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Date : 20150603


Dossier : IMM-7850-14

Référence : 2015 CF 701

Montréal (Québec), le 3 juin 2015

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

BALEMA NEBIE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] à l’encontre d’une décision par laquelle un agent d’examen des risques avant renvoi [ERAR] a conclu que le demandeur ne serait pas exposé à un risque de persécution ou de torture, à une menace à sa vie ou à un risque de traitement ou de peines cruels ou inusités advenant son retour au Burkina Faso.

II.                Faits

[2]               Le demandeur est un citoyen du Burkina Faso âgé de 43 ans. Il est séropositif.

[3]               Suite à l’obtention d’un visa auprès des autorités canadiennes à Abidjan, en Côte d’Ivoire, le demandeur est arrivé au Canada le 28 novembre 2009 et y a réclamé l’asile peu de temps après.

[4]               À l’appui de sa demande d’asile, le demandeur a allégué les faits suivants.

[5]               Le 13 décembre 2008, à l’occasion de l’anniversaire du défunt journaliste Norbert Zongo, le demandeur, qui travaillait comme chauffeur de taxi, a été arrêté par la police qui croyait à tort que le demandeur participait à une manifestation étudiante illégale. Le demandeur a été détenu pour une période de quatre mois durant laquelle il a été torturé et profondément humilié. Suite à son évasion de prison en avril 2009, le demandeur a fui le Burkina Faso pour le Canada. La conjointe du demandeur l’aurait informé qu’une semaine après son évasion de prison, les autorités burkinabaises étaient à sa recherche à son domicile (Décision de la SPR, Dossier du demandeur, aux pp 45 à 52).

[6]               Le 19 mars 2013, la Section de la protection des réfugiés [SPR] a rejeté la demande d’asile du demandeur. Bien que la SPR ait trouvé le demandeur crédible, elle a conclu que le demandeur n’a pas démontré qu’il était persécuté et que le demandeur bénéficiait d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] dans son village natal de Koualio.

[7]               Le 15 juillet 2013, la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire déposée par le demandeur à l’encontre de cette décision.

[8]               Le 11 mars 2014, le demandeur a déposé une demande de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire, laquelle a été refusée le 18 septembre 2014. Cette demande fait l’objet d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire dans le dossier IMM‑7852‑14.

[9]               Le 12 juin 2014, le demandeur a déposé une demande d’ERAR en vertu du paragraphe 112(1) de la LIPR. Cette demande a été rejetée le 18 septembre 2014 et fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

III.             Décision contestée

[10]           Dans son évaluation, l’agent d’ERAR considère les nouveaux éléments de preuve soumis par le demandeur à l’appui de sa demande d’ERAR :

         Documentation qui démontre que le demandeur est séropositif et qu’il reçoit des traitements;

         Articles et rapports qui traitent des conditions du pays au Burkina Faso;

         Lettre de M. Gilles Barette, directeur du Centre Afrika, datée du 29 octobre 2013.

(Décision d’ERAR, Dossier certifié du Tribunal, à la p 7)

[11]           D’abord, l’agent prend connaissance des conclusions de la SPR et des risques invoqués par le demandeur, tels que l’instabilité politique et le manque d’accès aux soins de santé pouvant traiter le VIH au Burkina Faso.

[12]           Entre autres, l’agent d’ERAR constate que le demandeur n’a pas établi que les autorités burkinabaises étaient à sa recherche depuis avril 2009 et qu’il serait visé par les articles 96 et 97 de la LIPR.

[13]           L’agent d’ERAR reconnait que le demandeur est séropositif. L’agent prend également connaissance de l’argument du demandeur concernant l’absence d’accès aux soins de santé pour traiter le VIH dans son village natal de Koualio, situé à 140 km de la capitale burkinabaise.

[14]           Or, l’agent conclut que la preuve relative au manque de soins de santé offerts pour traiter le VIH doit être écartée conformément au sous-alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR, qui prévoit que la menace ou le risque invoqué dans une demande d’ERAR ne doit pas résulter de l’incapacité d’un État à fournir des soins de santé adéquats.

[15]           Ensuite, l’agent procède à l’analyse de la preuve documentaire déposée par le demandeur. L’agent considère d’une part que les preuves ayant trait aux conditions générales du pays ne démontrent pas que le demandeur est exposé à un risque personnalisé au Burkina Faso. De plus, l’agent constate que la preuve ne permet pas de démontrer que le demandeur serait encore recherché par les autorités pour les événements allégués, qui ont eu lieu entre 2008 et 2009.

[16]           Par la suite, l’agent considère la lettre de M. Gilles Barette, directeur du Centre Afrika et conclut que cette lettre n’a aucune valeur probante. L’agent constate que l’auteur de la lettre habite au Canada et n’a pas été témoin des menaces proférées à l’encontre du demandeur, et qu’il n’indique pas les sources des informations relatées.

[17]           Finalement, l’agent d’ERAR conclut que le demandeur n’a pas démontré qu’il est exposé à un risque personnalisé ou que sa situation personnelle diffère de celle des autres habitants du Burkina Faso.

IV.             Cadre législatif

[18]           Les dispositions pertinentes de la LIPR relatives à une demande d’ERAR sont les suivantes :

Demande de protection

Application for protection

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

Examen de la demande

Consideration for application

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3) — sauf celui visé au sous-alinéa e)(i) ou (ii) —, sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3) — other than one described in subparagraph (e)(i) or (ii) — consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

     (i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

      (i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

     (ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada;

      (ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada; and

e) s’agissant des demandeurs ci-après, sur la base des articles 96 à 98 et, selon le cas, du sous-alinéa d)(i) ou (ii) :

(e) in the case of the following applicants, consideration shall be on the basis of sections 96 to 98 and subparagraph (d)(i) or (ii), as the case may be:

     (i) celui qui est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada pour une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans et pour laquelle soit un emprisonnement de moins de deux ans a été infligé, soit aucune peine d’emprisonnement n’a été imposée,

      (i) an applicant who is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction in Canada punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years for which a term of imprisonment of less than two years — or no term of imprisonment — was imposed, and

     (ii) celui qui est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans, sauf s’il a été conclu qu’il est visé à la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés.

      (ii) an applicant who is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, unless they are found to be a person referred to in section F of Article 1 of the Refugee Convention.

V.                Questions en litige

[19]           Le demandeur soulève trois questions en litige devant la Cour, reproduites ci-dessous :

1.      L’agent a-t-il erré en droit en ne considérant pas la condition médicale du demandeur dans son ERAR, notamment quant à la présumée possibilité de refuge interne?

2.      L’agent a-t-il erré en droit dans son analyse de la preuve personnelle et documentaire?

3.      La décision de l’agent d’immigration respecte-t-elle les garanties fondamentales protégées par la Charte canadienne et par le droit international, notamment la Convention contre la torture?

[20]           La Cour considère que la question en litige suivante est déterminante en l’espèce : La décision de l’agent d’ERAR est-elle raisonnable eu égard à l’ensemble de la preuve?

VI.             Arguments des parties

A.                Arguments du demandeur

[21]           Le demandeur soulève trois motifs à l’appui de sa demande.

[22]           D’abord, le demandeur allègue que l’agent a erré en omettant de considérer la preuve médicale du demandeur. Le demandeur affirme que sa séropositivité est décisive à sa demande d’ERAR et intimement liée à l’impossibilité de refuge interne au lieu proposé par la SPR, qui est situé en zone rurale. Le demandeur allègue, d’une part, qu’il risque d’être persécuté à l’endroit de la PRI envisagée en raison de sa séropositivité et que, d’autre part, l’accès aux soins de santé pour les individus atteints du VIH au Burkina Faso, surtout en milieu rural, est minime, voire inexistant.

[23]           Ensuite, le demandeur allègue que l’agent a omis de considérer l’ensemble de la preuve documentaire, incluant celle relative aux conditions existantes au Burkina Faso. Le demandeur allègue que l’analyse de l’agent est incomplète et ne tient pas compte des lignes directrices établies par le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés du UNHCR.

[24]           De plus, le demandeur soutient qu’il était déraisonnable pour l’agent de rejeter la lettre de M. Gilles Barette pour le motif que celui-ci habite au Canada. Le demandeur souligne que ses expériences de détention, de torture et d’évasion de prison ont été reconnues par la SPR et que l’opinion de M. Barette, dont l’expérience personnelle au Burkina Faso est pertinente afin d’éclairer la situation du demandeur quant à l’éventualité de son renvoi, méritait d’être étudiée de façon plus approfondie.

[25]           En outre, le demandeur allègue que le renvoi du demandeur vers le Burkina Faso ne respecte pas les garanties fondamentales protégées par les articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi que les obligations du Canada en vertu des normes de droit international telles que codifiées dans la Convention de Genève, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

[26]           De façon subsidiaire, le demandeur argumente que le demandeur est visé par le paragraphe 108(4) de la LIPR, qui prévoit que le demandeur peut se prévaloir du statut de réfugié s’il démontre qu’il a des « raisons impérieuses » de refuser de se réclamer de la protection du Burkina Faso. Le demandeur considère que la torture qu’il a vécue durant quatre mois de détention arbitraire et le fait qu’il soit affaibli par sa condition médicale, favorisent la reconnaissance de raisons impérieuses dans les circonstances.

B.                 Arguments du défendeur

[27]           De sa part, le défendeur soutient que la conclusion de l’agent d’ERAR, selon laquelle le demandeur est visé par le sous-alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR, est conforme à la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale (Spooner c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 870 aux para 10 à 34 [Spooner]). Le défendeur souligne que le demandeur n’a pas prouvé le manque d’accès aux soins de santé au Burkina Faso. C’est à cette même conclusion qu’en est arrivé le juge André F.J. Scott, le 13 novembre 2013, afin de rejeter la demande de sursis judiciaire du demandeur dans le cadre d’une deuxième demande de report de renvoi déposée par le demandeur (dossier IMM‑7113‑13).

[28]           Quant aux autres éléments de preuve déposés par le demandeur à l’appui de sa demande d’ERAR, il était loisible à l’agent de les juger insuffisants afin de démontrer que le demandeur serait personnellement exposé à un risque advenant son retour au Burkina Faso. Entre autres, le défendeur souligne que le demandeur n’a soumis aucune preuve à l’appui de sa prétention qu’il serait discriminé par sa famille advenant son retour dans son village natal pour le motif de sa séropositivité; le demandeur ne peut donc reprocher à l’agent d’avoir omis cet argument. De plus, le demandeur n’a pas soumis de preuve à l’égard du risque allégué à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso.

[29]           En outre, le défendeur constate qu’il n’appartient pas à la Cour de substituer son opinion à celle de l’agent en ce qui concerne la valeur probante accordée aux éléments de preuve retenus par l’agent comme étant admissibles en vertu de l’alinéa 113a) de la LIPR (Mbaioremem c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2013 CF 791 aux para 26 à 29 [Mbaioremem]).

[30]           Par la suite, en s’appuyant sur la jurisprudence de cette Cour, le défendeur allègue que les arguments du demandeur relatifs à la Charte ne sont pas justifiés (Spooner, ci-dessus; Mbaioremem, ci-dessus).

[31]           En outre, le défendeur souligne que l’argument évoqué par le demandeur concernant les raisons impérieuses en vertu du paragraphe 108(4) de la LIPR est un nouvel argument qui ne peut être soulevé en réplique. De façon subsidiaire, le défendeur soutient que le paragraphe 108(4) de la LIPR ne s’applique pas en l’espèce puisqu’il n’est pas question de perte d’asile (B.R. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] ACF 337 aux para 30 et 31).

VII.          Norme de contrôle

[32]           La norme de contrôle applicable aux conclusions de fait et mixtes de fait et de droit examinées par l’agent d’ERAR est la norme de la décision raisonnable (Kovacs c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2010] ACF 1241 au para 46; Aleziri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2009] ACF No 52 au para 11).

[33]           La raisonnabilité d’une décision « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190 au para 47 [Dunsmuir]).

VIII.       Analyse

[34]           Un individu visé par une mesure de renvoi peut se prévaloir d’un ERAR en vertu du paragraphe 112(1) de la LIPR, conformément aux obligations nationales et internationales du Canada et au principe de non-refoulement (Figurado c Canada (Solliciteur général), [2005] ACF 458 au para 40 [Figurado]).

[35]           L’alinéa 113a) de la LIPR prévoit que dans le cadre d’un ERAR, un demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet.

[36]           Les limites imposées aux preuves recevables à cette étape reposent sur la logique selon laquelle l’ERAR n’est pas un appel d’une décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, ni un examen de novo d’une demande d’asile (Mikhno c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2010 CF 385 au para 23 [Mikhno]; Figurado, ci-dessus au para 52). Ce principe a été exposé par la Cour d’appel fédérale dans la décision Raza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2007] ACF 1632 aux para 12 à 15) :

[12] La demande d'ERAR présentée par un demandeur d'asile débouté ne constitue pas un appel ni un réexamen de la décision de la SPR de rejeter une demande d'asile. Néanmoins, une demande d'ERAR peut nécessiter l'examen de quelques-uns ou de la totalité des mêmes points de fait ou de droit qu'une demande d'asile. Dans de tels cas, il y a un risque évident de multiplication inutile, voire abusive, des recours. La LIPR atténue ce risque en limitant les preuves qui peuvent être présentées à l'agent d'ERAR. […]

[13] Selon son interprétation de l'alinéa 113a), cet alinéa repose sur l'idée que l'agent d'ERAR doit prendre acte de la décision de la SPR de rejeter la demande d'asile, à moins que des preuves nouvelles soient survenues depuis le rejet, qui auraient pu conduire la SPR à statuer autrement si elle en avait eu connaissance. L'alinéa 113a) pose plusieurs questions, certaines explicitement et d'autres implicitement, concernant les preuves nouvelles en question. […]

[14] Les quatre premières questions, qui concernent la crédibilité, la pertinence, la nouveauté et le caractère substantiel, résultent implicitement de l'objet de l'alinéa 113a), dans le régime de la LIPR se rapportant aux demandes d'asile et aux examens des risques avant renvoi. Les questions restantes sont posées explicitement par l'alinéa 113a).

[15] Je ne dis pas que les questions énumérées ci-dessus doivent être posées dans un ordre particulier, ou que l'agent d'ERAR doit dans tous les cas se poser chacune d'elles. L'important, c'est que l'agent d'ERAR considère toutes les preuves qui lui sont présentées, à moins qu'elles ne soient exclues pour l'un des motifs énoncés au paragraphe [13] ci-dessus.

[Je souligne.]

[37]           En l’espèce, il se dégage des motifs de l’agent d’ERAR et du dossier certifié que l’agent a considéré et soupesé l’ensemble de la preuve, incluant les nouveaux éléments de preuve déposés par le demandeur.

[38]           Particulièrement, l’agent a clairement énoncé les motifs appuyant sa décision d’accorder peu ou aucune force probante à certains éléments de preuve.

[39]           Entre autres, il était loisible à l’agent de conclure que le demandeur n’a pas démontré que le manque de soins de santé au Burkina Faso découlait d’un traitement discriminatoire ou était lié à de la persécution, ce qui aurait eu pour effet de l’exclure de l’application du sous-alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR. Il était également loisible à l’agent de conclure que la lettre de M. Gilles Barette n’avait aucune valeur probante à l’égard des risques allégués par le demandeur.

[40]           Bien que le demandeur soit en désaccord avec le poids accordé respectivement aux preuves soumises, cela ne rend pas pour autant la décision de l’agent déraisonnable. L’appréciation de la preuve probante des nouveaux éléments de preuve soumis par le demandeur relève de la spécialisation de l’agent d’ERAR. Dans cette vue, la Cour doit faire preuve de retenue envers les conclusions de l’agent à cet égard (Mikhno, ci-dessus au para 27).

[41]           Finalement, la Cour considère que la preuve au dossier ne permet pas de trancher les questions relatives à la Charte soulevées par le demandeur (Spooner, ci-dessus au para 29; Covarrubias c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] ACF No 1682 au para 60).

IX.             Conclusion

[42]           Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que la décision de l’agent est raisonnable, conformément aux principes élaborés par la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir, ci-dessus.

[43]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.

OBITER

Les arguments soumis à la Cour par le demandeur pourraient plutôt faire partie des soumissions possibles à l’égard des considérations humanitaires que de l’ERAR, et, également à l’égard d’un sursis de renvoi éventuel afin d’ajourner le renvoi pour conclure aux traitements médicaux courants suivis par le demandeur, en plus de la nécessité des médicaments essentiels à prendre suite à une preuve objective et subjective à l’appui.

 « Michel M.J. Shore »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7850-14

 

INTITULÉ :

BALEMA NEBIE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 juin 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 juin 2015

 

COMPARUTIONS :

Myriam Roy L’Écuyer

Anne Castagner

 

Pour le demandeur

 

Jocelyne Murphy

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Étude légale Stewart Istvanffy

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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