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Date : 20150227


Dossier : T‑2211‑14

Référence : 2015 CF 252

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), 27 février 2015

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

0769449 B.C. LTD.

DBA KIMBERLY TRANSPORT

demanderesse

et

ADMINISTRATION PORTUAIRE VANCOUVER FRASER

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La demanderesse [Kimberly Transport] a institué la présente demande en invitant la Cour à rendre une ordonnance de mandamus enjoignant à la défenderesse [l’administration portuaire] de fournir sa décision concernant le retrait du permis de camionnage de Kimberly Transport [traduction] « dans un document final et signé qui permette de connaître le nom du décideur » ou, à titre subsidiaire, une ordonnance prolongeant le délai relatif à la présentation d’une demande de contrôle judiciaire de la décision.

Le contexte

[2]               L’administration portuaire, constituée en conformité avec la Loi maritime du Canada, LC 1998, c 10, a compétence relativement aux entreprises de camionnage et compétence pour leur délivrer un permis les autorisant à entrer dans le port et à y charger ou décharger des conteneurs [accords relatifs au système d’émission de permis de camionnage (permis TLS)]. Kimberly Transport détenait un permis TLS délivré par l’administration portuaire.

[3]               Dans une lettre datée du 25 juin 2014 et acheminée par courrier électronique, l’administration portuaire, alléguant une violation de l’accord relatif au permis, a avisé Kimberly Transport que son permis était immédiatement suspendu et que, sous réserve d’un éventuel réexamen, son permis lui serait retiré le 10 juillet 2014 [décision de suspension]. La missive a provoqué un échange de lettres concernant les violations alléguées. L’administration portuaire a demandé que toute la correspondance soit envoyée au cabinet privé de son avocat. En fin de compte, l’échange a amené l’administration portuaire à envoyer, par courrier électronique, une lettre datée du 22 août 2014 qui disait que [traduction] « à compter de la livraison de la présente décision […] le permis n’est plus valide » [décision concernant le retrait].

[4]               Tant la décision de suspension que la décision concernant le retrait avaient été approuvées de la façon suivante, le nom d’aucun décideur n’étant fourni :

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE VANCOUVER FRASER

Administrateur du TLS

[5]               La réception de la décision concernant le retrait a amené Kimberly Transport a envoyer un nouveau courriel directement à l’administration portuaire afin de réagir aux allégations de violations et de souligner que : [traduction] « nous ne savons pas qui était responsable d’examiner le retrait de notre permis TLS ». En réaction au courriel, le conseiller juridique de l’administration portuaire à écrit au conseiller juridique de Kimberly Transport lui rappelant que la correspondance devait lui être acheminée directement et non à sa cliente. Le 26 août 2014, le conseiller juridique de Kimberly Transport a répondu qu’il était toujours l’avocat de Kimberly Transport et que la réponse à son courriel devait lui être envoyée directement.

[6]               L’avocat de l’administration portuaire a répondu par lettre datée du 15septembre 2014 que le courriel de Kimberly Transport avait été reçu après la date limite précisée dans la correspondance antérieure, que l’administration portuaire ne réexaminerait pas la décision qu’elle avait déjà prise et que la décision du 22 août 2014 était définitive.

[7]               Kimberly Transport a ensuite retenu les services de son avocat actuel qui a écrit à l’avocat de l’administration portuaire le 24 septembre 2014 l’avisant que Kimberly Transport avait retenu ses services et contestant la validité de la soi‑disant décision du 22 août 2014 au motif que le nom du décideur n’avait pas été divulgué. L’avocat s’est exprimé en ces termes :

[traduction]
Nous constatons que la décision n’est pas signée et que le nom du décideur n’est pas divulgué. Nous estimons donc que la décision est viciée en tant que décision du port de Metro Vancouver au sens des dispositions légales pertinentes. Il est clair que la partie visée par la décision a le droit de connaître le nom du décideur pour être en mesure de déterminer si la décision a été prise régulièrement.

Dès que nous recevrons une décision régulière, nous demanderons le contrôle judiciaire de la décision, conformément aux directives de notre client, si elle est identique à celle qui a été communiquée dans la lettre du 22 août 2014. Nous attendons avec impatience votre réponse contenant le nom du décideur, avant la fermeture des bureaux le 30 octobre 2014,.

Si nous n’avons reçu aucune réponse de votre part à cette date, nous solliciterons le contrôle judiciaire de la décision en demandant, notamment, un jugement déclarant que la soi‑disant décision du 22 août 2014 est viciée.

[8]               L’avocat de l’administration portuaire a répondu, par courrier électronique, le 28 octobre 2014. Il n’a pas divulgué le nom du décideur, mais il a plutôt affirmé qu’il n’y avait aucune [traduction« décision contraignante (voire à effet persuasif) qui impose quelque obligation que ce soit, sauf les dispositions légales applicables et l’accord relatif au permis ». Il a ajouté que le délai pour présenter une demande de contrôle judiciaire était déjà expiré (de deux jours) quand le nouvel avocat de Kimberly Transport avait envoyé sa lettre datée du 24 septembre 2014. À cause du retard, l’avocat s’est interrogé sur les raisons pour lesquelles la lettre du 24 septembre 2014 avait été écrite :

[traduction]
Il semble que ce serait un moyen d’obtenir une « nouvelle » décision qui permettrait, en quelque sorte, de remettre les pendules à zéro pour qu’il soit possible de demander le contrôle judiciaire. Si c’est bien le cas, nous sommes d’avis qu’aucun tribunal ne tolérerait ce genre de tactique.

[9]               La présente demande de contrôle judiciaire a été déposée le 24 octobre 2014 et visait le contrôle de la décision concernant le retrait ainsi que l’obtention du redressement suivant :

[traduction]
1.         Une ordonnance de mandamus enjoignant [l’administration portuaire] à rendre une décision finale, signée et qui précise le nom du décideur :

2.         À titre subsidiaire, une ordonnance prolongeant le délai prévu par le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales pour la  présentation d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision, et autorisant la demanderesse à déposer un avis de demande conforme à l’Appendice « A » des présentes;

3.         Les dépens de la demanderesse dans la présente demande.

[10]           Kimberly Transport a déposé l’affidavit d’un technicien en droit en y annexant, pour le dossier, la décision concernant le retrait et quelques autres documents pertinents. La demanderesse n’a déposé aucun affidavit expliquant le motif du délai avant de demander le contrôle judiciaire de la décision concernant le retrait.

[11]           L’administration portuaire a également déposé une preuve par affidavit, notamment l’affidavit d’une employée, daté du 28 novembre 2014, dans lequel l’employée déclare sous serment que la décision de retirer le permis a été prise par M. Greg Rogge, directeur des opérations terrestres de l’administration portuaire.

Les questions à trancher

[12]           Kimberly Transport et l’administration portuaire décrivent différemment les questions en litige dans la présente demande. Selon moi, les questions qui doivent être tranchées peuvent être précisées en répondant aux questions suivantes :

1.                  Quelle est la pertinence et quelles sont les conséquences, s’il y en a, de l’omission, par l’administration portuaire, de divulguer le nom du décideur dans la décision concernant le retrait?

2.                  Si la demande n’a pas été présentée en temps opportun, la Cour doit‑elle proroger le délai de présentation de la demande prévu par les Règles, laquelle, selon l’administration portuaire, a été déposée après le délai de 30 jours fixé par le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales?

3.                  Si la Cour prolonge le délai de présentation de la demande ou si, pour toute autre raison, la demande a été déposée dans le délai prescrit et que la Cour accueille la demande de Kimberly Transport, quel devrait être le redressement accordé?

Analyse

1.         Nomination du décideur

[13]           Kimberly Transport invoque, à l’appui de sa demande, la décision rendue par la Cour dans Wah Shing Television Ltd. et Associés c Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, [1984] ACF n161 (C.F. 1re inst.) [Wah Shing] selon laquelle « [l]'obligation d'audience impartiale implique que les parties doivent pouvoir déterminer quels membres du tribunal ont participé à la décision».

[14]           Dans l’affaire Wah Shing, le requérant avait participé à des instances en matière de licences devant le CRTC. Le requérant n’a pas soutenu que les principes de justice naturelle n’avaient pas été respectés au cours du processus qui a mené aux décisions concernant la licence; toutefois, il a présenté une requête en mandamus lorsque le CRTC a refusé de divulguer quels étaient les membres du comité de direction qui avaient participé à l’une et à l’autre des décisions et si, dans l’un comme dans l’autre cas, ils y avaient souscrit, ou s’ils avaient été dissidents. Le requérant a soutenu que le refus constituait un manquement aux principes de justice naturelle que la Cour pouvait corriger en rendant une ordonnance de mandamus.

[15]           Le juge Strayer a souscrit à ces arguments. Il a déclaré que « lorsqu’il y a obligation légale d’accorder une audience impartiale, il en découle que les parties intéressées doivent pouvoir déterminer quels membres du tribunal ont participé à la décision qui les touche ». Le fondement de l’obligation serait que, si le nom des décideurs n’est pas divulgué, « le droit, qu’ils pourraient autrement avoir, de contester la décision, notamment pour partialité, réelle ou appréhendée […], serait alors dénié ». J’ajoute que le fait de ne pas nommer le décideur empêche également la partie en cause de déterminer si le décideur était compétent pour prendre la décision contestée.

[16]           En dernière analyse, le juge Strayer a conclu que « [l]a Cour a donc le loisir de lancer un bref de mandamus exigeant la divulgation des noms des membres […] qui ont participé aux décisions sur les licences » et il a rendu une ordonnance en ce sens.

[17]           L’administration portuaire soutient qu’elle n’est nullement tenue de divulguer le nom de la personne qui a pris la décision concernant le retrait. La défenderesse se fonde sur trois décisions qu’elle soumet à la Cour : Wihksne c Canada (Procureur général), [2000] ACF n1178 (C.F. 1re inst.) [Wihksne]; Gramaglia c Canada Procureur général), [1998] ACF n1384 (C.F. 1re inst. [Gramaglia] et Gosselin v Halifax (Regional Municipality) Taxi Committee, [2000] NSJ n31 [Gosselin].

[18]           Aucun de ces précédents n’est utile en l’espèce. Un examen du dossier de la cour dans la décision Wihksne révèle que les motifs et le jugement n’ont pas été signés par les trois membres, mais le nom des trois décideurs apparait dans un des premiers paragraphes des motifs. La décision était donc fondée sur l’argument selon lequel la décision était viciée parce qu’elle n’avait pas été signée par les décideurs et non, comme c’est le cas en l’espèce, parce que le nom des décideurs n’était pas divulgué. La décision Gramaglia est semblable. Dans cette affaire, le tribunal a fourni deux documents au demandeur : une lettre dans laquelle était formulée la décision de rejeter l’appel pour les motifs annexés et qui contenait le nom des trois décideurs qui l’avaient signée et, en pièce jointe, les motifs écrits qui n’étaient pas signés. Encore une fois, il a été allégué que la décision était viciée parce que les motifs n’étaient pas signés par les décideurs et non, comme en l’espèce, parce que le nom des décideurs était inconnu.

[19]           Dans Gosselin, il était demandé à la Cour suprême de Nouvelle‑Écosse d’infirmer la décision de la Taxi and Limousine Commission, en partie parce que la décision de la Commission entérinant la décision de l’inspecteur n’était pas signée par les commissaires. La cour a rejeté l’argument selon lequel l’omission constituait une atteinte aux principes de justice naturelle parce que la décision était unanime et que le demandeur, qui avait été présent pendant toute l’audience et avait entendu la décision, connaissait le nom des décideurs. Soulignons toutefois que la Cour a appuyé l’opinion exprimée par le juge Strayer dans la décision Wah Shing au paragraphe 15 des motifs :

[traduction]
La justice naturelle exige que la personne touchée par la décision d’un tribunal connaisse le nom des personnes qui ont pris la décision et connaisse les raisons qui sous‑tendent la décision qui porte atteinte à ses droits.

[20]           Il n’est pas allégué que l’administration portuaire, en retirant les permis TLS de Kimberly Transport, n’avait aucune obligation légale de lui assurer une audience impartiale. Par conséquent, à l’instar du juge dans Wah Shing, je conclus que Kimberly Transport avait le droit de savoir qui avait pris la décision concernant le retrait. Je ne suis saisi d’aucune preuve me permettant de conclure que la demanderesse aurait pu connaître le nom de cette personne si l’administration portuaire ne le divulguait pas. À la fin de la décision concernant le retrait, la description qui est donnée – « Administrateur TLS » – est un poste unique ou un poste qui permettrait à Kimberly Transport de savoir, sans aucun doute, qu’il s’agissait de M. Rogge.

[21]           Par conséquent, la Cour conclut que, lorsque la présente demande a été soumise, Kimberly Transport aurait eu droit au redressement demandé, à savoir, une ordonnance de mandamus enjoignant à l’administration portuaire de divulguer le nom du décideur.

2.         Respect des délais

[22]           La décision concernant le retrait a été rendue le 22 août 2014. Le 24 septembre 2014, quelque 32 jours plus tard, Kimberly Transport, par l’entremise de son avocat, a demandé à l’administration portuaire de divulguer le nom du décideur. Comme je l’ai mentionné plus haut, je suis d’avis que l’administration portuaire avait l’obligation de fournir ce nom. L’administration portuaire ne s’est pas acquittée de cette obligation et Kimberly Transport a donc été obligée de demander une ordonnance de mandamus, ce qu’elle a fait le 24 octobre 2014.

[23]           L’administration portuaire soutient que le délai de 30 jours relatif à la présentation de la demande a commencé à courir le 22 août 2014, lors de la remise de la décision concernant le retrait. Il ne me paraît pas évident qu’il s’agit bien du point de départ du délai de prescription.

[24]           Le 24 septembre 2014, il a été demandé à l’administration portuaire de s’acquitter de son obligation légale dans un délai raisonnable; à savoir, de divulguer le nom du décideur. La Cour a statué que la négligence liée à l’exécution d’une obligation ou à un retard déraisonnable à cet égard peuvent être assimilés à un refus tacite. Voir Mersad c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 2014 CF 543, au paragraphe 15, et les décisions qui y sont citées. La présente demande de mandamus visait une ordonnance enjoignant à l’administration portuaire de s’acquitter de son obligation. La décision visée par la demande semble donc être le refus tacite de l’administration portuaire du 24 septembre 2014 ou après cette date. La présente demande a été soumise dans un délai de 30 jours du refus, conformément au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales et, s’il s’agit de la date pertinente, il n’y a pas lieu de proroger le délai.

[25]           Si le délai de 30 jours commence bien le 22 août 2014, comme le prétend l’administration portuaire, j’accorderais à Kimberly Transport la prorogation du délai de présentation de sa demande de contrôle judiciaire visant un mandamus. L’administration portuaire prétend que Kimberly Transport n’a pas respecté les facteurs énoncés par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Grewal c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 CF 263, et Commission canadienne des grains c Canada, 2006 CAF 180, à savoir l’intention constante de déposer la demande, l’absence de préjudice pour la partie adverse, le motif du délai, le bien‑fondé de la demande, ainsi que tous les autres facteurs pertinents propres à l’affaire. L’administration portuaire fait remarquer, à juste titre, que Kimberly Transport n’a soumis aucune preuve par affidavit des motifs du délai relatif à la présentation de la demande. Toutefois, compte tenu des faits en l’espèce, ce facteur n’est pas fatal pour ce qui concerne la prorogation du délai.

[26]           Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans les deux précédents précités, l’essentiel est que justice soit faite entre les parties. Il n’y a pas de critère conjonctif à appliquer; le juge saisi de la requête doit plutôt examiner et apprécier les facteurs décrits par la Cour. Je suis convaincu, d’après le dossier dont je suis saisi, que Kimberly Transport a toujours voulu connaître le nom du décideur. Je suis également convaincu que l’administration portuaire ne subira aucun préjudice si la prorogation est accordée puisqu’elle n’en a mentionné aucun. Nous ignorons le motif du délai et ce facteur joue contre la prorogation. Par contre, la demande en mandamus, lorsqu’elle a été déposée et jusqu’à ce que l’administration portuaire fournisse finalement le nom du décideur le 28 novembre 2014, était fondée. Outre ces facteurs, j’estime que le fait que l’administration portuaire ait été avisée qu’elle avait l’obligation de fournir le nom du décideur et qu’elle n’ait pas obtempéré pendant plus de deux mois est très pertinent. En fait, elle ne s’est acquittée de son obligation que lorsque la poursuite a été engagée.

[27]           Dans le projet de demande de contrôle judiciaire de la décision concernant le retrait que Kimberly Transport a annexé à la présente demande, il est allégué qu’il y a eu [traduction« confrontation » entre la partie principale et M. Greg Rogge dans les trois mois précédant la décision concernant le retrait. Kimberly Transport a avisé la Cour, à l’audience, que maintenant qu’elle connaît le nom du décideur, elle compte présenter une allégation de partialité ou d’apparence de partialité et il a été proposé que la confrontation était la raison pour laquelle le nom du décideur n’avait pas été révélé au départ.

[28]           Selon moi, il faut, dans la présente affaire, accorder une importance primordiale à la conduite de l’administration portuaire qui a refusé de divulguer le nom du décideur, au fait qu’elle ne subira aucun préjudice et que Kimberly Transport, dans sa demande de contrôle judiciaire sur le bien‑fondé de la décision, semble vouloir soumettre un argument sur l’équité procédurale, à savoir une crainte raisonnable de partialité compte tenu de l’identité du décideur et de sa relation avec la direction de Kimberly Transport dans les semaines qui ont précédé la décision.

[29]           Pour ces motifs, je vais statuer que la demande de contrôle judiciaire a été soumise en temps opportun.

Redressement

[30]           Ayant décidé que la demande a été soumise en temps opportun, je vais maintenant me pencher sur le bien‑fondé de la demande.

[31]           Kimberly Transport soutient qu’entre la date de la présentation de la demande et le 28 novembre 2014, la Cour aurait rendu une ordonnance de mandamus comme elle l’a fait dans Wah Shing afin que le nom du décideur soit divulgué. L’administration portuaire prétend que l’ordonnance n’aurait pas été accordée au motif que la demande ne répondait pas au critère à huit volets décrit dans SCFP, Composante d’Air Canada c Canada (Ministre du Travail), 2012 CF 1484. Selon moi, il avait été satisfait au critère énoncé dans SCFP avant le 28 novembre 2014.

[32]           L’administration portuaire avait l’obligation légale, envers Kimberly Transport, de divulguer le nom du décideur. J’estime également qu’à cette date, la demanderesse avait très certainement le droit d’exiger le respect de cette obligation et que ce droit existait depuis que la décision concernant le retrait avait été prise. En particulier, Kimberly Transport avait demandé le nom du décideur en donnant un délai raisonnable pour divulguer ce nom et, par la suite, il y a eu un refus tacite de le fournir. L’obligation de fournir le nom n’était pas discrétionnaire et compte tenu du refus constant de divulguer le nom jusqu’au moment de la demande, Kimberly Transport ne pouvait se prévaloir d’aucun autre redressement. Il est clair que, jusqu’au 28 novembre 2014, l’ordonnance aurait eu un effet pratique, qu’aucun autre redressement n’aurait été disponible et que la prépondérance des inconvénients favorisait Kimberly Transport.

[33]           Toutefois, tout a changé le 28 novembre 2014 lorsque l’administration portuaire a enfin divulgué le nom du décideur dans un affidavit déposé dans le cadre de l’instance.

[34]           Kimberly Transport reconnaît que le mandamus n’est plus le redressement approprié. La demanderesse soutient que la Cour devrait lui accorder la prorogation du délai pour déposer l’avis de demande de contrôle judiciaire visant l’examen sur le fond de la décision concernant le retrait. La demanderesse ajoute que, puisque le nom du décideur a été divulgué, elle compte modifier le projet de demande déposé en annexe de la présente demande afin de soulever des questions découlant de la crainte raisonnable de partialité.

[35]           L’administration portuaire prétend que Kimberly Transport aurait dû déposer ce type de demande le 28 novembre 2014 ou après cette date et qu’elle n’a offert aucune explication du long délai pour le faire. Encore une fois, je reconnais qu’aucune explication n’a été fournie et il s’agit d’un facteur qui joue contre la prorogation du délai demandée; toutefois, le retard a été bref, la présente demande était déjà devant la Cour et l’administration portuaire s’y objectait, il y avait toutes les raisons de croire que l’administration portuaire s’objecterait également à la prorogation du délai si Kimberly Transport s’était désistée de la présente demande et avait déposé une nouvelle demande de prorogation du délai. Autrement dit, les parties et la Cour en seraient au même point qu’aujourd’hui.

[36]           Je ne puis que constater que la situation actuelle et toutes les contestations sont dues au refus de l’administration portuaire de nommer la personne qui avait pris la décision concernant le retrait. Selon moi, en l’espèce, il faut accorder une importance primordiale aux agissements de l’administration portuaire qui a décidé de ne pas divulguer le nom du décideur, à l’absence de préjudice à son égard, au fait que Kimberly Transport a toujours eu l’intention de contester la décision concernant le retrait et que la demande de contrôle judiciaire semble fondée, au vu du dossier incomplet dont la Cour est saisie.

[37]           Selon mon évaluation, le redressement approprié est la prorogation du délai de présentation, par Kimberly Transport, d’une demande de contrôle judiciaire sur le fond de la décision concernant le retrait rendue par M. Greg Rogge le 22 août 2014. Compte tenu des circonstances, seul un court délai supplémentaire sera accordé. La nouvelle demande, lorsque déposée, devra faire l’objet d’une gestion de l’instance afin d’assurer que l’audience ait lieu le plus tôt possible. En présentant sa demande, la demanderesse devra aviser la Cour que, dans le présent jugement, la Cour a statué que la demande devait être transmise au bureau du juge en chef pour que soit nommé un juge ou un protonotaire responsable de la gestion de l’instance.

[38]           La demanderesse a informé la cour que, si sa demande était accueillie, elle demanderait une ordonnance d’adjudication des dépens pour la somme de 3 500 $. Je suis d’avis que ce montant est raisonnable.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande a été présentée dans les délais prescrits et qu’elle est accueillie; que la demanderesse a droit à une prorogation d’une semaine, à compter de la date des présentes, du délai prévu pour présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 22 août 2014 prise par Greg Rogge, directeur des opérations terrestres de l’administration portuaire, concernant le retrait du permis TSL de la demanderesse et que la demanderesse a droit aux dépens qui sont fixés à 3 500 $ en tout.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conformeEvelyne Swenne, traductrice-conseil


                                                              COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑2211‑14

INTITULÉ :

0769449 B.C. LTD. DBA KIMBERLY TRANSPORT c ADMINISTRATION PORTUAIRE VANCOUVER FRASER

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

DATE DE L’AUDIENC :

16 février 2015

JUgement et motifs :

 

le juge ZINN

DATE :

27 février 2015

COMPARUTIONS :

Russell Robertson

pour la demanderesse

Harley J. Harris

Dan Coles

pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bernard LLP

Avocat

Vancouver (Colombie‑Britannique)

pour la demanderesse

Owen Bird Law Corporation

Avocat

Vancouver (Colombie‑Britannique)

pour la défenderesse

 

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