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Date : 20150608


Dossier : IMM-1655-15

Référence : 2015 CF 720

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 juin 2015

En présence de madame la juge Gagné

ENTRE :

ZHENHUA WANG

et

CHUNXIANG YAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision datée du 2 avril 2015, par laquelle une commissaire de la Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et de la protection des réfugiés ordonnait leur maintien en détention au motif qu’ils se soustrairont vraisemblablement au renvoi, en application du paragraphe 58(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi) et de l’article 245 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement). La commissaire a également jugé que les facteurs énumérés à l’article 248 du Règlement favorisaient la détention des demandeurs.

[2]               C’est la deuxième demande de contrôle judiciaire que les demandeurs présentent au sujet de leur maintien en détention. La première décision a été annulée et renvoyée à un autre commissaire de la SI par le juge Phelan. Les demandeurs soutiennent que la décision contestée ici est viciée par les mêmes erreurs que celles qu’avait commises la première commissaire qui sont : i) le défaut d’examiner la possibilité qu’ils comparaissent à la prochaine audience et ii) le défaut de prendre en compte de façon appropriée le plan de mise en liberté comme solution de rechange à la détention.

[3]               J’estime qu’il y a lieu de faire droit à la demande en raison de la réponse apportée à la première question soulevée par les demandeurs; le commissaire n’a pas estimé que l’audition de la demande d’asile des demandeurs était un élément important dans son analyse de l’existence de solutions de rechange à la détention susceptibles d’atténuer le risque de fuite.

I.                   Le contexte

[4]               Les demandeurs sont de riches citoyens de la Chine et de la République dominicaine. Ils sont visés par des mesures de renvoi conditionnelles et sont détenus depuis le 7 mars 2014. La SI les a maintenus en détention après avoir effectué six contrôles des motifs de détention.

[5]               Les demandeurs sont entrés au Canada avec des visas de résident temporaire et ont par la suite demandé et obtenu des prorogations de leurs séjours. Ils avaient l’intention de demander le statut de résident permanent grâce au programme des candidats des provinces. L’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a toutefois arrêté les demandeurs après avoir obtenu des renseignements selon lesquels ces derniers étaient recherchés par la justice en Chine parce qu’ils avaient exploité une société d’investissement qui avait fraudé des milliers de personnes à hauteur d’environ un milliard de rembis – soit l’équivalent de 180 millions de dollars canadiens.

[6]               Les demandeurs ont été au départ détenus par l’application de l’article 55 de la Loi, au motif qu’ils se soustrairont à l’enquête, selon les alinéas 58(1)b) et c) de la Loi, concernant des allégations de criminalité.

[7]               Le 23 mars 2014, le ministre a délivré des rapports aux termes de l’article 44 de la Loi dans lesquels il était allégué qu’ils étaient interdits de territoire pour fausses déclarations. Les rapports ont par la suite donné lieu à une enquête.

[8]               En juin 2014, les demandeurs ont demandé l’asile. Le ministre a alors demandé que soit annulée la tenue de l’enquête.

[9]               En juillet 2014, des mesures d’interdiction de séjour conditionnelles ont été prises contre eux parce que les demandeurs ne respectaient pas les exigences de la Loi. Le seul motif de leur détention était toujours le risque de fuite en application de l’alinéa 58(1)b) de la Loi.

[10]           En janvier 2015, les audiences relatives à leur demande d’asile ont débuté et se poursuivent toujours; le ministre est intervenu dans cette instance. Les demandeurs et le défendeur croient que les audiences ne seront pas terminées avant le mois de juin 2015.

[11]           Les demandeurs ont obtenu, le 21 janvier 2015, le contrôle judiciaire de la décision datée du 11 décembre 2014, à la suite duquel le juge Phelan a annulé et renvoyé la décision de la SI de les maintenir en détention; Wang c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2015 CF 79 [Wang].

[12]           Le juge Phelan a conclu que la SI avait commis des erreurs à l’égard de trois questions, dont deux se retrouvent dans la présente demande. La première est le refus de la commissaire de prendre en compte la probabilité qu’ils se présentent à la prochaine instance prévue (la continuation des audiences sur la demande d’asile) et sa décision de prendre en compte uniquement la probabilité qu’ils comparaissent pour le renvoi. La deuxième est le rejet par la commissaire du plan de mise en liberté proposé par les demandeurs.

II.                Le cadre législatif

[13]           La présente affaire soulève une question d’application de la loi de sorte qu’il est utile de procéder à une brève analyse des dispositions applicables. Le commissaire de la SI saisi de la présente affaire doit utiliser le cadre d’analyse suivant au cours du contrôle des motifs de détention. Ce cadre comprend généralement deux parties.

[14]           Premièrement, le commissaire doit décider s’il existe des motifs de détention. Le paragraphe 58(1) de la Loi prévoit que la SI doit ordonner la mise en liberté de la personne détenue à moins qu’elle ne soit convaincue qu’il existe un des motifs énumérés aux alinéas a) à e) de la même disposition. L’alinéa b) s’applique au maintien en détention des demandeurs parce que cette disposition concerne la possibilité que la personne se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi ou à la procédure pouvant mener à la prise d’une mesure de renvoi :

Mise en liberté

par la Section de

l’immigration

Release —

Immigration

Division

58. (1) La section prononce la mise en liberté du résident permanent ou de l’étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires,

de tel des faits suivants :

58. (1) The Immigration Division shall order the release of a permanent resident or a foreign national unless it is satisfied, taking into account prescribed factors, that

[…]

. . .

(b) le résident permanent ou l’étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);  [Mon soulignement]

(b) they are unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2);  [Emphasis added]

[15]           Pour décider si une personne se soustraira vraisemblablement à ses obligations – autrement dit, constitue un risque de fuite, dans un des types d’instances prévues par l’alinéa b), la SI doit prendre en compte les critères énumérés aux articles 244 et 245 du Règlement :

Critères

Factors to be considered

244. Pour l’application de la section 6 de la partie 1 de la Loi, les critères prévus à la présente partie doivent être pris en compte lors de l’appréciation :

244. For the purposes of Division 6 of Part 1 of the Act, the factors set out in this Part shall be taken into consideration when assessing whether a person

a) du risque que l’intéressé se soustraie vraisemblablement au contrôle, à l’enquête, au renvoi ou à une procédure pouvant mener à la prise, par le ministre, d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2) de la Loi; [Mon soulignement]

(a) is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2) of the Act; [Emphasis added]

[…]

. . .

Risque de fuite

Flight risk

245. Pour l’application de l’alinéa 244a), les critères sont les suivants :

245. For the purposes of paragraph 244(a), the factors are the following :

a) la qualité de fugitif à l’égard de la justice d’un pays étranger quant à une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale;

(a) being a fugitive from justice in a foreign jurisdiction in relation to an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament;

b) le fait de s’être conformé librement à une mesure d’interdiction de séjour;

(b) voluntary compliance with any previous departure order;

c) le fait de s’être conformé librement à l’obligation de comparaître lors d’une instance en immigration ou d’une instance criminelle;

(c) voluntary compliance with any previously required appearance at an immigration or criminal proceeding;

d) le fait de s’être conformé aux conditions imposées à l’égard de son entrée, de sa mise en liberté ou du sursis à son renvoi;

(d) previous compliance with any conditions imposed in respect of entry, release or a stay of removal;

e) le fait de s’être dérobé au contrôle ou de s’être évadé d’un lieu de détention, ou toute tentative à cet égard;

(e) any previous avoidance of examination or escape from custody, or any previous attempt to do so;

f) l’implication dans des opérations de passage de clandestins ou de trafic de personnes qui mènerait vraisemblablement l’intéressé à se soustraire aux mesures visées à l’alinéa 244a) ou le rendrait susceptible d’être incité ou forcé de s’y soustraire par une organisation se livrant à de telles opérations;

(f) involvement with a people smuggling or trafficking in persons operation that would likely lead the person to not appear for a measure referred to in paragraph 244(a) or to be vulnerable to being influenced or coerced by an organization involved in such an operation to not appear for such a measure; and

g) l’appartenance réelle à une collectivité au Canada.

(g) the existence of strong ties to a community in Canada.

[16]           Deuxièmement, lorsque la SI conclut qu’il existe des motifs de détention, le paragraphe 58(1) de la Loi, la deuxième partie du cadre de l’analyse, oblige le commissaire de la SI à tenir compte d’autres critères – ceux qui sont énumérés à l’article 248 du Règlement, avant de rendre une décision :

Autres critères

Other factors

248. S’il est constaté qu’il existe des motifs de détention, les critères ci-après doivent être pris en compte avant qu’une décision ne soit prise quant à la détention ou la mise en liberté :

248. If it is determined that there are grounds for detention, the following factors shall be considered before a decision is made on detention or release :

a) le motif de la détention;

(a) the reason for detention;

b) la durée de la détention;

(b) the length of time in detention;

c) l’existence d’éléments permettant l’évaluation de la durée probable de la détention et, dans l’affirmative, cette période de temps;

(c) whether there are any elements that can assist in determining the length of time that detention is likely to continue and, if so, that length of time;

d) les retards inexpliqués ou le manque inexpliqué de diligence de la part du ministère ou de l’intéressé;

(d) any unexplained delays or unexplained lack of diligence caused by the Department or the person concerned; and

e) l’existence de solutions de rechange à la détention. [Mon soulignement]

(e) the existence of alternatives to detention. [Emphasis added]

III.             La décision contestée

[17]           La commissaire a ordonné le maintien en détention des demandeurs au motif qu’ils se soustrairaient vraisemblablement à leur renvoi. Compte tenu de l’historique des contrôles de détention, de la position des parties et du contexte de l’affaire, la commissaire a déclaré ce qui suit :

-           Les demandeurs ne souhaitaient pas présenter des arguments sur la question du risque de fuite et ont admis cette question; ils voulaient que la SI examine la solution de rechange à la détention qui était proposée;

-           [traduction] « [D]e toute façon », la commissaire [traduction] « avait pris en compte tel qu’il est exigé les éléments qui avaient été présentés à ce contrôle de la détention et au contrôle précédent, ainsi que dans les décisions précédentes, à l’exception de la plus récente qui avait été annulée par la Cour fédérale »;

-           Les demandeurs participaient à des audiences devant la SPR et les parties avaient déclaré que la première question qui serait tranchée serait celle de l’exclusion – une question déterminante pour l’issue de leur affaire;

-           Les demandeurs faisaient l’objet de mesures d’interdiction de séjour conditionnelles.

[18]           La commissaire a ensuite effectué la première partie de l’analyse prévue par l’alinéa 58(1)b), et elle a fait remarquer que les mesures d’interdiction de séjour conditionnelles dépendaient de l’issue des audiences sur la demande d’asile. La commissaire a mentionné que les demandeurs avaient soutenu auparavant que la SI devait déterminer s’il était vraisemblable qu’ils se soustrairaient à leurs audiences sur la demande d’asile.

[19]           Toutefois, celle‑ci n’a pas [traduction] « trouvé cet argument convaincant ». Elle a écrit ce qui suit sous l’intitulé [traduction] « Comparution pour le renvoi et audience sur la demande d’asile » :

[traduction]

[14]      Cette disposition oblige la Section de l’immigration à examiner si la personne se soustraira vraisemblablement à une des quatre procédures, dont aucune n’est une audience sur la demande d’asile. Il ne serait donc pas approprié de décider selon l’alinéa 58(1)b) si M. Wang et Mme Yan se soustrairont vraisemblablement à leur audience sur la demande d’asile.

[15]      M. Wang et Mme Yan ont invoqué les décisions qu’a rendues la Cour fédérale dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c B157 et (Citoyenneté et Immigration) c B188 (cette dernière appliquant B157). Dans la décision B157, la Cour a précisé que « le commissaire n’a pas à examiner chacune des instances procédurales qui sont mentionnées [58(1)b)], et qu’il suffit plutôt qu’il examine celle qui est pertinente dans les circonstances ». Selon ces décisions, l’alinéa 58(1)b) ne comprend pas les audiences sur la demande d’asile.

[16]      M. Wang et Mme Yan font l’objet de mesures de renvoi et j’ai donc examiné la question de savoir s’ils se soustrairont vraisemblablement à leur renvoi du Canada.

[20]           Après avoir examiné les critères de l’article 245 du Règlement, la commissaire a alors examiné les critères de l’article 248. Lorsqu’elle a examiné les motifs de détention (alinéa 248a) du Règlement), la commissaire a estimé que le fait que les demandeurs risquent de ne pas se présenter à leur renvoi était le motif pour lequel ces derniers étaient détenus. Elle a conclu de la façon suivante au paragraphe 67 :

[traduction]

S’ils n’ont pas droit à l’asile pour ce motif, le souci de veiller à ce qu’ils se présentent à leur renvoi est conforme à l’objectif énoncé à l’alinéa 3(2)h) de la LIPR qui est « de promouvoir à l’échelle internationale, la sécurité et la justice par l’interdiction du territoire aux personnes et demandeurs d’asile qui sont de grands criminels ou constituent un danger pour la sécurité ». Ce critère milite en faveur de la détention.

[21]           Lorsqu’elle a analysé le plan de mise en liberté conformément au facteur b) de l’article 248, la commissaire a ensuite résumé les éléments essentiels que les demandeurs se procureraient : (i) services de surveillance électronique; (ii) surveillance vidéo de l’extérieur de la résidence et iii) un système d’alarme surveillé par une société appelée Investigative Solutions Network Inc. [ISN]. Cette société devait fournir deux gardes de sécurité qui accompagneraient les demandeurs au cours de leurs sorties. Il y avait également le consentement donné par les demandeurs à l’emploi de la force physique et une caution personnelle de 10 000 $ déposée par le PDG de ISN.

[22]           La commissaire a raisonné de la façon suivante :

[traduction]

[69]      Je ne pense pas que cette solution de rechange à la détention garantisse vraiment que M. Wang et Mme Yan vont se présenter à leur renvoi comme il leur est demandé. Pour être claire, la personne qui veut se présenter au renvoi doit prendre un certain nombre de mesures. Elle doit s’organiser pour se rendre à l’aéroport, y arriver à temps pour enregistrer ses bagages, confirmer son départ auprès de l’ASFC et prendre le vol prévu. Elle doit embarquer dans l’avion sans incident. Il n’y a comparution au renvoi que si toutes ces mesures sont prises correctement. Elle exige de la bonne foi de la part de la personne qui est renvoyée.

[23]           L’analyse se poursuit en s’attachant à la notion de caution :

[traduction]

[70]      C’est la raison pour laquelle la caution constitue une solution de rechange efficace à la détention. La caution incite en fait ela personne cautionnée à agir de bonne foi. Lorsqu’une personne qui a établi des liens étroits et de confiance avec la personne cautionnée effectue un dépôt important ou accorde une garantie importante, la personne cautionnée souhaite ne pas compromettre cette relation, elle ne veut pas tromper la confiance que la caution a placée en elle et elle ne souhaite pas que la caution subisse une lourde perte financière. Même si la personne cautionnée ne souhaite pas quitter le Canada, la caution peut en fait l’inciter à préférer se présenter pour le renvoi.

[71]      M. Wang et Mme Yan n’ont aucunement le désir d’agir de bonne foi pour tous les motifs que j’ai exposés plus haut. Aucun aspect de la solution de rechange proposée ne modifie leur motivation. Le cautionnement de 10 000 $ que leur accorde M. Wretham n’a aucune importance pour eux. Ils n’ont pas avec cette personne une relation personnelle qui les inciterait à respecter les conditions.

[24]           La commissaire a ensuite conclu que la surveillance électronique, la surveillance par caméra à l’extérieur et les déclencheurs d’alarme sur les portes et les fenêtres constituaient [traduction] « un moyen passif de suivre et d’observer leurs déplacements » en particulier, à la lumière de l’irrespect manifesté par les demandeurs à l’égard de la loi et des intentions suicidaires de Mme Yan (celle-ci avait déclaré qu’elle préférerait se suicider que de retourner en Chine).

[25]           Enfin, la commissaire n’aimait pas beaucoup l’idée que le consentement à l’emploi de la force puisse être retiré. L’avocat des demandeurs a suggéré de prévoir une condition interdisant le retrait du consentement, en l’assimilant à une violation, mais la commissaire a estimé qu’il était tout à fait inapproprié d’interdire à une personne de décider qu’elle ne voulait plus être physiquement contrôlée; ainsi, le consentement à l’emploi de la force n’avait aucun effet réel.

IV.             Remarques préliminaires

Caractère théorique de l’instance

[26]           À la fin de l’audience, le défendeur a déclaré que, si la décision n’était pas rendue avant le 12 mai 2015, la demande serait théorique, compte tenu de la date du prochain contrôle de la détention. Il semble toutefois généralement admis que la Cour puisse exercer son pouvoir discrétionnaire qui l’autorise à examiner et à se prononcer sur une demande même si elle risque de devenir théorique.

[27]           Le défendeur mentionne un arrêt récent de la Cour d’appel fédérale, Sherman c Pfizer Canada Inc, 2015 CAF 107 [Sherman], qui traitait de la question du pouvoir discrétionnaire d’entendre l’appel d’une décision d’un protonotaire malgré son caractère théorique. Il est clair que l’approche correcte consiste à examiner chacun des facteurs énumérés par la Cour suprême du Canada dans Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342 [Borowski] (voir les paragraphes 7 et 15 de la décision Sherman, précitée). Cela fait écho à la toute récente décision du juge Mosley dans l’affaire Kippax c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 429 :

[7]        La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision du 19 décembre 2013 touchant le contrôle des motifs de détention. Depuis lors, il y a eu plusieurs autres contrôles des motifs de détention et ordonnances de maintien en détention. La question est par conséquent devenue purement théorique étant donné que la décision visée par la demande de contrôle judiciaire est désormais caduque. Les parties ont toutefois convenu que la Cour devrait, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, statuer sur la demande, puisqu’il est peu probable que le demandeur soit expulsé dans un proche avenir et que les questions soulevées dans le cadre de la présente demande continueront de se poser dans le cas des prochains contrôles de détention. Pour parvenir à la conclusion que je devrais effectivement instruire la présente affaire malgré son caractère désormais théorique, je me suis référé aux principes dégagés dans l’arrêt Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342, à la page 353. [Non souligné dans l’original.]

[28]           En l’espèce, la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire malgré le caractère théorique de la demande. Les questions soulevées continueront à se poser au cours des contrôles de détention subséquents, en particulier à la lumière du plan de mise en liberté, qui n’a subi que des modifications très mineures, tant avant qu’après la nouvelle décision prise dans ce dossier par le juge Phelan. En outre, la question de la prise en compte de la « probabilité de se présenter à une audience » semble ne pas avoir été tranchée puisque la commissaire qui a rendu la décision contestée a expressément rejeté la directive du juge Phelan. Néanmoins, on trouvera une analyse plus critique de la question, dans une affaire dans laquelle les deux parties ne s’entendaient pas au sujet du caractère théorique de la demande, dans le contexte d’un contrôle de la détention, dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B046, 2011 CF 877, au paragraphe 24, et une application détaillée des facteurs énoncés dans Borowski dans un contexte d’immigration, dans Alfred c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1134, au paragraphe 19.

La décision du juge Phelan et la courtoisie judiciaire

[29]           À l’audience, il est apparu clairement que les demandeurs sollicitaient le contrôle judiciaire en soulevant des questions qui avaient déjà été abordées au cours de leur demande de contrôle judiciaire précédente, celle dont était saisi le juge Phelan. Il a été convenu qu’il fallait respecter le principe de la courtoisie judiciaire, mais que la décision du juge Phelan n’était pas un verdict imposé (Ali c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 3 CF 73; Xie c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 286, au paragraphe 18).

[30]           Les demandeurs soutiennent qu’aucune preuve nouvelle n’a été présentée à l’audience relative au nouvel examen de la décision, si ce n’est que des preuves documentaires ont été versées au dossier. À l’audience que je préside, ils ont admis que le plan de mise en liberté proposé avait été légèrement modifié. Les demandeurs affirment donc que je devrais faire droit à leur demande en me fondant tout simplement sur les motifs du juge Phelan.

[31]           De son côté, le défendeur soutient que c’est une demande de contrôle judiciaire nouvelle et que je devrais m’attacher uniquement à « la justification, la transparence et l’intelligibilité » de la décision.

[32]           Pour ce qui est de la notion de la courtoisie judiciaire, le juge Martineau a récemment examiné dans Alyafi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 952, le but du principe et a recensé certaines décisions qui en ont précisé le sens :

[traduction]

[45]           Je me répète : le principe de courtoisie judiciaire vise donc à empêcher la création de courants jurisprudentiels opposés et à encourager la certitude du droit. De façon générale, un juge devrait donc suivre une décision sur la même question d’un de ses collègues, à moins que la décision précédente se distingue sur les faits, qu’une question différente se pose, que la décision soit manifestement erronée ou que l’application de la décision créerait une injustice. La courtoisie judiciaire exige une bonne part d’humilité et de respect mutuel. Si la primauté du droit ne tolère pas l’arbitraire, la courtoisie judiciaire, sa fidèle compagne, s’en remet à la raison et au bon jugement de chacun. À défaut d’un jugement final du plus haut tribunal, le respect de l’opinion d’autrui peut être d’une merveilleuse éloquence. Bref, la courtoisie judiciaire c’est l’élégance incarnée dans la personne du magistrat respectueux de la valeur des précédents. [Non souligné dans l’original.]

[33]           Au paragraphe 15 de la décision Alfred c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1134, la Cour cite Hansard Spruce Mills Ltd., Re, [1954] BCJ no 136, l’arrêt de principe cité dans l’affaire Ziyadah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 4 FCR 152, conf. par [2000] ACF no 1073, dans laquelle le juge Pelletier devait appliquer une affaire rendue par sa propre Cour et à l’égard de laquelle il n’était pas possible de faire une distinction en fonction des faits, celui‑ci a déclaré « eussé‑je jugé moi‑même cette affaire en première instance, je ne serai peut‑être pas parvenu à la même conclusion que mon distingué collègue » (au paragraphe 6). Ce commentaire du juge Pelletier a été implicitement approuvé par la Cour d’appel fédérale et le juge Pelletier a adopté l’approche exposée par le juge Wilson dans Hansard Spruce Mills Ltd., dans laquelle celui-ci énumérait les circonstances dans lesquelles un juge de première instance pouvait écarter la décision d’un collègue pour ce qui est de la courtoisie judiciaire :

[traduction]

Mais, ainsi que je l’ai fait remarquer dans l’affaire Cairney, je pense que le pouvoir, ou plutôt l’obligation discrétionnaire du juge de première instance, est plus limité. La Cour d’appel, en revenant sur sa propre jurisprudence dans Bell c Klein, a tranché le point de droit. Mais je n’ai nullement le pouvoir d’infirmer le jugement d’un collègue, je ne peux que tirer des conclusions différentes, ce qui aurait pour effet non pas d’assurer la certitude, mais de créer une incertitude dans les règles de droit, parce que, à la suite d’une telle divergence d’opinions, le malheureux justiciable se trouve aux prises avec des conclusions contradictoires émanant de la même juridiction ayant donc la même force. Cet état de choses ne peut exister en Cour d’appel.

Pour récapituler, donc l’observation que j’ai déjà faite dans Cairney, je ne rendrais une conclusion qui contredise le jugement d’un autre juge du siège que dans les cas suivants :

a) Des décisions subséquentes ont remis en question la validité du jugement en question;

b) Il y a la preuve que la force obligatoire de la jurisprudence ou de la loi applicable n’a pas été prise en considération;

c) Le jugement a été rendu sans délibérer, c’est‑à‑dire qu’il s’agit d’un jugement nisi prius rendu dans les circonstances bien connues de tous les juges de première instance, là où les exigences du procès sont telles que le juge doit rendre immédiatement sa décision sans avoir le temps de consulter la jurisprudence.

Sauf les cas ci‑dessus, je pense que le juge de première instance doit se conformer aux décisions antérieures de ses collègues.

V.                Les questions en litige et la norme de contrôle

[34]           Les demandeurs proposent que les questions suivantes soient examinées :

1.                  La commissaire a‑t‑elle commis une erreur en tenant uniquement compte de la probabilité qu’ils se présentent à leur renvoi et non pas de la probabilité qu’ils se présentent à la continuation des audiences sur la demande d’asile?

2.                  La commissaire a‑t‑elle commis une erreur en n’examinant pas de façon appropriée les solutions de rechange à la détention proposées par les demandeurs?

[35]           Les deux parties ont admis que la norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable, soit la même qui a été appliquée dans la demande de contrôle judiciaire précédente qui soulevait les mêmes questions (Wang, au paragraphe 15).

[36]           Il s’agit de questions mixtes de fait et de droit auxquelles est applicable la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick (Conseil de gestion), 2008 CSC 9).

[37]           Étant donné que la commissaire a commis une erreur fatale sur la première question soulevée qui entraîne l’annulation de sa décision, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si la commissaire a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a apprécié le plan de mise en liberté; et je ne vois aucune raison d’écarter les motifs du juge Phelan pour ce qui est de la première question.

[38]           Quant à la seconde question soulevée par les demandeurs, la SI devra à nouveau apprécier la solution de rechange à la détention proposée (étape 2 de l’analyse prévue au paragraphe 16 ci‑dessus), à la lumière de ses conclusions au sujet du risque de fuite (étape 1 de l’analyse prévue aux paragraphes 14 et 15 ci‑dessus).

VI.             Analyse

Probabilité qu’ils se présentent à la prochaine instance d’immigration selon l’alinéa 58(1)b) de la Loi et l’article 248 du Règlement

[39]           Les demandeurs soutiennent que la commissaire a commis une erreur parce qu’elle n’a fait aucune constatation concernant l’intérêt soutenu qu’avaient les demandeurs de comparaître aux audiences relatives à leurs demandes d’asile. Si le ministre n’obtient pas gain de cause sur la question de l’exclusion, les demandeurs pourront alors par la suite faire examiner leur demande d’asile quant à son bien-fondé. Par la suite, s’ils n’obtiennent pas gain de cause à l’égard de cette demande, les demandeurs auront le droit d’interjeter appel devant la Section d’appel des réfugiés. À titre subsidiaire, si l’exclusion était prononcée, les demandeurs auraient le droit de demander une évaluation des risques avant renvoi. Les demandeurs soutiennent que la commissaire [traduction] « n’a pas suivi la directive claire du juge Phelan qui l’invitait à examiner la probabilité que les demandeurs comparaissent aux audiences relatives à leurs demandes d’asile ».

[40]           Le défendeur affirme que les demandeurs ont admis la question du risque de fuite à l’audience relative au contrôle de la détention et ne peuvent donc soulever maintenant cette question dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[41]           Dans leur réponse, les demandeurs soutiennent que cet argument ne prend pas en considération le fait que, lorsqu’un tribunal administratif déclare qu’une personne constitue un risque de fuite, la loi et la jurisprudence obligent le commissaire à examiner s’il n’y a pas de solution de rechange à la détention susceptible d’atténuer ce risque. Par exemple, si le risque de fuite est relié à la présence à l’audience sur la demande d’asile, alors le commissaire doit décider si le plan proposé garantira la présence des intéressés à l’audience. Bref, « logiquement, lorsque le tribunal administratif examine la question de savoir si la solution de rechange proposée est raisonnable, il doit également prendre en compte les audiences auxquelles le demandeur est tenu de comparaître »; les demandeurs invoquent Wang, aux paragraphes 17 à 19 et 23 et 24; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B157 [B157], 2010 CF 1314, aux paragraphes 44 et 45; et Sittampalam c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 1118, au paragraphe 22.

[42]           Par conséquent, les demandeurs soutiennent que l’erreur commise dans la première partie de l’analyse joue un rôle essentiel parce qu’elle a également influencé la décision de la commissaire sur la question de savoir si la solution de rechange à la détention proposée était adéquate. La commissaire était tenue de déterminer si le plan de mise en liberté pouvait garantir la comparution des demandeurs non pas simplement à leur renvoi, mais également à leurs audiences sur la demande d’asile.

[43]           Je souscris aux arguments des demandeurs.

[44]           Premièrement, je ne suis pas pleinement convaincue que les demandeurs aient vraiment fait une « véritable admission » dans le sens que donne à cette expression le défendeur et comme l’affirme la commissaire. Aux pages 98 à 100 du compte rendu de l’audience, l’avocat des demandeurs a expliqué pourquoi il ne présenterait pas d’observations au sujet du risque de fuite. La commissaire a alors déclaré ce qui suit (Dossier des demandeurs à la page 99) :

[traduction]

[…] [J]e veux simplement que vous sachiez que je […] Je suis tenue d’effectuer une analyse approfondie pour me prononcer en faveur de la détention ou de la mise en liberté.

[…]

[…] Je ne dis pas que vous devriez présenter des observations au sujet du risque de fuite ou que vous ne devriez pas le faire, je tiens simplement à vous préciser très clairement que c’est un aspect que la loi m’oblige à examiner pour prendre ma décision globale et pour qu’il n’y ait pas de malentendu au sujet de ce que nous faisons aujourd’hui, je vous précise qu’il s’agit du contrôle des motifs de la détention.

[45]           Ce passage a eu des répercussions sur la décision contestée. Si la commissaire est tenue par la loi d’examiner la question du risque de fuite et si la commissaire doit tenir compte d’un aspect précis, à savoir que les demandeurs participent à une série d’audiences sur la demande d’asile, elle était tenue d’expliquer pourquoi elle avait estimé qu’ils n’étaient pas très intéressés par ces audiences et que cela devait influencer son appréciation du risque de fuite. Admission ou non, la commissaire a expressément déclaré qu’elle allait effectuer une analyse approfondie du risque de fuite et les demandeurs pouvaient raisonnablement s’attendre à ce qu’elle le fasse.

[46]           La transcription fait état d’une discussion au sujet de la décision du juge Phelan et des erreurs commises par la commissaire précédente; l’affaire B157 est mentionnée (Dossier des demandeurs à la page 64). Les motifs ne montrent pas que la commissaire ait pris en compte de façon intelligible la jurisprudence :

[traduction]

[15]      M. Wang et Mme Yan ont invoqué les décisions de la Cour fédérale dans les affaires Canada (Citoyenneté et Immigration) c B157 et (Citoyenneté et Immigration) c B188 (cette dernière ayant appliqué B157). Dans B157, la Cour a précisé que « le commissaire n’a pas à examiner chacune des instances procédurales qui sont mentionnées [58(1)b)], mais qu’il suffit plutôt qu’il examine celle qui est pertinente dans les circonstances ». D’après ces décisions, l’alinéa 58(1)b) ne vise pas les audiences sur les demandes d’asile.

[16]      M. Wang et Mme Yan font l’objet de mesures de renvoi et j’ai par conséquent examiné la question de savoir s’ils risquent de soustraire à leur renvoi du Canada. [Non souligné dans l’original.]

[47]           J’estime qu’il est déraisonnable que la commissaire n’ait pas expliqué pourquoi les audiences sur la demande d’asile des demandeurs n’étaient pas un fait qui touchait leur situation, en particulier à la lumière de sa conclusion de fait et du fait qu’elle ait reconnu que les demandeurs faisaient l’objet de mesures de renvoi conditionnelles; cela ne semble pas très logique. La commissaire cite ensuite le paragraphe 44 de la décision B157, mais dans le paragraphe suivant, elle déclare que [traduction] «  le commissaire avait de bonnes raisons de centrer son examen sur la prochaine instance d’immigration plutôt que sur le renvoi »; en l’espèce, la commissaire n’a pas expliqué pourquoi il n’existait pas de bonnes raisons de prendre en compte la « prochaine instance d’immigration », à savoir l’audience sur la demande d’asile.

[48]           Je note également qu’il existe une similarité remarquable entre le paragraphe contesté devant le juge Phelan (Wang, au paragraphe 20) et celui qui est soumis à la Cour. On peut se demander, en se fondant sur le dossier présenté, si la jurisprudence a vraiment été prise en compte.

[49]           Si la nature du risque de fuite varie selon les faits et les circonstances de l’affaire, il comprend logiquement le genre d’instance auquel le demandeur est tenu de se présenter. Les audiences de la SPR en cours constituaient un aspect important de la situation des demandeurs détenus, y compris l’historique de leur détention. La commissaire l’a reconnu. Elle pouvait fort bien conclure qu’en l’espèce, cette audience n’avait qu’une importance mineure compte tenu des autres faits et circonstances propres aux demandeurs dans leur appréciation des risques (p. ex. leur manque de respect pour la loi); mais elle était tenue d’au moins prendre cet aspect en compte dans son analyse. J’estime que son défaut de prendre en compte les audiences devant la SPR, à la fois pour apprécier le risque de fuite ainsi que les solutions de rechange à la détention susceptibles d’atténuer ce risque, dans les différentes parties de son analyse légale, est fatal.

VII.          Conclusion

[50]           Pour les motifs qui précèdent, je déclare qu’il y a lieu de faire droit à la demande et de renvoyer l’affaire pour nouvelle décision devant un autre commissaire de la SI.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  Il est fait droit à la demande de contrôle judiciaire et le dossier est renvoyé à un autre commissaire de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et de la protection des réfugiés pour qu’il rende une nouvelle décision;

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Jocelyne Gagné »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1655-15

 

INTITULÉ :

ZHENHUA WANG et CHUNXIANG YAN c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 6 mai 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

lA juge GAGNÉ

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

le 8 juin 2015

 

COMPARUTIONS :

Me Lorne Waldman

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Brad Gotkin

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

WALDMAN & ASSOCIATES

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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