Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20150603


Dossier : IMM‑8210‑13

Référence : 2015 CF 705

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 juin 2015

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

SANDOR KOHAZI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur est un homme de 31 ans de la Hongrie qui craint de faire l’objet de discrimination et d’être persécuté dans ce pays du fait de son origine ethnique rom. Il est arrivé au Canada avec sa conjointe de fait et sa fille le 30 novembre 2011. Ils ont tous demandé l’asile au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi]. Leurs demandes ont d’abord été traitées ensemble. Toutefois, le demandeur a été accusé de voies de fait sur sa femme le 18 septembre 2013, après quoi l’avocat qui représentait la famille a demandé d’être retiré en tant qu’avocat inscrit au dossier et le nouvel avocat de la femme du demandeur a demandé que la demande de cette dernière et de sa fille soit dissociée de celle du demandeur. La Section de la protection des réfugiés [SPR] a approuvé les deux demandes le 21 octobre 2013, mais n’a pas fixé de nouvelle date pour l’audience du demandeur. Le demandeur n’est pas parvenu à obtenir les services d’un avocat avant son audience du 29 octobre 2013 et s’est donc présenté à la date fixée sans avocat.

[2]  Le 5 novembre 2013, la SPR a rejeté la demande de protection du demandeur après avoir conclu que la crainte de ce dernier n’était pas fondée. À titre subsidiaire, la SPR a appliqué le critère énoncé dans la décision Rasaratnam c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), [1992] 1 RCF 706, à la page 710, 140 NR 138, et a déterminé que Budapest constituait une possibilité de refuge intérieur [PRI] viable pour le demandeur.

[3]  Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire conformément au paragraphe 72(1) de la Loi et demande à la Cour d’annuler la décision défavorable et de renvoyer l’affaire à un autre commissaire de la SPR en vue d’un nouvel examen.

I.  L’audience devant la SPR a‑t‑elle été équitable?

[4]  Le demandeur soutient que le processus devant la SPR était inéquitable. Bien qu’il reconnaisse que la SPR n’est pas tenue de faire office d’avocat pour les demandeurs d’asile non représentés, il affirme qu’il avait tout de même droit à une audience équitable (citant Law c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1006, aux paragraphes 16 et 17 [Law]).

[5]  Dans son affidavit daté du 5 février 2014 et déposé dans le cadre du dossier de sa demande, le demandeur affirme, entre autres, que : la commissaire de la SPR n’a pas mentionné la possibilité de reporter l’audience pour qu’il puisse obtenir les services d’un avocat et s’est empressée de poursuivre l’audience après avoir décidé que celle‑ci aurait lieu; la commissaire de la SPR l’a interrompu lorsqu’il a tenté de lui expliquer que l’accusation de voies de fait qui pesait contre lui était fausse, lorsqu’il a commencé à raconter son histoire faisant état des raisons pour lesquelles il ne pouvait pas rester en Hongrie et lorsqu’il a tenté de parler d’incidents qui ne figuraient pas dans son exposé circonstancié; la commissaire de la SPR n’a jamais tenté d’obtenir des renseignements au sujet de ses multiples tentatives de se prévaloir de la protection de l’État ni au sujet des incidents qu’il a vécus alors qu’il habitait à Budapest. Le demandeur déclare également que le ton de la commissaire [traduction« était plutôt irrespectueux à [son] égard » et qu’au milieu de l’audience, il a [traduction] « eu l’impression que la commissaire semblait désintéressée par lui et avait déjà pris sa décision ».

[6]  Le demandeur a également déposé un autre affidavit daté du 13 janvier 2015 provenant d’une assistante juridique du cabinet de son avocat. Cette dernière affirme avoir écouté l’enregistrement audio de l’audience du demandeur deux fois, soit la première pour préparer la transcription qui a été incluse au dossier de la demande et la deuxième pour comparer l’enregistrement à la transcription contenue dans le dossier certifié du tribunal [DCT]. Elle déclare que le témoignage en hongrois du demandeur a été interrompu à quatre moments précis de l’audience par les interjections de la commissaire de la SPR. Ces passages n’ont donc pas été traduits dans la transcription figurant au DCT. Il est également mentionné dans cet autre affidavit que la réponse de la commissaire au demandeur lorsque ce dernier explique qu’il ne pouvait pas vivre à Budapest notamment parce que sa femme était encore aux études a été transcrite comme suit dans le DCT : [traduction« bien, elle n’est pas dans votre demande maintenant »; or, dans la transcription préparée par la déposante, le mot [traduction« demande » (claim) a été transcrit comme étant « avion » (plane). La déposante affirme qu’après maintes écoutes de cette partie de l’enregistrement, elle entend toujours la phrase [traduction] « bien, elle n’est pas dans votre avion maintenant ». Le demandeur affirme dans son affidavit qu’il a interprété cette phrase de la façon suivante : [traduction« quand je serai expulsé vers la Hongrie, ce sera seul ».

[7]  Le défendeur n’a formulé aucune objection à l’égard de l’un ou l’autre de ces affidavits déposés devant la Cour dans son mémoire supplémentaire (qui a été déposé après l’affidavit de l’assistante juridique daté du 13 janvier 2015); le défendeur n’a pas non plus soulevé un problème relativement à cette question durant les plaidoiries qui ont eu lieu dans le cadre de l’audience concernant cette affaire. À cet égard, le principe général veut qu’aux fins d’une demande de contrôle judiciaire, le dossier de preuve se limite à celui dont disposait le décideur (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, au paragraphe 19, 428 NR 297 [Association des universités]; Gaudet c Canada (PG), 2013 CAF 254, au paragraphe 4). Toutefois, il est parfois possible de produire de nouveaux éléments de preuve s’ils sont nécessaires pour établir un vice de procédure que ne révèle pas le dossier (Association des universités, au paragraphe 20).

[8]  Dans la mesure où ces affidavits ont été déposés dans le but d’établir les vices de procédure que reproche le demandeur, j’estime qu’ils ont dûment été présentés à la Cour.

[9]  Le demandeur affirme ne jamais avoir eu l’occasion de raconter tout simplement toute son histoire (citant Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 42, aux paragraphes 13 et 14). Lorsque la commissaire de la SPR lui a demandé à la fin de l’audience s’il avait quelque chose à dire, elle l’a interrompu après sa première phrase. En effet, dans la transcription préparée par le demandeur, il est écrit qu’il y a des [traduction« sons de pleurs » juste avant qu’il soit transcrit dans le DCT que la commissaire a dit [traduction« je…il est évident que vous… vous êtes perturbé par ce qui est arrivé avec votre femme ». Le demandeur soutient donc qu’il s’est vu priver de la possibilité de présenter sa cause.

[10]  Le défendeur soutient que l’audience était équitable. La SPR n’était pas tenue de faire office d’avocat pour le demandeur ni d’obtenir son témoignage pour lui, et le demandeur n’a jamais été interrompu; il a tout simplement fourni de brèves réponses. Selon le défendeur, le demandeur s’est vu demander à deux occasions s’il avait quelque chose à ajouter, ce à quoi il a répondu par la négative les deux fois. Quant aux questions sur les accusations criminelles qui pèsent contre le demandeur et la santé de ce dernier, le défendeur soutient qu’elles sont pertinentes dans le cadre de la demande étant donné qu’elles concernent la raison pour laquelle sa demande a été dissociée de celle de son épouse et la raison pour laquelle il est sans emploi au Canada. Le défendeur affirme également que la SPR n’était pas tenue d’informer le demandeur qu’il pouvait obtenir les services d’un avocat et souligne que le demandeur n’a jamais exprimé de réserves quant au fait de poursuivre l’audience sans avocat. Quoi qu’il en soit, le demandeur avait dit à la SPR qu’il s’était vu refuser l’aide juridique, si bien qu’un ajournement aurait été vain.

[11]  Après examen des procédures en l’espèce, il est évident que la SPR n’a pas, dans le cas présent, veillé à ce que le demandeur ait droit à une audience équitable. Par conséquent, pour ce seul motif, l’affaire devrait être renvoyée à la SPR en vue d’un nouvel examen.

[12]  À tout le moins, l’équité procédurale signifie permettre aux personnes concernées de présenter leur cause et leur donner l’occasion d’être entendues (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 28, 174 DLR (4th) 193; Alliance de la fonction publique du Canada c Canada (PG), 2013 CF 918, aux paragraphes 58 à 60, 439 FTR 11). Bien que les tribunaux administratifs ne soient pas tenus d’agir à titre d’avocat pour les parties non représentées, ils doivent tout de même veiller à la tenue d’une audience équitable. Les parties non représentées ont donc droit à toute la latitude possible et raisonnable pour présenter l’intégralité de leur cause : voir Law, aux paragraphes 16 à 18.

[13]  En l’espèce, le demandeur a perdu involontairement son avocat tout juste environ une semaine avant l’audience, et la commissaire de la SPR ne l’a informé d’aucune option qui s’offrait à lui en matière de procédures en vue de remédier à la situation. La commissaire ne s’est pas non plus assurée que le demandeur comprenait suffisamment bien les procédures pour savoir quels faits pouvaient s’avérer pertinents et a interrompu le demandeur à plusieurs reprises pendant qu’il présentait sa preuve. La présente affaire s’apparente donc à celle de Nemeth c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 FCT 590, 233 FTR 301, où la Cour s’est prononcée ainsi :

[10]  La Commission savait que les Nemeth avaient été représentés jusqu’à quelques jours avant l’audience. Elle était, ou aurait dû être, consciente de la possibilité que les revendicateurs fussent mal préparés pour présenter eux‑mêmes leur cas. Eu égard aux circonstances, la Commission avait l’obligation de s’assurer que les Nemeth comprenaient la procédure, qu’ils avaient une possibilité raisonnable de produire des preuves au soutien de leurs revendications et qu’ils avaient l’occasion de persuader la Commission que leurs revendications étaient fondées.

[13]  J’ai déjà indiqué plus haut que la Commission n’avait pas dénié aux Nemeth le droit d’être représentés par un avocat. Mais la liberté de la Commission de procéder à l’instruction malgré l’absence d’un avocat ne la dispense évidemment pas de l’obligation primordiale de garantir une audience équitable. Les obligations de la Commission dans les cas où des revendicateurs ne sont pas représentés sont peut‑être en réalité plus élevées parce qu’elle ne peut compter sur un avocat pour protéger leurs intérêts.

[14]  Bien que la conclusion qui précède, à savoir que la SPR n’a pas veillé à ce que le demandeur bénéficie d’une audience équitable, constitue un motif suffisant pour justifier que l’affaire soit renvoyée à la SPR en vue d’un nouvel examen, il y a d’autres aspects de la décision de la SPR en l’espèce qui méritent d’être soulignés.

II.  Était‑il raisonnable de conclure que la crainte du demandeur n’avait aucun fondement objectif?

[15]  Je suis d’accord avec l’argument du demandeur selon lequel la SPR a agi de façon déraisonnable en affirmant que « [s]i aucun incident fâcheux ne s’est produit depuis 2007, il n’est pas raisonnable de conclure que la crainte du demandeur d’asile a un fondement objectif ». Cela ne reflète pas fidèlement le témoignage du demandeur étant donné qu’il a seulement affirmé ne pas s’être fait battre depuis 2007. Toutefois, il a, depuis, été [traduction] « pourchassé par [les personnes qui l’ont agressé] à plusieurs occasions ». Quoi qu’il en soit, il est bien établi qu’un demandeur d’asile « n’a pas à prouver qu’il avait été persécuté lui‑même dans le passé ou qu’il serait lui‑même persécuté à l’avenir » (Salibian c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 RCF 250, à la page 258, 73 DLR (4th) 551). Il était donc déraisonnable pour la SPR de supposer qu’une crainte ne peut être fondée que si la personne a été persécutée dans les quatre années suivant son départ du pays.

III.  La conclusion de la SPR selon laquelle Budapest constitue une PRI pour le demandeur était‑elle raisonnable?

[16]  En ce qui concerne la conclusion subsidiaire de la SPR selon laquelle Budapest constitue une PRI pour le demandeur, il convient de souligner que la SPR n’a pas mis en doute la crédibilité du demandeur. Cela dit, les motifs de la SPR relativement à la question de la protection de l’État, qui constitue un aspect implicite de la détermination de l’existence d’une PRI, doivent être examinés avec un soin particulier : voir Velasco Moreno c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 993, au paragraphe 1, 92 Imm LR (3d) 119.

[17]  En l’espèce, le raisonnement et les conclusions de la SPR quant au caractère adéquat de la protection offerte par l’État aux Roms en Hongrie sont, au mieux, erronés, et, en effet, comme le soutient le demandeur, ils représentent tout au plus une analyse standard qui semble avoir été reproduite textuellement d’une autre décision de la SPR. Par exemple, la SPR a présenté l’analyse suivante :

[19]  La Hongrie est critiquée relativement à la mise en œuvre des lois qui ont été adoptées dans le but de lutter contre la discrimination et la persécution des membres de ses groupes minoritaires, surtout les Roms. Bien que le gouvernement central soit motivé à faire appliquer ses lois, il est difficile de le faire à l’échelle locale, et les groupes ayant les plus grands besoins ont souvent du mal à accéder aux ressources. Il est possible que les critiques formulées à l’endroit de la Hongrie soient méritées, mais il est important de souligner que ce pays fait partie de l’Union européenne et qu’il est par conséquent responsable de maintenir un certain nombre de normes pour conserver son appartenance à l’Union. Par exemple, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a été établie par le Conseil de l’Europe. Il s’agit d’un organisme indépendant de surveillance des droits de la personne spécialisé en matière de racisme et d’intolérance qui se compose de membres indépendants et impartiaux nommés en fonction de leur autorité morale et de leur expertise reconnue en matière de racisme, de xénophobie, d’antisémitisme et d’intolérance. L’ECRI a publié un rapport sur la Hongrie dans lequel elle félicite la Hongrie pour ses réalisations, cite certaines préoccupations et formule des recommandations concernant les mesures à prendre. Il importe de souligner en l’espèce que la Hongrie n’est pas une île isolée, mais un membre responsable de l’Union européenne qui rend régulièrement des comptes aux structures de gouvernance de cette Union. Même si les critiques à l’égard des mesures prises par la Hongrie pour lutter contre le racisme, surtout à l’endroit de la population rom, sont justifiées, selon la prépondérance des probabilités, la Hongrie prend les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les normes prévues par l’Union européenne.

[Renvoi omis.]

[18]  Un passage quasi‑identique tiré d’une autre décision a été jugé déraisonnable dans l’affaire Buri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 45, 22 Imm LR (4th) 115. Après avoir cité le passage contesté, la Cour a déclaré ce qui suit :

[65]  Cette conclusion est déraisonnable à mon avis. La SPR semble dire que les mesures mises en œuvre par l’État sont inefficaces et que "les critiques à l’endroit de la Hongrie sont sans doute méritées", mais que cela n’a pas d’importance parce qu’en tant que membre de l’Union européenne, ce pays est censé respecter "diverses normes pour maintenir son adhésion au sein de cette dernière". Il en résulte le commentaire suivant de la SPR (paragraphe 55) :

Il est vrai que les critiques à l’égard des mesures prises par la Hongrie pour lutter contre le racisme sont justifiées, surtout à l’égard de la population rom. Il reste que, selon la prépondérance des probabilités, elle prend les mesures nécessaires pour appliquer les normes exigées par l’UE.

[66]  La Hongrie peut fort bien prendre diverses mesures, mais, comme la SPR l’affirme elle‑même, ce n’est pas selon ce critère qu’on doit évaluer le caractère suffisant de la protection de l’État : "Il faut tenir compte de la situation réelle et non de ce que l’État se propose de faire ou a entrepris de mettre en place"…

[19]  Je suis d’accord. Par ailleurs, l’évaluation qu’a faite la SPR du caractère suffisant de la protection offerte par l’État aux Roms en Hongrie s’apparente beaucoup à celle qui figure dans la décision Katinszki c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1326, 421 FTR 107, où la Cour a déclaré ce qui suit :

[13]  … je conviens avec les demandeurs que l’analyse de la Commission concernant la protection de l’État – qui est, implicitement, le premier volet du critère se rapportant à la PRI – comporte plusieurs lacunes. Tout d’abord, la Commission semble croire que la protection policière est meilleure à Budapest qu’ailleurs dans le pays, mais elle ne fait renvoi à aucun élément de preuve à l’appui de cette hypothèse. …

[14]  La Commission a également mentionné diverses organisations qui pourraient assurer une protection aux demandeurs et, encore une fois, semble supposer que ces organisations seraient mieux en mesure de leur fournir une telle protection à Budapest, étant donné que leurs administrations centrales se trouvent dans cette ville. Le problème avec cette supposition est qu’il n’y a pas de preuve au dossier attestant que ces organisations seraient mieux en mesure de « protéger » les demandeurs à Budapest qu’ailleurs dans le pays. Qui plus est, assurer une protection ne fait pas partie du rôle des organisations mentionnées par la Commission (soit la Commission indépendante chargée de traiter les [plaintes] contre la police, le Bureau des commissaires parlementaires, l’Autorité pour l’égalité de traitement, l’Association des agents de police roms, ainsi que le Bureau des plaintes au Bureau de la Police nationale) – leur rôle est de formuler des recommandations et, au mieux, de faire enquête sur l’inaction de la police après les incidents.

[15]  La jurisprudence de la Cour établit très clairement que la police est présumée être la principale institution chargée d’assurer la protection des citoyens et que les autres institutions publiques ou privées sont présumées n’avoir ni les moyens ni le rôle d’assumer une telle responsabilité. …

[16]  Par conséquent, je conclus qu’il n’était pas loisible à la Commission de conclure selon la prépondérance des probabilités qu’il n’y avait pas de possibilité sérieuse que les demandeurs soient persécutés à Budapest. Le demandeur a subi des agressions à Budapest en raison de son origine ethnique rom. Il n’y a rien dans l’analyse de la Commission se rapportant à la PRI et il n’y a rien dans la preuve qui suggère que Budapest est plus sûre que tout autre endroit au pays, à part le fait que « Budapest est une grande ville » et qu’elle « héberge diverses organisations, et le gouvernement hongrois y offre des services gouvernementaux aux Roms qui sont victimes de discrimination […] » Ni la taille de la ville, ni les organisations énumérées n’offrent une protection efficace contre la persécution à Budapest.

[20]  Enfin, le caractère stéréotypé de l’analyse de la SPR transparaît ailleurs dans divers passages de ses motifs : par exemple, lorsqu’on parle du demandeur en employant le pronom « elle » (au paragraphe 35) ou le pluriel (« demandeurs d’asile ») (aux paragraphes 42 et 43); et lorsque la SPR renvoie au « commissaire parlementaire indépendant pour les droits des minorités nationales et ethniques » (au paragraphe 41), une organisation qui a été abolie à la suite de l’adoption de la nouvelle constitution en 2012.

IV.  Conclusion

[21]  Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à la SPR en vue d’un nouvel examen par un autre commissaire. Ni l’une ni l’autre des parties n’ayant proposé de question à certifier, la Cour n’en certifie aucune.


JUGEMENT

LA COUR accueille la demande de contrôle judiciaire et renvoie l’affaire à la Section de la protection des réfugiés pour qu’un autre commissaire rende une nouvelle décision. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Stéphanie Pagé, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑8210‑13

 

INTITULÉ :

SANDOR KOHAZI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 MARS 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS:

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 JUIN 2015

 

COMPARUTIONS :

Joshua Blum

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Leanne Briscoe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Law Offices of Jared Will

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.