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Date : 20150525


Dossier : IMM-4941-13

Référence : 2015 CF 674

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 mai 2015

En présence de monsieur le juge O’Keefe

ENTRE :

AMRITPAL KAUR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La demande de résidence permanente présentée par la demanderesse au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) a été rejetée et sa demande de réexamen a également été rejetée. La demanderesse sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision relative à la demande de réexamen en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2]               La demanderesse sollicite une ordonnance annulant la décision défavorable, renvoyant l’affaire à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision et enjoignant au défendeur d’accueillir sa demande de résidence permanente.

I.                   Contexte

[3]               Le 24 mars 2011, la demanderesse a présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), sous le code 4142 de la Classification nationale des professions – Enseignants/enseignantes aux niveaux primaire et préscolaire.

[4]               Elle a présenté un avis relatif à un emploi réservé confirmant l’offre d’emploi qu’elle avait reçue de la Royal Crest Academy. Un brevet d’enseignement de la province est exigé pour ce poste.

[5]               Le 27 janvier 2011, la demanderesse a obtenu la note globale de 5,5 à l’examen du Système international de tests de la langue anglaise [IELTS]. Elle a présenté ce résultat à l’agent.

[6]               Le 4 mai 2011, la demande a été reçue pour traitement au Bureau de réception centralisé à Sydney, en Nouvelle‑Écosse.

[7]               Dans une lettre datée du 15 novembre 2011, l’agent a fait savoir à la demanderesse qu’elle devait être titulaire d’un brevet d’enseignement provincial pour occuper l’emploi réservé et lui a accordé un délai de trente jours pour répondre. Le 13 décembre 2011, la demanderesse a répondu que l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario ne lui délivrerait pas de brevet d’enseignement de la province avant qu’elle ait obtenu le droit d’établissement au Canada et un numéro d’assurance sociale. Au soutien de sa réponse, elle a joint le guide d’inscription de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario.

[8]               Dans une lettre datée du 6 décembre 2012, l’agent a fait savoir à la demanderesse que son résultat à l’examen de l’IELTS et son aptitude à réussir son établissement économique au Canada en tant qu’enseignante soulevaient des préoccupations, et il lui a accordé un délai de trente jours pour y répondre. Le 18 décembre 2012, la demanderesse a répondu en demandant une prolongation du délai accordé pour repasser l’examen de l’IELTS, ce qui lui a été accordé le 19 février 2013.

[9]               Le 14 février 2013, la demanderesse a passé un deuxième examen de l’IELTS et obtenu la note globale de 6,0, soit 6,0 en compréhension de l’oral, 5,0 en compréhension de l’écrit, 6,5 en expression écrite et 6,5 en expression orale.

II.                Décision initiale

[10]           Le 7 mai 2013, l’agent a rejeté la demande présentée en application du paragraphe 76(3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement], car il n’estimait pas que la demanderesse pourrait réussir son établissement économique au Canada même si elle avait obtenu le nombre minimum de points exigé. L’agent a affirmé que le nombre de points obtenus n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude d’un demandeur à réussir son établissement économique au Canada.

[11]           L’agent a fourni les motifs suivants : i) la demanderesse n’a pas de brevet d’enseignement provincial comme il est exigé aux termes de l’avis relatif à l’emploi réservé; ii) le niveau de compétence en anglais de la demanderesse est insuffisant, comme le montrent ses résultats à l’examen de l’IELTS; iii) l’information fournie par la demanderesse en réponse à ces points préoccupants n’était pas satisfaisante.

III.             Décision relative à la demande de réexamen

[12]           Le 7 juin 2013, la demanderesse a présenté des observations dans lesquelles elle demandait à l’agent de réexaminer sa décision de rejeter sa demande, affirmant i) qu’elle ne pouvait pas obtenir un brevet d’enseignement de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario avant d’arriver au Canada; ii) que son dernier résultat à l’examen de l’IELTS répond aux exigences liées à l’avis relatif au marché du travail [AMT].

[13]           Le 5 juillet 2013, un agent a examiné la demande de réexamen. L’agent a conclu que la décision de rejeter la demande n’était entachée d’aucune erreur et a refusé de réexaminer la demande de résidence permanente.

[traduction]

Demande de réexamen reçue au bureau du gestionnaire du programme d’immigration [GPI]. Dossier examiné. La décision n’est entachée d’aucune erreur.

IV.             Questions en litige

[14]           La demanderesse soulève deux questions que je dois examiner :

1.                  L’agent a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des observations.

2.                  L’agent a commis une erreur en omettant de fournir des motifs.

[15]           Le défendeur soulève une question en réponse : la demanderesse n’a pas démontré l’existence d’une question de droit à débattre susceptible d’entraîner une issue favorable à sa demande de contrôle judiciaire.

[16]           J’estime qu’il y a deux questions en litige en l’espèce :

A.                Quelle est la norme de contrôle applicable?

B.                 L’agent a‑t‑il commis une erreur en refusant de procéder au réexamen?

V.                Observations écrites de la demanderesse

[17]           Tout d’abord, la demanderesse soutient que le principe du functus officio ne s’applique pas dans les procédures informelles et de nature non juridictionnelle; par conséquent, l’agent a commis une erreur en refusant de tenir compte des observations (voir Kurukkal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CAF 230, [2010] ACF no 1159 [Kurukkal]). Elle cite ensuite les paragraphes 15 à 22 de Choi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 577, [2008] ACF no 734.

[18]           La demanderesse soutient que l’agent a commis une erreur en n’accordant pas suffisamment d’importance à l’avoir net de la demanderesse et à la lettre d’emploi. Elle affirme en outre que l’agent a tiré une conclusion déraisonnable en s’estimant insatisfait des explications fournies par la demanderesse.

VI.             Observations écrites du défendeur

[19]           Le défendeur fait valoir qu’une décision d’un agent d’exercer le pouvoir discrétionnaire de substitution d’appréciation est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir Rahman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 835, au paragraphe 16, [2013] ACF no 884 [Rahman]; et Gharialia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 745, au paragraphe 12, [2013] ACF no 781 [Gharialia]). Il soutient en outre qu’une décision rendue par un agent relativement au réexamen d’une demande de résidence permanente est aussi assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (voir Rashed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 175, au paragraphe 44, [2013] ACF no 177 [Rashed]; et Dong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1108, au paragraphe 14, [2011] ACF no 1370).

[20]           En guise de question préliminaire, le défendeur soutient qu’il est nécessaire d’examiner tant la décision de rejeter la demande de résidence permanente que celle de rejeter la demande de réexamen pour effectuer une analyse approfondie. Il soutient que les deux décisions sont raisonnables et qu’elles peuvent se justifier.

[21]           Premièrement, le défendeur affirme qu’il était raisonnable de recourir à la substitution de l’appréciation pour rejeter la demande de résidence permanente. Il soutient que, selon le guide d’inscription de 2011 de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, une note globale d’au moins 7 est requise, ainsi qu’une note d’au moins 6,5 en compréhension de l’écrit et en compréhension de l’oral et de 7 en expression écrite et en expression orale. Aucun des résultats à l’examen soumis par la demanderesse en l’espèce ne satisfait à cette exigence. Dans l’affidavit de l’agent, il est écrit que le premier agent et l’agent principal se sont tous deux reportés à l’exigence de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario lorsqu’ils ont comparé les résultats à l’examen de l’IELTS, et que les résultats montraient que la demanderesse ne se qualifierait pas pour l’obtention d’un brevet d’enseignement. Le défendeur soutient que cette conclusion est raisonnable.

[22]           En vertu du paragraphe 76(3) du Règlement, un agent peut substituer son appréciation de l’aptitude d’un demandeur à réussir son établissement économique au Canada quand les circonstances le justifient. L’évaluation de cette décision prise par l’agent en fonction de ses connaissances et de son expertise doit faire l’objet de retenue (Roohi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1408, au paragraphe 13, [2008] ACF no 1834). En l’espèce, l’agent a conclu avec raison que les points obtenus ne montraient pas que la demanderesse serait apte à réussir son établissement économique au Canada. Le défendeur soutient aussi que, comme le montre l’affidavit de l’agent, l’agent a examiné la preuve relative aux fonds de la demanderesse et conclu que l’appréciation de substitution défavorable était recommandée.

[23]           Le défendeur fait valoir que les résultats à l’examen de l’IELTS constituent une preuve concluante de la compétence en anglais d’un demandeur (voir Esguerra c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 413, au paragraphe 14, [2008] ACF no 549). L’agent est tenu d’apprécier si la compétence linguistique d’un demandeur lui permettrait d’exécuter les tâches du poste offert (voir Bilgütay c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 625, aux paragraphes 14 à 16, [2013] ACF no 696). Le défendeur avance que l’affaire en l’espèce est semblable à l’affaire Debnath c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 904, [2010] ACF no 1110, dans laquelle la Cour a conclu que le refus était raisonnable étant donné que le demandeur n’avait pas présenté suffisamment de preuves pour établir qu’il obtiendrait les qualifications nécessaires pour être médecin au Canada, hormis sa propre évaluation subjective.

[24]           Deuxièmement, le défendeur fait valoir que le refus de l’agent de rouvrir la demande était raisonnable. Selon lui, les motifs de l’agent fournissent une justification rationnelle au refus d’exercer son pouvoir discrétionnaire de rouvrir la demande. Dans l’arrêt Kurukkal, la Cour d’appel a conclu que l’obligation de l’agent était de décider, compte tenu de l’ensemble des circonstances pertinentes, s’il y avait lieu d’exercer le pouvoir discrétionnaire de réexaminer la décision (arrêt Kurukkal, au paragraphe 5). Cependant, l’agent n’est pas tenu de procéder au réexamen d’une demande de résidence permanente. En l’espèce, la demanderesse n’a pas présenté de nouvelle information ou de nouvel élément de preuve dans le cadre de sa demande de réexamen qui aurait justifié que l’agent réexamine la décision en vertu des « principes de base de l’équité et du bon sens » (voir Begum c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 265, au paragraphe 34, [2013] ACF no 285). Il est raisonnable de refuser la demande de réexamen d’un demandeur lorsque la décision sous‑jacente était raisonnable et qu’il n’y avait pas de manquement à l’équité procédurale (décision Rashed, au paragraphe 50).

[25]           Le défendeur invoque les autres décisions suivantes pour appuyer encore davantage sa position : Veryamani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1268, [2010] ACF no 1668; Ndegwa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 249, [2013] ACF no 256; Sithamparanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 679, [2013] ACF no 712; et Malik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1283, [2009] ACF no 1643.

[26]           En l’espèce, la demanderesse a eu la possibilité de faire valoir le bien‑fondé de sa demande de réexamen, mais elle n’a pas fourni de nouvel élément de preuve qui aurait permis de modifier la décision initiale de l’agent. Par conséquent, il était raisonnable de rejeter sa demande, et la décision de l’agent est raisonnable.

VII.          Observations supplémentaires de la demanderesse

[27]           La demanderesse soutient qu’elle conteste uniquement la décision relative à la demande de réexamen, et non la décision initiale. Les notes qui viennent d’être fournies et qui sont présentées comme des « motifs » ne concernent pas la seconde décision, mais plutôt la première.

[28]           En outre, la demanderesse fait valoir que la situation en l’espèce est unique et différente des affaires invoquées par le défendeur. En l’espèce, la demanderesse a obtenu bien au‑delà du minimum de points exigé pour être admissible à l’immigration au Canada, mais l’agent a exercé son pouvoir discrétionnaire de rejeter sa demande. La demanderesse soutient qu’une obligation d’équité plus exigeante s’appliquait en l’espèce étant donné qu’elle était qualifiée selon la loi.

[29]           Dans son mémoire supplémentaire, la demanderesse soulève une deuxième question, soit que l’agent n’a pas fourni les motifs à l’appui de sa décision de ne pas procéder à un réexamen. Elle soutient que les motifs datés du 7 mai 2013 ont trait à la décision initiale, non à la décision relative à la demande de réexamen, et qu’ils sont inappropriés sur le plan procédural. La décision initiale et la décision relative à la demande de réexamen sont liées, mais elles sont distinctes (voir Villanueva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 585, 242 ACWS (3d) 922). En l’espèce, l’agent n’a fait qu’un simple énoncé de conclusion, ce qui n’est suffisant pour aucune décision (voir Velazquez Sanchez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1009, [2012] ACF no 1097; et Komolafe c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 431, [2013] ACF no 449).

VIII.       Observations supplémentaires du défendeur

[30]           Dans son mémoire supplémentaire, le défendeur affirme qu’il était raisonnable de la part de l’agent d’examiner le rejet initial et les observations relatives au réexamen et de conclure que les motifs n’étaient pas suffisants pour justifier le réexamen de la décision. En réponse à l’argument de la demanderesse selon lequel la décision de ne pas procéder au réexamen n’était étayée par aucun motif, il affirme que les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC) montrent que l’agent a examiné le dossier de la demanderesse après la réception de la demande de réexamen et conclu que [traduction« [l]a décision n’est entachée d’aucune erreur ». Elle a commencé à importer le céfaclor, dont Lilly n’a pas prouvé que les brevets étaient contrefaits.

[31]           Comme la demanderesse n’a fourni aucun nouvel élément de preuve, l’agent avait peu d’éléments à commenter lorsqu’il a rendu sa décision relative au réexamen. Il n’était aucunement nécessaire à l’agent de réitérer les motifs qu’il avait déjà fournis pour justifier le rejet initial.

IX.             Analyse et décision

A.                Première question – Quelle est la norme de contrôle applicable?

[32]           Lorsque la jurisprudence a établi la norme de contrôle applicable à une question précise, la cour de révision peut adopter cette norme (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 57, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]). Je souscris à la conclusion du juge Michel Shore dans la décision Rashed selon laquelle il convient d’appliquer la norme de la décision raisonnable à l’examen d’une décision relative à une demande de réexamen :

44        La question de savoir si le refus de l’agent de réexaminer la décision sous‑jacente constitue ou non une décision est une question de droit assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte (Dong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1108). La décision rendue en réponse à une demande de réexamen d’une demande de résidence permanente comporte l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire et est donc assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Trivedi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 422).

45        Pour ce qui est de la décision sous‑jacente, les parties s’entendent pour dire que les décisions portant sur l’admissibilité à la résidence permanente à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) sont fondées sur l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire qui donne lieu à l’application de la norme de la décision raisonnable (Ismaili c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 351) et que celles sur les questions d’équité procédurale sont assujetties à la norme de la décision correcte (Talpur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 25).

[Non souligné dans l’original.]

[33]           En ce qui concerne la décision d’un agent des visas d’exercer le pouvoir discrétionnaire de substitution d’appréciation, la jurisprudence a établi qu’elle est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (décision Rahman, au paragraphe 16; et décision Gharialia, au paragraphe 12).

[34]           La norme de contrôle de la décision raisonnable signifie que je dois m’abstenir d’intervenir si la décision de l’agent est transparente, justifiable et intelligible et si elle appartient aux issues possibles acceptables (arrêt Dunsmuir). Autrement dit, je vais annuler la décision de l’agent seulement si je ne peux comprendre pourquoi il a tiré ses conclusions ou comment les faits et le droit applicable justifient l’issue du processus (voir Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708). Comme la Cour suprême l’a soutenu dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, aux paragraphes 59 et 61, [2009] 1 RCS 339, la cour de révision qui examine une décision suivant la norme de la décision raisonnable ne peut substituer à l’issue de cette décision celle qui serait à son avis préférable, ni soupeser à nouveau les éléments de preuve.

B.                 Deuxième question – L’agent a‑t‑il commis une erreur en refusant de procéder au réexamen?

[35]           La demanderesse affirme qu’elle sollicite auprès de la Cour le contrôle judiciaire de la décision relative à la demande de réexamen seulement et que je ne devrais pas tenir compte des motifs fournis par le demandeur concernant la décision initiale. Je ne suis pas d’accord.

[36]           À cet égard, je conviens avec le défendeur que le contrôle judiciaire d’une décision relative à une demande de réexamen ne peut être convenablement effectué sans un examen de la décision initiale.

(1)               Décision initiale

[37]           En vertu du paragraphe 76(3) du Règlement, un agent peut substituer son appréciation aux critères à l’égard de l’appartenance à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) :

76.(3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié — que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) — n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).

76.(3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.

[38]           Je conclus qu’il était raisonnable pour l’agent de rejeter la demande dans la décision initiale. Le défendeur fait remarquer à juste titre que la demanderesse n’a pas satisfait au critère de la compétence en anglais exigé pour obtenir un brevet d’enseignement. Selon le guide d’inscription de 2011 de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, il faut obtenir [traduction« un résultat global d’au moins 7 à l’examen de l’IELTS (test de connaissances seulement), soit des notes d’au moins 6,5 en compréhension de l’écrit et en compréhension de l’oral et de 7 en expression écrite et en expression orale ». En l’espèce, aucun des résultats à l’examen fournis par la demanderesse ne satisfait à cette exigence. Même si la demanderesse a obtenu de meilleurs résultats la deuxième fois où elle a passé l’examen, sa note globale était de 6,0, soit 6,0 en compréhension de l’oral, 5,0 en compréhension de l’écrit, 6,5 en expression écrite et 6,5 en expression orale. Ces résultats ne répondaient pas aux critères établis dans le guide d’inscription de 2011 de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario.

[39]           Même si le résultat de la demanderesse à l’examen de l’IELTS est suffisant pour l’avis relatif au marché du travail, il n’est pas suffisant pour lui permettre d’obtenir un brevet d’enseignement de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario selon les exigences énoncées dans le guide d’inscription de 2011 de l’Ordre. Puisqu’elle sollicite l’examen de sa demande de résidence permanente présentée au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), sous le code 4142 de la Classification nationale des professions – Enseignants/enseignantes aux niveaux primaire et préscolaire, son résultat à l’examen de l’IELTS l’empêche de se conformer à l’exigence rattachée à sa demande de résidence permanente. La demanderesse serait donc dans l’impossibilité de décrocher un emploi d’enseignante, ce qui rendrait difficile son établissement au Canada. En conséquence, j’estime que l’agent a conclu avec raison que la demanderesse ne serait pas apte à réussir son établissement économique même si elle avait obtenu le nombre minimum de points exigé.

[40]           En outre, je ne souscris pas à l’argument de la demanderesse selon lequel un agent doit faire preuve d’une obligation d’équité plus exigeante à son égard parce qu’elle était qualifiée selon la loi en ayant accumulé les points nécessaires. De plus, je ne suis pas d’accord avec la demanderesse quant à la distinction qu’elle établit entre l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire d’acceptation et l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire de rejet. Le paragraphe 76(3) du Règlement confère à l’agent le droit d’exercer son pouvoir discrétionnaire, mais n’établit pas de distinction entre l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’acceptation et l’exercice du pouvoir discrétionnaire de rejet. Même si l’agent a exercé son pouvoir discrétionnaire de rejet à l’égard de la demande de la demanderesse en l’espèce, je peux comprendre les motifs du rejet de l’agent et je les considère comme raisonnables.

[41]           En conséquence, je conclus que la décision sous‑jacente sur laquelle repose la décision relative à la demande de réexamen est raisonnable.

(2)               Décision de ne pas procéder à un réexamen

[42]           Dans Trivedi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 422, [2010] ACF no 486, le juge en chef Paul Crampton a déclaré « [qu’il] n’existe pas une obligation générale d’examiner à nouveau une demande de résidence permanente après réception de nouveaux renseignements, et il n’y a pas d’obligation générale de fournir des motifs détaillés justifiant la décision de ne pas le faire » (au paragraphe 30).

[43]           Néanmoins, la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Kurukkal, a soutenu que « le principe du functus officio ne s’applique pas strictement dans les procédures administratives de nature non juridictionnelle et que, si les circonstances s’y prêtent, le décideur administratif a le pouvoir discrétionnaire de réexaminer sa décision » (arrêt Kurukkal, au paragraphe 3). Selon l’arrêt Kurukkal, l’obligation du décideur à l’étape du réexamen est « de décider, compte tenu de l’ensemble des circonstances pertinentes, s’il y avait lieu d’exercer le pouvoir discrétionnaire de réexaminer sa décision » (arrêt Kurukkal, au paragraphe 5).

[44]           En l’espèce, je conclus qu’il était raisonnable de rejeter la demande de réexamen de la demanderesse. En effet, la décision sous‑jacente était raisonnable et il n’y avait aucune allégation de manquement à l’équité procédurale. De plus, je conviens avec le défendeur que la demanderesse n’a pas soumis de nouvel élément de preuve à l’étape du réexamen. Les observations présentées par la demanderesse en vue d’obtenir le réexamen sont semblables sur le plan du contenu à l’explication fournie dans sa lettre correspondante envoyée en réponse aux demandes de renseignements de l’agent en date du 15 novembre 2011 et du 6 décembre 2012. De plus, dans la décision Rashed, la Cour a conclu que si une décision sous‑jacente était raisonnable et qu’il n’y avait pas de manquement à l’équité procédurale, cela suffit pour trancher une demande de réexamen d’une décision (décision Rashed, au paragraphe 50).

[45]           En ce qui concerne le caractère suffisant des motifs, je conviens avec le défendeur que le motif fourni par l’agent à l’étape du réexamen est suffisant. Même si l’agent a expliqué en une seule ligne que [traduction« [l]a décision n’est entachée d’aucune erreur », il disposait de peu d’éléments pour commenter la décision relative au réexamen étant donné que la demanderesse n’avait pas fourni de nouvel élément de preuve. J’estime que l’agent n’avait nullement besoin de réitérer les motifs qu’il avait déjà fournis à l’appui de son rejet initial.

[46]           En conséquence, je conclus que la décision rendue par l’agent relativement à la demande de réexamen était raisonnable.

[47]           Pour les motifs susmentionnés, je rejetterais la présente demande.

[48]           Aucune des parties n’a souhaité soumettre à mon examen une question grave de portée générale en vue de sa certification.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« John A. O’Keefe »

Juge

Traduction certifiée conforme

Myra-Belle Béala De Guise


ANNEXE

Dispositions législatives pertinentes

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227

76.(3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié — que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) — n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).

76.(3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4941-13

 

INTITULÉ :

AMRITPAL KAUR c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 NOVEMBRE 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 MaI 2015

 

COMPARUTIONS :

Simon Patrick

Wennie Lee

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Nicole Rahaman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lee & Company

Avocats

North York (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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