Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20150415


Dossier : T-1723-13

Référence : 2015 CF 469

Montréal (Québec), le 15 avril 2015

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

GANZA BUNZIGIYE

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature de l’affaire

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) rejetant la plainte du demandeur en vertu du sous-alinéa 44 (3) b) i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la CCDP étant convaincue que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci n’est pas justifié.

[2]               Le demandeur allègue qu’en raison de sa race et de son origine ethnique (Congo-Rwanda) Statistique Canada lui a refusé un poste de niveau ES-02 en septembre 2009 et n’a pas renouvelé son contrat, agissant ainsi de façon discriminatoire. Le demandeur allègue également qu’il aurait été traité différemment des autres employés et qu’il a été victime de harcèlement dans son milieu de travail.

II.                Faits

[3]               En avril 2008, le demandeur a obtenu un contrat pour un poste de niveau CR-03 chez Statistique Canada. En septembre 2008, le demandeur s’est qualifié de façon à être inscrit à une liste de niveau CR-03/CR-04.

[4]               Vers la fin de l’année 2009, le demandeur a été affecté à la Division de la statistique de la santé de Statistique Canada. Il y est resté jusqu’à avril 2010 pour finalement retourner à sa division originale, soit la Division des opérations et de l’intégration.

[5]               Le demandeur soutient qu’il fut victime de harcèlement et de discrimination dans son milieu de travail. Le 21 octobre 2011, le demandeur a déposé une plainte devant la CCDP en raison de la discrimination dont il soutient avoir été victime dans son milieu de travail. Il y allègue notamment :

  1. Qu’il a fait l’objet de traitements défavorables en raison de son éducation. Le demandeur a entrepris un programme universitaire de maitrise et soutient que ses collègues et ses supérieurs ont ressenti le besoin de se montrer plus intelligents que lui.
  2. Qu’il a fait l’objet de commentaires négatifs relativement à son odeur, ses vêtements, et sa nourriture dans son milieu de travail.
  3. Que ses collègues auraient fait des insinuations selon lesquelles il aurait été responsable de la disparition de matériels de bureau. Le demandeur soutient à titre d’exemple que l’un de ses collègues se serait déguisé en criminel pour Halloween en expliquant au demandeur qu’il était déguisé en « smooth criminal ». Le demandeur allègue également que ses collègues laissaient tomber de l’argent lorsque le demandeur s’approchait d’eux.
  4. Que sa superviseure le traitait comme un esclave, notamment en lui disant : « fais ceci pour moi » ou « assois-toi ».
  5. Que Statistique Canada l’aurait discriminé en effectuant une évaluation biaisée de son travail.
  6. Que Statistique Canada n’aurait pas renouvelé son contrat après le 27 octobre 2010 en raison de la plainte pour discrimination qu’il a déposée et de son refus de signer son évaluation.
  7. Que ses superviseurs ignoraient ses questions ou ses idées.
  8. Qu’il fut victime d’une violation de sa vie privée parce qu’il a dû faire prendre ses empreintes digitales avant de débuter son emploi chez Statistique Canada.

III.             Question en litige

[6]               Il y a une question en litige :

1.                  La décision de la CCDP est-elle raisonnable?


IV.             Décision

[7]               La décision de la CCDP du 23 septembre 2013 est notamment supportée par le rapport d’enquête selon lequel la plainte du demandeur est injustifiée ayant égard à toutes les circonstances. En plus de se baser sur le rapport d’enquête, la CCDP a basé sa décision sur l’ensemble des observations des parties.

[8]               Dans son rapport, l’enquêteur a considéré les allégations du demandeur relativement aux traitements défavorables dont il aurait été victime dans le cadre de son emploi, mais a cependant conclu que le demandeur n’a soumis aucune preuve à l’appui de ses allégations. Le rapport indique que quatre des collègues du demandeur soutiennent que le demandeur n’a pas fait l’objet de traitements défavorables, mais que certains parmi eux allèguent également que le demandeur était moins productif que ses collègues et qu’il était parfois difficile de le comprendre lorsqu’il parlait en français ou en anglais.

[9]               L’enquêteur a également considéré les allégations de refus d’emploi du demandeur pour un poste de niveau ES-02 dans son rapport d’enquête. L’enquêteur a conclu que le demandeur n’a simplement pas obtenu la note de passage pour se qualifier au concours (la note de passage était de 98 sur 140 alors que le demandeur a obtenu la note 83.5 sur 140) pour le poste qu’il convoitait.

[10]           De plus, l’enquêteur a analysé les allégations de non-renouvellement du contrat du demandeur pour motifs discriminatoires. L’enquêteur a considéré que Statistique Canada a soutenu devant elle que la qualité du travail du demandeur était faible, que sa production est en dessous de la moyenne, et que des 89 employés à terme de Statistique Canada, 17 n’ont pas vu leur contrat renouvelé lors des coupures qui touchèrent également le demandeur. Après une analyse du processus d’évaluation visant le demandeur, l’enquêteur a conclu que la décision de ne pas renouveler son contrat n’était motivée ni par des motifs discriminatoires ni par le fait que le demandeur a refusé de signer l’évaluation qui a précédé son congédiement.

[11]           Finalement, l’enquêteur a conclu que le demandeur n’a soumis aucun élément de preuve à l’appui de ses allégations de discrimination et que l’enquête ne révèle aucune indication que le demandeur a été victime de discrimination dans un concours pour l’obtention d’un poste ou qu’il ne se s’est pas fait offrir un nouveau contrat pour des motifs discriminatoires.

V.                Analyse

A.                La norme de contrôle

[12]           La norme de contrôle applicable à la question posée dans la présente affaire est celle de la décision raisonnable : Lamolinaire c Bell Canada, 2012 CF 789 au para 22.

B.                 La raisonnabilité de la décision

[13]           Tel que le mentionne le juge Zinn dans Herbert c Canada (Procureur général), 2008 CF 969 au para 18, « [l]orsqu’elle effectue son examen préalable, la Commission dispose d’un pouvoir discrétionnaire très vaste pour déterminer si, “compte tenu de toutes les circonstances”, il y a lieu de procéder à une instruction. »

[14]           La CCDP a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable. Les allégations du demandeur ne sont supportées par aucune preuve convaincante. De plus, le rapport d’enquête révèle que chacune des allégations du demandeur a été contredite par ses collègues. Le demandeur n’est simplement pas parvenu à faire la preuve de la violation de ses droits par son employeur. Ayant considéré l’ensemble de la preuve au dossier, je suis d’avis que la décision de la CCDP est raisonnable en faits et en droit.

[15]           Je suis également d’avis que rien n’indique dans le présent dossier que la CCDP ne s’est pas conformée aux principes d’équité procédurale.

VI.             Conclusions

[16]           À mon avis, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[17]           Je suis d’accord avec la demande du procureur du défendeur selon laquelle le défendeur doit être identifié sous le nom de « Procureur général du Canada ».


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      L’identification du défendeur est modifiée de façon à remplacer « Statistique Canada » par « Procureur général du Canada ».

2.      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens contre le demandeur au montant de 500 $.

« George R. Locke »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1723-13

 

INTITULÉ :

GANZA BUNZIGIYE c PROCUREUR DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 février 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 avril 2015

 

COMPARUTIONS :

Ganza Bunzigiye

 

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Me Talitha Nabbali

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ganza Bunzigiye

Ottawa(Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.