernant la réhabilitation de M. Dhaliwal, joint comme pièce A à l’affidavit déposé dans la présente instance.

[41]           Je ne souscris pas à l’argument de M. Dhaliwal selon lequel CIC savait nécessairement qu’il avait obtenu une réhabilitation. Lors de l’audition de la présente demande, l’avocat de M. Dhaliwal a fait valoir à cet égard que la recommandation comprenait des renseignements tirés de la décision par laquelle la première demande de dispense ministérielle avait été rejetée. Il a ajouté en outre que la recommandation suivait de près le texte de cette décision.

[42]           Une lecture attentive de la recommandation, d’autres documents figurant dans le DCT et de la première décision ministérielle défavorable, que j’ai admis en preuve aux fins de l’évaluation des observations de l’avocat, révèle qu’il n’en est rien.

[43]           La recommandation, sur trois pages, constitue essentiellement un examen concis des deux motifs d’interdiction de territoire de M. Dhaliwal, du dossier d’immigration de ce dernier à CIC et du fondement de la recommandation. Le fondement de la recommandation est présenté en quatre paragraphes. Le premier paragraphe fournit essentiellement la recommandation « de base » de rejeter la demande. Le deuxième paragraphe donne les quatre motifs de cette recommandation, présentés au paragraphe 30 ci‑dessus. Ces motifs reposaient tous sur des renseignements tirés du dossier d’immigration de M. Dhaliwal à CIC. Le troisième paragraphe fournit les renseignements sur lesquels son avocat se serait fondé pour affirmer que CIC avait accès à la première décision défavorable concernant la dispense ministérielle. Au quatrième paragraphe, il est souligné la nature discrétionnaire et exceptionnelle des PST, et mentionné qu’un examen attentif de la demande ne permettait pas de conclure qu’il y avait des motifs convaincants et suffisants pour qu’il soit justifié de délivrer un PST.

[44]           Si nous revenons au troisième paragraphe, les éléments qui y sont abordés concernent simplement l’appartenance de M. Dhaliwal à l’AISSF de mai 1982 à mai 1988, le fait que l’AISSF était liée à des actes de terrorisme, qu’elle prônait une plus grande indépendance des États indiens par rapport au gouvernement central de l’Inde et qu’elle a été interdite par ce dernier entre 1984 et 1985 à la suite de son recours accru à la violence, aux grèves et aux manifestations à Punjab, le fait que CIC avait rejeté trois demandes de résidence permanente présentées par M. Dhaliwal, et les motifs de ces refus.

[45]           Les faits importants décrits ci‑dessus concernant l’AISSF et l’appartenance de M. Dhaliwal à cette association sont mentionnés dans la lettre d’accompagnement jointe à la demande de PST présentée par M. Dhaliwal le 10 juin 2013, laquelle fait l’objet du présent contrôle judiciaire (DCT, aux pages 31 et 32). En particulier, il est reconnu dans cette lettre que M. Dhaliwal a été membre de l’AISSF de juillet 1984 à juin 1990 et que les autorités indiennes ont interdit l’AISSF entre mars 1984 et janvier 1985 en raison de sa participation à des actes de terrorisme.

[46]           Cette lettre faisait également référence a des entretiens qu’a eus M. Dhaliwal avec CIC et avec le SCRS concernant son appartenance à l’AISSF, ainsi qu’à l’opinion du SCRS selon laquelle l’AISSF était maintenant [traduction] « fractionnée », et que seul un groupe (connu sous le nom de faction Bittoo) était régulièrement lié à des activités extrémistes.

[47]           Les entretiens de M. Dhaliwal avec CIC concernant son appartenance à l’AISSF font également l’objet d’une analyse dans la première décision par laquelle la dispense ministérielle a été refusée. Cette décision mentionne également des entretiens ayant eu lieu entre M. Dhaliwal et CIC en 1996, en 2005, en 2006 et en 2009 concernant son admissibilité au Canada, et des observations connexes.

[48]           À la lumière de ce qui précède, il est manifeste que les dossiers de CIC contenaient nombre de renseignements concernant l’AISSF, dont des renseignements fournis par M. Dhaliwal lui‑même et des renseignements fournis par le SCRS.

[49]           En l’absence d’éléments de preuve donnant à penser que CIC a obtenu des renseignements de l’ASFC concernant l’AISSF, il est raisonnable de conclure que le peu de renseignements fournis dans la recommandation concernant l’AISSF et l’appartenance de M. Dhaliwal à cette association, outre ceux fournis dans la lettre adressée à CIC le 10 juin 2013, provenaient des dossiers de CIC.

[50]           À la lumière de ce qui précède, et compte tenu du fait que l’avocat du défendeur a affirmé, au cours de l’audition de la demande, que CIC n’était pas au courant de la réhabilitation de M. Dhaliwal, je suis convaincu que l’ASFC n’a pas informé CIC de la réhabilitation, et que CIC ne l’a pas appris grâce à un accès aux dossiers de l’ASFC.

[51]           Par conséquent, contrairement à ce qu’affirme M. Dhaliwal, CIC n’a pas commis d’erreur en ne tenant pas compte de la réhabilitation. Au moment de rendre la décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire, il semble que CIC ne disposait pas d’éléments de preuve établissant l’existence de la réhabilitation. Ainsi, dans la recommandation, il était parfaitement raisonnable d’affirmer que rien ne donnait à penser à l’obtention d’une réhabilitation.

C.                 CIC a‑t‑il commis une erreur en n’informant pas M. Dhaliwal de sa préoccupation selon laquelle il avait travaillé au Canada sans autorisation?

[52]           M. Dhaliwal fait valoir que CIC a commis une erreur en ne l’informant pas de la présence, au dossier de CIC, d’éléments de preuve établissant qu’il avait travaillé au Canada sans autorisation, et en ne lui donnant pas l’occasion de fournir une réponse à cet égard. Je ne suis pas d’accord.

[53]           Comme il en est fait mention au paragraphe 28 ci‑dessus, l’information voulant que M. Dhaliwal ait travaillé au Canada sans autorisation avait été fournie par M. Dhaliwal lui‑même, dans ses demandes de PST et de permis de résidence permanente ainsi que dans la lettre fournie par son employeur, jointe à sa demande. Il ne pouvait donc prétendre qu’il ignorait que cette information figurait au dossier de CIC, ni que CIC avait commis une erreur en ne lui donnant pas l’occasion d’y répondre.

V.                Conclusion

[54]           Pour les motifs qui précèdent, la demande est rejetée.

[55]           Les parties n’ont soumis aucune question pour fins de certification et je suis convaincu qu’aucune ne se pose au vu des faits de l’espèce.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

« Paul S. Crampton »

Juge en chef

Traduction certifiée conforme

Geneviève Tremblay, trad. a.


ANNEXE 1

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

Permis de séjour temporaire

Temporary resident permit

24. (1) Devient résident temporaire l’étranger, dont l’agent estime qu’il est interdit de territoire ou ne se conforme pas à la présente loi, à qui il délivre, s’il estime que les circonstances le justifient, un permis de séjour temporaire — titre révocable en tout temps.

24. (1) A foreign national who, in the opinion of an officer, is inadmissible or does not meet the requirements of this Act becomes a temporary resident if an officer is of the opinion that it is justified in the circumstances and issues a temporary resident permit, which may be cancelled at any time.

Sécurité

Security

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

34. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b), b.1) ou c).

(f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b), (b.1) or (c).

Criminalité

Criminality

36. (2) Emportent, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour criminalité les faits suivants :

36. (2) A foreign national is inadmissible on grounds of criminality for

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions à toute loi fédérale qui ne découlent pas des mêmes faits;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by way of indictment, or of two offences under any Act of Parliament not arising out of a single occurrence;

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑854‑14

 

INTITULÉ :

IQBAL SINGH DHALIWAL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 MARS 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 JUIN 2015

 

COMPARUTIONS :

RAJ SHARMA

 

POUR LE DEMANDEUR

 

MARIA GREEN

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsanyi

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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