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Date : 20150429


Dossier : IMM‑5246‑14

Référence : 2015 CF 557

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 avril 2015

En présence de monsieur le juge S. Noël

ENTRE :

HAMZE ELMI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire formulée par Hamze Elmi (demandeur) au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), LC 2001, c 27 qui vise la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (SPR) le 9 mai 2014. La SPR a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

II.                Faits allégués

[2]               Le demandeur est un ressortissant de Djibouti, né le 8 février 1984.

[3]               Le demandeur déclare avoir été pris pour cible par des membres de sa famille en raison de son orientation homosexuelle. La prétendue persécution serait sous forme de viol et d’humiliation physique dans le but de purifier le demandeur de son « péché ». Il a déclaré avoir été arrêté et détenu après que son père l’eût signalé à la police en décembre 2003.

[4]               Le demandeur a déclaré que, à la suite des incidents de décembre 2003, il s’est caché chez un ami dans un autre secteur de la ville et il a déménagé deux mois plus tard pour rester chez la famille d’un ami à Dikhil, à deux heures de la ville de Djibouti. Le demandeur a déclaré s’être caché à cet endroit pendant quatre ans et demi avant de retourner à Djibouti le 5 juin 2009 pour demander un visa des États‑Unis d’Amérique (É.‑U.). Il a présenté une demande en vue d’obtenir un visa des É.‑U. le 6 juillet 2009. Le visa a été délivré le 9 juillet 2009. Il est retourné à Dikhil le même jour.

[5]               Le 16 juillet 2009, le demandeur aurait quitté Djibouti pour aller rendre visite à sa mère en Somalie. Il a affirmé être resté avec elle pendant une semaine avant de retourner à Djibouti.

[6]               Le demandeur a quitté Djibouti le 15 octobre 2009 pour aller en Égypte, où il est resté jusqu’au 27 octobre 2009, date à laquelle il s’est rendu aux É.‑U. Il y est resté jusqu’au 10 février 2010, date à laquelle il est arrivé au Canada et à laquelle il a demandé l’asile.

[7]               La SPR a refusé la demande du demandeur dans une décision rendue le 9 mai 2014. Il s’agit de la décision faisant l’objet d’un contrôle.

III.             Décision contestée

[8]               La SPR a constaté de nombreuses omissions et contradictions entre l’exposé circonstancié du demandeur et son témoignage, ce qui a miné à la crédibilité du demandeur. Tout d’abord, la SPR a souligné des divergences relativement aux dates auxquelles le demandeur a déclaré avoir été détenu en décembre 2003, des contradictions entre les incidents survenus durant la détention du demandeur et l’affidavit de sa sœur, et des contradictions concernant la fréquentation scolaire du demandeur.

[9]               La SPR a également souligné qu’aucun incident n’a été mentionné dans le récit du demandeur jusqu’au départ de celui‑ci de Djibouti pour la Somalie le 16 juillet 2009. La SPR a également mentionné que le demandeur n’avait pas déclaré dans son exposé circonstancié qu’il était retourné à Djibouti après une semaine et qu’il y était resté jusqu’au 15 octobre 2009 avant de quitter le pays. Par conséquent, la SPR a déclaré qu’elle ne croyait pas aux allégations du demandeur et aux prétendues craintes de celui‑ci.

[10]           La SPR a également précisé qu’elle n’a accordé aucune valeur probante à la copie de l’avis de convocation signifié par les autorités dans son pays et à l’affidavit de la sœur du demandeur. De plus, la SPR n’a pas ajouté foi au témoignage du frère du demandeur.

[11]           Finalement, la SPR a souligné que la conduite du demandeur n’est pas compatible avec les craintes de celui‑ci, car, avant de venir au Canada, il est resté en Égypte et aux É.‑U., où il n’a pas demandé l’asile.

[12]           Par conséquent, la SPR a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

IV.             Observations des parties

[13]           Le demandeur soutient qu’il n’y avait aucune contradiction relativement à la période de sa détention entre le Formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur, qui précise qu’il a été détenu du 12 au 26 décembre 2003, et son témoignage devant la SPR, où il a déclaré avoir été détenu à la fin de décembre 2003. Le demandeur ajoute que la SPR a commis une erreur dans l’évaluation qu’elle a faite des incidents survenus lorsqu’il était détenu. Le demandeur déclare par la suite que la SPR a mal interprété les faits dans l’affidavit de la sœur. Il soutient également que la contradiction concernant les dates de fréquentation scolaire a été expliquée de manière adéquate à la SPR. Le demandeur ajoute également que la conclusion de la SPR concernant le fait qu’il avait omis de mentionner son séjour d’une semaine avec sa mère ne devrait pas avoir une incidence sur l’appréciation de sa crédibilité. Cependant, l’intimé soutient que la tentative du demandeur de miner les conclusions quant à la crédibilité et les conclusions défavorables sont sans fondement et qu’il faut faire preuve d’une retenue considérable à l’égard des conclusions de la SPR quant à la crédibilité. L’intimé ajoute que la Cour n’a pas à apprécier la preuve à nouveau.

[14]           Le demandeur soutient également que le rejet par la SPR de l’avis de convocation signifié par les autorités de Djibouti, de l’affidavit de sa sœur et du témoignage de son frère n’est pas raisonnable, car ceux‑ci ont corroboré le récit du demandeur. L’intimé répond en affirmant qu’il est raisonnable de la part de la SPR d’accorder peu de valeur à l’affidavit de la sœur du demandeur et au témoignage du frère du demandeur compte tenu des conclusions de la SPR quant à la crédibilité.

[15]           En ce qui concerne le séjour du demandeur en Égypte et aux É.‑U., le demandeur soutient qu’il est seulement demeuré pendant onze jours en Égypte, où il est allé uniquement pour acheter un billet d’avion à bas prix pour se rendre aux É.‑U., et qu’il n’a pas demandé l’asile aux É.‑U. étant donné que son objectif état de rejoindre son frère au Canada. L’intimé répond en soutenant que la SPR a le droit de tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur en raison du fait qu’il a retardé sa revendication du statut de réfugié. Dans sa réponse, le demandeur n’est pas d’accord avec la jurisprudence citée par l’intimé concernant cette question parce que les faits des cas présentés par l’intimé diffèrent des faits en l’espèce.

V.                Question

[16]           J’ai examiné les observations des parties et les éléments de preuve au dossier et je formule la question de la manière suivante :

  1. L’appréciation de la crédibilité du demandeur par la SPR est‑elle raisonnable?

VI.             Norme de contrôle

[17]           La question de savoir si l’appréciation de la crédibilité du demandeur par la SPR est raisonnable ou non est principalement une question de fait (Salazar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 466, au paragraphe 36; Molano c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1253, au paragraphe 26; Ruiz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 258, au paragraphe 20). La Cour doit seulement intervenir si elle conclut que la décision est déraisonnable, c’est‑à‑dire qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] A.C.S. no 9, au paragraphe 47 (Dunsmuir)).

VII.          Analyse

[18]           Les conclusions de la SPR quant à la crédibilité doivent être abordées avec retenue (Rahal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 319, aux paragraphes 27 et 31 (Rahal)). En effet, les conclusions quant à la crédibilité constituent l’essentiel de la compétence de la SPR (Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, au paragraphe 7). La Cour intervient seulement si la SPR a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (Khakh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1996] A.C.F. no 980, 116 FTR 310, au paragraphe 6; Rahal, précité, au paragraphe 35). Le demandeur doit s’acquitter du fardeau de montrer que la conclusion défavorable quant à la crédibilité a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve (Houshan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 650, au paragraphe 19 (Houshan)). En l’espèce, bien que la décision de la SPR ne soit pas parfaite, j’estime qu’elle est raisonnable.

[19]           Le demandeur conteste d’abord la conclusion de la SPR selon laquelle il existe une contradiction entre le témoignage du demandeur selon lequel celui‑ci a été détenu à la fin de décembre 2003 et la déclaration du demandeur dans son exposé circonstancié, à savoir qu’il a été détenu du 12 au 26 décembre 2003. Je suis d’accord avec le demandeur qu’il ne s’agit pas d’une contradiction en soi étant donné que la dernière journée de détention, soit le 26 décembre, est très près de la fin du mois. Une contradiction signifie que des faits sont opposés les uns aux autres. En l’espèce, les faits n’entrent pas en contradiction. Cela étant dit, ce fait ne rend pas l’ensemble de la décision déraisonnable.

[20]           Le demandeur conteste également la décision de la SPR selon laquelle il y avait une contradiction entre la déclaration du demandeur selon laquelle il n’a subi aucune souffrance durant sa détention et la déclaration dans l’affidavit de la sœur du demandeur (dossier du demandeur (DD), à la page 65), qui semble mentionner que son frère était grièvement blessé lorsqu’il est revenu chez lui. À l’audience devant la SPR, le demandeur et son conseil ont expliqué que la sœur du demandeur faisait référence à l’incident où les membres de la famille du demandeur l’ont torturé au pied d’un arbre et que l’affidavit devrait être lu dans son ensemble. Cependant, en se fondant sur la présentation du contenu de l’affidavit de la sœur du demandeur, il était raisonnable pour la SPR de conclure qu’il y avait une contraction relativement à ce point.

[21]           Le demandeur soutient également que la conclusion de la SPR relativement aux dates de fréquentation scolaire était déraisonnable. En ce qui concerne ce point, le demandeur a fait état dans son FRP qu’il a fréquenté l’école de septembre 2001 à juillet 2004. Cependant, il a mentionné dans son exposé circonstancié qu’il a [traduction« fui dans un autre quartier de Djibouti » (DD du 5 août 2014, à la page 58, aux lignes 144 et suivantes), où il est resté chez un ami pendant deux mois après avoir été torturé par des membres de la famille du demandeur. Cela s’est produit après sa détention en décembre 2003, et le demandeur n’a pas fréquenté l’école par la suite. Lorsqu’il a été questionné au sujet de cette contradiction devant la SPR, le demandeur a expliqué qu’il avait simplement inscrit la fin de l’année scolaire, soit juillet 2004, dans son FRP étant donné qu’il ne lui avait pas été demandé de fournir des réponses détaillées à la frontière (dossier certifié du tribunal (DCT), transcription de l’audience devant la SPR, à la page 144). Essentiellement, le demandeur n’a pas fréquenté l’école de janvier à juillet 2004, ce qui représente six mois au total. Ce n’est pas ce que le demandeur a déclaré dans son FRP. Il était raisonnable que la SPR conclue que le dossier du demandeur et le témoignage de celui‑ci se contredisaient.

[22]           De plus, le demandeur est en désaccord avec la décision de la SPR établissant que l’omission du demandeur de mentionner son retour à Djibouti après avoir visité sa mère en Somalie pendant une semaine a compromis sa demande d’asile. Cependant, il était loisible à la SPR de tirer des conclusions défavorables relativement à cette omission. De plus, la SPR a soutenu que le demandeur est resté à Djibouti pendant environ deux mois avant de quitter le pays pour l’Égypte. En effet, le demandeur a vécu à Djibouti du 5 juin 2009 au 15 octobre 2009, à l’exception de la visite du demandeur chez sa mère en Somalie. Le demandeur a expliqué qu’il a passé tout ce temps à Djibouti avant de quitter le pays en raison de la procédure pour obtenir son visa égyptien (DCT, transcription de l’audience devant la SPR, à la page 160). Cependant,  le demandeur n’a pas prétendu avoir été persécuté pendant ce temps. Cela a également compromis la crédibilité du demandeur à titre de personne craignant d’être persécutée en raison de son orientation sexuelle.

[23]           Bien que la question n’ait pas fait l’objet d’une discussion à l’audience devant la SPR, mais qu’elle a été abordée à l’audience du contrôle judiciaire, j’ai constaté que le passeport du demandeur contient un timbre apposé lors de sa sortie de Djibouti dont la date est le 16 juillet 2009 ainsi qu’un timbre relativement à l’entrée à Djibouti ayant été apposé le 2 octobre 2009 (DD, à la page 30). Selon le dossier et le témoignage du demandeur devant la SPR, le demandeur aurait dû se trouver à Djibouti le 2 octobre 2009 et avant cette date. Aucune réponse n’a été fournie pour expliquer cette sortie et cette entrée devant la Cour, mais, à première vue, cela contredit le témoignage du demandeur lorsqu’il a dit qu’il se trouvait à Djibouti pendant tout ce temps.

[24]           J’ai également constaté que le demandeur a témoigné devant la SPR qu’il avait pris la décision de venir au Canada en 2004, alors qu’il se trouvait à Djibouti (DCT, transcription de l’audience devant la SPR, à la page 132). Cependant, le demandeur a attendu jusqu’en mai 2009 pour demander un passeport (DCT, transcription de l’audience devant la SPR, à la page 129) et jusqu’en juillet 2009 pour demander un visa américain avant de finalement arriver au Canada en février 2010. Par conséquent, la conduite et les actions du demandeur depuis sa décision de quitter Djibouti pour venir au Canada en 2004 sont incompatibles avec sa prétendue crainte fondée sur son orientation sexuelle. De plus, aucun incident ne s’est produit relativement au demandeur à Djibouti depuis son arrivée au Canada, sauf en ce qui concerne sa déclaration selon laquelle toute sa [traduction« famille le sait maintenant » en ce qui a trait à son orientation sexuelle (DCT, transcription de l’audience devant la SPR, aux pages 131 et 132). Cette simple déclaration, à savoir que toute la famille du demandeur sait maintenant qu’il est homosexuel, ne suffit pas pour appuyer sa demande d’asile.

[25]           La SPR s’est aussi penchée sur le fait que le demandeur est resté en Égypte pendant onze jours en octobre 2009 et qu’il a passé près de trois mois et demi aux É.‑U. avant d’arriver au Canada, et ce, sans demander l’asile. La SPR n’était pas satisfaite de l’explication du demandeur relativement à la question de savoir pourquoi il n’avait pas demandé l’asile dans l’un de ces pays. Il s’agissait d’une évaluation raisonnable de la part de la SPR étant donné qu’elle n’est pas tenue d’accepter l’explication du demandeur (Karakaya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 777, au paragraphe 18; Houshan, précité).

[26]           Le demandeur et l’intimé sont également en désaccord en ce qui concerne les répercussions de la décision du demandeur de ne pas demander l’asile aux É.‑U. Un désaccord similaire s’est produit entre les parties dans l’affaire Olaya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 913 (Olaya), dans le cadre de laquelle le juge O’Keefe a déclaré ce qui suit aux paragraphes 51 à 55 :

51        Selon la Commission, le fait que les demandeurs n’aient pas, avant leur arrivée au Canada, effectué de démarches auprès des services américains d’immigration, ni demandé l’asile dans ce pays, indique qu’ils n’ont pas de crainte subjective. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une conclusion déterminante, les demandeurs la critiquent, car ils estiment qu’elle ne tient pas compte de la situation particulière dans laquelle ils se trouvent. Cela comprend notamment le fait que leur séjour aux États‑Unis était parfaitement régulier (ils avaient des visas en cours de validité) et bref (cinq jours). Ils n’ont jamais eu l’intention d’y demeurer, mais, au contraire, ont toujours eu l’intention de venir au Canada, où vit un de leurs parents.

52        Soutenant la conclusion à laquelle la Commission est parvenue sur ce point, l’intimé affirme qu’il est bien établi que le fait de ne pas demander l’asile dans un pays signataire de la Convention et par lequel un requérant transite en se rendant au Canada, peut être pris en compte pour rejeter une demande d’asile. L’argument se justifie au regard de la jurisprudence (voir Gilgorri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 559, [2006] ACF no 701, aux paragraphes 24 à 27). Une des décisions citées avec approbation par le juge Michel Shore, dans le jugement Gilgorri, c’est Pissareva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 11 Imm LR (3d) 233, [2000] ACF no 2001. Dans la décision Pissareva, le juge en chef Edmond Blanchard explique (au paragraphe 29) :

En ce qui a trait à l’omission par la demanderesse de revendiquer le statut de réfugiée aux États‑Unis, où elle a résidé pendant près d’un mois avant de fouler le sol canadien; notre Cour a réitéré maintes fois que la section du statut se doit de tenir compte du comportement des demanderesses. Le fait d’être de passage dans un pays signataire de la Convention sans toutefois revendiquer le statut de réfugié dans les plus brefs délais peut être un facteur dans l’appréciation des facteurs subjectifs de sa revendication. [Non souligné dans l’original.]

53        Plus récemment, la Cour a conclu que, lorsqu’une personne n’est pas en mesure de justifier sa lenteur à présenter une demande d’asile, celle‑ci peut être déclarée irrecevable, même si les déclarations de son auteur sont jugées par ailleurs crédibles (voir Velez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 923, [2010] ACF no 1138, au paragraphe 28).

54        Il est à remarquer en l’espèce que les demandeurs sont demeurés aux États‑Unis moins d’une semaine. Ils étaient pourtant en possession de visas de visiteur autorisant un séjour de six mois. Aucun obstacle juridique ne s’opposait à un plus long séjour ou ne les empêchait d’y présenter une demande d’asile. Par ailleurs, le simple fait que les demandeurs aient un parent installé au Canada ne permet pas de passer sur le fait qu’ils n’ont pas, aux États‑Unis, demandé l’asile « dans les plus brefs délais » (voir Pissareva, précité, au paragraphe 29).

55        La Commission n’ayant, en définitive, pas basé sa décision sur ce point, je ne saurais lui reprocher d’avoir tiré une conclusion défavorable du fait que les demandeurs n’ont pas déposé une demande d’asile aux États‑Unis. Pour apprécier les aspects subjectifs de leur demande, il était légitime pour la Commission de tenir compte du fait qu’ils n’avaient pas demandé l’asile aux États‑Unis. Compte tenu de la preuve dont elle disposait, la Commission pouvait raisonnablement conclure en ce sens. [Souligné dans l’original.]

[27]           En l’espèce, le demandeur a passé plus de trois mois aux É.‑U., soit plus que les cinq jours dont il est question dans la décision Olaya, précitée. Bien qu’il ne soit pas déterminant, il s’agit d’un facteur dont la SPR peut tenir compte dans la demande d’asile du demandeur. Le juge O’Keefe a également précisé que le fait d’avoir un parent au Canada n’est pas suffisant pour compenser le fait que le demandeur n’a pas demandé l’asile dès que possible. Le même raisonnement est également applicable en l’espèce. La conclusion de la SPR relativement à cette question est donc raisonnable.

[28]           Finalement, le demandeur conteste le rejet de l’affidavit de sa sœur, de l’avis de comparution du demandeur signifié par les autorités de Djibouti et du témoignage du frère du demandeur par la SPR. En ce qui concerne l’avis de comparution, la SPR a souligné que celui‑ci n’est pas daté et qu’il ne s’agissait pas de la version originale. Elle a également trouvé étonnant que le demandeur ne sache pas qui l’avait reçu. En ce qui concerne l’affidavit de la sœur du demandeur, celui‑ci a expliqué qu’il avait demandé le document à sa sœur en 2010 et qu’il l’avait seulement reçu en février 2014, soit quatre ans plus tard (DCT, transcription de l’audience devant la SPR, à la page 124). Par conséquent, il était raisonnable de la part de la SPR de rejeter les explications du demandeur en ce qui concerne ces documents. De plus, étant donné que la SPR a conclu que le demandeur n’était pas crédible, il était raisonnable pour elle de ne pas accorder de force probante à cette preuve et au témoignage du frère du demandeur (Nijjer c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1259, au paragraphe 26; Gebetas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1241, au paragraphe 29; Sheikh c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 CF 238, [1990] A.C.F. no 604 (C.A.), au paragraphe 9; Karakaya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 777, au paragraphe 18).

[29]           Pour les motifs énoncés ci‑dessus, la décision est raisonnable et appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité).

VIII.       Conclusion

[30]           Malgré une conclusion déraisonnable relativement au moment de la détention du demandeur en décembre 2003, la décision de la SPR est raisonnable dans son ensemble. La SPR a tiré des conclusions défavorables adéquates quant à la crédibilité, et l’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

[31]           Les parties ont été invitées à présenter des questions aux fins de certification, mais aucune question n’a été proposée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.      il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Simon Noël »

Juge

Traduction certifiée conforme

S. Tasset


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5246‑14

 

INTITULÉ :

HAMZE ELMI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 AVRIL 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge S. noël

 

DATE DES MOTIFS :

le 29 avril 2015

COMPARUTIONS :

Russell Kaplan

 

POUR LE DEMANDEUR

 

David Aaron

 

POUR L’INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Russell Kaplan

Avocat

Ottawa (Ontario)

 

pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général

 

pour l’intimé

 

 

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