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Date : 20150604


Dossier : IMM-7630-14

Référence : 2015 CF 711

Montréal (Québec), le 4 juin 2015

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

VASHECA SHAMIR WILSON

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], qui vise la décision du 2 octobre 2014 par laquelle la Section de la protection des réfugiés a déclaré que Mme Vasheca Shamir Wilson [la demanderesse] n’a pas la qualité de « réfugiée au sens de la Convention », ni de « personne à protéger » et a par conséquent rejeté sa demande. La demanderesse demande à la Cour de casser la décision et de renvoyer l’affaire devant un panel différemment constitué.

[2]               Suite à la lecture du dossier des parties et ayant considéré leurs représentations orales et écrites, la présente demande de révision judiciaire sera rejetée pour les raisons exposées ci-dessous.

I.                   Le contexte

[3]               La demanderesse est citoyenne de St-Vincent-et-les-Grenadines.

[4]               Le 8 avril 2010, la demanderesse a été agressée et violée par un employé de la ferme familiale, et meilleur ami de sa mère, qui l’a au surplus menacée de mort si elle allait se plaindre à la police. Elle a rapporté cet évènement à sa mère qui ne l’a pas crue. La demanderesse a par la suite séjourné pendant environ un mois dans une institution psychiatrique en raison d’une condition dépressive et en est ressortie le 5 septembre 2010. Le 27 octobre 2010, la demanderesse a tenté de s’empoisonner et c’est alors que sa mère a cru qu’elle avait été violée par l’employé de la ferme. En avril 2012, la demanderesse est partie rejoindre sa sœur au Canada. Elle est arrivée le 17 avril 2012 et a demandé l’asile peu de temps après son arrivée.

[5]               Le 23 avril 2013, la demanderesse a été admise à l’Hôpital général juif de Montréal pour recevoir des soins psychiatriques et en est ressortie le 14 juin 2013. Au moment de l’audition devant la SPR, la demanderesse était suivie en psychiatrie sur une base mensuelle, la demanderesse souffrant de schizophrénie psychotique.

[6]               En date du 2 octobre 2014, la SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse, les questions déterminantes étant le délai pour quitter son pays et la protection de l’État de Saint-Vincent-et-les-Grenadines.

II.                Questions en litige

[7]               Selon la demanderesse, le commissaire de la SPR a commis les erreurs suivantes :

1.      La SPR a tiré des conclusions déraisonnables quant à la capacité de protection de l’État de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, eu égard aux circonstances du dossier en l’espère; et

2.      La SPR a tiré des conclusions déraisonnables quant au  risque encouru par la demanderesse advenant un retour à Saint-Vincent-et-les-Grenadines eu égard aux circonstances du dossier en l’espèce.

III.             Norme de contrôle

[8]               Les argumentations du demandeur soulèvent des questions de fait ainsi que des questions mixtes de fait et de droit, conséquemment, la norme de la décision raisonnable s’applique (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 (CanLII)).

IV.             Analyse

[9]               La SPR a noté que si la demanderesse craignait toujours son agresseur, elle aurait quitté Saint-Vincent-et-les-Grenadines. La demanderesse indique qu’elle a justifié de façon raisonnable le délai avant son départ par le fait qu’elle soutenait financièrement sa mère et d’autres membres de sa famille. La SPR devait prendre en compte la situation particulière de la demanderesse qui a été agressée et violée, hospitalisée en psychiatrie et qui est donc fragilisée. Elle ne bénéficiait d’aucun soutien puisque sa mère ne la croyait pas.

[10]           La demanderesse souligne que son agresseur est toujours en liberté et pourrait à nouveau poser les mêmes actes envers elle. De plus, ce dernier l’a menacée de mort si elle déposait une plainte à la police. Si la demanderesse devait retourner à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, elle verrait cet individu tous les jours du fait du lien qui l’unit à sa mère.

[11]           La demanderesse soutient qu’elle n’a pas demandé la protection de l’État puisque son agresseur l’avait menacée de mort si elle le faisait. Elle soutient aussi que la SPR a procédé à une lecture rapide et ciblée de la preuve documentaire sur la situation du pays. En effet, la preuve documentaire démontre que l’État de Saint-Vincent-et-les-Grenadines ne peut assurer une protection adéquate et efficace aux femmes victimes de violence.

[12]           Je suis d’avis qu’il était raisonnable pour la SPR de conclure en l’espèce que la demanderesse n’avait pas une crainte actuelle objective de persécution pour les divers motifs indiqués dans la décision contestée. Ces motifs sont transparents et intelligibles. Le raisonnement de la SPR est rationnel et fondé en droit, et démontre que le commissaire a évalué la crainte de manière prospective.

[13]           En l’espèce, la conclusion d’une absence de crainte objective de violence dans le futur n’est pas hypothétique et repose sur les éléments de preuve versés au dossier. Après tout, il n’y a eu aucune menace ou aucun incident de persécution pendant plus de deux ans après l’agression de 2010. La preuve concernant la protection de l’État démontre que Saint-Vincent-et-les-Grenadines fait face à d’importantes lacunes en ce qui a trait à la protection des femmes, telles que décrites par le commissaire, mais cette preuve est toutefois de nature mixte. Je ne trouve pas d’erreurs méritant l’intervention de la Cour, qui ne devrait pas réévaluer la preuve. Tout en tenant compte de la fragilité de la demanderesse, je suis d’avis qu’il était également raisonnable pour la SPR de juger qu’elle n’avait pas déployé suffisamment d’efforts pour chercher à obtenir la protection des autorités policières. Compte tenu de ces conclusions, il n’est pas nécessaire d’aborder les autres arguments avancés par les parties.

[14]           La requête est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question n’est certifiée.

« Peter Annis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-7630-14

INTITULÉ :

VASHECA SHAMIR WILSON c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 juin 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 juin 2015

 

COMPARUTIONS :

Sabine Venturelli

 

pour lA PARTIe demandeRESSE

Anne-Renée Touchette

 

pour lA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sabine Venturelli

Montréal (Québec)

 

pour lA PARTIe demandeRESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

pour lA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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