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Date : 20150501

Dossier : IMM-4621-13

Référence : 2015 CF 573

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er mai 2015

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

AMRO ALOMARI

RULA MANSOUR

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ, DE L’IMMIGRATION ET DU MULTICULTURALISME

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]           Les demandeurs, Amro Alomari (M. Alomari) et Rula Mansour (Mme Mansour) sont mari et femme. M. Alomari est Palestinien, citoyen de la Jordanie et résident de la Cisjordanie. Mme Mansour est Palestinienne et citoyenne israélienne. Les demandeurs se sont rencontrés en 2007. Ils ont voyagé et vécu à l’étranger, souvent au Canada ou aux États-Unis. En avril 2012, M. Alomari a obtenu un visa de visiteur pour venir au Canada, visa qui a été utilisé en mai 2012. Il est revenu au Canada en août 2012, peu de temps après que Mme Mansour y arrive avec sa fille, munie d’un visa d’étudiant, pour voir son fils qui était aussi au Canada depuis 2010. Les demandeurs se sont mariés au Canada le 22 octobre 2012. Mme Mansour a appris vers cette époque qu’elle était enceinte. À ce moment-là, il semble que les demandeurs prévoyaient retourner en Palestine, dans l’espoir que la famille de M. Alomari accepte leur union.

[2]           Le 19 mars 2013, les demandeurs ont présenté conjointement une demande d’asile suivant les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), affirmant qu’ils craignaient que la famille de M. Alomari les agresse physiquement, ainsi que leur enfant à naître s’ils devaient retourner en Palestine. Ils ont expliqué qu’après que la famille de M. Alomari a appris le mariage et la grossesse, des membres de la famille ont commencé à les menacer. Aux fins de la Loi, Mme Mansour est présumée provenir d’un pays d’origine désigné.

[3]           La Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté la demande d’asile le 17 juin 2013 au motif que les demandeurs n’avaient pas établi, au moyen d’une preuve suffisante et fiable, l’existence d’une crainte fondée de persécution. En fait, la SPR a conclu que des éléments de preuve sur des points déterminants quant à la demande d’asile manquaient de crédibilité. En outre, le tribunal a conclu qu’il n’avait pas été établi que la famille de M. Alomari avait intérêt à persécuter les demandeurs. La SPR a plutôt estimé que les éléments de preuve et la chronologie des événements démontraient une forte motivation et une attirance pour le Canada pour des motifs autres que ceux habituellement donnés pour reconnaître la qualité de réfugié, et que les demandeurs ont eu de nombreuses occasions de présenter des demandes d’asile au Canada ou aux États-Unis, si le besoin réel existait. La SPR a conclu que le seul risque existant était un risque généralisé portant sur la criminalité dans la ville d’Aaram où les demandeurs ont déclaré pouvoir vivre, ou dans leurs pays de citoyenneté.

[4]           Les demandeurs soutiennent que la SPR a manqué aux principes d’équité procédurale en décidant que les deux demandeurs d’asile provenaient d’un pays d’origine désigné, ce qui a eu pour effet de priver M. Alomari, qui ne provient pas d’un pays d’origine désigné, d’interjeter appel à la Section d’appel des réfugiés (SAR) et de présenter une demande d’évaluation des risques avant renvoi (ERAR), et de bénéficier des délais en cours d’instance qui s’appliquent habituellement au traitement d’une demande d’asile. Les demandeurs ont également affirmé que leur droit à une audience équitable avait été violé lorsque la SPR a refusé d’accepter les documents produits tardivement, malgré le fait que les demandeurs se représentaient eux-mêmes.

[5]           Les demandeurs contestent également le caractère raisonnable de la décision de la SPR.

[6]     Pour les motifs exposés ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II.                La question en litige et la norme de contrôle

[7]           La présente affaire soulève des questions qui ont trait à l’équité procédurale, une question susceptible de révision selon la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, [2014] 1 RCS 502, au paragraphe 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43; IR c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 973, au paragraphe 9 [IR], au paragraphe 21; Tamas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1361, au paragraphe 19).

[8]           L’autre question en litige soulevée dans la présente demande de contrôle judiciaire vise les conclusions de crédibilité défavorables tirées par la SPR. Il est également bien établi que ces conclusions appellent la norme de la décision raisonnable, puisqu’elle est considérée comme étant au cœur de l’expertise de la SPR (Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319 [Rahal], au paragraphe 22; Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 619, au paragraphe 26; Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2003 CFPI 116, 228 FTR 43, au paragraphe 7; Shatirishvili c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 407, au paragraphe 19). Le caractère raisonnable tient à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel. Il tient également à savoir si la décision prise est l’une des « issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

III.             Analyse

A.                Question préliminaire

[9]           Le défendeur soutient qu’il était interdit à M. Alomari de solliciter un contrôle judiciaire en vertu de l’alinéa 72(2)a) de la Loi, parce qu’il n’avait pas épuisé la procédure d’appel interne en portant en appel la décision de la SPR devant la SAR en vertu de l’article 110 de la Loi. Par conséquent, il y a lieu d’interdire au demandeur d’être partie à la demande de contrôle judiciaire.

[10]       L’alinéa 72(2)a) de la Loi prévoit une interdiction générale du recours au contrôle judiciaire jusqu’au moment où « tout » droit d’appel a été exercé. L’interdiction prévue à cet alinéa l’emporte sur l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales en accordant le droit de solliciter un contrôle judiciaire (Somodi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 288, [2010] 4 RCF 26, aux paragraphes 23 et 24 [Somodi]). Toutefois, la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Habtenkiel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 180 [Habtenkiel], a précisé que la décision Somodi susmentionnée ne permet pas d’affirmer que la simple existence d’un droit d’interjeter appel constitue nécessairement une fin de non-recevoir du contrôle judiciaire dans tous les cas. Les tribunaux disposent d’une certaine flexibilité pour évaluer si un demandeur bénéficiait véritablement d’un droit d’appel sur les questions en litige (Habtenkiel, au paragraphe 36).

[11]       En l’espèce, ce qui ressort des faits et du dossier du tribunal est la certaine confusion qui régnait autour des deux parties, à savoir si M. Alomari avait eu la possibilité d’interjeter appel à la SAR. L’avis de décision de la SPR ne dit rien à ce sujet, et le dossier indique que M. Alomari n’a reçu aucune réponse à sa demande ni à celle de son avocat à ce sujet.

[12]       Dans ces circonstances particulières, je permettrai à M. Alomari de demeurer partie à la présente demande de contrôle judiciaire.

B.                 Équité procédurale

[13]       M. Alomari affirme que son droit à l’équité procédurale a été violé de deux façons : tout d’abord, en ce que la SPR a joint les deux demandes d’asile, entraînant donc le traitement de sa demande d’asile comme une seule et même demande provenant d’un pays d’origine désigné, soumis au processus accéléré et n’ayant aucun droit d’interjeter appel à la SAR. En second lieu, en ce que la SPR a refusé d’accepter les documents que le demandeur a tenté de déposer à l’audience.

(1)               Jonction des demandes d’asile

[14]       Cet argument doit être rejeté. Les Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256 (les Règles) exigent la jonction des demandes d’asile des membres de la famille. Comme c’est le cas en l’espèce, soit la jonction de la demande d’asile de la demanderesse provenant d’un pays d’origine désigné et celle du demandeur ne provenant pas d’un pays d’origine désigné, l’audience sera fixée selon les délais qui s’appliquent aux demandes d’asile provenant d’un pays d’origine désigné, délais qui sont plus courts que les délais fixés pour les demandes d’asile ne provenant pas d’un pays d’origine désigné. Toutefois, le paragraphe 56(2) des Règles permet à un demandeur d’asile de présenter une demande à la SPR visant à séparer les demandes d’asile. Par conséquent, un véhicule procédural existe afin de corriger les lacunes décelées par suite de la jonction des demandes d’asile. Ce véhicule n’a pas été utilisé en l’espèce.

[15]       En outre, le fait que la jonction des demandes d’asile aura l’effet concret d’entraîner la tenue d’une audience fixée selon les délais des demandes d’asile provenant d’un pays d’origine désigné n’a pas une incidence automatique sur l’équité du processus. Comme le souligne le défendeur, les demandeurs d’asile au Canada ont droit à une audience complète (Singh c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1985) 1 RCS 177) mais, par ailleurs, les principes de justice fondamentale ne prévoient aucun délai précis pour préparer une audience. Un manquement à l’équité procédurale doit être pertinent à l’égard de la demande ou porter atteinte au demandeur d’asile (Patel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 55, au paragraphe 12 [Patel]).

[16]       En l’espèce, j’estime que les demandeurs pouvaient se prévaloir des outils et de la protection nécessaires. S’ils croyaient que les délais s’appliquant aux demandes d’asile provenant d’un pays d’origine désigné étaient injustes, selon les Règles, ils auraient pu demander un ajournement ou demander de fixer une nouvelle date d’audience (article 54 des Règles). Cependant, il leur incombait d’en faire la demande (Bema c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 845, au paragraphe 22). Ils n’ont pas présenté une telle demande bien que rien ne les empêchait de le faire. De plus, rien ne donne à penser qu’un délai différent aurait eu une incidence sur l’issue de la décision ou sur l’équité du processus. Cela porte un coup fatal sur cette partie de l’argumentation des demandeurs.

[17]       Enfin, je conviens avec le défendeur que les arguments de M. Alomari portant sur le fait qu’il s’est vu refuser l’accès à la SAR et à l’ERAR pour la simple raison qu’il est marié avec une personne d’un pays d’origine désigné ne sauraient être retenus. La raison pour laquelle le demandeur n’a pas interjeté appel devant la SAR de la décision de la SPR n’est pas due au fait qu’il ne disposait pas de droits d’appel, mais plutôt, comme il a déjà été mentionné, en raison de la confusion entourant cette question au moment où la SPR a rendu sa décision. En ce qui concerne le droit de M. Alomari à l’ERAR, ce droit ne dépend pas de son état matrimonial, mais plutôt de ce que la Loi prévoit à cet égard.

(2)               Dépôt de documents à l’audience

[18]       Sur la question du dépôt tardif des documents, je ne suis pas d’accord avec les demandeurs que cet élément a constitué une violation à leur droit à une audience équitable. Comme les demandeurs l’ont mentionné, il est vrai que la SPR est soumise à une obligation d’équité accrue lorsqu’elle a affaire à des parties non représentées (Nemeth c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 233 FTR 301, [2003] A.C.F. no 776 (QL), au paragraphe 13; Lee c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 705, 412 FTR 290, au paragraphe 12). Toutefois, en l’espèce, les demandeurs ont tenté de présenter divers articles et rapports concernant la situation dans le pays, dont deux documents concernant l’entreprise du père de M. Alomari, ainsi qu’une carte d’identité indiquant que M. Alomari était un réfugié palestinien. Le dossier du tribunal indique que la SPR a examiné la carte d’identité et a accepté en preuve deux des trois documents sur la situation dans le pays, mais n’a pas accepté les autres documents parce que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié avait ses propres cartables de renseignements.

[19]       Encore une fois, un manquement à l’équité procédurale doit être pertinent à l’égard de la demande ou porter atteinte au demandeur d’asile (Patel, précité). Dans la présente affaire, les demandeurs n’ont pas expliqué la façon dont la décision de la SPR de ne pas accepter le reste des documents leur avait causé un préjudice.

C.                Caractère raisonnable de la décision de la SPR

[20]       Les demandeurs présentent plusieurs arguments visant à établir que la décision de la SPR était déraisonnable. Ils mentionnent que le fardeau de la preuve qui incombe à un demandeur d’asile se limite à démontrer qu’une personne fait face à plus qu’une « simple possibilité » de subir de la persécution advenant son retour dans son pays d’origine. Les demandeurs affirment que les conclusions sur la crédibilité sont vagues, que la SPR n’a pas évalué adéquatement la preuve dont elle disposait, et qu’elle n’a pas examiné l’aspect « sur place » de leur demande d’asile.

[21]        Bien que les demandeurs aient raison lorsqu’ils déclarent qu’il suffit aux demandeurs d’asile d’établir qu’il existe plus qu’une simple possibilité d’être exposés à la persécution dans leur pays d’origine, les faits à l’appui de cette conclusion doivent être établis selon la prépondérance de la preuve. Cette distinction est expliquée dans la décision Hinzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 420, [2007] 1 RCF 561, aux paragraphes 183 et 184, décision qui a été confirmée par la Cour d’appel fédérale :

Selon la décision Adjei, il suffit que le demandeur d’asile démontre qu’il existe davantage qu’une simple possibilité qu’il subisse de la persécution dans son pays d’origine à l’avenir […]

Il convient de faire une distinction entre le critère juridique applicable à l’appréciation du risque de persécution futur et la norme de preuve applicable aux faits sous‑jacents à la demande d’asile. Le critère juridique en matière de persécution exige simplement que l’intéressé établisse davantage qu’une simple possibilité qu’il fasse l’objet de persécution à l’avenir, mais la norme de preuve applicable aux faits sous‑jacents à la demande est celle de la prépondérance de la preuve: Adjei, à la page 682. Voir également Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 3 R.C.F. 239 (C.A.F.), aux paragraphes 9 à 14 et au paragraphe 29.

[Non souligné dans l’original.]

[22]       Par conséquent, bien qu’il soit possible que la SPR n’ait pas correctement expliqué le critère juridique applicable à la persécution, cela n’est pas déterminant à moins que la SPR ait également commis une erreur en concluant que les faits sous-jacents à la demande d’asile n’avaient pas été établis de manière crédible, selon la prépondérance des probabilités. La question que la Cour doit alors examiner est celle de savoir si les conclusions tirées par la SPR selon lesquelles les faits sous-jacents à la demande d’asile n’avaient pas été établis de manière crédible étaient raisonnables. Les conclusions de fait tirées par la SPR, y compris les conclusions quant à la crédibilité, appellent une grande déférence même si elles sont susceptibles de contrôle lorsqu’elles sont tirées de façon abusive, arbitraire, ou sans tenir compte des éléments de preuve (IR, précitée, au paragraphe 34).

[23]       En l’espèce, la SPR a fait état de plusieurs problèmes importants en lien avec la demande d’asile des demandeurs, à savoir : (i) ils ont déclaré pouvoir vivre avec leur enfant en Israël, même s’ils ont initialement déclaré le contraire; (ii) il y avait des contradictions entre leur témoignage et leur formulaire de fondement de la demande quant au moment où les menaces ont commencé; (iii) aucun document n’a été présenté à l’appui de l’allégation de l’existence d’un mandat contre eux en Palestine et de représailles exercées par la famille de M. Alomari à l’endroit de ce dernier, en bloquant son compte de banque en Palestine; et (iv) les demandeurs ont eu plusieurs occasions de présenter une demande d’asile antérieurement, démontrant ainsi une forte motivation personnelle d’immigrer pour des motifs autres que ceux habituellement donnés pour reconnaître la qualité de réfugié.

[24]       Compte tenu de ce qui précède, j’estime que, considérée dans son ensemble, la décision de la SPR et sa conclusion selon laquelle les demandeurs n’avaient pas établi le bien-fondé de leurs demandes de manière crédible étaient raisonnables au regard des faits et du droit. Il était loisible à la SPR de rejeter les explications fournies sur l’absence de documents, de conclure que les précisions fournies étaient insuffisantes, qu’il y avait plusieurs incohérences sur certaines des allégations principales, et de déduire que les demandeurs avaient d’autres raisons pour venir au Canada. En fait, les demandeurs n’ont pas fourni les documents justificatifs sur des questions fondamentales à leur demande d’asile.

[25]           Les demandeurs affirment de plus que la SPR a fait erreur en faisant une inférence défavorable ou en ne croyant pas leur version des faits parce qu’ils n’avaient pas présenté de preuve à l’appui de leur demande. Toutefois, je suis d’avis que, puisqu’elle avait plusieurs raisons de douter de la crédibilité des allégations faites par les demandeurs, la SPR n’a pas fait erreur en s’appuyant sur l’insuffisance des documents présentés à l’appui de la demande pour apprécier la crédibilité de la preuve des demandeurs (Ahortor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 705 (QL) (CF 1re inst.)). De la même manière, la SPR n’a pas fait erreur en s’appuyant sur la contradiction quant à savoir si les biens et les cartes de crédit de M. Alomari étaient bloqués ou s’il avait été congédié de l’entreprise de son père, puisque ces points touchent à la question principale de l’absence de documents corroborants (Attakora c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 99 NR 168, [1989] ACF no 444, au paragraphe 9).

[26]           En ce qui a trait aux autres erreurs qui auraient été commises par la SPR, notamment le défaut de tenir compte de la demande d’asile faite sur place par les demandeurs et le caractère vague de sa décision concernant les documents examinés et la conclusion relative à l’existence d’un risque généralisé, je suis d’avis que ces erreurs ne sont pas corroborées par les demandeurs, car la décision de la SPR est justifiée, transparente et intelligible et elle n’est pas trop vague, comme le prétendent les demandeurs. En effet, les motifs n’incluent peut‑être pas tous les arguments, toutes les dispositions législatives et toute la jurisprudence, mais cela n’entache pas la validité des motifs ou du résultat de l’analyse du caractère raisonnable (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, au paragraphe 16).

[27]           Comme le défendeur l’a à juste titre souligné, la SPR a avant tout estimé que le risque allégué n’était pas établi, et non que le risque auquel les demandeurs s’exposaient était un risque de nature généralisée. La discussion sur l’existence d’un risque généralisé avait seulement trait à la réinstallation dans la ville d’Aaram. Enfin, en procédant à une analyse de l’aspect « sur place » de la demande, la SPR peut y intégrer ses conclusions défavorables concernant la crédibilité (Jiang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1067; Sun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 387, au paragraphe 29). Et, même s’il est vrai que la SPR n’a pas affirmé précisément qu’elle faisait ou ne faisait pas une analyse de l’aspect « sur place » de la demande et qu’elle n’a pas non plus fait référence à la preuve documentaire concernant le pays, elle avait néanmoins des doutes sérieux sur la crédibilité des demandeurs en raison de leurs agissements au Canada et sur le risque qui s’en serait suivi (voir Sanaei c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 402, au paragraphe 57).

[28]           Le rôle de la Cour dans une instance comme en l’espèce ne consiste pas à apprécier de nouveau la preuve ni à substituer sa propre opinion à celle de la SPR (Dunsmuir, précité; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59; Jiang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1511, aux paragraphes 28 à 31; Chekroun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 737, 436 FTR 1, au paragraphe 36; Negm c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 272, au paragraphe 34). Comme je l’ai mentionné précédemment, la Cour peut intervenir seulement si la décision de la SPR ne fait pas partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

[29]           J’estime que la SPR pouvait avoir des raisons suffisantes de ne pas croire la version des faits des demandeurs, compte tenu des contradictions révélées par leurs témoignages et de l’insuffisance de la preuve présentée, particulièrement sur le principal aspect de leur demande d’asile.

[30]           Enfin, j’aimerais ajouter que l’avocat des demandeurs a mis en doute, à l’audience, le fait que Jérusalem-Est, la région d’où provient Mme Mansour, faisait partie d’Israël et, par conséquent, le fait qu’elle provient d’un pays d’origine désigné. Il a expliqué à la Cour que le gouvernement du Canada ne reconnaît pas l’indexation unilatérale de Jérusalem‑Est par Israël. Il est juste de dire que le Canada ne reconnaît pas le contrôle permanent qu’exerce Israël sur les territoires occupés en 1967 (le plateau du Golan, la Cisjordanie, Jérusalem‑Est et la bande de Gaza). Toutefois, je ne suis pas convaincu que la SPR a fait erreur en concluant que Mme Mansour vient d’un pays d’origine désigné. En fait, il ne revient pas à la SPR de décider si Jérusalem‑Est devrait faire partie de la désignation. La décision de désigner un pays comme un pays d’origine désigné est prise par le ministre, en vertu du paragraphe 109.1(1). Le ministre a volontairement décidé d’exclure la Cisjordanie et Gaza de la désignation d’Israël comme pays d’origine désigné, comme l’établit l’avis du gouvernement, Arrêté modifiant l’arrêté désignant les pays d’origine, qui est entré en vigueur le 15 février 2013, Gazette du Canada, vol. 147, no 8, le 23 février 2013, mais non Jérusalem‑Est. La SPR était liée par cet arrêté au moment où elle a rendu sa décision. La Cour ne peut intervenir sur cette question, puisque la décision du ministre ne peut être examinée par voie de contrôle judiciaire de la décision du SPR.

[31]           Je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

[32]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question de portée générale. Aucune question ne sera donc certifiée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

« René LeBlanc »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4621-13

INTITULÉ :

AMRO ALOMARI ET AL c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ, DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 OctobRe 2014

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE LEBLANC

DATE DES MOTIFS :

Le 1ER MAI 2015

COMPARUTIONS :

Edward C. Corrigan

POUR LES DEMANDEURS

Sharon Stewart Guthrie

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Edward C. Corrigan

Avocat

London (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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