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Date : 20150424


Dossier : T‑1023‑14

Référence : 2015 CF 535

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 avril 2015

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

MURLIDHAR GUPTA

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par M. Murlidhar Gupta [le demandeur] sur le fondement de l’article 18.1 de la Loi sur les cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, concernant la décision du 13 mars 2014 par laquelle le commissaire à l’intégrité du secteur public [le commissaire] a refusé d’enquêter sur certaines allégations du demandeur suivant lesquelles il a subi des représailles et des menaces de représailles après avoir fait une divulgation protégée d’actes répréhensibles.

[2]               La demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs qui suivent.

I.                   Résumé

[3]               Le demandeur est un fonctionnaire qui a commencé à travailler en 2002 comme chercheur scientifique chez CanmetÉNERGIE, une division du Secteur de l’innovation et de la technologie énergétique au ministère des Ressources naturelles du Canada [RNCan]. Le demandeur travaillait au sein du Groupe de technologies non polluantes du Groupe de la production écologique de l’électricité de RNCan, qui s’occupe du développement de technologies sur le charbon propre et le captage et le stockage du dioxyde de carbone.

[4]               Le demandeur allègue que le gestionnaire de son groupe a commis un acte répréhensible lorsqu’il lui a demandé de transférer des sommes d’argent prévues par le contrat de RNCan d’un projet géré par le demandeur à un autre contrat de RNCan géré par le chef d’équipe. Le demandeur estimait que cette demande contrevenait à la Loi sur la gestion des finances publiques, LRC 1985, c F‑11 [la LGFP]. Il a fait part de ses préoccupations à la direction le 7 février 2008 (verbalement, semble‑t‑il) ainsi que par courriel, un an plus tard, le 15 janvier 2009. Indépendamment de la question de savoir si ses préoccupations étaient fondées ou non et tenant pour acquis qu’il a agi de bonne foi, ce qui n’est pas contesté en l’espèce, ses dénonciations à la direction sont devenues une « divulgation protégée » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, LC 2005, c 46 [la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles]. Par conséquent, le demandeur était et est protégé contre les représailles (définies au paragraphe 2(1)) « prises à [son] encontre » « pour le motif qu’il a fait une divulgation protégée ».

[5]               Malgré cette protection, le demandeur allègue qu’en raison de cette divulgation protégée, et presque immédiatement après avoir fait cette divulgation, des représailles ont été exercées contre lui, qu’il a qualifiées de [traduction] « continues ». La dernière des nombreuses représailles serait survenue dans une lettre datée du 23 octobre 2013 reçue le 12 novembre 2013, ainsi que lors d’incidents remontant aux 16 et 20 décembre 2013.

[6]               Le 10 janvier 2014, près de six ans après la première mesure de représailles, le demandeur a déposé une plainte auprès du commissaire relativement à ces représailles. La Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles exige que pareilles plaintes soient déposées dans les 60 jours suivant la date où le plaignant a eu connaissance ou, selon le commissaire, aurait dû avoir connaissance, des représailles y ayant donné lieu.

[7]               Le commissaire a accepté d’ouvrir une enquête au sujet des représailles dans une lettre datée du 23 octobre 2013 et a en particulier affirmé que l’enquête [traduction] « visera à déterminer s’il existe un lien entre les divulgations protégées que [le demandeur a] faites en février 2008 à M. Zanganeh et à M. Marrone, le 15 janvier 2009, et les représailles qu’auraient exercées MM. Munro et Dauphin le 12 novembre 2013 ». La Cour ignore l’état d’avancement de cette enquête parce qu’elle n’est pas visée par la présente demande.

[8]               Le commissaire a également conclu qu’il n’enquêterait pas sur les représailles qui étaient prescrites, en l’occurrence les nombreuses représailles qui seraient survenues entre le 7 février 2008 et la date à laquelle la plainte du demandeur a été reçue, le 12 novembre 2013. Le commissaire a également refusé de statuer sur deux autres plaintes, l’une parce que les actes reprochés n’avaient pas « porté atteinte à l’emploi ou aux conditions de travail » du demandeur au sens de l’alinéa 2d) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, et l’autre en raison d’un manque de renseignements permettant d’établir un lien entre les actes reprochés à l’auteur des actes répréhensibles, qui se sont produits en décembre 2013 et les divulgations protégées du demandeur remontant à 2008 et 2009. La présente demande de contrôle judiciaire vise ces refus d’enquêter.

II.                Les faits

A.                Divulgations internes d’actes répréhensibles et représailles

[9]               Voici un résumé de certaines allégations détaillées formulées par le demandeur au sujet de ses divulgations protégées et des actes de représailles reprochés à l’égard desquels il a demandé l’intervention du commissaire et sollicite maintenant le contrôle judiciaire.

[10]           Le demandeur a fait des divulgations internes [les divulgations protégées] d’actes répréhensibles à ses supérieurs de RNCan le 7 février 2008, sans doute verbalement puisqu’on ne trouve aucune trace de ces divulgations dans le dossier écrit contemporain, puis de nouveau par courriel le 15 janvier 2009. Le demandeur a allégué que, le 7 février 2008, le chef du Groupe de technologies non polluantes, M. Zanganeh, lui avait donné l’ordre d’utiliser les sommes destinées à son propre projet pour payer l’Université de Waterloo pour des travaux effectués par un étudiant à la maîtrise pour un autre projet dirigé par M. Zanganeh. Le demandeur allègue également que M. Zanganeh lui a donné l’ordre de fusionner l’étape suivante de son projet avec le projet de M. Zanganeh au cours de l’exercice suivant. La divulgation protégée du demandeur révélait que, de son avis, M. Zanganeh avait commis des actes interdits par la LGFP. Il semble convenu que les dénonciations de février 2008 et de janvier 2009 du demandeur répondent à la définition de l’expression « divulgation protégée » au sens de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.

[11]           Les renseignements qui précèdent sont énoncés dans le formulaire de divulgation du demandeur qui correspond à l’un des deux premiers formulaires datés du 9 janvier 2014 qui ont été envoyés au Commissariat en son nom. Les formulaires ont été envoyés le 10 janvier 2014 à l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada [l’Institut] par le conseiller juridique qui représentait le demandeur. Dans le formulaire de divulgation, le demandeur soutenait que la demande de son gestionnaire constituait une contravention d’une loi fédérale ou d’un règlement pris sous son régime, un usage abusif des fonds ou des biens publics ou le fait de sciemment ordonner ou conseiller à une personne de commettre un acte répréhensible au sens de la Loi. Comme je l’ai déjà dit, l’acte répréhensible reproché se serait produit le 7 février 2008.

[12]           J’ouvre ici une parenthèse pour signaler que toutes les allégations formulées par le demandeur n’ont pas encore été vérifiées. Les dénonciations faites par les fonctionnaires au commissaire sont faites ex parte et à titre confidentiel.

[13]           Dans son formulaire de plainte en matière de représailles, qui correspond au second des deux formulaires que le demandeur a envoyés le 10 janvier 2014, le demandeur était invité à répondre à la question suivante : « (2) Veuillez indiquer la date à laquelle (ou les dates auxquelles) les représailles ont été exercées contre vous ». Le demandeur n’a pas répondu à cette question, mais a plutôt laissé en blanc l’espace prévu. À la question suivante : « (3) Veuillez indiquer la date à laquelle (ou les dates auxquelles) vous avez pris connaissance des représailles, si cette date est différente de la date où les représailles ont été exercées contre vous », le demandeur a indiqué : « 12 novembre 2013 ». Comme nous le verrons, cette réponse est inexacte, puisque le demandeur nous a fourni amplement d’éléments de preuve qui démontrent que le 12 novembre 2013 ne correspond pas à la date à laquelle il a eu connaissance des représailles alléguées.

[14]           Il y a une autre divergence. En réponse à la question 4 du formulaire de plainte en matière de représailles, le demandeur a déclaré que les représailles avaient [traduction] « commencé » en janvier 2009. Cette réponse contredit son témoignage plus détaillé suivant lequel les représailles auraient commencé peu de temps après sa divulgation protégée de février 2008. Cela étant, notre Cour partira du principe, à l’instar du commissaire, que le demandeur allègue en réalité que les représailles dont il se plaint ont commencé en février 2008, ce qui correspond à ce qu’il a allégué dans son exposé chronologique et ailleurs dans les observations qu’il a formulées devant le commissaire.

[15]           Pour revenir au récit du demandeur, ce dernier allègue qu’en février 2008, ou vers cette date, son chef d’équipe, M. Zanganeh, a refusé de le laisser entamer la phase suivante de son projet, même si les travaux avaient déjà été approuvés, et qu’il a par la suite ignoré ses demandes répétées de laisser son projet suivre son cours. Il affirme que M. Zanganeh a retardé son projet. En mars 2008, le demandeur aurait informé le directeur général de CanmetÉNERGIE, M. Marrone, qu’il avait fait l’objet de représailles de la part de M. Zanganeh par suite de sa divulgation d’actes répréhensibles. Ce renseignement constitue une preuve supplémentaire que le 12 novembre 2013 n’est pas la date à laquelle il a eu connaissance des représailles. Le demandeur allègue également que M. Zanganeh a retardé son évaluation de rendement et ses objectifs de travail et n’a pas accusé réception ni répondu à ses courriels répétés dans lesquels il lui demandait des conseils au sujet de ses projets en avril et en mai 2008.

[16]           Comme je l’ai déjà dit, par courriel du 15 janvier 2009, le demandeur a révélé à M. Marrone que son chef d’équipe, M. Zanganeh, avait peut‑être contrevenu à la LGFP et lui avait donné l’ordre de contrevenir à cette loi. Dans le même courriel, le demandeur alléguait que M. Zanganeh avait [traduction« exercé des représailles en retardant la phase suivante de [son] projet », ce qui constitue une preuve supplémentaire que la date du 12 novembre 2013 n’était pas celle à laquelle il a eu connaissance des représailles. Par courriel daté du même jour, M. Marrone a demandé au directeur général du demandeur, M. Magdi Habib, d’examiner l’affaire et de lui en faire rapport.

[17]           L’exposé chronologique du demandeur révèle qu’en janvier 2009, ce dernier, pour reprendre ses propres mots, [traduction« avait reçu le conseil d’envoyer cette note en procédant par voie de dénonciation ou en écrivant directement à la haute direction, mais que [le demandeur] avait décidé plutôt d’en informer M. Marrone dans l’espoir que la direction de RNCan serait honnête et sérieuse en ouvrant une enquête appropriée et équitable ». L’exposé chronologique ne précise pas qui avait conseillé au demandeur de procéder par voie de dénonciation, c’est‑à‑dire en suivant la procédure prévue par la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles comme il l’a finalement fait le 10 janvier 2014. La décision de ne pas recourir à la procédure de dénonciation à l’époque avait été prise par le demandeur. Il convient de signaler que cet élément de preuve confirme également que la date du 12 novembre 2013 n’est pas celle à laquelle le demandeur a eu connaissance des représailles alléguées.

[18]           Le demandeur aurait fait l’objet d’autres représailles, notamment en se faisant ostraciser et ignorer par ses supérieurs. Le demandeur allègue qu’il a reçu l’ordre de la part de M. Zanganeh, pratiquement sans préavis, de présenter ses rapports de fin d’année (il allègue qu’on lui a demandé de le faire à 20 h, la veille de la journée à laquelle il devait les présenter). Le 29 avril 2009, le demandeur aurait rappelé sa divulgation des actes répréhensibles au directeur du Groupe de la production écologique de l’électricité, M. Eddy Chui, mais qu’il a été menacé de [traduction« graves conséquences » s’il persistait à soulever cette question. En mai 2009, M. Chui aurait fait des pressions sur le demandeur pour qu’il signe une évaluation de rendement inexacte, dans laquelle le demandeur avait inclus une note indiquant les menaces qu’il avait reçues de la direction.

[19]           Vers la même époque, le demandeur a pris un bref congé de maladie sur l’ordre du médecin en raison du stress qu’il subissait au travail. Il a également appris qu’une subvention de recherche avait été annoncée le mois précédent et que tous les autres scientifiques, sauf lui, avaient reçu une demande de proposition pour la subvention. Ces éléments démontrent également que le demandeur était au courant des représailles avant novembre 2013.

[20]           En juin 2009, le demandeur a appris (grâce à des réponses à des demandes d’accès à l’information obtenues beaucoup plus tard, en mars, juin et juillet 2011) que son dossier d’assiduité était scruté à la loupe par un autre de ses supérieurs, M. Chui, qui n’avait toujours pas pris de mesures pour donner suite à la divulgation et à la plainte de représailles. Le demandeur et un délégué syndical auraient rencontré M. Munro pour discuter du fait que sa plainte piétinait et des répercussions des représailles sur sa carrière. Monsieur Munro a déclaré qu’il prendrait des mesures concrètes et a suggéré au demandeur de se trouver du travail en Alberta. À la suite de cette rencontre, le demandeur a accepté de rencontrer M. Claude Barraud des Services de gestion informelle des conflits de RNCan le 26 juin et le 2 juillet 2009, qui servirait de médiateur à ce conflit de travail. Ces éléments illustrent encore une fois que le demandeur était au courant des représailles alléguées avant novembre 2013.

[21]           En juillet 2009, M. Zanganeh aurait supprimé à tort le nom du demandeur d’un article que ce dernier avait écrit sur son projet de sables bitumineux, lequel avait été distribué à tous les intervenants et était accessible au public.

[22]           Le demandeur a continué de rencontrer M. Barraud même après le début de son congé parental le 3 juillet 2009. Monsieur Barraud a conseillé au demandeur de retirer sa plainte et de réorienter sa carrière, et il aurait prévenu le demandeur que les fonctionnaires qui révélaient des abus de l’administration étaient exposés à des conséquences négatives sur leur carrière et leur famille. Monsieur Barraud aurait prévenu le demandeur que s’il persistait, il serait confronté au même sort que les [traduction] « victimes de viol ». Le demandeur allègue qu’il a appris plus tard (grâce aux réponses aux demandes d’accès à l’information qu’il avait reçues en mars, juin et juillet 2011) que M. Barraud, qui était censé le conseiller, faisait en réalité enquête sur sa santé mentale sans son consentement.

[23]           Le 20 octobre 2009, lors d’une réception d’adieu organisée en l’honneur de son ancien directeur général, M. Habib, ce dernier aurait dit au demandeur qu’il n’avait jamais enquêté au sujet de la divulgation protégée du demandeur et de sa plainte de représailles conformément au courriel du 15 janvier 2009 de M. Marrone. Ces faits illustrent davantage que le demandeur était au courant des représailles alléguées avant novembre 2013.

[24]           En janvier 2010, M. Munro aurait ordonné au demandeur de subir une évaluation de sa santé psychologique avant que la direction l’autorise à revenir au travail à la suite de son congé parental. Le demandeur a accepté de subir cette évaluation. En février 2010, la direction a écrit au médecin du demandeur pour demander une évaluation de sa santé psychologique, une demande qui, selon ce qu’affirme le demandeur, était incomplète et inexacte. Le demandeur a dit à M. Munro que les agissements de l’employeur violaient les lignes directrices de Santé Canada sur l’évaluation de l’aptitude au travail. La directrice de la déontologie chez RNCan, Mme Leblanc, a menacé de bloquer l’accès du demandeur à son courriel ministériel. Le demandeur a été invité à prendre un congé rétroactif sans solde. En mars 2010, un psychiatre, le DCattan, a jugé le demandeur apte à retourner au travail, mais a recommandé qu’il rencontre un psychologue, le DSeatter, pour un suivi. Le 30 mars 2010, M. Munro a reproché au demandeur de s’inquiéter de la confidentialité de ses renseignements médicaux sensibles.

[25]           Le DSeatter a confirmé que le demandeur était apte au travail en juin 2010. Le demandeur allègue qu’il a rencontré M. Munro le 18 juin 2010 pour discuter de son retour au travail (son congé avait commencé en juillet 2009) et s’est dit préoccupé par les représailles dont il avait été victime et leurs répercussions sur sa carrière. Le demandeur a demandé des éclaircissements au sujet de l’état d’avancement de son projet et au sujet de la structure hiérarchique. Le 16 juillet 2010, M. Munro aurait informé le demandeur qu’il devait explorer des perspectives d’emploi dans d’autres groupes et que, s’il n’arrivait pas à se trouver du travail ailleurs au plus tard en août 2010, la direction lui trouverait un poste équivalent. Le demandeur a repris le travail le 19 juillet 2010, mais allègue qu’il a de nouveau été ostracisé et ignoré à la suite de son retour. Le 12 novembre 2010, il a été réaffecté à une autre division pour travailler en recherche bioénergique. Le demandeur a présenté une autre demande d’accès à l’information, dont M. Marrone lui a parlé le 8 décembre 2010, ce qui confirme une fois de plus que le demandeur était au courant des représailles alléguées avant novembre 2013.

[26]           Le 6 mars 2011, le demandeur aurait informé M. Dauphin, directeur général de CanmetMATÉRIAUX, qu’il était exclu des courriels, des listes du ministère et des appels de propositions de recherche dans son domaine de compétence. Monsieur Dauphin l’aurait menacé de mesures disciplinaires s’il insistait davantage sur ces préoccupations, ce qui confirme là encore que le demandeur était au courant des représailles alléguées avant novembre 2013.

[27]           En octobre 2012, le demandeur a conclu un protocole d’entente avec M. Munro aux termes duquel l’employeur s’engageait à faire enquête sur sa divulgation d’actes répréhensibles et sur les représailles subséquentes exercées contre lui. Lui et son agent négociateur auraient envoyé de nombreuses demandes de mise à jour au sujet de l’état d’avancement de l’enquête qui était supervisée par Frank Des Rosiers, sous‑ministre adjoint du Secteur de l’innovation et de la technologie de RNCan, mais ils n’ont jamais reçu de réponse.

[28]           Le demandeur a demandé une promotion au cours du cycle 2012 en janvier 2013.

[29]           Le 12 novembre 2013, le demandeur a reçu deux lettres datées du 23 octobre 2013 signées par M. Munro. La première lettre rejetait sa divulgation d’actes répréhensibles et précisait que [traduction« les détails concernant la façon dont le contrat a été traité ont été examinés et les mesures appropriées ont été prises », mais ne faisait aucunement état des représailles exercées contre le demandeur. La lettre précisait que le contrat en question avait été modifié pour réaffecter les fonds en mars 2008.

[30]           Le second document daté du 23 octobre 2013 signé par MM. Munro et Dauphin était un rapport d’évaluation du rendement dans lequel était examiné et évalué la demande de promotion présentée par le demandeur en janvier 2013. Le rendement du demandeur était évalué en fonction de divers critères précis. Le rapport d’évaluation refusait sa demande de promotion en raison de diverses lacunes décrites dans le rapport.

[31]           Le demandeur conteste ce rapport en rappelant qu’il avait pris un congé parental et qu’il avait été réaffecté dans un secteur différent, en l’occurrence la bioénergie, par suite de [traduction« problèmes d’adaptation à son milieu de travail ». Ces deux problèmes ont été qualifiés de [traduction« facteurs pertinents » par le demandeur dans sa demande de promotion et ont été relevés par MM. Munro et Dauphin dans leur évaluation finale.

[32]           L’évaluation concluait que le demandeur n’avait pas répondu aux attentes dans sept domaines et qu’il n’avait répondu aux attentes que dans trois domaines. L’évaluation se terminait par une recommandation défavorable à la demande de promotion demandée par le demandeur. Dans l’ensemble, l’évaluation indiquait qu’il serait nécessaire que le demandeur exprime plus clairement dans chaque section du dossier le rôle qu’il jouait personnellement et qu’il présente des éléments de preuve dans les annexes pour appuyer ses affirmations.

[33]           Le demandeur a de nouveau demandé une promotion le 29 novembre 2013, cette fois‑ci pour le cycle 2013. Par la suite, M. McFarlan aurait recommandé au directeur général du Centre de recherche d’Ottawa de RNCan, M. Haslip, d’accorder une promotion au demandeur. Toutefois, le demandeur allègue que le 16 décembre 2013, M. Haslip a tenté de faire pression sur M. McFarlan pour qu’il retire son appui en faveur de sa promotion et qu’il modifie ses commentaires favorables à son dossier. Le 20 décembre 2013, M. Haslip a rejeté la demande de promotion du demandeur.

B.                 Plainte de représailles au commissaire

[34]           Le 10 janvier 2014, le demandeur a déposé une plainte en matière de représailles auprès du commissaire sur le fondement de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, dans laquelle il alléguait qu’il faisait l’objet depuis février 2008 et jusqu’à la date du dépôt de sa plainte de représailles et de menaces de représailles.

[35]           Le 13 janvier 2014, le commissaire a informé le demandeur que sa plainte était transmise à un analyste pour qu’il décide de la recevabilité de sa plainte. L’analyste, Mme Mahon, a informé le délégué syndical du demandeur (qualifié de « conseiller juridique » sur le papier à en‑tête du syndicat qui avait été utilisé) qu’elle avait été chargée d’examiner la plainte de représailles. Madame Mahon a subséquemment demandé au conseiller juridique en question de lui fournir de plus amples détails au sujet de certaines des allégations contenues dans la plainte. En particulier, Mme Mahon avait demandé les détails suivants au sujet des agissements reprochés à MM. Des Rosiers et Haslip :

a)                  selon l’affidavit du conseiller juridique déposé dans le cadre de la présente instance, Mme Mahon a interrogé celui‑ci au sujet du rôle joué par Frank Des Rosiers et lui a demandé plus précisément si M. Des Rosiers s’était contenté de remettre la lettre à M. Gupta ou s’il avait joué un autre rôle;

b)                  le conseiller juridique du demandeur a également expliqué que Mme Mahon lui avait posé des questions au sujet du rôle joué par Dean Haslip (épelé incorrectement « Hasslet » dans ses notes). En particulier, compte tenu du fait qu’il n’était pas mentionné dans l’exposé chronologique, elle voulait savoir quel rôle il avait joué.

[36]           Le 17 janvier 2014, Mme Mahon a appelé le représentant du demandeur et lui a expliqué que certaines représailles remontaient à [traduction] « plusieurs années ». Elle a également rappelé au conseiller le délai de 60 jours qui lui était imparti pour déposer une plainte. En réponse, le représentant du demandeur a expliqué que les représailles étaient continues et que le demandeur souhaitait épuiser ses recours internes avant de déposer sa plainte. Madame Mahon a informé le délégué syndical du demandeur que [traduction] « généralement, le commissaire n’accorde pas de prorogation du délai imparti pour déposer une plainte sauf en cas de congé médical prolongé ». Le conseiller juridique du demandeur ne semble pas avoir fourni au commissaire des renseignements complémentaires sur la question du délai soulevée par Mme Mahon.

[37]           Le conseiller juridique a effectivement fourni à Mme Mahon des renseignements concernant MM. Des Rosiers et Haslip. Toutefois, il ne lui a pas transmis de renseignements permettant d’établir un lien entre les agissements de M. Haslip en décembre 2013 et les divulgations protégées du demandeur de 2008 et 2009.

[38]           Le 6 ou le 7 février 2014, Mme Mahon a informé le représentant du demandeur qu’une décision serait rendue dans les 15 jours suivants. Le rapport opérationnel du commissaire de l’époque qui a été versé au dossier indique que Mme Mahon avait fait établir un projet d’analyse du dossier et un projet de lettre de décision et que son gestionnaire avait convenu avec elle que [traduction] « plusieurs des allégations concernent des faits qui sont en dehors du délai de 60 jours ».

[39]           Le 10 février 2014, Mme Mahon a eu une rencontre interne avec le commissaire et le conseiller juridique du demandeur, qui a chargé Mme Mahon d’évaluer les allégations formulées par le demandeur au sujet des représailles survenues en dehors du délai de 60 jours prévu pour le dépôt de la plainte.

[40]           Madame Mahon a fait ce qu’on lui a demandé. Le dossier certifié du tribunal démontre que le 20 février 2014, Mme Mahon a demandé au conseiller juridique du demandeur si ce dernier avait déposé un grief au sujet des représailles exercées contre lui et lui a demandé des détails au sujet des menaces dont il aurait fait l’objet de la part de MM. Dauphin et Barraud. Le représentant du demandeur lui a répondu par écrit le 25 février 2014.

[41]           Le 6 mars 2014, Mme Mahon a modifié son analyse et sa lettre de décision. Son gestionnaire a examiné les documents et a convenu que [traduction] « rien ne justifie le commissaire de proroger le délai » en ce qui concerne les allégations antérieures à novembre 2013 et qu’« une analyse approfondie de toutes les allégations et de la question de savoir s’il existe un lien entre les mesures alléguées et la divulgation de 2009 est nécessaire en l’espèce, compte tenu du manque flagrant de renseignements justifiant une prorogation du délai pour déposer une plainte ». Dans son rapport du 6 mars 2014, Mme Mahon a écrit que seulement trois des allégations formulées par le demandeur respectaient le délai de 60 jours, signalant que le demandeur souhaitait épuiser tous ses recours internes et terminer son congé parental et le congé qu’il avait obtenu pour subir une évaluation psychiatrique, mais a conclu qu’[traduction] « aucun des faits présentés ne permet de penser que le commissaire devrait proroger le délai de 60 jours ».

[42]           En ce qui concerne les allégations réputées prescrites, Mme Mahon a écrit qu’à son avis, il existait, à première vue, un lien entre les allégations et les divulgations protégées, notamment un lien entre les divulgations et les projets de recherche retardés et l’évaluation du rendement du demandeur, le fait qu’on l’avait privé de possibilités d’emploi et qu’on l’avait menacé de conséquences négatives si le commissaire devait faire droit à ses plaintes. Tous ces faits débordaient largement le cadre du délai de 60 jours prévu pour le dépôt de la plainte.

[43]           Le 13 mars 2014, le commissaire a adressé au demandeur une lettre dans laquelle il acceptait d’examiner les plaintes concernant le refus d’accorder une promotion et la réponse aux allégations d’actes répréhensibles du 23 octobre 2013. Toutefois, le commissaire précisait qu’il avait décidé de ne pas enquêter sur les allégations portant sur les représailles formulées en dehors du délai prévu par la loi, ajoutant qu’il refusait d’enquêter sur une certaine allégation parce qu’elle ne répondait pas à la définition de représailles et sur une autre allégation parce que le demandeur n’avait fourni aucun renseignement démontrant que cette mesure de représailles, qui remontait à décembre 2013, était liée aux divulgations protégées faites par le demandeur au début de 2008 et de 2009. Le 25 avril 2014, le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire de plein droit de la décision du commissaire.

III.             Décision faisant l’objet du contrôle

[44]           Le commissaire a signalé qu’il faut respecter deux conditions pour mener une enquête. En premier lieu, le demandeur doit avoir fait l’objet de l’une ou l’autre des mesures énumérées dans la définition de « représailles » énoncée à l’article 2 de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles. En second lieu, les mesures qui constitueraient des représailles doivent avoir été prises parce que le demandeur a fait une divulgation protégée ou a collaboré à une enquête entreprise en vertu de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.

[45]           Je tiens à souligner que le commissaire n’a commis aucune erreur dans son résumé de la façon dont la loi s’applique. La loi exige que, pour donner lieu à une sanction légale, les représailles doivent répondre à la définition de « représailles » au sens de la loi. La loi exige également que ces représailles aient été exercées « pour le motif [que le fonctionnaire] a fait une divulgation protégée », ce qui indique qu’il doit exister un lien de causalité entre les représailles et une divulgation prorogée pour que le régime de protection prévu par la loi s’applique.

[46]           Ensuite, le commissaire a fait observer qu’aux termes du paragraphe 19.1(2) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, la plainte doit être déposée dans les soixante jours suivant la date où le plaignant a connaissance — ou, selon le commissaire, aurait dû avoir connaissance — des représailles, et le commissaire a signalé qu’il disposait du pouvoir de proroger ce délai.

[47]           Le commissaire a estimé que les allégations suivantes se rapportaient à des faits qui s’étaient produits en dehors du délai de 60 jours :

                     Les projets de recherche et l’évaluation de rendement du demandeur avaient été bloqués par M. Zanganeh en 2008 et 2009;

                     Le demandeur avait été écarté de possibilités d’emploi au sein de sa division par MM. Zanganeh, Chui et Marrone en 2008 et 2009;

                     M. Munro avait modifié unilatéralement la hiérarchie et le domaine de recherche du demandeur en novembre 2010;

                     M. Barraud avait étiqueté injustement le demandeur de personne atteinte d’une maladie mentale le 15 décembre 2009;

                     Des membres de la direction avaient donné des directives à M. Barraud sur la façon de gérer le système informel de gestion des conflits;

                     Le demandeur avait fait l’objet de menaces de représailles de la part de M. Chui le 29 avril 2009, de M. Barraud en juillet 2009, de Mme Leblanc le 3 mars 2010, de M. Marrone le 8 décembre 2010 et de M. Dauphin le 6 avril 2011.

[48]           J’estime que le commissaire a eu raison de conclure que les représailles alléguées en question étaient prescrites, sous réserve de l’analyse qui suit concernant les représailles « continues », étant donné que seules les représailles survenues à compter du 11 novembre 2013 respectaient le délai de 60 jours, compte tenu du fait que la plainte a été déposée le 10 janvier 2014. La vaste majorité des actes reprochés par le demandeur ont eu lieu avant le 10 janvier 2014 et, dans de nombreux cas, des années plus tôt.

[49]           Bien que le commissaire ait, encore une fois à juste titre, reconnu que le paragraphe 19.1(3) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles lui conférait le pouvoir discrétionnaire d’accepter une plainte déposée après l’expiration du délai de 60 jours, il n’a pas accepté la plainte déposée après l’expiration du délai en l’espèce [traduction] « compte tenu de la très longue période de temps écoulée » depuis que le demandeur avait pris connaissance des faits allégués. La conclusion qu’il a tirée à cet égard est remise en question et nous y reviendrons plus loin.

[50]           En ce qui concerne la première lettre de M. Munro reçue le 12 novembre 2013, dans laquelle il expliquait que RNCan faisait enquête sur la divulgation d’un manquement à la LGFP, le commissaire a conclu que la lettre elle‑même et la participation de M. Des Rosiers à l’enquête ne portaient pas atteinte à l’emploi ou aux conditions de travail du demandeur au sens de l’alinéa 2d) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.

[51]           S’agissant de l’allégation suivant laquelle M. Haslip avait exercé des représailles illégales contre le demandeur, le commissaire a estimé qu’il ne disposait [traduction] « d’aucun renseignement » permettant d’établir un lien entre les divulgations protégées du demandeur et son allégation que M. Haslip avait contraint son gestionnaire de compte de modifier sa recommandation au sujet du dossier de progression de la carrière du demandeur le 16 décembre 2013. De même, le commissaire a estimé qu’il ne disposait  « d’aucun renseignement » lui permettant d’établir un lien entre les divulgations protégées faites en 2008 et en 2009 et l’allégation suivant laquelle M. Haslip n’avait pas recommandé d’accorder une promotion au demandeur le 20 décembre 2013.

[52]           Se fondant sur ses conclusions qu’il ne disposait « d’aucun renseignement », le commissaire a décidé de ne pas ouvrir d’enquête sur les allégations en question en application de l’alinéa 19.3(1)c) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, qui dispose que : « [l]e commissaire peut refuser de statuer sur une plainte s’il l’estime irrecevable pour un des motifs suivants : [...] la plainte déborde sa compétence ».

[53]           Cela dit, le commissaire a effectivement décidé d’enquêter sur l’allégation du demandeur suivant laquelle on lui avait refusé une possibilité d’avancement de carrière au cours du cycle de progression de carrière de 2012 en raison de l’évaluation signée par MM. Munro et Dauphin le 23 octobre 2013, qui avait été communiquée au demandeur le 12 novembre 2013.

IV.             Dispositions applicables

[54]           L’article 8 de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles définit comme suit l’expression « actes répréhensibles » :

Actes répréhensibles

8. La présente loi s’applique aux actes répréhensibles ci‑après commis au sein du secteur public ou le concernant :

a) la contravention d’une loi fédérale ou provinciale ou d’un règlement pris sous leur régime, à l’exception de la contravention de l’article 19 de la présente loi;

b) l’usage abusif des fonds ou des biens publics;

c) les cas graves de mauvaise gestion dans le secteur public;

d) le fait de causer — par action ou omission — un risque grave et précis pour la vie, la santé ou la sécurité humaines ou pour l’environnement, à l’exception du risque inhérent à l’exercice des attributions d’un fonctionnaire;

e) la contravention grave d’un code de conduite établi en vertu des articles 5 ou 6;

f) le fait de sciemment ordonner ou conseiller à une personne de commettre l’un des actes répréhensibles visés aux alinéas a) à e).

Wrongdoings

8. This Act applies in respect of the following wrongdoings in or relating to the public sector:

(a) a contravention of any Act of Parliament or of the legislature of a province, or of any regulations made under any such Act, other than a contravention of section 19 of this Act;

(b) a misuse of public funds or a public asset;

(c) a gross mismanagement in the public sector;

(d) an act or omission that creates a substantial and specific danger to the life, health or safety of persons, or to the environment, other than a danger that is inherent in the performance of the duties or functions of a public servant;

(e) a serious breach of a code of conduct established under section 5 or 6; and

(f) knowingly directing or counselling a person to commit a wrongdoing set out in any of paragraphs (a) to (e).

[55]           Le terme « représailles » est défini comme suit au paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles :

« représailles » L’une ou l’autre des mesures ci‑après prises à l’encontre d’un fonctionnaire pour le motif qu’il a fait une divulgation protégée ou pour le motif qu’il a collaboré de bonne foi à une enquête menée sur une divulgation ou commencée au titre de l’article 33 :

a) toute sanction disciplinaire;

b) la rétrogradation du fonctionnaire;

c) son licenciement et, s’agissant d’un membre de la Gendarmerie royale du Canada, son renvoi ou congédiement;

d) toute mesure portant atteinte à son emploi ou à ses conditions de travail;

e) toute menace à cet égard.

“reprisal” means any of the following measures taken against a public servant because the public servant has made a protected disclosure or has, in good faith, cooperated in an investigation into a disclosure or an investigation commenced under section 33:

(a) a disciplinary measure;

(b) the demotion of the public servant;

(c) the termination of employment of the public servant, including, in the case of a member of the Royal Canadian Mounted Police, a discharge or dismissal;

(d) any measure that adversely affects the employment or working conditions of the public servant; and

(e) a threat to take any of the measures referred to in any of paragraphs (a) to (d).

[56]           L’article 19.1 de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles définit le cadre législatif en matière de plaintes :

Plainte

19.1 (1) Le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire qui a des motifs raisonnables de croire qu’il a été victime de représailles peut déposer une plainte auprès du commissaire en une forme acceptable pour ce dernier; la plainte peut également être déposée par la personne qu’il désigne à cette fin.

Délai relatif à la plainte

(2) La plainte est déposée dans les soixante jours suivant la date où le plaignant a connaissance — ou, selon le commissaire, aurait dû avoir connaissance — des représailles y ayant donné lieu.

Délai : réserve

(3) Toutefois, elle peut être déposée après l’expiration du délai si le commissaire l’estime approprié dans les circonstances.

 

Complaints

19.1 (1) A public servant or a former public servant who has reasonable grounds for believing that a reprisal has been taken against him or her may file with the Commissioner a complaint in a form acceptable to the Commissioner. The complaint may also be filed by a person designated by the public servant or former public servant for the purpose.

Time for making complaint

(2) The complaint must be filed not later than 60 days after the day on which the complainant knew, or in the Commissioner’s opinion ought to have known, that the reprisal was taken.

Time extended

(3) The complaint may be filed after the period referred to in subsection (2) if the Commissioner feels it is appropriate considering the circumstances of the complaint.

V.                Questions en litige

[57]           La présente affaire soulève les questions suivantes :

A.                Le commissaire a‑t‑il manqué à l’équité procédurale ou agi de façon déraisonnable en refusant d’enquêter sur les représailles qui seraient survenues hors du délai de 60 jours prévu pour déposer une plainte?

B.                 Le commissaire a‑t‑il agi de façon déraisonnable en refusant d’enquêter sur les représailles qui ne répondaient pas à la définition de « représailles » au sens de la loi ainsi qu’aux représailles pour lesquelles aucun élément de preuve n’a établi de lien entre leurs auteurs présumés et la divulgation protégée du demandeur?

VI.             Norme de contrôle

[58]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 aux paragraphes 57 et 62 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a affirmé qu’il n’est pas nécessaire de se livrer à analyse relative à la norme de contrôle lorsque « la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ».

[59]           Les questions d’équité procédurale sont assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte : Agnaou c Canada (PG), 2015 CAF 29 au paragraphe 30 [Agnaou CAF 29]; Agnaou c Canada (PG), 2015 CAF 30 au paragraphe 36 [Agnaou CAF 30]; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au paragraphe 43; Sketchley c Canada (PG), 2005 CAF 404 aux paragraphes 53 à 55. Au paragraphe 50 de l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a expliqué ce qui est attendu d’une cour qui contrôle selon la norme de la décision raisonnable :

La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle est d’accord ou non avec la conclusion du décideur.  En cas de désaccord, elle substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s’impose.  La cour de révision doit se demander dès le départ si la décision du tribunal administratif était la bonne.

[60]           Les parties conviennent que, sauf en ce qui concerne les questions d’équité procédurale, la décision du commissaire est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable et j’abonde dans leur sens. De plus, la jurisprudence a établi le degré de déférence qu’il convient d’accorder aux questions soulevées en l’espèce. Dans l’arrêt Agnaou CAF 29 aux paragraphes 31 et 43, la Cour d’appel fédérale a jugé que l’interprétation que le commissaire fait de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles et son application aux faits de l’espèce, et plus particulièrement sa décision de rejeter une plainte en application de l’alinéa 19.3(1)c) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles constitue une question mixte de fait et de droit qui doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable. À mon avis, cette conclusion vaut aussi pour la décision du commissaire de rejeter une demande en application de l’article 19.1 de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles. De plus, dans l’arrêt Agnaou CAF 30 au paragraphe 35, la Cour d’appel fédérale a estimé que la norme de la décision raisonnable était la norme de contrôle qu’il convenait d’appliquer à la décision et aux conclusions de fait du commissaire.

[61]           Au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a expliqué ce qui était attendu d’une cour qui contrôle selon la norme de la décision raisonnable :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

VII.          Observations des parties et analyse

A.                Le commissaire a‑t‑il manqué à l’équité procédurale ou agi de façon déraisonnable en refusant d’enquêter sur les représailles qui seraient survenues hors du délai de 60 jours prévu pour déposer une plainte?

[62]           Le demandeur affirme qu’il a été privé de son droit de connaître la preuve et les recommandations sur lesquelles le commissaire s’est fondé pour rendre sa décision et qu’on l’a privé de son droit de présenter des observations utiles : El‑Helou c Service administratif des tribunaux judiciaires, 2012 CF 1111 [El‑Helou]; Agnaou c Canada (PG), 2014 CF 86. En particulier, le demandeur affirme qu’on ne lui a offert [traduction] « aucune possibilité de faire valoir son point de vue sur la question des délais ou sur les allégations rejetées par le commissaire ».

[63]           Le demandeur affirme que le commissaire a ainsi été amené à commettre deux graves erreurs dans son analyse. En premier lieu, il affirme que le commissaire n’a pas tenu compte de son opinion suivant laquelle les représailles exercées contre lui étaient « continues ». En second lieu, le commissaire n’a pas tenu compte de tous les faits pertinents dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’accepter la plainte après avoir décidé qu’elle n’avait pas été déposée dans le délai prescrit.

[64]           En particulier, le demandeur soutient que le rapport de l’analyste indiquait à tort que la seule raison qu’il avait avancée pour expliquer son retard à déposer sa plainte était qu’il avait attendu d’avoir épuisé tous les recours internes dont il disposait, alors que le demandeur avait également expliqué que les plaintes auraient dû être acceptées parce qu’elles étaient « continues » et qu’elles n’avaient donc pas été présentées hors délai.

[65]           L’essentiel de l’argument suivant lequel les représailles « continues » doivent être examinées peu importe le moment où elles ont eu lieu et indépendamment du délai de 60 jours fixé par le législateur est résumé au paragraphe 90 du mémoire du demandeur :

[traduction]

Toutefois, lorsque le plaignant affirme avoir fait l’objet de représailles continues et non d’incidents isolés, le critère à appliquer est celui de savoir si les représailles les plus récentes se sont produites à l’intérieur du délai de 60 jours, auquel cas la plainte dans son ensemble est considérée comme ayant été présentée dans le délai prescrit.

[66]           Je rejette les observations du demandeur. Appliquant la norme de la décision correcte, j’estime que le commissaire a accordé au demandeur un préavis et une possibilité amplement suffisants pour expliquer son point de vue sur le respect des délais. En outre, le commissaire n’a commis aucune erreur en ce qui concerne la nature continue de la plainte. Enfin, et pour résumer, j’en suis arrivé à la conclusion que la décision sur le fond du commissaire était raisonnable au sens de l’arrêt Dunsmuir.

(1)               Possibilité de prendre connaissance des faits et de répondre à la question du respect des délais – le délai de 60 jours

[67]           En ce qui concerne la possibilité de faire valoir son point de vue, le point de départ est la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles elle‑même. Elle est explicite sur la question du délai de 60 jours :

Plainte

19.1

[....]

Délai relatif à la plainte

(2) La plainte est déposée dans les soixante jours suivant la date où le plaignant a connaissance — ou, selon le commissaire, aurait dû avoir connaissance — des représailles y ayant donné lieu. [soulignement ajouté]

Délai : réserve

(3) Toutefois, elle peut être déposée après l’expiration du délai si le commissaire l’estime approprié dans les circonstances.

Complaints

19.1

[....]

Time for making complaint

(2) The complaint must be filed not later than 60 days after the day on which the complainant knew, or in the Commissioner’s opinion ought to have known, that the reprisal was taken. [emphasis added]

Time extended

(3) The complaint may be filed after the period referred to in subsection (2) if the Commissioner feels it is appropriate considering the circumstances of the complaint.

Le législateur a bien précisé que les plaintes doivent être déposées dans les 60 jours suivant la date où le plaignant a connaissance – ou, selon le commissaire, aurait dû avoir connaissance – des représailles y ayant donné lieu. Le commissaire a le pouvoir de proroger ce délai s’il l’estime approprié dans les circonstances. Il s’agit de dispositions législatives, et ces dispositions législatives constituent le point de départ de l’analyse. Il est significatif que le demandeur ait eu l’avantage de pouvoir compter sur les services d’un conseiller juridique de son syndicat, l’Institut, qui a non seulement déposé sa plainte de représailles, mais également traité avec le personnel du commissaire pendant tout le déroulement de la présente affaire.

[68]           En plus d’être avisés du délai qui leur était imparti par la loi en question, le demandeur et son représentant disposaient du formulaire de plainte en matière de représailles, qui précise très clairement que la plainte doit être déposée dans un délai de 60 jours et qui prévoit clairement la possibilité d’expliquer les raisons du retard. Ce formulaire est ainsi rédigé :

(4) Délai prescrit

Le délai prescrit pour le dépôt de la plainte

Le paragraphe 19.1(2) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles énonce que la plainte en matière de représailles doit être déposée dans les soixante jours suivant la date où le plaignant a connaissance — ou, selon le commissaire, aurait dû avoir connaissance — des représailles y ayant donné lieu.

Le commissaire peut prolonger la période de soixante jours relatifs au dépôt de la plainte s’il estime qu’une prorogation de délai est appropriée dans les circonstances.

Si votre plainte est déposée après le délai prescrit de 60 jours, veuillez expliquer les raisons du retard :

[Souligné dans l’original.]

[69]           À mon avis, les extraits en gras, en italiques et qui sont soulignés dans le formulaire de plainte de représailles susmentionné, non seulement indiquent clairement les délais prévus par la loi, mais invitent expressément les plaignants à expliquer le retard en leur donnant pleinement l’occasion de le faire et en leur offrant la possibilité de demander une prorogation de délai au besoin. Il est significatif que le demandeur ait effectivement expliqué son retard et ait demandé une prorogation dans l’espace prévu à cette fin. Ce fait illustre non seulement que le demandeur a eu la possibilité de répondre à la question du délai de sa plainte, mais également qu’il s’est prévalu de la possibilité de le faire de la manière qui selon lui était la meilleure.

[70]           Je constate également qu’à la dernière page du formulaire de plainte en matière de représailles, juste au‑dessus de la ligne réservée à la signature, on rappelle de nouveau au plaignant son obligation de fournir tous les renseignements demandés dans le formulaire et d’y joindre tout document pertinent :

(E) Déclaration

Je déclare que la présente plainte est faite de bonne foi et que, à ma connaissance, tous les renseignements fournis sont véridiques et exacts.

Je comprends qu’il m’incombe de fournir au commissaire tous les renseignements demandés dans le présent formulaire et d’y joindre tout document pertinent.

[71]           La loi et le formulaire n’étaient pas le seul préavis et la seule possibilité qui ont été donnés au demandeur pour expliquer son point de vue au sujet de la présentation tardive de sa plainte. De plus, l’analyste du commissaire, Mme Mahon, a en fait appelé le représentant du demandeur et lui a donné un autre avis. Lors de cet appel téléphonique, elle a expressément soulevé la question des délais et la suffisance des explications fournies par le demandeur dans son formulaire. Comme je l’ai déjà dit, le 17 janvier 2014, Mme Mahon a appelé le représentant du demandeur et lui a explicitement fait remarquer que certaines des représailles remontaient à « plusieurs années ». Madame Mahon a expressément rappelé au conseiller juridique du demandeur le délai de 60 jours prescrit pour le dépôt de la plainte.

[72]           En réponse à cet avis supplémentaire et à cette possibilité d’expliquer son point de vue, le représentant du demandeur a expliqué que les représailles étaient de nature continue et que le demandeur avait tardé à déposer sa plainte parce qu’il voulait épuiser tous ses recours internes avant de déposer sa plainte. Cette explication n’était rien de plus que ce que le demandeur avait déclaré dans son formulaire de plainte de représailles original.

[73]           Madame Mahon a informé le délégué syndicat du demandeur que [traduction] « généralement, le commissaire n’accorde pas de prorogation du délai imparti pour déposer une plainte sauf en cas de congé médical prolongé ».

[74]           Malgré l’appel de Mme Mahon et le fait qu’elle avait souligné le retard et la nécessité de fournir une explication, le représentant du demandeur ne lui a fourni aucun autre renseignement sur la question du retard. Je me demande quels autres avis ou possibilités auraient pu être donnés au demandeur, qui a pu bénéficier de l’avis prévu par la loi, de l’avis indiqué sur le formulaire utilisé et de l’appel fait à son représentant pour l’informer d’une façon très claire et très précise des lacunes de sa demande en ce qui concerne le non‑respect des délais et de la nécessité de fournir des explications suffisantes.

[75]           De plus, comme je l’ai déjà expliqué, le demandeur était au courant des droits que lui conférait la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, mais a décidé d’attendre jusqu’en janvier 2009 avant de les faire valoir, alors que, selon son propre témoignage, il [traduction« avait reçu le conseil d’envoyer cette note en procédant par voie de dénonciation ou en écrivant directement à la haute direction, [mais] avait décidé » de ne pas le faire. Le demandeur a plutôt décidé d’attendre encore cinq ans avant de déposer sa plainte de représailles.

[76]           Vu les faits en question, et appliquant la norme de la décision correcte, je ne saurais conclure que le commissaire n’a pas accordé au demandeur la possibilité d’expliquer la question du moment choisi pour déposer sa plainte. Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale. Au contraire, le personnel du commissaire a accordé au demandeur une possibilité amplement suffisante de répondre à la question du délai.

[77]           Comme je l’ai fait observer dans la partie consacrée aux faits de la présente décision, la tentative faite par le demandeur dans son formulaire de prétendre qu’il venait juste de prendre connaissance des représailles en novembre 2013 est complètement contredite par ses propres allégations détaillées indiquant le contraire.

[78]           Les arguments formulés par le demandeur à cet égard sont mal fondés.

(2)               Traitement de la plainte relative aux représailles « continues » du demandeur

[79]           Le second volet de l’argument du demandeur sur l’équité procédurale porte sur le fait que le commissaire et son personnel n’ont pas examiné son allégation selon laquelle ses plaintes n’étaient pas prescrites parce que les représailles étaient « continues ». Si l’on se souvient, l’argument formulé au paragraphe 90 de son mémoire était le suivant :

[traduction]

Toutefois, lorsque le plaignant affirme avoir fait l’objet de représailles continues et non d’incidents isolés, le critère à appliquer est celui de savoir si les représailles les plus récentes se sont produites à l’intérieur du délai de 60 jours, auquel cas la plainte dans son ensemble est considérée comme ayant été présentée dans le délai prescrit.

[80]           À mon avis, le commissaire et l’analyste n’avaient pas l’obligation de tenir compte de l’argument des représailles « continues » parce que, en termes simples, cet argument n’a pas sa place dans le cadre du régime législatif prévu par la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.

[81]           Le demandeur a invoqué de nombreuses décisions à l’appui de son allégation selon laquelle le principe des représailles « continues » s’applique dans le cadre de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles. Toutefois, aucune de ces décisions ne vise la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles. En effet, ou bien les décisions citées par le demandeur :

a)                  font partie des pratiques des tribunaux d’arbitrage dans le contexte des relations de travail (Galarneau et al c Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 1 aux paragraphes 17 à 21; Watson c Conseil du Trésor (Ministère de la Défense nationale), 2012 CRTFP 105 aux paragraphes 129 à 133; Parking Authority of Toronto c CUPE, Local 43, [1974] OLAA No 18 au paragraphe 9; Port Colbourne General Hospital c ONA, [1986] OLAA No 23 aux paragraphes 4 à 10; Association des réalisateurs c Société Radio‑Canada, [2001] CIRB no 151, au paragraphe 46, conf. par 2003 CAF 102; Eamor c Association canadienne des pilotes de ligne, [1996] CCRT no 11, aux paragraphes 105 et 110, conf. par [1997] ACF no 859);

b)                  sont des décisions rendues sous le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC, 1985, c H‑6 [la Loi canadienne sur les droits de la personne] modifiée (Katchin c Agence canadienne d’inspection des aliments, 2005 CF 162 aux paragraphes 23 à 28; Stevens c Canada (PG), 2006 CF 1424 aux paragraphes 14 et 15).

[82]           Les décisions rendues en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne précitées ne s’appliquent pas, peu importe les autres similitudes que cette loi peut présenter avec la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, parce que la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit des délais de prescription complètement différents. La Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit une variante du principe de la plainte « continue » invoqué par le demandeur en l’espèce. Plus précisément, l’alinéa 41(1)e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit le délai suivant en ce qui concerne le dépôt des plaintes :

Irrecevabilité

41. (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle‑ci irrecevable pour un des motifs suivants : [...]

e) la plainte a été déposée après l’expiration d’un délai d’un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée, ou de tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances.

Commission to deal with complaint

41. (1) Subject to section 40, the Commission shall deal with any complaint filed with it unless in respect of that complaint it appears to the Commission that [...]

(e) the complaint is based on acts or omissions the last of which occurred more than one year, or such longer period of time as the Commission considers appropriate in the circumstances, before receipt of the complaint.

[83]           Il ne fait aucun doute que le législateur aurait pu prévoir le même délai pour présenter une plainte de représailles sous le régime de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles que celui prévu dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Mais il ne l’a pas fait. En particulier, le législateur, qui a édicté la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles longtemps après la Loi canadienne sur les droits de la personne, a retenu un délai différent, ce qui, à mon avis, tranche la question et s’applique dans le cas qui nous occupe.

[84]           Ainsi que la professeure Ruth Sullivan l’a expliqué, le législateur [traduction] « est présumé connaître tout ce qui est nécessaire pour produire des lois rationnelles et efficaces », dont les lois existantes : Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd. (Markham (Ontario : LexisNexis, 2014), à la page 205. Voir également l’ouvrage de Pierre‑André Côté avec la collaboration de Stéphane Beaulac et Mathieu Devinat, Interprétation des lois, 4e éd., (Montréal : Éditions Thémis, 2009) aux pages 342 à 350.

[85]           À mon sens, dans la mesure où la doctrine des représailles « continues » est appliquée par certains tribunaux d’arbitrage et est établie par la Loi canadienne sur les droits de la personne, j’ai le droit de conclure – et je conclus – que le législateur a délibérément choisi de ne pas adopter un régime de plainte « continue » dans la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles. Ce choix lui appartient et je ne suis pas habilité à interpréter cette loi comme si elle prévoyait un régime contradictoire que le législateur n’a pas adopté.

[86]           Comme le concept des représailles « continues » ne se trouve pas dans la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, je ne vois pas pourquoi le commissaire ou son personnel auraient été obligés ou auraient dû être obligés de tenir compte des observations du demandeur à cet égard. Le demandeur faisait valoir une nouvelle justification pour obtenir une prorogation de délai, qui était étrangère à la loi et qui ne s’applique pas à celle‑ci.

[87]           En tout état de cause, si le demandeur souhaitait expliquer pourquoi le principe des représailles « continues » devait s’appliquer dans son cas, malgré le fait que le législateur avait prévu le contraire, il a eu amplement l’occasion de le faire. Par l’intermédiaire de son personnel, le commissaire est allé jusqu’à appeler son représentant pour attirer son attention sur les lacunes de sa demande, mais, comme je l’ai déjà dit, le demandeur a décidé de ne rien ajouter à la réponse déjà donnée dans le formulaire.

[88]           Je ne décèle aucune iniquité procédurale dans la façon dont le commissaire a traité l’allégation de représailles « continues » du demandeur.

(3)               Occasion de répondre aux préoccupations précises exprimées au sujet du non‑respect des délais

[89]           Le demandeur allègue également qu’on ne lui a pas donné l’occasion de répondre aux raisons spécifiques invoquées par le commissaire ([traduction] « compte tenu de la très longue période de temps écoulée ») pour rejeter sa demande de prorogation de délai. Le demandeur allègue qu’il aurait soulevé plusieurs problèmes précis, notamment le préjudice causé aux parties, le bien‑fondé probable de sa cause, les divergences entre l’employeur et le demandeur en ce qui concerne les délais et peut‑être d’autres questions, si seulement le commissaire lui avait demandé de les aborder. Le demandeur affirme essentiellement qu’il y a eu iniquité procédurale parce que ni le commissaire ni son personnel ne lui ont donné une idée de leur point de vue à cet égard.

[90]           Je ne suis pas de cet avis, et ce, pour plusieurs raisons. En premier lieu, dans l’arrêt Agnaou CAF 29 au paragraphe 39, la Cour d’appel fédérale a récemment jugé que l’auteur d’une plainte fondée sur la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles n’a pas à commenter le rapport de l’analyste fournis au commissaire. De plus, la Cour d’appel fédérale a également jugé au paragraphe 54 de l’arrêt Agnaou CAF 30 que l’auteur d’une plainte fondée sur la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles n’a pas le droit de recevoir une copie du rapport de l’analyste :

Même si la jurisprudence de la Commission des droits de la personne peut parfois nous guider en matière d’équité procédurale au stade de la recevabilité d’une plainte d’un divulgateur, il faut toutefois y apporter les nuances qui s’imposent. À mon avis, c’est donc à bon escient que le juge a tenu compte de l’absence d’informations de tiers pour conclure que l’appelant n’avait pas le droit de recevoir une copie de l’analyse avant que la décision ne fût prise. [Non souligné dans l’original.]

Ces conclusions font ressortir l’erreur que renferment les observations du demandeur.

[91]           De plus, et comme je l’ai déjà fait observer, le demandeur a eu au moins deux occasions d’aborder les retards importants qu’accusait le dépôt de sa plainte : (1) lorsqu’il aurait pu fournir des explications suffisantes dans son formulaire de plainte en matière de représailles, ce qu’il n’a pas fait, et (2) lorsqu’il aurait pu fournir des explications plus complètes ou meilleures au sujet de son retard après que le personnel du commissaire eut expressément appelé son représentant pour lui indiquer la règle des 60 jours et le fait que certains retards – en fait, pratiquement tous – remontaient à « plusieurs années », ce qu’il n’a pas fait. Par l’intermédiaire de son représentant, le demandeur s’est contenté de répéter ce qui était écrit sur son formulaire initial.

[92]           Pour ce qui est de l’équité procédurale, on exige que le commissaire informe le demandeur des éléments essentiels de la preuve à laquelle il devait répondre ou de la substance de la preuve réunie par le commissaire ou l’analyste : El‑Helou, aux paragraphes 73 à 75. Dans le cas qui nous occupe, le demandeur était au courant des éléments essentiels de la preuve à laquelle il devait répondre. Le demandeur savait qu’il devait expliquer le retard de presque six ans accumulé depuis la première des mesures de représailles (février 2008) et le dépôt très tardif de sa plainte, en janvier 2014. Ma conclusion suivant laquelle le demandeur savait qu’il devait expliquer son retard est fondée sur les faits non contestés selon lesquels il a fourni une explication, bien qu’insuffisante, dans son formulaire de plainte et que, lorsqu’on lui a donné une autre possibilité de le faire lorsque l’analyste l’a appelé, il a expliqué de nouveau son retard, bien que, là encore, d’une façon insuffisante. Il ne fait aucun doute que le demandeur aurait pu donner les explications qu’il avance maintenant, plus tard encore dans sa lettre après avoir reçu l’appel téléphonique ou qu’il aurait pu fournir des explications plus complètes et meilleures verbalement ou par écrit lors de ses conversations ou ses lettres subséquentes avec l’analyste du commissaire. Il faut également présumer qu’il a lu l’avis sans équivoque figurant dans le formulaire et il disposait évidemment des conseils professionnels d’un conseiller juridique qui a déposé la plainte en son nom.

[93]           Je conclus que le commissaire a agi correctement sur cet aspect des allégations du demandeur et je conclus que les allégations contraires sont mal fondées.

(4)               Insuffisances des motifs du commissaire

[94]           Le demandeur souhaite également que sa demande de contrôle judiciaire soit accueillie parce que le commissaire et l’analyste n’auraient pas mentionné ses arguments sur la question du retard. Sur ce point, je conviens avec le défendeur que le commissaire n’était pas tenu de mentionner chaque argument et élément de preuve dont il disposait : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16. À mon sens, les motifs du commissaire me permettent de comprendre les motifs de sa décision. Ses motifs me permettent de déterminer si sa conclusion appartient aux issues possibles acceptables au sens de l’arrêt Dunsmuir. Ses motifs étaient simples et exposés de façon intelligible et transparente. Je ne décèle aucune lacune dans les motifs du commissaire.

(5)               Lacunes dans le formulaire de plainte lui‑même

[95]           Le demandeur affirme également que le formulaire de plainte en matière de représailles comportait des lacunes parce qu’il demandait seulement des explications au sujet des retards. Le demandeur soutient que le formulaire ne demandait pas d’explications sur les raisons justifiant la prorogation du délai. Cet argument est mal fondé. À mon avis, le formulaire est satisfaisant à cet égard. Il met l’accent sur le délai de 60 jours et sur le pouvoir du commissaire de le proroger et il demande aux plaignants d’expliquer leur retard. À mon avis, le formulaire invite à la fois le plaignant à expliquer son retard et à demander une prorogation parce que ces deux éléments visent le même objectif. Le demandeur me demande d’établir une distinction alors qu’il n’y a pas de différence à faire. À mon avis, demander une explication pour justifier un retard constitue essentiellement une demande de prorogation d’autant plus si l’on tient compte du caractère par ailleurs obligatoire du délai de 60 jours. De même, l’explication fournie pour justifier la prorogation expliquera nécessairement le délai.

[96]           Rien ne justifie à mon avis d’annuler la décision du commissaire de rejeter les plaintes hors délai pour des motifs d’équité procédurale.

(6)               Caractère raisonnable de la décision du commissaire

[97]           Sur la question du caractère raisonnable du rejet de la demande formulée par le demandeur au sujet de ses allégations prescrites, il ne m’appartient pas, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, de soupeser de nouveau la preuve et de substituer mes conclusions à celles du commissaire. Il s’agit de savoir s’il était raisonnable pour le commissaire de conclure que la plainte formulée par le demandeur en l’espèce visait des faits survenus à l’extérieur du délai de 60 jours. À mon sens, la réponse à cette question dépend de l’analyse qui précède, et cet aspect de la décision du commissaire est raisonnable.

[98]           Je remarque que le paragraphe 19.1(2) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles énonce que la plainte en matière de représailles « doit être déposée dans les soixante jours suivant la date où le plaignant a connaissance — ou, selon le commissaire, aurait dû avoir connaissance — des représailles y ayant donné lieu ». [Non souligné dans l’original.] Le demandeur a l’obligation de présenter sa plainte dans les délais. À cet égard, je tiens à signaler que le commissaire a lui aussi l’obligation de tirer des conclusions préliminaires en temps opportun, en l’occurrence de statuer sur la recevabilité de la plainte dans les 15 jours suivant son dépôt, conformément au paragraphe 19.4(1). Le personnel du commissaire présente son rapport au commissaire « le plus tôt possible » après la fin de l’enquête conformément à l’article 20.3.

[99]           Ces dispositions montrent que la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles ne vise pas à statuer sur des incidents survenus il y a longtemps et qui remontent à plus de cinq ans. Les plaintes doivent être présentées rapidement. Les décisions sur les plaintes doivent également être rendues rapidement, comme c’est le cas en l’espèce. Les mécanismes de divulgation et de protection doivent être « efficaces » comme le prévoit le préambule et ne doivent pas s’éterniser. Il s’agit là des directives du législateur et elles doivent être respectées. Les plaintes doivent faire l’objet d’un examen préalable et d’un rapport dans un court laps de temps. À mon avis, la loi ne vise pas à favoriser les enquêtes qui replongent loin dans le passé, surtout lorsque le demandeur a délibérément tardé à présenter sa plainte sans invoquer de raison valable. Dans le cas qui nous occupe, je constate une fois de plus que le demandeur a expliqué dans son témoignage qu’il avait été informé en janvier 2009 de l’existence de cette loi sur la dénonciation des abus, mais qu’il avait décidé de ne pas y recourir. En janvier 2014, il était beaucoup trop tard pour soulever des incidents survenus près de six ans plus tôt.

[100]       Je conviens avec le défendeur que la question de savoir si le délai de 60 jours a expiré ou non relève carrément de la compétence du commissaire. De même, le pouvoir de proroger ce délai relève directement du pouvoir discrétionnaire du commissaire. Son pouvoir discrétionnaire est illimité, sous réserve de s’assurer qu’il ne l’exerce pas de façon abusive ou arbitraire (Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences) c Gattellaro, 2005 CF 883; Leblanc c Canada (Ressources humaines et du Développement des compétences), 2010 CF 641 au paragraphe 20). Des questions comme l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’accorder une prorogation de délai commandent habituellement la retenue de la part des cours de révision : Association des pilotes d’Air Canada c MacLellan, 2012 CF 591 aux paragraphes 12 et 19; Khangura c Canada (Ministre de Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 702 au paragraphe 15.

[101]       Rien ne démontre que le commissaire a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon abusive ou arbitraire.

[102]       À mon avis, le commissaire a examiné les arguments et la preuve présentés par le demandeur et a conclu, tout d’abord, que le demandeur n’a pas respecté le délai imparti et, ensuite, que rien ne justifiait de lui accorder une prorogation de délai. Ces conclusions étaient à mon avis justifiées, transparentes et intelligibles. Elles appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Comme ces conclusions sont raisonnables, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée à cet égard également.

B.                 Le commissaire a‑t‑il agi de façon déraisonnable en refusant d’enquêter sur les représailles qui ne répondaient pas à la définition de « représailles » au sens de la loi ainsi qu’aux représailles pour lesquelles aucun élément de preuve n’établissait de lien entre leurs auteurs présumés et la divulgation protégée du demandeur?

(1)               Lettre de M. Munro et participation de M. Des Rosiers

[103]       Le demandeur affirme que la décision du commissaire de ne pas enquêter sur la lettre du 23 octobre 2013 (reçue le 12 novembre 2013) était déraisonnable. Je ne suis pas de cet avis. La lettre est un document d’une seule page dans laquelle M. Munro explique que RNCan a fait enquête sur la divulgation protégée du demandeur relativement à une contravention de la LGFP. Cette lettre répondait, bien en retard, j’en conviens, à la divulgation protégée que le demandeur avait envoyé par courriel le 15 janvier 2009 (ainsi que sa dénonciation verbale de février 2008). Dans sa lettre, M. Munro déclarait que les allégations du demandeur avaient fait l’objet d’une enquête et il rendait compte au demandeur que le contrat applicable avait été modifié en mars 2008.

[104]       Cette lettre ne renfermait aucune menace de représailles, qui est un terme défini. Le seul cas où cette lettre pourrait être considérée comme une mesure de représailles illégale serait celui où elle contiendrait une menace de représailles au sens du paragraphe 55 susmentionné.

[105]       À mon avis, aucune des catégories de représailles précises prévue par la loi ne s’applique dans le cas de la lettre de M. Munro ou de la participation de M. Des Rosiers à l’enquête à l’origine de la lettre. Le commissaire a également évalué ces questions en fonction de l’alinéa 2(1)d), qui pourrait être considéré comme une disposition générique ou une clause fourre‑tout. Je suis toutefois incapable de voir comment la lettre elle‑même, ou la participation de M. Des Rosiers à l’enquête à l’origine de la lettre, auraient porté atteinte à l’emploi ou aux conditions de travail du demandeur.

[106]       Par conséquent, je conclus que le commissaire a agi de façon raisonnable en décidant de ne pas donner suite à la lettre de M. Munro ou à la participation de M. Des Rosiers à l’enquête à l’origine de la lettre. S’il y a quelque doute que ce soit au sujet de la norme de contrôle applicable, pour les mêmes motifs que ceux que je viens d’exposer, je suis d’avis que le commissaire a agi correctement en décidant de ne pas enquêter davantage sur la lettre de M. Munro ou sur la participation de M. Des Rosiers à l’enquête y ayant conduit.

(2)               Représailles exercées par M. Haslip

[107]       En ce qui concerne l’allégation selon laquelle M. Haslip aurait exercé des représailles illégales contre le demandeur, le commissaire a estimé qu’il ne disposait [traduction] « d’aucun renseignement » permettant d’établir un lien entre les divulgations protégées du demandeur de 2008 et 2009 et l’allégation du demandeur suivant laquelle M. Haslip avait forcé son gestionnaire de compte à modifier sa recommandation au sujet de son dossier de progression de carrière le 16 décembre 2013, ou l’allégation selon laquelle M. Haslip n’avait pas recommandé d’accorder une promotion au demandeur le 20 décembre 2013. Comme le commissaire l’a fait observer à juste titre au début de ses motifs, pour déclencher le processus d’enquête, le demandeur ne peut se contenter de démontrer l’existence d’une divulgation protégée et la prise d’une mesure contre lui. La mesure de représailles doit avoir été prise, comme l’explique la loi, pour « le motif » que le demandeur a fait une divulgation protégée. Il doit exister un lien de causalité. Le demandeur peut obtenir gain de cause en se contentant de relater un événement à la suite de l’autre, mais il n’a aucune garantie d’obtenir gain de cause. La décision appartient au commissaire, qui doit agir de façon raisonnable.

[108]       En l’espèce, le demandeur a eu toutes les chances de fournir des renseignements, mais n’a fourni « aucun renseignement » au sujet de sa plainte ou au cours des conversations subséquentes ou de ses communications écrites ultérieures permettant d’établir un lien entre les décisions prises par M. Haslip en décembre et la présumée divulgation protégée de février 2008 et le courriel du 15 janvier 2009. Madame Mahon a expressément appelé le représentant/le conseiller juridique du demandeur pour lui demander d’expliquer le rôle de M. Haslip. La question a été dûment posée par l’analyste du commissaire parce que le demandeur n’avait pas mentionné le nom de M. Haslip dans le long exposé chronologique joint à sa plainte. Pour citer l’affidavit déposé par le représentant du demandeur, voici ce qu’elle voulait savoir : [traduction] « En particulier, compte tenu du fait qu’il ne figurait pas dans l’exposé chronologique, elle voulait savoir quel rôle il avait joué ». Bien que le représentant du demandeur ait envoyé une lettre à Mme Mahon en réponse, cette lettre ne mentionnait rien au sujet d’un lien de causalité entre les divulgations protégées du demandeur de 2008 et 2009 et les agissements de M. Haslip en décembre 2013. Le demandeur ne pouvait donc guère s’attendre à autre chose que le rejet de cet aspect de sa plainte.

[109]       Vu les nombreuses occasions que le demandeur a eues de fournir des renseignements au commissaire au sujet de M. Haslip, l’importance de l’exigence prévue par la loi d’établir un lien entre l’auteur des représailles et la divulgation protégée avant que la loi puisse s’appliquer, et compte tenu de l’absence de tout élément de preuve démontrant que les mesures reprochées à M. Haslip ont été prises « pour le motif » que le demandeur avait fait une divulgation protégée, je suis porté à conclure que le commissaire a agi de façon raisonnable en décidant de ne pas ouvrir d’enquête au sujet de M. Haslip. D’ailleurs, agir autrement aurait pu être considéré comme arbitraire. À mon sens, le commissaire a agi de façon raisonnable et en conformité avec l’alinéa 19.3(1)c) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, qui dispose :

19.3 (1) Le commissaire peut refuser de statuer sur une plainte s’il l’estime irrecevable pour un des motifs suivants : [...]

c) la plainte déborde sa compétence; [...]

19.3 (1) The Commissioner may refuse to deal with a complaint if he or she is of the opinion that [...]

(c) the complaint is beyond the jurisdiction of the Commissioner; [...]

[110]       À mon avis, une plainte qui ne répond pas aux exigences essentielles de la loi, en l’occurrence qui n’allègue pas qu’une mesure de représailles a été prise « pour le motif » que le demandeur a fait une divulgation protégée, est une plainte au sujet de laquelle le commissaire peut raisonnablement refuser d’enquêter davantage, ce qui était le cas en l’espèce. Je conclus que la décision du commissaire était raisonnable, en ce que sa décision appartient aux issues possibles acceptables au regard des faits et du droit au sens de l’arrêt Dunsmuir.

[111]       J’ajouterai que dans l’éventualité où il y aurait une incertitude quant à la norme de contrôle applicable, je conclus pour les mêmes raisons que le commissaire a bien agi en décidant de ne pas enquêter sur la plainte concernant M. Haslip.

VIII.       Dispositif

[112]       La demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

[113]       Les dépens convenus entre les parties devaient suivre l’issue de la cause, lesquels sont fixés à 3 000 $, tout compris.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, avec dépens de 3 000 $ tout compris suivant l’issue de la cause.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1023‑14

 

INTITULÉ :

MURLIDHAR GUPTA c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 MARS 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 AVRIL 2015

 

COMPARUTIONS :

David Yazbeck

Michael Fisher

 

POUR Le demandeur

 

Claudine Patry

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck, s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR Le demandeur

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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