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Date : 20150423


Dossier : T-1272-14

Référence : 2015 CF 524

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 avril 2015

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

REVCON OILFIELD CONSTRUCTORS INCORPORATED

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.                   CONTEXTE

[1]               Il s’agit d’une demande sommaire introduite par le ministre en vertu de l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl.) [la Loi]. Le ministre a demandé qu’il soit ordonné à la défenderesse de se conformer à des demandes de renseignements présentées à celle‑ci le 11 avril 2013 et le 25 octobre 2013.

[2]               La défenderesse, Revcon, est une société albertaine constituée en 2006. MM. Christian Billesberger et David Szatkowski en sont les administrateurs. L’Agence du revenu du Canada [l’ARC] a soumis REVCON à une vérification en regard d’une restructuration de la société effectuée entre le 7 novembre et le 31 décembre 2011. La défenderesse a adopté comme position lors d’échanges et de rencontres avec l’ARC, par l’entremise de son avocat d’alors, monsieur Lyndon Thiessen, que les renseignements demandés [les documents non communiqués] étaient protégés par le privilège des communications entre client et avocat et ne pouvaient donc pas être divulgués.

[3]               À la date prévue de l’instruction de l’affaire, le 14 juillet 2014, à la séance générale de la Cour à Edmonton, l’avocat d’alors de la défenderesse, monsieur Douglas J Forer, a de nouveau invoqué le privilège des communications entre client et avocat à la demande de renseignements faite par le ministre. Il en est résulté la délivrance d’une ordonnance, établissant un calendrier pour la signification et le dépôt de documents, le processus devant être achevé au plus tard le 16 février 2015. Les parties devaient également demander la tenue, au plus tard le 31 mars 2015, d’une audition spéciale.

[4]               La défenderesse a déposé et signifié l’affidavit de Christian Billesberger, souscrit le 29 août 2014. M. Billesberger est le secrétaire-trésorier et un des administrateurs de la défenderesse. Dans son affidavit, M. Billesberger fait état de trois catégories de documents non communiqués. Les documents des diverses catégories sont énumérés dans trois annexes jointes à l’affidavit : l’annexe A, l’annexe B et l’annexe C.  

[5]               Quatre motifs distincts sont invoqués dans l’affidavit de M. Billesberger pour revendiquer le privilège à l’égard des renseignements visés dans les trois annexes.

[6]               Premièrement, le privilège est revendiqué à l’égard d’éléments qui permettraient d’identifier le cabinet d’avocats X, un cabinet dont le nom n’a pas été divulgué et dont l’avocat de la défenderesse a retenu les services pour les opérations de restructuration faisant l’objet de la vérification [la revendication relative au cabinet d’avocats X].

[7]               Deuxièmement, le privilège est revendiqué à l’égard d’éléments tels que [traduction] « des notes sténographiques de commentaires de droit fiscal formulés par le cabinet d’avocats X pour décrire les opérations d’une manière susceptible de nuire aux intérêts de la défenderesse » [la revendication relative à la nomenclature].

[8]               Troisièmement, le privilège est revendiqué à l’égard d’éléments comme l’avis sur les opérations du cabinet d’avocats X ou des documents produits par le cabinet d’avocats X dans le cadre de son mandat [la revendication relative à la restructuration].

[9]               Quatrièmement, le privilège est revendiqué à l’égard de communications faites dans le but d’obtenir un avis ou de l’assistance juridique [la revendication relative aux conseils juridiques].

[10]           L’avocate du demandeur a contre-interrogé M. Billesberger le 8 octobre 2014 et, le 15 janvier, elle a déposé une réponse complémentaire. À la date prévue de l’audience (le 19 mars 2015), la défenderesse a déposé un dossier constitué de l’affidavit de M. Billesberger, d’un mémoire des faits et du droit de cinq pages et d’une liste de textes faisant autorité où figuraient des extraits d’ouvrages de doctrine et de deux décisions, Canada (Procureur général) c Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, 2015 CSC 7, et Thompson c Canada (Revenu national), 2013 CAF 197.

[11]           Lors de l’instruction de l’affaire le 19 mars 2015, l’avocat de la défenderesse a reconnu que sa cliente ne s’était pas conformée à l’ordonnance du 14 juillet 2014 relative à l’établissement d’un calendrier. En plus d’être hors délai pour le dépôt de documents complémentaires, la défenderesse n’avait pas divulgué, tel qu’il lui était demandé dans l’ordonnance du 14 juillet 2014, le nom des expéditeurs et destinataires de bon nombre des documents non communiqués. L’avocat a reconnu qu’il ne pouvait citer aucun texte faisant autorité à l’appui de plusieurs des motifs invoqués dans l’affidavit de M. Billesberger. Il a exhorté la Cour à accorder au demandeur la mesure de redressement subsidiaire qu’il demandait, soit que la Cour passe les documents en cause en revue afin d’établir si certains d’entre eux renfermaient des renseignements protégés.

[12]           La Cour dispose du pouvoir de recevoir sous enveloppe scellée des documents à l’égard desquels le privilège des communications entre client et avocat est revendiqué, et d’examiner ces documents en vue de se prononcer sur le bien-fondé de la revendication. Dans Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44 [Blood Tribe], le juge Binnie a expliqué (au paragraphe 17) qu’il fallait user de ce pouvoir de façon modérée : « Même les tribunaux refusent d’examiner des documents protégés par le secret professionnel de l’avocat pour statuer sur l’existence du privilège, à moins que des éléments de preuve ou des arguments démontrent la nécessité de le faire pour trancher la question en toute justice […] ».

[13]           Dans notre affaire, la Cour a jugé qu’on ne lui avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve ou d’arguments pour pouvoir trancher la question en toute justice. Le demandeur ne s’y étant pas opposé, la Cour a décidé de faire preuve de prudence et de passer les documents en revue. Elle a délivré une ordonnance en ce sens le 24 mars 2015. 

[14]           Le 31 mars 2015, l’avocat de la défenderesse a fait parvenir deux boîtes de documents sous scellé, classés de façon peu rigoureuse en parties A, B et C correspondant aux annexes jointes à l’affidavit de M. Billesberger. La Cour relève qu’on ne semble pas avoir transmis l’ensemble des documents visés par les demandes de renseignements, mais seulement ceux à l’égard desquels le privilège est toujours revendiqué.

II.                LES QUESTIONS EN LITIGE

[15]           La Cour a une seule question à trancher : les documents non communiqués sont-ils protégés par le privilège des communications entre client et avocat? La question de savoir si le demandeur a établi l’existence des conditions prescrites, au paragraphe 321.7 (1) de la Loi, avant que la Cour puisse ordonner à la défenderesse de se conformer ne fait pas, pour sa part, l’objet de litige. Il est manifeste, tout particulièrement, que la défenderesse n’a pas fourni l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents qu’elle devait fournir à l’ARC en vertu des articles 231.1 ou 231.2. Si les revendications de privilège sont sans fondement, rien ne fait obstacle à la délivrance d’une ordonnance de conformité.

III.             LE CADRE JURIDIQUE

[16]           L’article 231.7 de la Loi prévoit explicitement que les documents ou les renseignements visés par le privilège des communications entre client et avocat sont protégés. Le « privilège des communications entre client et avocat » est défini comme suit, au paragraphe 232(1) :

« privilège des communications entre client et avocat » Droit qu’une personne peut posséder, devant une cour supérieure de la province où la question a pris naissance, de refuser de divulguer une communication orale ou documentaire pour le motif que celle-ci est une communication entre elle et son avocat en confidence professionnelle sauf que, pour l’application du présent article, un relevé comptable d’un avocat, y compris toute pièces justificative out tout chèque, ne peut être considéré comme une communication de cette nature.

“solicitor-client privilege” means the right, if any, that a person has in a superior court in the province where the matter arises to refuse to disclose an oral or documentary communication on the ground that the communication is one passing between the person and the person’s lawyer in professional confidence, except that for the purposes of this section an accounting record of a lawyer, including any supporting voucher or cheque, shall be deemed not to be such a communication.

[17]           Le privilège des communications entre client et avocat s’applique à toutes les communications entre un client et son avocat lorsque ce dernier donne des conseils juridiques ou agit, d’une autre manière, en qualité d’avocat et non en qualité de conseiller d’entreprise ou à un autre titre que celui de spécialiste du droit (Blood Tribe, précité, au paragraphe 10).

[18]           Pour faire droit à une revendication de privilège des communications entre client et avocat, une cour doit conclure (1) qu’un avis juridique a été demandé à un professionnel du droit agissant à ce titre, (2) que les communications se rapportent à cette fin et (3) que les communications sont données en confidence par le client et l’avocat. On pourra consulter Descôteaux et autre c Mierzwinski, [1982] 1 RCS 860, aux pages 892 et 893 :

En résumé, le client d'un avocat a droit au respect de la confidentialité de toutes les communications faites dans le but d'obtenir un avis juridique. Qu'ils soient communiqués à l'avocat lui-même ou à des employés, qu'ils portent sur des matières de nature administrative comme la situation financière ou sur la nature même du problème juridique, tous les renseignements que doit fournir une personne en vue d'obtenir un avis juridique et qui sont donnés en confidence à cette fin jouissent du privilège de confidentialité.

[Non souligné dans l’original.]

[19]           Il incombe à la défenderesse de démontrer que les documents non communiqués relèvent du privilège des communications entre client et avocat. La juge Heneghan a ainsi déclaré ce qui suit dans Belgravia Investments Limited c Canada, 2002 CFPI 649 [Belgravia], aux paragraphes 47 et 48 :

La partie qui revendique le privilège doit en établir l'existence. Les demanderesses doivent démontrer, selon la prépondérance de la preuve, que les documents en question constituent des communications échangées entre un avocat et son client, que les communications concernent la demande ou la fourniture de conseils juridiques et que les parties voulaient que lesdits conseils demeurent confidentiels […].

La partie qui revendique un privilège doit faire davantage que de simplement en affirmer l'existence.

[20]           Les communications à des fins de planification fiscale ne jouissent pas du privilège. Il en est de même des faits indépendants de la communication (Belgravia, précitée, aux paragraphes 44 et 45).

[21]           Dans Canada (Revenu national) c Kitsch, 2003 CAF 307, aux paragraphes 35 à 47, la Cour fédérale a déclaré que le privilège du secret professionnel ne s’appliquait pas aux « conseils donnés par un expert-comptable ». Le privilège des communications entre client et avocat ne s’étend pas aux conseils donnés par un expert-comptable (ou, ajouterais-je, par un avocat à des fins de comptabilité ou de planification fiscale) (Canada (Revenu national) c Grant Thornton, 2012 CF 1313, au paragraphe 22).

[22]           Le juge Binnie a réitéré cette interprétation de la portée du privilège dans Blood Tribe, précité, au paragraphe 10 :

Bien que le privilège du secret professionnel de l’avocat ait d’abord été considéré comme une règle de preuve, il constitue sans aucun doute maintenant une règle de fond applicable à toutes les communications entre un client et son avocat lorsque ce dernier donne des conseils juridiques ou agit, d’une autre manière, en qualité d’avocat et non en qualité de conseiller d’entreprise ou à un autre titre que celui de spécialiste du droit […].

[Non souligné dans l’original.]

[23]           Par ailleurs, le client peut renoncer au privilège et autoriser la divulgation de communications faites à un tiers. En pareil cas, les communications ne sont plus protégées par le privilège voir, p. ex., (Taxpro Professional Corporation c Canada (Revenu national), 2011 CF 224, au paragraphe 32, conf. par 2011 CAF 306).

IV.             ANALYSE

[24]           Dans notre affaire, il est clair que la défenderesse a partagé certains documents non communiqués avec des experts-comptables et des courtiers en marchandises. Rien au dossier dont la Cour est saisie ne laisse croire que ces personnes sont autre chose que des tiers. Le privilège ne s’applique pas aux communications avec de telles personnes.

[25]           La défenderesse ne m’a cité aucun précédent qui permette de soutenir qu’on peut valablement se fonder sur les revendications relatives au cabinet d’avocats X et à la nomenclature pour invoquer le privilège des communications entre client et avocat. La notion selon laquelle l’identité d’un cabinet d’avocats ou d’un avocat dont un client retient les services pour obtenir des conseils en matière de planification fiscale est protégée par le privilège ne trouve aucun appui en droit. Le fait que les services d’un tel cabinet aient pu être retenus [traduction] « indirectement » par un autre cabinet dont le client a retenu directement les services n’a aucune incidence. Une communication permettant de connaître le nom d’un cabinet d’avocats ou d’un avocat – et rien d’autre, comme un véritable avis juridique – n’est pas une communication confidentielle faite en vue d’obtenir un avis juridique d’un avocat agissant à un tel titre. Le nom d’un cabinet d’avocats, auquel rien ne s’ajoute, n’est pas protégé par le privilège des communications entre client et avocat, non plus que les notes sténographiques révélant les propos de conseillers en planification fiscale.

[26]           En contre-interrogatoire, M. Billesberger a soutenu qu’il n’avait pas vu la plupart des documents non communiqués à l’égard desquels il avait revendiqué purement et simplement le privilège dans son affidavit. Il a déclaré n’avoir aucune connaissance de la série d’opérations non plus que des relevés de comptes auxquels l’ARC s’intéressait, non plus que des diverses communications, mis à part les courriels figurant à l’annexe B et dont il avait été un destinataire ou pour lesquels il avait été mis en copie. Quant à la plupart des documents non communiqués, la déposition de M. Billesberger ne constituait guère plus que des opinions, des hypothèses ou du ouï-dire, puisqu’il n’avait pas une connaissance directe de leur contenu lorsqu’il a souscrit l’affidavit. Cela ne suffit pas à fonder une revendication de privilège.

A.                 Revendications de l’annexe A

[27]           Parmi les documents transmis sous scellé à la Cour se trouvent deux livres de clôtures (dans des classeurs à trois anneaux) établis pour des opérations réalisées par la défenderesse, en date des 8 et 9 décembre 2011 et du 20 décembre 2011. Il y a aussi deux CD-ROM où figure la version électronique des mêmes documents. M. Billesberger a affirmé que le privilège des communications entre client et avocat était revendiqué pour la défenderesse et en son nom à l’égard du livre de clôture des 8 et 9 décembre 2011 et du CD-ROM connexe. Nulle mention n’est faite dans l’affidavit de M. Billesberger du livre de clôture du 20 décembre 2011 ou du CD‑ROM connexe.

[28]           Le classeur du livre de clôture pour les opérations des 8 et 9 décembre 2011 compte un index de trois pages qui fait état de 24 documents figurant sous des onglets numérotés en ordre séquentiel. Deux documents, décrits comme des formulaires de l’ARC et comme figurant sous l’onglet 3 et l’onglet 6 selon l’index, ne se trouvent pas dans le classeur.

[29]           L’index est suivi d’une lettre de 12 pages datée du 22 décembre 2011 et adressée par Douglas J Forer, du cabinet d’avocats McLennan Ross LLP à Lyndon Thiessen, du cabinet Ritchie Mill Law Office; la lettre est rédigée au nom de 1239744 Alberta Ltd. et traite d’une série d’opérations sur actions mettant en cause cette société et la société 1239749 Alberta Ltd. La lettre comporte un avis juridique concernant les conséquences fiscales des opérations pour certaines personnes nommées, et les obligations de déclaration du revenu de ces personnes.

[30]           À l’annexe A se trouvent une définition d’expressions utilisées dans la lettre de rapport ainsi qu’une déclaration quant au fait que les clients de McLennan Ross LLP dans le dossier sont 1239749 Alberta Ltd, 1239744 Alberta Ltd, David Szatkowski, Nicole Bauman et Christian Billesberger, que le comptable agréé Craig McDonald est le mandataire de ces clients et que Lyndon Thiessen, du cabinet Ritchie Mill Law Office, est leur conseiller juridique aux fins de la réception de documents protégés par le privilège des communications entre client et avocat.

[31]           Un énoncé des [traduction] « faits et hypothèses de travail » concernant la structure du capital-actions et la propriété des deux sociétés albertaines à numéros est également joint à titre d’annexe B. On trouve aussi dans cette annexe, après l’énoncé, la représentation graphique sur trois pages de la structure d’entreprise des deux sociétés albertaines à numéros ainsi que de Revcon avant et après les opérations des 8 et 9 décembre 2011.

[32]           Le privilège s’applique à la lettre du 22 décembre 2011 de M. Forer et à ses annexes A et B. Il est difficile d’établir si les tableaux de structure d’entreprise faisaient partie de la lettre de M. Forer ou font par ailleurs l’objet du privilège en tant que documents juridiques produits. La Cour estime, pour plus de sûreté, qu’il convient de considérer ces tableaux protégés par le privilège.

[33]           Les autres documents figurant sous les onglets 1 à 24 du livre de clôture sont des résolutions du conseil d’administration, des conventions d’actionnaires, de conversion d’actions ou d’achat d’actions et d’autres documents semblables d’entreprises. Il ne s’agit dans aucun cas de communications entre un client et un avocat faites ou reçues en vue de l’obtention d’un avis juridique. Ces documents attestent, plutôt, d’opérations commerciales réalisées dans le cadre de la restructuration. Ils ne sont donc pas protégés par le privilège. L’index de trois pages ne l’est pas non plus puisqu’on y décrit tout simplement le contenu du classeur.

[34]        Le livre de clôture du 20 décembre 2011 renferme un index de neuf pages et 69 onglets numérotés où figurent des documents se rapportant à une série d’opérations effectuées par Revcon et d’autres personnes morales entre le 4 novembre et le 5 décembre 2011. Le privilège ne s’applique à aucun de ces documents. Je relève que sous les onglets 23 et 31 se trouvent des renseignements sur des virements entre des comptes en fiducie d’avocat et des transferts provenant de ces comptes. De tels renseignements ne sont pas protégés par le privilège (Canada (Ministre du Revenu national) c Reddy, 2006 CF 277). Les renseignements figurant sous les onglets 49 et 51 ont déjà été transmis à l’ARC.

[35]        Je l’ai dit, les deux CD-ROM semblent contenir les mêmes renseignements que les livres de clôture. Les conclusions déjà tirées relativement au privilège s’appliquent également à leur contenu.

B.                 Revendications de l’annexe B

[36]           Les revendications de l’annexe B visent une série de messages provenant des comptes de courriels de Christian Billesberger et de Dave Szatkowski (également un administrateur de Revcon). Les messages ont comme expéditeurs et destinataires Monica Surgenor (directrice administrative chez Revcon), Douglas Forer, Lyndon Thiessen et plusieurs autres personnes, notamment Craig MacDonald, un comptable agréé. Bien des messages sont reproduits plus d’une fois puisque les mêmes chaînes de messages semblent avoir été conservées dans plusieurs comptes de courriels. La plupart des messages ont trait à des opérations et ne sont pas des communications faites en vue d’obtenir ou de recevoir un avis juridique.

[37]           M. Billesberger a revendiqué le privilège des communications entre client et avocat pour ces courriels, dans le cadre de la revendication relative au cabinet d’avocats X et de celle relative à la nomenclature. Tel qu’on l’a déjà expliqué, l’argumentation en ce sens ne repose sur aucun fondement en droit. La Cour rejette donc les revendications concernant les suppressions sous les titres [traduction] « Source », « Destinataire », « C.c. » et « Objet » dans les colonnes figurant à l’annexe B de l’affidavit de M. Billesberger.

[38]           De plus, M. Billesberger a revendiqué le privilège pour les communications faites en vue d’obtenir un avis ou une assistance juridique pour la défenderesse en regard de la vérification des opérations par le demandeur et des [traduction] « questions connexes » et aux fins générales de la revendication relative à la restructuration.

[39]           Après lecture des courriels qui lui ont été transmis le 31 mars 2015, classés de façon peu rigoureuse sous le titre B, la Cour estime que les courriels suivants renferment des communications faites en vue d’objenir un avis juridique et sont, par conséquent, protégés par le privilège :

  • du 26 juillet 2011 (de Mme Surgenor à M. Thiessen, objet [traduction] « L’évaluation entrepreneuriale de Revcon »)
  • du 27 juillet 2011 (réponse de M. Thiessen à Mme Surgenor et MM. Billesberger et Szatkowski, objet [traduction] « L’évaluation entrepreneuriale de Revcon »)
  • du 30 juillet 2011 (de M. Szatkowski à M. Thiessen, Mme Surgenor et M. Billesberger étant mis en copie, et réponse de M. Thiessen, objet [traduction] « Le compte de dépenses et de marchandises de Revcon »)
  • du 19 août 2011 (de M. Forer à MM. Billesberger, Szatkowski et Thiessen, objet [traduction] « Le recoupement de marchandises »)
  • des 22 et 23 août 2011 (série de messages envoyés par M. Billesberger à MM. Thiessen, Forer et Szatkowski et à Pam Felske, objet [traduction] « Entreprise canadienne active aux États-Unis » et réponses à ces messages)
  • du 23 août 2011 (de M. Forer à MM. Billesberger, Szatkowski et Thiessen, objet [traduction] « Société à perte fiscale » et réponse de M. Szatkowski)
  • du 19 septembre 2011 (de M. Billesberger à MM. Thiessen, Forer et Szatkowski et à Mme Surgenor, objet [traduction] « Faire le point »)
  • du 22 septembre 2011 (de M. Forer à MM. Billesberger et Thiessen, objet [traduction] « Tableau de la société à perte fiscale »)
  • du 21 octobre 2011 (série de messages ayant pour destinataires et expéditeurs MM. Billesberger, Forer, Szatkowski et Thiessen et d’autres personnes, objet [traduction] « Prêt de CWB à Revcon Oilfield »)
  • du 14 novembre 2011 (de M. Szatkowski à MM. Thiessen et Billesberger et à Mme Surgenor, objet [traduction« partenariats »)
  • du 22 novembre 2011 (de M. Billesberger à M. Forer et réponse de M. Forer à MM. Billesberger, Szatkowski et Thiessen, objet [traduction] « Documents relatifs aux opérations »)
  • du 15 décembre 2011 (de M. Forer à MM. Thiessen, Billesberger et Szatkowski, objet : la lettre de rapport et les documents connexes)
  • du 25 janvier 2012 (de M. Forer à MM. Billesberger et Szatkowski, objet [traduction] « Rev Can »)
  • du 25 janvier 2012 (une série de messages de M. Forer à MM. Billesberger et Szatkowski, objet [traduction] « Agence du revenu du Canada »)
  • du 30 janvier 2012 (de M. Forer à MM. Szatkowski, Billesberger et Thiessen, objet [traduction] « Réunion de demain »)
  • du 30 janvier 2012 (de M. Forer à MM. Szatkowski, Billesberger et Thiessen)
  • du 13 novembre 2012 (de M. Thiessen à Mme Surgenor et à MM. Billesberger et Szatkowski, objet [traduction] « Vérification de l’ARC poursuivie »)
  • du 26 novembre 2012 (de M. Thiessen à Mme Surgenor et à MM. Szatkowski et Billesberger, objet [traduction] « Vérification de l’ARC »)

[40]           Les autres communications par courriel ne sont pas protégées par le privilège et doivent être divulguées au demandeur. Je relève, en passant, qu’il est surprenant d’entendre dire par M. Billesberger, en contre-interrogatoire, qu’il n’avait pas connaissance des communications relatives aux opérations en cause, étant donné le nombre de communications à ce sujet dont il a été l’expéditeur ou le destinataire.

C.                 Revendications de l’annexe C

[41]           Cette liasse de documents renferme des lettres de rapport et des états de compte provenant des cabinets d’avocats Ritchie Mill Law Office et McLennan Ross LLP ainsi que de plusieurs autres cabinets ayant participé, en 2011 et 2012, à la structuration des opérations sur actions visant les deux sociétés albertaines à numéros et Revcon. Les lettres de rapport envoyées par les cabinets d’avocats sont protégées par le privilège, puisqu’elles renferment des conseils juridiques sur les obligations fiscales des administrateurs et des actionnaires de Revcon découlant des ententes de structuration. Depuis Maranda c Richer, 2003 CSC 67, les cours ont déclaré être protégés les renseignements concernant les honoraires à verser pour un avis juridique. Par conséquent, les états de compte sont également visés par le privilège.

[42]           Une lettre du 19 janvier 2012 envoyée par Douglas Forer, de McLennan Ross, à Pam Felske, du Ritchie Mill Law Office, n’est pas protégée parce qu’elle sert uniquement à la transmission du registre des procès-verbaux d’entreprise de 1538893 Alberta Ltd., d’une convention d’achat d’actions conclue entre plusieurs personnes morales en vue du rachat d’actions de catégorie A de Revcon et de la copie d’un registre de procès-verbaux de 6251471 Canada Inc. transmise par un cabinet d’avocats d’Ottawa.

[43]           Sous réserve des présentes conclusions, la demande sera accueillie avec dépens.

V.                CONCLUSION

[44]           J’estime que le demandeur a besoin des renseignements et des documents demandés le 11 avril 2013 et le 25 octobre 2013 pour des fins liées à l’administration et à l’application de la Loi, et pour soumettre la défenderesse à une vérification sous le régime de la Loi. Il ne fait pas de doute que la défenderesse n’a pas fourni tous les renseignements et les documents demandés par le ministre qui sont décrits dans les demandes de renseignements. Il n’est pas sûr par ailleurs que les documents transmis à la Cour le 31 mars 2005, pour examen des revendications de privilège, satisfont entièrement aux demandes de renseignements.

[45]           Les revendications de privilège présentées initialement pas M. Thiessen au nom de la défenderesse, lors de rencontres avec l’ARC, et réitérées par M. Billesberger dans son affidavit du 29 août 2014 étaient de trop large portée. En grande partie, les motifs avancés pour invoquer le privilège n’étaient pas fondés et ne reposaient sur aucun texte faisant autorité. Cela est ressorti très clairement du dossier incomplet présenté par la défenderesse et des observations formulées par M. Forer à l’audience, le 19 mars 2015.

[46]           Par conséquent, il sera ordonné à la défenderesse de transmettre les renseignements et les documents demandés par le demandeur, dans les 30 jours suivant la signification de copie de l’ordonnance.

VI.             LES FRAIS

[47]           Le demandeur a présenté un mémoire de frais pour les honoraires et débours occasionnés par la préparation de l’audience du 19 mars 2015 et la comparution à cette audience. L’avocat de la défenderesse a convenu à l’audience que les montants réclamés étaient raisonnables, sous réserve d’un rajustement pour le temps non requis à l’audience. Par conséquent, je réduirai de 2 à 1 le nombre d’unités attribué pour la comparution, et de 140 $ le montant total réclamé au titre des honoraires d’avocat. Le montant total attribué pour les honoraires et débours sera de 3 089,12 $.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.      La demande est accueillie.

2.      Sous réserve des conclusions tirées par la Cour dans les présents motifs quant à l’existence du privilège des communications entre client et avocat, la défenderesse transmettra les renseignements et les documents demandés le 11 avril 2013 et le 25 octobre 2013 par le demandeur, dans les 30 jours suivant la signification de copie de la présente ordonnance, à Jan Walker, de l’Agence du revenu du Canada, au Bureau des services fiscaux d’Edmonton, bureau 10, 9700, avenue Jasper, Edmonton (Alberta) T5J 4C8, ou à tout autre agent qu’on pourra désigner à cette fin.

3.      Les dépens de la présente demande, soit 3 089,12 $, sont adjugés au demandeur.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1272-14

INTITULÉ :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL c REVCON OILFIELD CONSTRUCTORS INCORPORATED

LIEU DE L’AUDIENCE :

EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 MARS 2015

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE MOSLEY

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 23AVRIL 2015

COMPARUTIONS :

Wendy J. Bridges

POUR LE DEMANDEUR

Douglas J. Forer

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DEMANDEUR

McLennan Ross LLP

Avocat

Edmonton (Alberta)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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