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Date : 20150508


Dossier : IMM-3748-14

Référence : 2015 CF 609

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 8 mai 2015

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

LWAM MEKUR GEBRESELASSIE

LULIA MEBRAHTU

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               La présente demande vise à contester la décision du 25 février 2014 par laquelle le délégué du ministre (l’agent) a rejeté la demande de visa de résident permanent des demanderesses. Les demanderesses sont une mère (la demanderesse principale) et sa fille à charge de l’Érythrée qui sollicitent la résidence permanente dans la catégorie du regroupement familial. La demanderesse principale a présenté la demande à titre de conjointe de fait de son répondant. La demande a été rejetée parce que l’agent n’a pas reconnu que la demanderesse principale avait résidé avec son répondant pour la période requise d’un an et, par conséquent, elle n’était pas la conjointe de fait de son répondant. La question principale en l’espèce est celle de savoir si la conclusion de l’agent est fondée sur une erreur dans l’appréciation des faits.

[2]               S’agissant de la question, l’avocat de la demanderesse a fourni un résumé de la preuve présentée à l’agent découlant d’une entrevue qui s’est déroulée le 8 octobre 2013 à Nairobi, au Kenya :

[traduction] La demanderesse principale et M. Teclemichael [le répondant] se sont rencontrés pour la première fois le 4 février 2006 dans une église d’Asmara, en Érythrée, et se sont donné rendez-vous dans un café. Ils se sont alors échangé leurs numéros et ont commencé à se voir le plus souvent possible pour apprendre à se connaître. Leur relation a évolué et, le 25 mars 2006, M. Teclemichael a rencontré le frère de la demanderesse principale, Musie Mekur, et ses amies, Helen Tesfay et Eden Selernon. Le 10 avril 2006, il a rencontré la mère de la demanderesse principale, Letezge Gebreyohanes, et sa sœur, Helen Mekur.

En mai 2006, la demanderesse principale et M. Teclemichael ont commencé à faire vie commune dans la maison familiale.

La demanderesse principale a expliqué que la demanderesse mineure est née en 2004 et que sa grossesse découlait d’une brève relation avec un petit ami, avec qui elle ne s’est pas mariée. La grossesse n’était pas désirée et sa famille était mécontente. Elle a affirmé ce qui suit à l’agent qui a procédé à l’entrevue : [traduction] « Nous étions jeunes tous les deux, cette grossesse était inacceptable ». Elle a également expliqué que la demanderesse mineure ne connaît pas son père biologique et que seul M. Teclemichael fait figure de père pour elle.

Pendant l’entrevue, l’agent a demandé à la demanderesse principale pourquoi ses parents ont consenti à la laisser vivre avec M. Teclemichael sans qu’ils ne soient mariés. Elle a répondu que c’est parce qu’elle avait déjà un enfant et qu’il en avait deux. Les notes de l’agent indiquent que la demanderesse principale a affirmé ce qui suit : [traduction] « Si vous avez un enfant avant le mariage, tout est possible, ils peuvent l’accepter. »

(Dossier des demanderesses, aux pages 161 et 162)

[3]               La lettre de refus du 25 février 2014 indique les raisons suivantes :

[traduction] Selon les renseignements dont je dispose, vous n’avez pas démontré que vous avez une relation de conjoints de fait avec Amanuel Beyene Teclemichael. Vous n’avez pas été en mesure de me fournir une preuve quelconque que vous et M. Teclemichael avez cohabité pendant plus d’un an avant votre départ de l’Érythrée.

Il aurait été inhabituel que votre famille consente à ce que vous cohabitiez dans la maison familiale avant le mariage.

En outre, lorsque M. Teclemichael a quitté l’Érythrée, il ne vous a pas rejoint en Ouganda, mais est plutôt allé au Soudan avec sa famille [Je souligne pour relever une erreur de fait non contestée].

Depuis son arrivée au Canada, il n’est pas venu en Ouganda pour vous rendre visite.

De plus, vous avez indiqué que M. Teclemichael a deux enfants avec une autre femme, mais vous ne savez pas s’il cohabitait simplement avec elle comme s’ils étaient légalement mariés.

Pour ces motifs, je ne suis pas convaincu que M. Teclemichael et vous êtes visés par la définition de conjoints de fait.

[Non souligné dans l’original.]

(Dossier certifié du tribunal, à la page 3)

[4]               À mon sens, il apparait clairement que l’agent a abordé la preuve avec méfiance. Il n’a pas indiqué clairement pourquoi il a rejeté la preuve de la demanderesse à première vue. Surtout, il n’a pas expliqué pourquoi il a rejeté la réponse de la demanderesse à la question de savoir pourquoi sa famille accepterait qu’elle et M. Teclemichael fassent vie commune dans la maison familiale. Plutôt que d’accepter la preuve de la demanderesse, l’agent s’est fondé sur une compréhension non vérifiée du « contexte culturel ». Cette conclusion constitue une conclusion d’invraisemblance qui n’est étayée par aucun élément de preuve au dossier au moment où la décision a été rendue.

[5]               J’estime que dans les motifs, il incombait à l’agent d’expliquer la source de sa compréhension afin que son exactitude puisse être examinée en fonction de la preuve présentée par la demanderesse. Si la compréhension de l’agent découlait de son expérience, il devait faire part des détails de cette expérience dans sa décision. Le fait de ne pas suivre ce processus fondamental d’appréciation des faits est contraire aux règles de droit (voir : Zakhour c Canada (MCI), 2011 CF 1178).

[6]               Je conclus que, comme la décision est entachée d’une erreur susceptible de contrôle, elle est déraisonnable.


ORDONNANCE

LA COUR STATUE que la décision faisant l’objet du contrôle est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre délégué du ministre pour que celui‑ci statue à nouveau sur l’affaire.

Il n’y a aucune question à certifier.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM-3748-14

 

INTITULÉ :

LWAM MEKUR GEBRESELASSIE, LULIA MEBRAHTU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 MAI 2015

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :

LE 8 MAI 2015

COMPARUTIONS :

Toni Schweitzer

POUR LES DEMANDERESSES

Ildiko Erdei

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Toni Schweitzer

Clinique juridique communautaire de Parkdale

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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