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Date : 20150528


Dossier : IMM‑7468‑14

Référence : 2015 CF 691

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 28 mai 2015

En présence de monsieur le juge de Montigny

ENTRE :

OLEG BALAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Le demandeur sollicite l’annulation de la décision datée du 30 septembre 2014 prise par le représentant du ministre, conformément au paragraphe 44(2) de la LIPR, de déférer le dossier du demandeur à la Section de l’immigration (SI) pour les besoins d’une enquête quant à l’interdiction de territoire. Le représentant du ministre a déféré l’affaire à la SI pour que cette dernière établisse si le demandeur est interdit de territoire pour grande criminalité au titre de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR. Cette décision était fondée sur un rapport daté du 14 avril 2014 préparé selon le paragraphe 44(1) et sur un rapport « Paragraphe 44(1) et 55 – Faits saillants » daté du 30 septembre 2014 préparé par Alvin Nath, agent d’immigration (ci‑après le « rapport sur les faits saillants »).

[2]               Je conclus qu’il y a lieu de rejeter la demande, et ce, pour les motifs qui suivent.

Les faits

[3]               L’appelant est un citoyen israélien de 33 ans. Il est arrivé au Canada avec sa famille en 1996 et est devenu résident permanent en 2005.

[4]               En mai 2011, il a été déclaré coupable de trafic de cocaïne, en violation du paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19. Il avait été identifié comme étant un trafiquant de drogue dans un réseau de « vente de drogue sur appel » en 2009. L’infraction est passible d’une peine d’emprisonnement à perpétuité (paragraphe 5(3)). Il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 18 mois avec sursis.

[5]               En octobre 2011, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a déclenché une enquête sur le crime organisé, enquête qui visait liens entre le demandeur et M. Viktar Papkou. Cet individu faisait déjà l’objet d’une enquête sur le crime organisé qui concernait une fraude immobilière et le blanchiment de produits de la criminalité.

[6]               Le 14 avril 2014, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a préparé un rapport en conformité avec le paragraphe 44(1) de la LIPR dans lequel il était allégué que le demandeur était interdit de territoire pour grande criminalité aux termes de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR. Le demandeur a été interrogé le 15 avril 2014 au sujet de sa condamnation pour trafic de drogue.

[7]               À partir des renseignements obtenus au cours de cette entrevue, un deuxième rapport au titre du paragraphe 44(1) a été établi le 17 avril 2014; il y était allégué que le demandeur était interdit de territoire pour grande criminalité aux termes de l’alinéa 37(1)a),. Le demandeur a eu la possibilité produire des observations en réponse à ces rapports, ce qu’il a fait le 19 juin 2014.

[8]               Le 29 août 2014, le demandeur a été interrogé à nouveau, cette fois‑ci au sujet de son association avec Papkou et de ses activités reliées à une fraude immobilière. Après l’entrevue, l’ASFC a transmis au demandeur d’autres documents concernant les allégations reliées à la fraude immobilière. Le 26 septembre 2014, le demandeur a fourni d’autres observations à l’ASFC au sujet de ces nouvelles allégations.

[9]               Le 30 septembre 2014, l’agent d’immigration a préparé le « rapport sur les faits saillants », qui résumait l’enquête et les observations concernant les motifs d’interdiction de territoire pour grande criminalité et criminalité organisée. L’agent a recommandé que la SI fasse une enquête en matière d’interdiction de territoire pour grande criminalité, mais qu’aucune autre mesure ne soit prise au sujet de la criminalité organisée.

La décision attaquée

[10]           Le « rapport sur les faits saillants » traitait à la fois des motifs d’interdiction de territoire pour grande criminalité (alinéa 36(1)a)) et pour criminalité organisée (alinéa 37(1)a)).

[11]           L’agent a tout d’abord résumé le dossier et a présenté ensuite les deux motifs d’interdiction de territoire. Il a renchéri en disant que le nom du demandeur avait été mentionné dans une enquête sur le crime organisé concernant M. Papkou, dont il était allégué qu’il avait participé à des manœuvres frauduleuses touchant des biens immobiliers et qui était accusé de blanchiment de produits de la criminalité. C’est en raison des liens entre le demandeur et M. Papkou qu’une enquête a été déclenchée au sujet du demandeur en octobre 2011.

[12]           L’agent a ensuite résumé les observations présentées par le demandeur le 19 juin 2014 en réponse aux motifs fondés sur la grande criminalité. Le demandeur soulignait qu’il n’avait été déclaré coupable qu’une seule fois au Canada (pour trafic de drogue), qu’il était peu probable qu’il récidive et qu’il avait de nombreux liens avec le Canada et aucun avec Israël.

[13]           L’agent a par la suite examiné l’allégation relative à la criminalité organisée. Il a résumé l’entrevue du 29 août 2014 au cours de laquelle le demandeur avait répondu à des questions au sujet de sa participation alléguée à une fraude immobilière. Des articles dans les médias électroniques mentionnaient la participation du demandeur à des manœuvres frauduleuses concernant des biens immobiliers. Un bref résumé de la réponse qu’avait apportée le demandeur à cette allégation est alors présenté : en bref, le demandeur soutenait qu’il n’avait pas participé sciemment ou volontairement à des opérations frauduleuses concernant des biens immobiliers. L’agent a ensuite examiné des documents judiciaires civils démontrant que le nom du demandeur figurait dans des opérations immobilières et des déclarations. L’agent a mentionné que le demandeur n’avait pas été accusé ou déclaré coupable de fraude immobilière, mais qu’il est toutefois soupçonné par la police dans au moins deux dossiers d’hypothèques frauduleuses. Les seuls autres incidents dignes de mention concernant le demandeur consistaient en une arrestation pour voies de fait en 2009 (il avait été libéré sans qu’aucune accusation ne soit portée) et une accusation de voies de fait en 2006 pour laquelle il avait obtenu une absolution sous conditions et une probation. L’agent a également examiné la possibilité que le demandeur ait été impliqué dans une fraude reliée à des cartes de crédit.

[14]           Enfin, l’agent a examiné les observations présentées par le demandeur le 26 septembre 2014 en réponse à la question de la criminalité organisée. Ces observations mettaient l’accent sur le fait qu’aucune accusation n’avait été portée contre le demandeur, qu’il avait avait pleinement collaboré avec la GRC et qu’il n’avait pas participé sciemment à une fraude.

[15]           L’agent recommandait que le demandeur soit convoqué à une enquête sur l’interdiction de territoire pour grande criminalité en raison de sa déclaration de culpabilité pour trafic de drogue. L’agent recommandait toutefois qu’aucune autre mesure ne soit prise sur la question de la criminalité organisée. L’agent fondait la recommandation relative à la grande criminalité sur trois éléments : premièrement, le demandeur avait obtenu sa résidence permanente il y avait de cela moins de 10 ans et il avait déjà été déclaré coupable de trafic de drogue et fait l’objet d’une absolution sous conditions et d’une ordonnance de probation pour voies de fait; deuxièmement, la déclaration de culpabilité  pour trafic était relativement récente, et troisièmement, ses activités reliées au trafic de drogue avaient eu lieu alors qu’il avait atteint l’âge adulte.

Les questions en litige

[16]           La présente demande soulève deux questions. Premièrement, la Cour doit décider quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de faire subir une enquête sur l’interdiction de territoire au demandeur. Deuxièmement, la Cour doit examiner l’observation du demandeur selon laquelle son renvoi devant la SI était soit inéquitable sur le plan de la procédure, soit déraisonnable parce que l’agent s’était fondé, dans son rapport sur les faits saillants, sur des considérations liées à des éléments de preuve extrinsèque.

[17]           Le défendeur a également soulevé une question préjudicielle : il a prétendu que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration était erronément désigné à titre de défendeur dans la présente instance. Je conviens que c’est le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile qui est chargé d  l’application de l’article 44 de la LIPR et qu’il est « le ministre » au sens de cet article, conformément à l’alinéa a) du Décret précisant les responsabilités respectives du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et de la ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en vertu de la Loi, TR/2005‑120. L’intitulé sera donc modifié pour tenir compte de ces responsabilités.

Analyse

A.                La norme de contrôle

[18]           Le demandeur soutient que le fait que son cas soit déféré à la SI était soit inéquitable sur le plan de la procédure, soit déraisonnable, essentiellement parce que le représentant du ministre s’est fondé à tort sur des renseignements touchant sa participation possible à la criminalité organisée lorsqu’il a décidé de le renvoyer pour enquête en matière de grande criminalité. À mon avis, le demandeur ne présente pas véritablement un argument fondé sur l’équité procédurale. En fait, le demandeur ne soutient pas qu’on a refusé de respecter ses droits procéduraux à l’égard des décisions fondées sur l’article 44, comme cela est décrit dans Hernandez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 429, aux paragraphes 70 à 72, et il n’aurait pas non plus pu le faire. Le demandeur a été interrogé au sujet de sa déclaration de culpabilité et de ses activités en matière de trafic de drogue, le 15 avril 2014; il a eu la possibilité de répondre aux deux rapports préparés conformément au paragraphe 44(1) de la LIPR et il a effectivement déposé des observations le 19 juin 2014; il a été interrogé à nouveau le 29 août 2014 au sujet des rapports dans les médias mentionnant qu’il avait participé à une fraude immobilière et il a eu une autre possibilité de répondre à ces commentaires et il a effectivement déposé des observations le 26 septembre 2014.

[19]           Le demandeur soutient en fait que, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, l’agent s’est fondé sur des allégations non prouvées notamment sur des articles, des rapports de police et des déclarations de source inconnue qui lui étaient préjudiciables et qui ont beaucoup influé sur la recommandation de l’agent, de sorte que la décision est déraisonnable. Comme on le sait, le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, et aussi à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c  Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

B.                 Le caractère raisonnable de la décision

[20]           Le demandeur soutient que le rapport sur les faits saillants contenait de multiples allégations qui lui étaient préjudiciables. En particulier, l’agent mentionnait des éléments provenant d’enquêtes policières, de rapports de médias et d’instances civiles. Pourtant, aucune accusation n’a été portée contre M. Balan en matière de fraude immobilière ou de criminalité organisée. Le rapport recommande de ne pas donner suite à la question de la criminalité organisée, mais de grandes parties de ce rapport sont consacrées à ces allégations qui n’ont pas été établies. Le demandeur soutient que ces éléments lui ont été extrêmement préjudiciables dans le contexte du pouvoir discrétionnaire qu’accorde le paragraphe 44(2) à l’agent de déférer ou non la cause du demandeur à la SPR pour l’enquête sur l’interdiction de territoire. Dans ses affirmations en réponse, le demandeur est allé jusqu’à déclarer que la fraude immobilière n’aurait jamais dû être mentionnée, parce qu’elle n’avait [traduction] « rien à voir avec la criminalité organisée ».

[21]           Je conviens avec le demandeur que des rapports de police concernant des activités qui n’ont pas donné lieu à des arrestations ou à des accusations n’établissent pas un comportement criminel et ne peuvent être invoqués dans le cadre d’un rapport visé au paragraphe 44(2) : voir les décisions Tran c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2014 CF 1040, au paragraphe 24; Younis c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 944, au paragraphe 55, et Veerasingam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1661, au paragraphe 5. Dans la même veine, les rapports remis aux procureurs de la Couronne qui n’entraînent pas d’accusations ou qui concernent des accusations retirées ne peuvent être invoqués pour établir la criminalité ou contester la crédibilité ou la moralité du demandeur : Younis, précitée; Veerasingam, précitée, au paragraphe 9; Sittampalam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 326, au paragraphe 50.

[22]           Je ne puis toutefois admettre, comme le souhaite le demandeur, que les allégations relatives à la fraude immobilière et le fait que le rapport fasse référence à des articles, à des documents judiciaires civils et à des rapports de police concernant ces allégations aient fait peser des soupçons sur le demandeur et l’aient empêché d’obtenir la prise de mesures spéciales en vertu du paragraphe 44(2). Il incombait à l’agent de présenter une recommandation à l’égard de chacun des motifs d’interdiction de territoire et il était donc approprié qu’il fasse état des renseignements concernant chacun de ces motifs. L’agent a recommandé, en se fondant sur son appréciation de la preuve, de ne pas poursuivre l’enquête en matière d’interdiction de territoire pour criminalité organisée.

[23]           Rien n’indique que l’agent se soit fondé sur les renseignements contestés dans sa recommandation de déférer le dossier du demandeur devant la SI pour grande criminalité. Le renvoi décidé par le représentant du ministre au sujet de ce motif était expressément fondé sur la période de temps passé par le demandeur au Canada, sur ses récentes déclarations de culpabilité pour trafic de cocaïne et voies de fait et sur l’âge qu’il avait au moment de la déclaration de culpabilité pour trafic de cocaïne. Par conséquent, les décisions invoquées par le demandeur et citées au paragraphe 21 des présents motifs ne sont pas pertinentes. Il est clairement possible d’établir une distinction entre la présente affaire et Avila c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 13 (au paragraphe 17), une affaire dans laquelle, dans le cadre d’une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, l’agent s’était appuyé sur l’existence d’accusations en instance pour mettre en doute la bonne moralité du demandeur. En fait, le demandeur ne conteste pas que sa récente déclaration de culpabilité pour trafic de cocaïne et les autres facteurs énumérés dans la recommandation de l’agent pouvaient justifier de déférer son cas à la SI.

[24]           Bref, je ne suis pas convaincu que le fait que l’agent ait analysé des allégations de fraude et fait référence à divers documents à ce sujet a influencé sa décision de renvoyer le demandeur devant la SI pour grande criminalité. Ces éléments ont simplement étayé la décision de l’agent de ne pas prendre d’autres mesures concernant la criminalité organisée; le reste n’est que pure hypothèse. Quant à l’argument selon lequel les renseignements concernant la fraude immobilière n’avaient rien à voir avec la criminalité organisée, il ne peut manifestement pas être retenu et il n’a pas été soulevé au cours des plaidoiries. L’enquête relative au crime organisé déclenchée contre le demandeur en octobre 2011 découlait en partie du lien qu’avait le demandeur avec un individu qui faisait l’objet d’une enquête pour crime organisé relativement à plusieurs manœuvres frauduleuses en matière immobilière.

[25]           Quoi qu’il en soit, le pouvoir discrétionnaire du représentant du ministre est bien faible pour ce qui est de ne pas renvoyer une affaire de grande criminalité pour enquête et, par conséquent, il est très peu probable que les allégations de fraude aient incité le ministre à refuser d’accorder des mesures spéciales en vertu du paragraphe 44(2). Selon la disposition, le ministre « peut » prendre ces mesures s’il estime que le rapport sur l’interdiction de territoire préparé conformément au paragraphe 44(1) est fondé, mais la Cour d’appel fédérale a jugé dans l’arrêt Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Cha, 2006 CAF 126, que le pouvoir discrétionnaire du ministre varie en fonction des motifs d’interdiction de territoire, du statut de résident permanent ou d’étranger de la personne concernée et du fait que le représentant du ministre a renvoyé l’affaire devant la SI ou qu’il a pris directement une mesure d’expulsion (aux paragraphes 21 et 22). Dans le cas d’interdiction de territoire pour criminalité conformément à l’article 36, il est probable que le ministre n’ait guère de pouvoir discrétionnaire. La Cour d’appel fédérale a jugé que le libellé détaillé de l’article 36 limitait grandement le pouvoir discrétionnaire que possède le ministre selon l’article 44 :

[35] Je conclus que le libellé des articles 36 et 44 de la Loi et des dispositions applicables du Règlement n’accorde aucune latitude aux agents d’immigration et aux représentants du ministre lorsqu’ils tirent des conclusions quant à l’interdiction de territoire en vertu des paragraphes 44(1) et (2) de la Loi à l’égard de personnes déclarées coupables d’infractions de grande ou de simple criminalité, sauf pour ce qui est des exceptions prévues explicitement par la Loi et le Règlement. La mission des agents d’immigration et des représentants du ministre ne consiste qu’à rechercher les faits, rien de plus, rien de moins. La situation particulière de l’intéressé, l’infraction, la déclaration de culpabilité et la peine échappent à leur examen. Lorsqu’ils estiment qu’une personne est interdite de territoire pour grande ou simple criminalité, ils ont respectivement l’obligation d’établir un rapport et d’y donner suite.

[…]

[37] Je ne peux concevoir que le législateur ait mis autant de soins pour préciser, aux articles 36 et 44 de la Loi, de manière objective, les cas où les auteurs de certaines infractions bien définies commises au Canada doivent être renvoyés du pays, pour ensuite offrir la possibilité à un agent d’immigration ou à un représentant du ministre de permettre à ces personnes de rester au Canada pour des motifs autres que ceux prévus par la Loi ou le Règlement. Il n’appartient pas à l’agent d’immigration, lorsqu’il décide d’établir ou non un rapport d’interdiction de territoire pour des motifs visés par l’alinéa 36(2)a), ou au représentant du ministre lorsqu’il y donne suite, de se pencher sur des questions visées par les articles 25 (motif d’ordre humanitaire) et 112 (examen des risques avant renvoi) de la Loi […]

[26]           Comme la Cour d’appel fédérale l’a expressément mentionné dans cette affaire, l’appel concernait des étrangers au sujet desquels un agent avait préparé un rapport d’interdiction de territoire fondé uniquement sur le motif de la criminalité (alinéa 36(2)a)) au Canada et à l’égard desquels le représentant du ministre avait pris une mesure d’expulsion. Il semble toutefois que le raisonnement de la Cour d’appel fédérale s’appliquerait de la même manière aux résidents permanents et aux d’autres motifs d’interdiction de territoire, comme la grande criminalité visée à l’alinéa 36(1)a); en fait, dans son analyse, la Cour n’a pas établi de distinction entre les alinéas 36(1)a) et b). Il est vrai que, dans la décision Hernandez, la Cour avait déclaré que le pouvoir discrétionnaire du ministre était un peu plus large lorsqu’il décidait de déférer devant la SI un résident permanent déclaré coupable d’infractions graves commises au Canada. Malheureusement, aucune réponse n’a été apportée à la question certifiée portant sur cette question, parce que l’appel avait fait l’objet d’un désistement et que, dans l’arrêt Cha, la Cour d’appel fédérale a jugé préférable de remettre à une autre fois l’examen de cette question. Quoi qu’il en soit, il semble possible d’affirmer que le pouvoir discrétionnaire confié au ministre dans le cadre de l’article 44 est relativement restreint, ne serait‑ce que parce que l’alinéa 36(1)a) n’accorde pas une grande latitude pour sa mise en œuvre. Cette disposition prend effet dès qu’un résident permanent ou un étranger a été déclaré coupable au Canada d’une infraction punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins 10 ans ou d’une infraction pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois a été infligé. Le demandeur répond clairement à ces conditions. 

[27]           Dans la mesure où l’alinéa 36(1)a) et le paragraphe 44(1) accordent un pouvoir discrétionnaire résiduaire à l’agent d’immigration pour qu’il tienne compte des motifs d’ordre humanitaire, ces motifs ont été pris en compte. L’agent a résumé de façon détaillée les observations du demandeur sur ce point et il en a manifestement tenu compte. Il n’existe aucun élément qui permette d’affirmer que les allégations de fraude l’aient emporté sur ces motifs ou aient influencé la décision de déférer le dossier pour grande criminalité. Le seul fait que l’agent n’ait pas préparé un rapport 44 sur les points saillants distinct pour chacun des motifs possibles d’interdiction de territoire ne permet pas de déduire que la preuve relative aux allégations de fraude a faussé son analyse concernant l’alinéa 36(1)a).

Conclusion

[28]           Pour tous les motifs qui précèdent, je conclus qu’il convient de rejeter la présente demande. Aucune question n’est certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande est rejetée.

2.      L’intitulé est modifié de façon à remplacer « le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration » par « le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ».

« Yves de Montigny »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM‑7468‑14

 

INTITULÉ :

OLEG BALAN c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 MAI 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

le juge DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 MAI 2015

 

COMPARUTIONS :

Shane Molyneaux

POUR LE DEMANDEUR

Edward Burnet

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet Shane Molyneaux

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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