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Date : 20150428


Dossier : IMM-7710-13

Référence : 2015 CF 550

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 avril 2015

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

CHAN YIU-CHUNG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario) le 26 mars 2015)

[1]               Chan Yiu‑Chung (le demandeur) a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAI), datée du 13 novembre 2013, par laquelle la SAI a rejeté son appel et confirmé la décision prise par un agent d’immigration, le 8 avril 2011, de ne pas délivrer de visa de résident permanent à l’épouse du demandeur au motif que le mariage n’était pas authentique et visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).  La demande est présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la LIPR.

[2]               Le demandeur est un citoyen canadien âgé de 56 ans.  Il est né à Hong Kong, est devenu résident permanent du Canada en 1979 et a obtenu sa citoyenneté en 1985.  Il a marié sa première épouse en 1980 et ils ont eu trois enfants.  Ils ont divorcé en 2005.  Le demandeur travaille actuellement comme concierge chez sa sœur près de Toronto.

[3]               L’épouse du demandeur est une citoyenne chinoise âgée de 47 ans.

[4]               En février 2009, le demandeur s’est inscrit à China Love, un site Internet de rencontre, où il a remarqué le profil de son épouse.  Il l’a ajoutée à sa liste de [traduction] « favoris », puis il a reçu un message lui demandant de clavarder.  Ils ont commencé à correspondre par courriels envoyés par l’entremise de ce site de rencontre.  En juin 2009, ils ont échangé leurs numéros de téléphone et ont commencé à se parler au téléphone et par Skype.

[5]               Le 20 septembre 2009, le demandeur a demandé son épouse en mariage sur Skype.  Il a expliqué qu’il l’avait demandée en mariage parce qu’il était seul depuis plusieurs années.

[6]               En octobre 2009, le demandeur s’est rendu en Chine.  Son épouse et lui se sont mariés le 9 octobre 2009, et il est resté en Chine jusqu’au 14 octobre 2009.  Depuis ce temps, il rend visite à son épouse une fois par année, pendant environ deux semaines.  Selon son témoignage, il ne peut pas retourner en Chine plus souvent parce que sa sœur est son patron et qu’elle a besoin de lui pour s’occuper de sa maison et de ses biens.

[7]               Au cours de ses visites en Chine, le demandeur a rencontré plusieurs membres de la famille de son épouse, dont sa mère, sa sœur, son frère, sa belle‑sœur et son cousin.  Son épouse a également rencontré deux de ses frères, ainsi que son ami qui vit en Chine.  Le demandeur a présenté des copies de ses factures de téléphone d’août 2009 à juillet 2013, qui font état d’appels réguliers entre le demandeur et son épouse.

[8]               Deux ans après leur mariage, le demandeur a commencé à envoyer environ 500 $ par mois à son épouse.

[9]               Le 18 novembre 2009, l’épouse du demandeur a présenté une demande de résidence permanente à titre de membre de la catégorie du regroupement familial, et le 9 avril 2011, sa demande a été refusée.  Le mari a interjeté appel devant la SAI, et le demandeur et son épouse ont tous les deux témoigné à l’audience qui a été tenue à Toronto en novembre 2013.  Le témoignage de l’épouse a été recueilli par téléconférence.

I.                   La décision de la SAI

[10]           La SAI a estimé que leurs témoignages contenaient plusieurs incohérences importantes qui, mises ensemble, soulevaient un doute sérieux quant à l’authenticité du mariage, compte tenu surtout du fait que le couple avait passé si peu de temps ensemble.  La SAI a conclu que le mari ne s’était pas acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait de démontrer l’existence d’un mariage authentique.  La SAI a affirmé que « [l]e tribunal conclut que la preuve ne démontre pas, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existe une relation partagée caractérisée par une certaine permanence, une interdépendance entre les deux conjoints, un partage des responsabilités ou un engagement sérieux ».  La décision de la SAI reposait sur les conclusions exposées ci‑dessous.

[11]           Le site de rencontre s’intitule [traduction] « Femmes chinoises cherchant des étrangers célibataires pour des rencontres, des expériences romantiques, pour le mariage [...] » et [traduction] « Le plus grand site de rencontre en Asie ».  Le profil de l’épouse était entièrement rédigé en anglais, même si elle ne comprend pas cette langue, et déjà, le 13 juin 2009, l’épouse du demandeur écrivait dans un courriel qu’elle était prête à déménager dans le pays de son futur mari après le mariage.  Cependant, à l’audience, elle a modifié son témoignage et déclaré qu’elle n’avait pas envisagé de déménager avant de se marier avec le demandeur en octobre 2009.

[12]           L’épouse du demandeur a également reconnu à l’audience qu’elle cherchait un mari vivant à l’étranger.  Toutefois, son témoignage au sujet du site Web n’était pas clair. Dans un premier temps, elle a dit que le site visait surtout à organiser des rencontres entre des hommes et des femmes en Chine, mais elle a ensuite déclaré qu’elle savait que le site organisait aussi des rencontres entre des Chinois et des partenaires vivant à l’étranger.

[13]           Leurs témoignages contenaient aussi plusieurs incohérences importantes.  Par exemple :

                         i.          le demandeur a dit qu’après leur mariage, ils étaient restés pendant tout le temps chez son ami en Chine, alors que son épouse a déclaré qu’après leur mariage, ils étaient allés chez elle.  Lorsqu’on lui a fait remarquer cette contradiction, le demandeur a expliqué qu’ils restaient chez la mère de son épouse lorsqu’ils sortaient tard;

                       ii.          le demandeur a déclaré que son épouse travaillait comme vendeuse de cosmétiques dans un centre commercial, mais elle a déclaré qu’elle vendait des cosmétiques à un salon de beauté et ne se rendait pas au centre commercial tous les jours;

                     iii.          le demandeur a déclaré que son épouse vivait avec sa mère, son frère et le fils de ce dernier, qu’elle subvenait aux besoins de sa famille et prenait soin de sa mère malade et que sa sœur et son frère s’occuperaient de sa mère si elle quittait la Chine.  Par contre, son épouse a déclaré qu’elle vivait avec sa mère et son neveu.  Son frère avait déménagé quatre ans auparavant.  Elle a aussi déclaré que sa mère n’avait pas besoin de beaucoup de soins, et que sa sœur aînée s’occuperait de sa mère si elle déménageait au Canada.

II.                CONCLUSIONS

[14]           Le demandeur soutient que la SAI n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve, notamment son soutien financier, ses lettres et photos et ses relevés d’appels téléphoniques qui établissaient des interactions.  Cependant, à mon avis, il ressort clairement des paragraphes 27 à 29 de la décision que la SAI était au courant de ces éléments de preuve.  Étant donné que le demandeur ne passait que deux semaines par année avec son épouse, la SAI a néanmoins conclu que le demandeur n’avait pas conclu un mariage authentique.  À mon avis, il s’agissait d’une conclusion raisonnable.

[15]           Le demandeur affirme également que les conclusions de la SAI quant à la crédibilité étaient déraisonnables.  Cependant, à mon avis, elles étaient tout à fait raisonnables et démontraient que le demandeur et son épouse n’échangeaient pas sur des questions fondamentales comme son travail et sa vie de famille.

[16]           Enfin, le demandeur affirme que la SAI a conclu de façon déraisonnable que son épouse cherchait un mari vivant à l’étranger afin de pouvoir quitter la Chine.  À mon avis, cette conclusion était également raisonnable compte tenu de son témoignage selon lequel sa sœur s’occuperait de sa mère et de son courriel, datant de quatre mois avant le mariage, dans lequel elle disait qu’elle était prête à déménager dans un autre pays.

[17]           Aucune question n’a été proposée aux fins de certification en vue d’un appel en vertu de l’alinéa 74d) de la LIPR.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7710-13

 

INTITULÉ :

CHAN YIU-CHUNG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 March 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 AVRIL 2015

 

COMPARUTIONS :

Cheryl Robinson

 

pour le demandeur

 

Meva Motwani

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cheryl Robinson

Avocat

Toronto (Ontario)

 

pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

pour le défendeur

 

 

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