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Date : 20150508


Dossier : IMM-7555-13

Référence : 2015 CF 597

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 mai 2015

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

LORNA NORETTA OCTAVE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature             de l’affaire et contexte

[1]               La demanderesse sollicite, au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés [SPR] a conclu au désistement de sa demande d’asile. La demanderesse prie la Cour d’annuler la décision de la SPR et d’ordonner à cette dernière de lui accorder une audience en bonne et due forme.

[2]               La demanderesse est une citoyenne de Sainte-Lucie qui est arrivée au Canada le 24 août 2008 et qui a demandé l’asile le 21 octobre 2011; elle a 45 ans. Elle soutient qu’elle est bisexuelle et que son ancien copain l’avait battue et lui avait proféré des menaces de mort après l’avoir surprise en train d’avoir des relations sexuelles avec une femme.

[3]               La SPR devait instruire la demande d’asile de la demanderesse le 12 août 2013; toutefois, le 8 août 2013, l’avocat de la demanderesse a demandé un ajournement parce que sa cliente était alitée pour des raisons médicales. Il a joint des lettres de médecins signalant que la demanderesse allait subir une intervention chirurgicale le 9 septembre 2013 et qu’il lui faudrait au moins six semaines pour se rétablir. La SPR a accepté de reporter l’audience au 8 octobre 2013 et le commissaire a noté ce qui suit dans le relevé de décision : [traduction] « En raison de la nature de la période de rétablissement après l’intervention chirurgicale, il est possible que la date soit changée. Son avocat nous tiendra au courant. »

[4]               L’intervention chirurgicale de la demanderesse s’est bien déroulée et elle a reçu son congé de l’hôpital le 10 septembre 2013. Toutefois, à l’approche de l’audience, elle a avisé son avocat qu’elle éprouvait encore des douleurs, manquait d’énergie, avait le souffle court, peinait à marcher et était incapable de tenir de longues conversations. Le 1er octobre 2013, son avocat a demandé un nouvel ajournement, sans présenter de nouvelles preuves médicales. Cette fois-ci, la SPR a refusé la demande en déclarant ce qui suit : [traduction] « Il n’y a pas de preuve médicale à l’appui de la demande d’ajournement. La demande n’est pas conforme aux Règles de la SPR. L’intervention chirurgicale a eu lieu le 9 septembre 2013 – la note du médecin prévoyait de 4 à 6 semaines de rétablissement. »

[5]               Le 7 octobre 2013, l’avocat de la demanderesse a à nouveau demandé un ajournement, en soumettant cette fois la note d’une infirmière chez Unison Health & Community Services [Unison Health]; cette note mentionnait ce qui suit : [traduction] « La demanderesse se remet d’une récente intervention chirurgicale (sept. 2013) et il lui faudra un certain temps pour se remettre entièrement. Il lui faudra probablement encore quatre semaines pour se rétablir entièrement. » Dans la lettre qui accompagnait la note, l’avocat de la demanderesse a signalé que la demanderesse [traduction] « souhait[ait] encore très vivement poursuivre [la] démarche » et a  proposé à la SPR neuf autres dates pour l’instruction de la demande d’asile de la demanderesse entre le 7 et le 15 novembre 2013. Lorsque l’avocat de la demanderesse s’est présenté à l’audience le 8 octobre 2013, le commissaire de la SPR l’a avisé que la note de l’infirmière était insuffisante et a mis l’affaire au rôle le 29 octobre 2013 en vue d’une audience de justification, pour donner à la demanderesse la possibilité de convaincre la SPR qu’elle ne s’était pas désistée de sa demande d’asile.

II.                La décision contestée

[6]               Le 29 octobre 2013, la demanderesse est arrivée à l’audience avec un retard d’une heure par rapport à l’heure d’enregistrement prévue et a présenté une autre note émanant de la Unison Health. Celle-ci signalait que la demanderesse était une patiente depuis le 12 octobre 2011, et précisait son diagnostic et l’intervention chirurgicale qu’elle avait subie. Encore une fois, la SPR a conclu que la demanderesse s’était désistée de son appel, en consignant ce qui suit dans le formulaire d’audience de justification : [traduction] « La demandeure d’asile a omis de soumettre un certificat médical conforme aux paragraphes 65(5) et (6) ».

[7]               La transcription de l’audience révèle des motifs plus détaillés. Pendant qu’il posait des questions à la demanderesse, le commissaire de la SPR a fait valoir qu’il n’y avait aucun élément de preuve qui précisait pourquoi les problèmes de santé de la demanderesse l’avaient empêchée de se présenter à l’audience du 8 octobre 2013. D’après les premières lettres, il fallait prévoir une période de rétablissement d’au moins six semaines, mais le commissaire a souligné que [traduction] « le terme “période de rétablissement” [pouvait] faire renvoi à plusieurs notions différentes » et que les lettres [traduction] « ne [lui disaient] pas que la demandeure d’asile n’était pas en mesure de comparaître. Elles ne [lui disaient] pas qu’elle était alitée ». Pour le même motif, la SPR a rejeté les lettres plus récentes de la Unison Health. De plus, le commissaire a signalé que, selon la fiche de congé d’hôpital, la demanderesse était alerte, éveillée et mobile et en mesure de se nourrir et de se laver elle-même.

[8]               La SPR a conclu que, dans l’ensemble, la preuve médicale n’était pas conforme à l’alinéa 65(6)a) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256 [Règles de la SPR], qui stipule qu’un certificat « indique […] sans mentionner de diagnostic, les particularités de la situation médicale qui ont empêché le demandeur d’asile […] de se présenter à l’audience relative à la demande d’asile ». Le commissaire de la SPR a signalé que cette règle n’était [traduction] « pas facultative ». Lorsque l’avocat de la demanderesse a fait valoir que le commissaire avait tout de même le pouvoir discrétionnaire de prendre en considération d’autres facteurs et de permettre à une personne de ne pas suivre une règle, le commissaire a répondu qu’il n’était pas au fait d’un tel pouvoir discrétionnaire. Toutefois, le commissaire a affirmé que même s’il avait un tel pouvoir discrétionnaire, il n’était pas [traduction] « convaincu que la demandeure d’asile souhaitait vraiment poursuivre cette démarche de manière active » parce que :

[traduction]

Le fait qu’elle est arrivée ici aujourd’hui avec une heure de retard révèle, à mon avis, l’absence d’une peur subjective. Si elle avait si peur de retourner à Sainte-Lucie, alors la priorité dans son esprit aurait été et aurait dû être la présente audience sur sa demande d’asile. Et se présenter avec un retard d’une heure par rapport à l’heure d’enregistrement prévue est, à mon avis, un indice du peu d’importance qu’elle y accorde. […] Cela s’ajoute au fait qu’elle n’a pas fourni les documents et son avocat a affirmé l’avoir avisée de produire les documents appropriés.

[9]               Le commissaire de la SPR a conclu l’audience en exposant de brefs motifs qui allaient de pair avec les doutes qu’il avait exprimés tout au long de l’audience, puis a tiré la conclusion suivante : [traduction] « [A]près avoir examiné l’ensemble de la preuve, je conclus qu’il n’y a pas de preuve convaincante justifiant que le traitement de la présente demande d’asile se poursuive et, par conséquent, je conclus selon la prépondérance des probabilités que vous, la demandeure d’asile, n’avez pas justifié la poursuite de votre demande. Alors, […] je prononce le désistement de la présente demande d’asile. »

III.             Questions à trancher

[10]           Dans ses observations écrites, la demanderesse a soumis trois questions à l’examen de la Cour, mais n’a présenté des arguments que sur les deux premières à l’audience : 

1.                  La décision de la SPR de prononcer le désistement de la demande d’asile était-elle raisonnable?

2.                  Les motifs de la SPR étaient-ils adéquats?

3.                  La SPR a-t-elle enfreint le droit de la demanderesse à l’équité procédurale en ne lui accordant pas la possibilité de se faire entendre pleinement?

IV.             Les arguments des parties

[11]           La demanderesse soutient qu’il était déraisonnable de la part de la SPR de conclure au désistement de sa demande d’asile et, de plus, que les motifs de la SPR à l’appui de cette décision étaient inadéquats.

[12]           La demanderesse signale qu’elle avait diligemment rempli son formulaire de renseignements personnels dans les délais prévus et fourni les documents à l’appui, qu’elle avait dépêché son avocat aux deux audiences précédentes pour expliquer son absence, et qu’elle avait produit des lettres de professionnels de la santé confirmant ses problèmes d’ordre médical. Bien qu’elle reconnaisse que ces lettres ne respectaient pas tous les critères du paragraphe 65(6) des Règles de la SPR et qu’elle est arrivée en retard à l’audience, la demanderesse et son avocat étaient tous les deux prêts à poursuivre l’affaire le 29 octobre 2013. De l’avis de la demanderesse, la SPR a omis, en contravention du paragraphe 65(4) des Règles de la SPR, de prendre en considération tout facteur autre que le caractère inadéquat de ses certificats médicaux.

[13]           De plus, la demanderesse soutient que la SPR a commis une erreur en prononçant le désistement de sa demande d’asile sans expliquer de quelle manière elle est arrivée à cette conclusion, compte tenu des notes médicales soumises et de la volonté de la demanderesse de poursuivre sa demande d’asile à l’audience de justification.

[14]           Le défendeur fait valoir que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (citant la décision Ahamad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 3 RCF 109, au paragraphe 27, 184 FTR 283 (1re inst.) [Ahamad]). D’après le défendeur, un prononcé de désistement est une décision hautement discrétionnaire qui ne devrait être annulée que s’il n’y avait aucune preuve à l’appui du prononcé.

[15]           Selon le défendeur, le critère à appliquer pour prononcer le désistement consiste à « se demander si la conduite du demandeur d’asile constitue une expression de l’intention de cette personne de ne pas souhaiter poursuivre sa demande avec diligence ou de ne pas s’intéresser à sa demande » (Markandu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1596, au paragraphe 10 [Markandu], citant la décision Ahamad, au paragraphe 32). Le fardeau de prouver qu’il n’y a pas lieu de prononcer le désistement incombe au demandeur d’asile (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 224, au paragraphe 75, 405 FTR 293 [Singh]) et le défendeur fait valoir que les certificats médicaux de la demanderesse n’expliquaient pas pourquoi elle n’était pas en mesure de se présenter à l’audience le 8 octobre 2013. Ainsi, elle a enfreint le paragraphe 65(6) et n’a pas fourni d’explication qui puisse satisfaire au paragraphe 65(7). Selon le défendeur, il était par conséquent raisonnable de la part de la SPR de prononcer le désistement de la demande d’asile et la Cour a maintenu des décisions similaires par le passé (citant, par exemple, les décisions Keiselis c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 815 [Keiselis] et Csikos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 632, au paragraphe 29 [Csikos]).

[16]           Pour ce qui est du caractère adéquat des motifs, le défendeur soutient qu’ils respectaient les critères exposés dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 16 et 18, [2011] 3 RCS 708. La SPR était seulement tenue de se pencher sur la question de savoir si la demanderesse s’était conformée à l’article 65 des Règles de la SPR et, selon le défendeur, les motifs expliquent de manière raisonnable et suffisante sa non-conformité.

V.                Analyse

[17]           La décision de la SPR commande la retenue judiciaire et la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Cette décision ne devrait pas être remise en cause, sauf si ses motifs manquent de transparence, de justification et d’intelligibilité, ou si les conclusions n’appartiennent pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59, [2009] 1 RCS 339).

[18]           Je conviens avec le défendeur que le critère à appliquer pour prononcer le désistement consiste à « se demander si la conduite du demandeur d’asile constitue une expression de l’intention de cette personne de ne pas souhaiter poursuivre sa demande avec diligence ou de ne pas s’intéresser à sa demande » (Markandu, au paragraphe 10, citant la décision Ahamad, au paragraphe 32). Toutefois, je rejette l’avis du défendeur selon lequel il était raisonnable de la part de la SPR de prononcer le désistement de la demande d’asile.

[19]           Le défendeur se fonde sur des affaires un peu similaires, mais aucune d’entre elles n’appuie l’argument selon lequel la décision de la SPR de prononcer le désistement était raisonnable. Chacun de ces précédents peut être écarté sans difficulté. Dans la décision Keiselis, le demandeur avait omis de se présenter à son audience à quatre reprises et aucune des lettres médicales ne contenait le moindre renseignement pouvant justifier l’absence du demandeur à son audience. Dans la décision Csikos, les demandeurs n’avaient pas donné suite à la demande de la SPR de lui fournir des renseignements médicaux plus détaillés et n’avaient pas déposé, avant la tenue de l’audience, le formulaire de confirmation de la disponibilité (malgré la mise en garde que la procédure de désistement serait entreprise si le formulaire n’était pas soumis). Dans la décision Singh, le demandeur n’a jamais démontré qu’il avait souffert de problèmes de santé, le demandeur et son avocat ne s’étaient pas présentés à l’audience prévue, et ni l’un ni l’autre n’était prêt à procéder à l’instruction de la demande d’asile à l’audience sur le désistement. Enfin, dans la décision Bolombu Ndomba c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 189, la demanderesse n’était pas, elle non plus, prête à procéder à l’instruction et n’avait pas présenté le moindre certificat médical à l’appui de son affirmation selon laquelle ses problèmes de santé avaient entraîné le report de quatre audiences précédentes (malgré avoir été avisée qu’elle devait en présenter un plus de six mois auparavant).

[20]           De même, la présente affaire se distingue de la récente décision Uandara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 254, où la demande d’asile était en cours depuis trois ans et les demandeurs ont présenté, la veille de l’audience de justification, la note d’un médecin signalant que la demanderesse (qui en était prétendument à son huitième mois de grossesse) [traduction] « ne dev[ait] probablement pas voyager […] en avion pour aller à Toronto ». Toutefois, l’audience aurait pu se tenir par téléconférence et la Cour a déclaré ce qui suit avant de conclure que le prononcé du désistement était raisonnable :

[36]      Pour des personnes qui prétendent craindre retourner en Namibie, les demandeurs semblent avoir fait peu d’efforts afin d’établir le bien-fondé de leur demande d’asile au Canada. Il ressort du dossier que la Commission leur a offert des accommodements de façon répétée, et que les défauts de comparaître des demandeurs cadrent davantage avec une attitude d’évitement qu’avec une tentative de faire valoir une demande.

[37]      Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne la décision soumise au contrôle, il est évident que celle-ci ne comporte aucune erreur de droit. Les demandeurs ont été pleinement avisés des conséquences de leur omission de se présenter à l’audience du 18 juillet 2013, et de ce qu’ils devaient produire afin d’éviter que la Commission prononce le désistement de leur demande. Pourtant, encore une fois, ils n’ont pas comparu et ils n’ont produit à la Commission aucun élément de preuve démontrant qu’ils étaient capables de se présenter. […]

[21]           Comme je l’ai déjà mentionné, la question que doit se poser la SPR est celle de savoir si la conduite de la demanderesse révèle qu’elle ne souhaite pas poursuivre sa demande d’asile avec diligence. La réponse à la question « doit tenir compte des faits de chaque affaire, mais elle doit considérer tous les facteurs pertinents qui ont une incidence sur l’affaire » (Ahamad, au paragraphe 33).

[22]           Après que la demanderesse est arrivée près de 30 minutes plus tard que l’heure prévue du début de l’audience, le commissaire de la SPR lui a demandé d’expliquer pourquoi il ne devrait pas prononcer le désistement de la demande d’asile. Bien que la demanderesse et son avocat aient expliqué ses problèmes de santé, ces explications étaient insatisfaisantes aux yeux du commissaire de la SPR qui a déclaré que les dispositions de l’alinéa 65(6)a) n’étaient [traduction] « pas facultatives » et, par conséquent, il a rejeté le certificat médical soumis par la demanderesse pour justifier son absence à l’audience du 8 octobre 2013.

[23]           Le commissaire de la SPR ne semblait pas être au fait que l’alinéa 70c) des Règles de la SPR l’autorise à « permettre à une personne de ne pas suivre une règle ». Surtout, le commissaire n’a pas tenu compte des dispositions du paragraphe 65(4). En l’espèce, à l’audience sur le désistement, il est clair que la demanderesse et son avocat étaient prêts à amorcer l’instruction de sa demande d’asile et ont confirmé qu’ils étaient prêts. La documentation de la demanderesse (qui comptait 19 pièces au total) avait été présentée à la SPR. De plus, même si la demanderesse elle-même n’était pas dans la salle d’audience au début de l’audience le 29 octobre 2013, son avocat y était; d’après la transcription, il avait informé le commissaire de ce qui suit : [traduction] « [La demanderesse] marche très lentement » [et vient] « tout juste de quitter le métro près d’ici. » Il était déraisonnable de conclure que la mauvaise évaluation par la demanderesse du temps qu’il lui faudrait pour se rendre à la salle d’audience révélait, à elle seule, l’absence d’une peur subjective qui, de toute manière, est un facteur qui s’applique principalement au bien-fondé de sa demande d’asile.

[24]           Il ressort également de la transcription de l’audience que le commissaire de la SPR est resté fixé sur les lacunes techniques des certificats médicaux que la demanderesse avait soumis pour justifier ses deux non-comparutions. Je souscris à l’avis de la demanderesse selon lequel la SPR a omis, en contravention du paragraphe 65(4) des Règles de la SPR et des indications dans la décision Ahamad (au paragraphe 33), de prendre en compte tout facteur autre que le caractère inadéquat de ses certificats médicaux pour décider si la demanderesse s’était désistée de sa demande d’asile.

[25]           Il était également déraisonnable de la part de la SPR de conclure que la demanderesse n’avait manifesté aucun intérêt à poursuivre sa demande d’asile avec diligence. La SPR devait initialement instruire la demande d’asile le 12 août 2013, mais cette audience a été remise en bonne et due forme au 8 octobre 2013 et l’audience sur le désistement a eu lieu seulement trois semaines plus tard, soit le 29 octobre 2013. Durant cette période d’environ deux mois et demi, la maladie de la demanderesse était suffisamment grave pour qu’elle subisse une intervention chirurgicale majeure le 9 septembre 2013 et, selon ses médecins, il fallait prévoir une période de rétablissement d’au moins six semaines. L’avocat de la demanderesse s’est présenté en personne aux deux premières audiences prévues pour expliquer pourquoi la demanderesse était contrainte de demander un ajournement, et la demanderesse et son avocat étaient prêts à entreprendre l’instruction approfondie de la demande d’asile le 29 octobre 2013. Cette conduite révèle que la demanderesse a poursuivi sa demande d’asile avec toute la diligence possible dans les circonstances.

VI.             Conclusion

[26]           Il n’était pas raisonnable de la part de la SPR de prononcer le désistement de la demande d’asile en l’espèce. Cette décision ne peut se justifier au regard des faits et du droit et manque de justification.

[27]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la SPR selon laquelle la demanderesse s’était désistée de sa demande d’asile est annulée et un autre commissaire de la SPR doit instruire la demande d’asile déposée par la demanderesse.

[28]           Aucune des parties n’a soulevé de question grave de portée générale aux fins de certification, de sorte qu’aucune n’est certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, que la décision de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle la demanderesse s’était désistée de sa demande d’asile est annulée, et qu’un autre commissaire de la Section de la protection des réfugiés instruira la demande d’asile déposée par la demanderesse. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 « Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7555-13

 

INTITULÉ :

LORNA NORETTA OCTAVE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 MARS 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 8 MAI 2015

 

COMPARUTIONS :

Johnson Babalola

 

POUR La demanderesse

 

Jocelyn Espejo Clarke

 

POUR Le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Johnson Babalola

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR La demanderesse

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour Le défendeur

 

 

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