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Date : 20150609


Dossier : T-1693-13

Référence : 2015 CF 724

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 juin 2015

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

DENNIS A. KEAY

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur, M. Keay, allègue qu’il a subi des dommages et d’autres pertes en raison des actes et des omissions de l’Agence du revenu du Canada (ARC) et de ses mandataires ou employés.

[2]               En particulier, le demandeur affirme que la conduite de l’ARC et de certains de ses représentants dans le contexte de l’établissement de nouvelles cotisations à l’égard de ses années d’imposition 2003 et 2004 était négligente, elle constituait un abus de pouvoir et une faute dans l’exercice d’une charge publique, elle a modifié ses revenus locatifs ou les a convertis en dépenses au profit de son ex-épouse, et elle a violé ses droits prévus aux articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi sur le Canada de 1982 (R.-U.), 1982, c 11 (la Charte). Le demandeur affirme en outre que l’ARC et certains de ses représentants ont fait preuve d’aveuglement volontaire, ils lui ont caché des renseignements importants, et ils n’ont pas tenu compte de faits importants. Selon le demandeur, cette conduite lui aurait occasionné des coûts et des dépenses inutiles et lui aurait causé un trouble émotionnel.

[3]               En conséquence, le demandeur a intenté la présente action contre la défenderesse, et, aux termes du paragraphe 40 de sa demande modifiée datée du 29 janvier 2015 (sa demande initiale étant datée du 15 octobre 2013), il demande à la Cour de lui accorder divers montants correspondant aux frais de litige qu’il a engagés inutilement et à des dommages-intérêts, des dommages-intérêts majorés et des dommages-intérêts relatifs à un préjudice indirect.

[4]               Préalablement à l’audition de la présente affaire, un recueil conjoint de pièces a été produit. Ces pièces ont été reçues en preuve au début de l’audience et ont été regroupées sous la cote J-1. Un recueil conjoint de jurisprudence a également été produit préalablement à l’audience. En outre, le demandeur a produit un recueil de jurisprudence faisant partie de son dossier documentaire.

[5]               Le demandeur a également présenté à la Cour trois volumes de documentation additionnelle, mais la défenderesse s’est opposée à ce que la plupart des documents contenus dans ces volumes soient reçus en preuve, au motif que, non seulement ils étaient dénués de pertinence, mais ils ne constituaient pas tout des éléments de preuve. La défenderesse n’avait toutefois pas d’objection à ce qu’une partie de cette documentation soit reçue en preuve, notamment de la correspondance entre le demandeur et l’ARC au cours de 2007 et 2009, et cette correspondance a été regroupée sous les cotes J-2 (dans le cas de la correspondance de 2007) et J-3 (dans le cas de la correspondance de 2009).

[6]               Le demandeur a également produit une copie partielle de l’affidavit de documents de la défenderesse qui comprenait l’index et deux des documents ainsi qu’un extrait de la transcription de l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt.

[7]               Après avoir présenté ses observations préliminaires, le demandeur s’est appelé comme seul témoin. Son témoignage a principalement porté sur ce que le demandeur considérait que l’ARC et ses représentants avaient méconnu ou supprimé et sur les motifs pour lesquels il considérait que les nouvelles cotisations que l’ARC avait établies pour les années 2003 et 2004 étaient fondées sur des renseignements erronés. Il n’est pas nécessaire de résumer le témoignage du demandeur avec force détails en l’espèce puisque la majeure partie de ce témoignage a consisté en une réitération des différentes allégations que le demandeur avait formulées dans sa demande modifiée. La défenderesse a choisi de ne pas contre-interroger le demandeur sur son témoignage. Le demandeur a alors clos la présentation de sa cause.

[8]               La défenderesse n’a appelé aucun témoin pour son compte et n’a produit aucun élément de preuve mis à part ceux que contenaient les pièces J-1, J-2 et J-3.

[9]               Dans sa réplique et ses observations finales, le demandeur a soutenu que les faits et les éléments de preuve propres à étayer ses prétentions avaient été prouvés par son témoignage, et qu’ils pouvaient également être dégagés du jugement de la Cour canadienne de l’impôt (publié sous la référence Keay c La Reine, 2008 CCI 481, 2008 DTC 4704) et l’arrêt (publié sous la référence Keay c Canada, 2009 CAF 170, 2009 DTC 5118) que la Cour d’appel fédérale a rendu en appel de ce jugement. Il a soutenu en outre qu’après le prononcé de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale en 2009, l’ARC aurait dû revenir sur les cotisations litigieuses et les réexaminer plutôt que de se borner à renoncer aux intérêts et aux pénalités.

[10]           Le demandeur affirme qu’il n’attaque pas ni ne conteste les nouvelles cotisations que l’ARC a établies pour les années 2003 et 2004, mais plutôt la conduite de l’ARC et de ses représentants avant et après les instances devant la Cour de l’impôt et la Cour d’appel. Il soutient que l’ARC n’a pas tenu les promesses qu’elle lui avait faites et l’a amené à croire que de nouvelles cotisations indépendantes seraient établies. Il soutient en outre que l’ARC avait une obligation de diligence envers lui et qu’elle n’a pas tenu compte de ses propres publications, vérifications et nouvelles cotisations.

[11]           Pour sa part, la défenderesse a soutenu que l’ARC et ses représentants avaient agi raisonnablement en tout temps et n’avaient rien fait de déplacé lorsqu’ils avaient vérifié les déclarations d’impôt sur le revenu du demandeur et lorsqu’ils avaient établi des cotisations puis des nouvelles cotisations à l’égard de ces déclarations. Selon la défenderesse, toutes les allégations du demandeur, y compris ses allégations de faute, de négligence et d’atteinte à des droits prévus par la Charte, contredisent les éléments de preuve et sont contraires à la loi. La défenderesse soutient que le demandeur n’a pas réussi à établir le bien-fondé de sa cause.

[12]           Pour ce qui concerne le fardeau de la preuve, le demandeur a le fardeau de prouver les prétentions et les allégations formulées dans sa demande modifiée. Il incombe à la défenderesse de réfuter ces allégations.

[13]           En outre, il n’existe qu’une seule norme de preuve en matière civile selon la common law, soit celle de la prépondérance des probabilités : FH c McDougall, 2008 CSC 53, au paragraphe 40, [2008] 3 RCS 41. On exprime souvent cette norme en disant qu’il faut établir qu’il est plus probable qu’une chose se produise que l’inverse.

[14]           La question déterminante que la Cour doit trancher est donc celle de savoir si le demandeur s’est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait.

[15]           Je conviens avec la défenderesse que le demandeur n’a pas prouvé le bien-fondé de sa cause. Bien que la défenderesse n’ait pas attaqué le témoignage du demandeur, ce témoignage ne comportait pas suffisamment de faits ou d’éléments de preuve pour pouvoir démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, l’ARC et ses représentants s’étaient mal conduits, comme le demandeur l’a allégué, ou qu’ils avaient violé la Charte de quelque façon que ce soit.

[16]           Le demandeur n’a pas établi que la conduite de l’ARC et de ses représentants était inconstitutionnelle, illicite et négligente ni qu’elle constituait un délit de quelque manière que ce soit. Les prétentions du demandeur sont tout au plus de simples affirmations sans aucun fondement factuel susceptible de prouver les causes d’action alléguées. Même si l’intégralité des trois volumes de documentation additionnelle que le demandeur a présentés ainsi que les autres documents qu’il a produits au début de l’audition de la présente affaire étaient admis en preuve, cette documentation n’est rien de plus que de la documentation que le demandeur a produite auparavant devant la Cour de l’impôt et la Cour d’appel. La Cour n’est pas le lieu pour tenir une autre audition relative aux ennuis fiscaux du demandeur.

[17]           En conséquence, la demande du demandeur échoue, et sa demande modifiée est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande modifiée du demandeur est rejetée et, compte tenu des circonstances de la présente espèce, il n’y aura pas d’adjudication de dépens.

« Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1693-13

 

INTITULÉ :

DENNIS A. KEAY c SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Halifax (nouvelle-écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 MARS 2015

 

LE JUGEMENT ET LES MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 9 JUIN 2015

 

COMPARUTIONS :

Dennis A. Keay

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Stan W. McDonald

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dennis A. Keay

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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