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Date : 20150421


Dossier : T-1666-14

Référence : 2015 CF 510

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 avril 2015

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

CORY ALLAN HALL

demandeur

et

CANADA (COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES)

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 18 juin 2014 par laquelle la Section d'appel de la Commission des libérations conditionnelles du Canada [la Section d'appel] a confirmé la décision de la Commission des libérations conditionnelles du Canada [la Commission] de révoquer la libération conditionnelle totale du demandeur.

[2]               Le demandeur a été déclaré coupable le 18 décembre 1999 de meurtre au second degré et il a été condamné à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pour une période de dix ans.

[3]               Le 1er mars 2000, le demandeur a obtenu la note 2 selon l'échelle d'information statistique sur la récidive [ISR], selon laquelle deux délinquants sur trois ne commettront pas d'acte criminel après leur libération.

[4]               Le 31 août 2009, le demandeur a subi une évaluation psychiatrique au cours de laquelle il a relaté une relation qu'il avait déjà eue avec une femme dont le viol avait en partie motivé l'infraction à l'origine de sa peine.

[5]               Le 20 janvier 2010, le demandeur a demandé une libération conditionnelle sous forme de permission de sortir sans escorte. Il avait alors réussi tous les programmes correctionnels, dix‑huit permissions de sortir avec escorte, trois laissez-passer de périmètre de sécurité de 60 jours et la moitié d'un programme de placement à l'extérieur de six mois, le tout sans incident.

[6]               En mars 2010, le suivi de plan correctionnel du demandeur lui donnait une image positive.

[7]               Le 6 avril 2010, le demandeur a subi une autre évaluation psychologique, qui reconnaissait que ses relations avec les femmes constituaient un potentiel facteur de risque ayant un lien avec les circonstances à la base de l'infraction à l'origine de sa peine.

[8]               Dans un rapport daté du 22 avril 2010, l'équipe de gestion de cas [ÉGC] du demandeur a recommandé qu'on lui accorde une semi‑liberté à certaines conditions, en l'occurrence, qu'il s'abstienne de consommer des substances intoxicantes et qu'il consulte un psychologue.

[9]               Le demandeur a obtenu une semi‑liberté le 5 juillet 2010.

[10]           Le demandeur a obtenu une libération conditionnelle totale le 7 juin 2011 avec le plein appui de son ÉGC, sous réserve des conditions suivantes :

  1. déclarer toutes ses fréquentations, y compris ses amitiés, avec des femmes à son surveillant de libération conditionnelle;
  2. consulter un psychologue;
  3. s'abstenir de consommer des substances intoxicantes;
  4. ne pas fréquenter des personnes dont il sait ou a des raisons de croire qu'elles sont impliquées dans des activités criminelles et/ou font une consommation abusive d'alcool ou de drogues.

[11]           Le 22 février 2013, la Commission a décidé de supprimer la condition imposée au demandeur de consulter un psychologue, considérant que la suppression de cette condition n'aurait pas pour effet d'élever son risque à un niveau « excessif ».

[12]           Le 11 décembre 2013, des mandats d'arrestation et de suspension ont été exécutés contre le demandeur. Le 12 décembre 2013, son surveillant de liberté conditionnelle a suspendu sa libération conditionnelle en raison de renseignements qu'il avait reçus du service de police de Victoria suivant lesquels le demandeur était soupçonné d'avoir escroqué 240 000 $ à une femme et d'avoir eu des relations sexuelles avec elle en échange d'une somme d'argent au cours de l'année.

[13]           Le 13 décembre 2013, le surveillant de liberté conditionnelle du demandeur a mis le demandeur en présence de certaines des allégations susmentionnées. Le demandeur a nié avoir eu des relations avec cette femme, mais a expliqué qu'elle s'était entichée de lui après qui lui eut fait lire certains de ses écrits. Il a déclaré qu'elle lui avait payé environ 7 000 $ et qu'il avait gagné environ 200 000 $ au casino au cours des six mois précédents. Le casino a confirmé que le demandeur avait gagné 207 000 $ entre mai et octobre 2013, mais n'a pas confirmé combien il avait dépensé pour gagner cette somme d'argent.

[14]           Le surveillant de liberté conditionnelle du demandeur a rédigé une évaluation communautaire le 19 décembre 2013 dans laquelle il fournissait des détails obtenus grâce aux renseignements recueillis lors d'une rencontre du 11 décembre 2013 où des renseignements policiers avaient été communiqués.

[15]           Le 23 décembre  2013, le demandeur a soumis un avis d'appel dans lequel il demandait à la Commission de retrancher toutes les conditions spéciales de sa libération conditionnelle totale en affirmant que rien ne permettait de penser que la non-divulgation des fréquentations qu'il avait eues avec des femmes constituerait un risque immédiat de récidive.

[16]           Le 6 janvier 2014, le surveillant de liberté conditionnelle du demandeur a rédigé une évaluation en vue d'une décision dans laquelle il motivait la suspension de la libération conditionnelle totale du demandeur et recommandait la révocation de celle‑ci.

[17]           Le demandeur a soumis le 8 janvier 2014 à la Commission des observations écrites dans lesquelles il répondait aux allégations formulées contre lui. Il affirmait que les échanges qu'il avait eus avec la femme en question étaient [traduction] « de nature physique, sans fréquentations ni intimité ». Il affirmait également qu'il avait mentionné à son surveillant de liberté conditionnelle qu'il fréquentait le casino, et que ce dernier avait exprimé sa désapprobation. Il a également déclaré que lui et son surveillant de liberté conditionnelle ne parlaient pas de ses fréquentations et qu'il aurait déclaré qu'il [traduction] « était épuisé d'en parler ». Le demandeur nie avoir fait cette déclaration.

[18]           Avant la révision devant la Section d'appel, le demandeur a examiné et signé une déclaration sur les garanties procédurales par laquelle il accusait réception de la liste de vérification des renseignements à communiquer afférente. Cette lettre indiquait que l'évaluation communautaire et l'évaluation en vue d'une décision avaient été communiquées au demandeur le 10 janvier 2014.

[19]           La Commission a décidé de révoquer la libération conditionnelle totale du demandeur dans une décision datée du 27 janvier 2014.

[20]           Le demandeur a interjeté appel de cette décision devant la Section d'appel le 3 février 2014 en invoquant les quatre motifs suivants :

  1. la Commission n'a pas observé un principe de justice fondamentale en ne divulguant pas au demandeur, avant la révision, des renseignements concernant sa suspension malgré les politiques contraires de la Commission;
  2. la Commission s'est fondée sur des renseignements discordants qui ne lui avaient pas été soumis de façon régulière et qui concernaient des données provenant de messages textes, des médias sociaux et de courriels;
  3. la Commission a estimé que ces renseignements étaient [traduction] « fiables et convaincants », contrairement aux politiques de la Commission;
  4. la Commission a fondé sa décision sur des renseignements incomplets ou erronés.

[21]           La Section d'appel a confirmé la décision de la Commission et la demande a été rejetée le 18 juin 2014. La Section d'appel a confirmé que le comportement du demandeur contrevenait aux restrictions dont sa libération conditionnelle était assortie.

I.                   Les questions en litige

[22]           Les questions en litige sont les suivantes :

  1. La commissaire a‑t‑elle manqué à l'équité procédurale en ne divulguant pas au demandeur, avant de rendre sa décision, les renseignements pertinents sur lesquels elle s'était fondée?
  2. La Commission et la Section d'appel ont-elles décidé de façon raisonnable que la libération conditionnelle du demandeur devait être révoquée?

II.                La norme de contrôle

[23]           La norme de contrôle appropriée dans le cas d'une question concernant l'équité procédurale est celle de la décision correcte. C'est la norme de la décision raisonnable qui devrait s'appliquer à la seconde question (Tremblay c Canada (Procureur général), 2012 CF 1546, au paragraphe 16; Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

III.             Analyse

[24]           Les dispositions légales pertinentes sont reproduites à l'annexe A.

A.                La Commission a‑t‑elle manqué à l'équité procédurale en ne divulguant pas au demandeur, avant de rendre sa décision, les renseignements pertinents sur lesquels elle s'était fondée?

[25]           À l'audience, l'avocat du demandeur a fourni à la Cour les conditions spéciales révisées les plus récentes en date du 14 janvier 2015 dont est assortie la semi‑liberté du demandeur, à savoir :

  1. éviter les établissements de jeu;
  2. signaler les relations : vous devez signaler immédiatement toute relation intime sexuelle ou non sexuelle et toute amitié avec des femmes à votre surveillant de liberté conditionnelle;
  3. vous devez divulguer votre situation financière selon les modalités fixées par votre surveillant de liberté conditionnelle;
  4. vous devez éviter les jeux de hasard.

[26]           Ces nouvelles conditions ajoutent trois conditions qui ne faisaient pas partie des conditions spéciales imposées à la liberté conditionnelle du demandeur, à savoir les conditions (i), (iii) et (iv). Elles suppriment l'obligation de consulter un psychologue, de s'abstenir de substances intoxicantes et de s'abstenir de fréquenter des personnes dont il sait qu'elles sont impliquées dans des activités criminelles ou font une consommation abusive d'alcool ou de drogues ou qu'il soupçonne d'avoir de tels comportements.

[27]           Le demandeur affirme qu'un problème d'équité procédurale invalide une décision en matière de libération conditionnelle. Il soutient également que le paragraphe 141(1) de la Loi sert de fondement au paragraphe 10.1(4) du Manuel des politiques de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, qui exige que « [t]ous les renseignements pertinents sur lesquels se fonde la Commission pour prendre une décision » soient communiqués au délinquant au moins 15 jours avant la date de l'examen de son cas.

[28]           Le demandeur affirme que cette obligation de communication a été analysée dans la décision Mymryk c Canada (Procureur général), 2010 CF 632, aux paragraphes 20, 27 à 29 [Mymryk], dans lequel la Cour a examiné l'article 27 de la Loi et l'a comparé au paragraphe 141(1). La Cour a jugé que l'on pouvait satisfaire aux exigences des deux articles en communiquant un résumé de tous les renseignements pertinents. Pour déterminer ce qu'elle devait communiquer, la Commission devait mettre en balance différents intérêts tout en considérant que la protection de la société était l'intérêt le plus important; toutefois, seuls les renseignements qui devaient nécessairement être gardés confidentiels ne devaient pas être communiqués au délinquant. La Commission doit faire preuve de transparence dans son processus de décision.

[29]           Le demandeur affirme qu'il ressort à l'évidence des diverses évaluations en vue d'une décision que l'on trouve au dossier que son surveillant de libération conditionnelle et son EGM se sont fondés sur des renseignements obtenus lors de l'enquête menée par la police de la ville de Victoria pour rédiger le rapport sur lesquels la Commission s'est à son tour fondée pour rendre sa décision. Le demandeur a été évalué et sa liberté conditionnelle a été révoquée sans qu’il ait pu consulter les renseignements en question.

[30]           Interrogé quant à savoir pourquoi il n'avait pas déclaré à son surveillant de libération conditionnelle la relation qu'il avait eue avec la femme qu'il avait rencontrée sur Internet, le demandeur a expliqué qu'il ne pensait pas qu'il devait le faire. Pour écarter cet argument, la Commission a conclu que le demandeur avait reçu [traduction] « d'importantes sommes d'argent en échange de faveurs sexuelles ». La Commission a notamment conclu que les relations que le demandeur avait eues avec cette femme avaient été [traduction] « durables », une conclusion qui ne pouvait reposer que sur des renseignements provenant de l'enquête policière. Le fait que la Commission savait qu'ils s'étaient rencontrés grâce à Internet et que leurs rencontres et les honoraires s'étaient intensifiés avec le temps démontraient également que la Commission s'était fiée aux renseignements obtenus grâce à l'enquête policière, et aucun de ces renseignements n'a été communiqué au demandeur.

[31]           De plus, pour considérer que le demandeur avait dépensé d'importantes sommes d'argent pour réaliser des gains importants au Great Canadian Casino, la Commission faisait des conjectures en se fondant sur des renseignements liés à l'enquête policière.

[32]           Le demandeur site la décision Miller c Canada (Procureur général), 2010 CF 317, au paragraphe 54, à l'appui de son argument que l'article 141 de la Loi n'envisage pas « une obligation illimitée de rechercher activement auprès du SCC [Service correctionnel du Canada] toute information qui pourrait être utile », mais oblige plutôt tout simplement la Commission « à prendre en compte toute information pertinente reçue du SCC » et « à s’assurer que toute information du genre dont elle pourrait se servir est crédible et convaincante ».

[33]           Le défendeur soutient que l'obligation de communication imposée par la section 141 ne s'applique que dans la mesure où la Commission a effectivement les renseignements en sa possession. De plus, les renseignements ne doivent être communiqués au délinquant que pour lui permettre de bien exposer sa thèse et répondre aux allégations formulées contre lui. Il n'est pas nécessaire de divulguer aux délinquants la source des renseignements (Strachan c Canada (Procureur général), 2006 CF 155, au paragraphe 25; Ross c Établissement de Kent (directeur), (1987) 34 CCC (3d) 452, au paragraphe 30).

[34]           De plus, le défendeur affirme que, sur la foi des renseignements contenus dans l'évaluation en vue d'une décision du 6 janvier 2014 et de ses propres connaissances personnelles, le demandeur a donné une version des faits qui démontrait qu'il possédait suffisamment de renseignements pour répondre aux détails essentiels qu'on lui réclamait.

[35]           En date du 10 janvier 2014, le demandeur avait examiné les déclarations sur les garanties procédurales, ainsi que la Liste de vérification et de renseignements à communiquer afférente (qui relatait l'évaluation communautaire du 19 décembre 2013 ainsi que l'évaluation en vue d'une décision du 6 janvier 2014). Il a signé la Déclaration sur les garanties procédurales pour confirmer que les renseignements qui y figuraient lui avaient été communiqués. Le demandeur n'a pas contesté l'exactitude de la liste de vérification; il se plaint plutôt du fait qu'on ne lui avait pas remis les renseignements recueillis lors de l'enquête de la police de Victoria, des copies des messages textes et des données recueillies sur Facebook.

[36]           Le demandeur a raison d'affirmer qu'il incombe à la Commission de lui communiquer les renseignements sur lesquels elle se fonde à l'exclusion uniquement des renseignements qu'elle a l'absolue nécessité de ne pas lui communiquer. Il est important qu'il dispose de ces renseignements pour pouvoir répondre aux préoccupations et aux allégations au sujet desquelles il pourrait être interrogé lors de la révision de sa libération conditionnelle (Mymryk, précité, au paragraphe 16; Christie c Canada (Procureur général), 2013 CF 38, aux paragraphes 20, 27 à 29).

[37]           Bien qu'il semble que le défendeur se soit d'une certaine façon fondé sur des renseignements provenant de l'enquête de la police de Victoria, car sinon il n'aurait pas procédé du jour au lendemain à une révision de la liberté conditionnelle du demandeur ni délivré un mandat, je ne suis pas d'accord avec le demandeur pour affirmer que les renseignements pertinents sur lesquels la Commission s'est fondée ne lui ont pas été communiqués. Lorsqu'il a écrit sa réponse à l'Évaluation en vue d'une décision du 6 janvier 2014 (réponse du 8 janvier 2014), le demandeur avait de toute évidence pris connaissance de cette évaluation. Il a par la suite, le 10 janvier 2014, signé une liste de vérification par laquelle il accusait réception notamment de ce document. Son surveillant de liberté conditionnelle l'a également mis en présence de plusieurs des allégations révélées au cours de l'enquête lors de leur discussion du 13 décembre 2013.

[38]           Même s'il n'a pas peut-être pas reçu de copie du rapport de police lui-même ou du document sur lequel son ÉGC ou son surveillant de liberté conditionnelle se sont fondés pour procéder à leurs évaluations avant son audience de libération conditionnelle, le demandeur était de toute évidence au courant des points essentiels ou d'un résumé de ceux‑ci. Dans sa réponse à l'évaluation en vue d'une décision du 6 janvier 2014, il a abordé tous les points essentiels et a démontré qu'il comprenait bien les préoccupations auxquelles il devait répondre. Comme nous l'avons déjà expliqué, il a été jugé qu'un résumé des renseignements satisfait à l'exigence de communication prévue à l'article 141 de la Loi.

[39]           J'estime que la Commission n'a pas manqué à l'équité procédurale et qu'elle a répondu suffisamment à l'obligation de divulgation qui lui était imposée par l'article 141.

B.                 La Commission est la Section d'appel ont-elles décidé de façon raisonnable que la libération conditionnelle du demandeur devait être révoquée?

[40]           Le défendeur soutient que la décision était raisonnable et qu'elle reposait sur des renseignements qui avaient été régulièrement portés à l'attention de la Section d'appel. Lorsqu'il s'agit d'évaluer les risques, le facteur le plus important est la protection de la société. La décision reposait sur les renseignements dont disposait la Commission et qui ne comprenaient vraisemblablement pas des renseignements recueillis lors de l'enquête de la police qui n'avaient pas été communiqués au demandeur. L'intimé soutient que le SCC et la Commission n'avaient pas des renseignements non divulgués comme le prétend le demandeur et qu'ils ne pouvaient donc pas les communiquer au demandeur. Le rapport général afférent à l'enquête indique que sa communication avait été autorisée le 3 septembre 2014 et qu'il avait été communiqué à l'ÉGC du demandeur et à la Commission. Toutefois, il semble, au vu du dossier, que la Commission pouvait consulter le rapport de police à l'époque en cause.

[41]           La Commission et la Section d'appel ont conclu que le demandeur présentait un degré de risque inacceptable pour la population en raison de son manque de transparence et qu'il n'avait pas respecté une condition spéciale de sa libération conditionnelle en ne divulguant pas une relation impliquant des relations sexuelles en échange d'argent. Bien que je puisse être en désaccord avec la décision de révoquer la libération conditionnelle du demandeur au motif qu'on pourrait soutenir que le fait de ne pas déclarer sa relation avec une femme ne pourrait pas entraîner une récidive, cette relation constituait une violation des restrictions dont était assortie sa libération conditionnelle et la décision de la Section d'appel est raisonnable.

[42]           Les rapports versés au dossier du demandeur indiquent qu'il a commis l'infraction à l'origine de sa peine en raison [traduction« d'une conception tordue de la justice par rapport aux torts dont avait été victime une femme dont il était proche ». La condition spéciale dont était assortie sa libération conditionnelle l'obligeant à signaler toute relation avec des femmes s'explique par une crainte que le fait de créer des liens intimes avec une femme pourrait l'amener éventuellement à se venger du mal qui pourrait être causé à cette femme. Si le demandeur avait souhaité modifier ou supprimer cette restriction, il aurait dû le faire en suivant la procédure appropriée au lieu de réinterpréter lui-même la restriction et agir en conséquence.

[43]           Bien que je comprenne la frustration que ressent le demandeur, il n'en demeure pas moins les rapports qui existaient entre lui et cette femme constituaient de toute évidence une relation, qu'elle ait été ou non intime selon lui.

[44]           L'obligation faite à la Section d'appel d'imposer les sanctions les moins contraignantes possible pour assurer la sécurité de la société s'accorde avec la révocation de la libération conditionnelle du demandeur selon les faits de l'espèce. Le demandeur a contrevenu aux restrictions dont était assortie sa libération conditionnelle pendant une longue période de temps et il a menti au sujet des liens qu'il entretenait avec une femme lorsqu'il a d'abord été mis en présence de ce fait par son surveillant de libération conditionnelle.

[45]           L'exercice que la Commission fait de son pouvoir discrétionnaire doit être solidement fondé sur les faits pour être considéré comme raisonnable et sa décision doit être conforme à la loi qui l'oblige à imposer les conditions les moins restrictives, compte tenu de la protection de la société.

[46]           Je conclus que la décision de la Commission de révoquer la libération conditionnelle totale du demandeur était raisonnable. Bien que je comprenne le sentiment de frustration que ressent le demandeur en raison de l'obligation qui lui était faite de signaler toutes ces relations avec des femmes et même sa frustration face aux opinions personnelles de son surveillant de libération conditionnelle au sujet de son comportement, il était inacceptable qu'il réinterprète les restrictions de sa libération conditionnelle et qu'il agisse en fonction de cette interprétation. La méfiance engendrée par ses contraventions a amené de façon raisonnable la Section d'appel à confirmer la révocation de sa libération conditionnelle par la Commission.

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


ANNEXE A

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (L.C. 1992, ch. 20)

Communication de renseignements au délinquant

27. (1) Sous réserve du paragraphe (3), la personne ou l’organisme chargé de rendre, au nom du Service, une décision au sujet d’un délinquant doit, lorsque celui-ci a le droit en vertu de la présente partie ou des règlements de présenter des observations, lui communiquer, dans un délai raisonnable avant la prise de décision, tous les renseignements entrant en ligne de compte dans celle-ci, ou un sommaire de ceux-ci.

Idem

(2) Sous réserve du paragraphe (3), cette personne ou cet organisme doit, dès que sa décision est rendue, faire connaître au délinquant qui y a droit au titre de la présente partie ou des règlements les renseignements pris en compte dans la décision, ou un sommaire de ceux-ci.

Exception

(3) Sauf dans le cas des infractions disciplinaires, le commissaire peut autoriser, dans la mesure jugée strictement nécessaire toutefois, le refus de communiquer des renseignements au délinquant s’il a des motifs raisonnables de croire que cette communication mettrait en danger la sécurité d’une personne ou du pénitencier ou compromettrait la tenue d’une enquête licite.

Droit à l’interprète

(4) Le délinquant qui ne comprend de façon satisfaisante aucune des deux langues officielles du Canada a droit à l’assistance d’un interprète pour toute audition prévue à la présente partie ou par ses règlements d’application et pour la compréhension des documents qui lui sont communiqués en vertu du présent article.

Information to be given to offenders

27. (1) Where an offender is entitled by this Part or the regulations to make representations in relation to a decision to be taken by the Service about the offender, the person or body that is to take the decision shall, subject to subsection (3), give the offender, a reasonable period before the decision is to be taken, all the information to be considered in the taking of the decision or a summary of that information.

Idem

(2) Where an offender is entitled by this Part or the regulations to be given reasons for a decision taken by the Service about the offender, the person or body that takes the decision shall, subject to subsection (3), give the offender, forthwith after the decision is taken, all the information that was considered in the taking of the decision or a summary of that information.

Exceptions

(3) Except in relation to decisions on disciplinary offences, where the Commissioner has reasonable grounds to believe that disclosure of information under subsection (1) or (2) would jeopardize

(a) the safety of any person,

(b) the security of a penitentiary, or

(c) the conduct of any lawful investigation,

the Commissioner may authorize the withholding from the offender of as much information as is strictly necessary in order to protect the interest identified in paragraph (a), (b) or (c).

Right to interpreter

(4) An offender who does not have an adequate understanding of at least one of Canada’s official languages is entitled to the assistance of an interpreter

(a) at any hearing provided for by this Part or the regulations; and

(b) for the purposes of understanding materials provided to the offender pursuant to this section.

Délai de communication

141. (1) Au moins quinze jours avant la date fixée pour l’examen de son cas, la Commission fait parvenir au délinquant, dans la langue officielle de son choix, les documents contenant l’information pertinente, ou un résumé de celle-ci.

Idem

(2) La Commission fait parvenir le plus rapidement possible au délinquant l’information visée au paragraphe (1) qu’elle obtient dans les quinze jours qui précèdent l’examen, ou un résumé de celle-ci.

Renonciation et report de l’examen

(3) Le délinquant peut renoncer à son droit à l’information ou à un résumé de celle-ci ou renoncer au délai de transmission; toutefois, le délinquant qui a renoncé au délai a le droit de demander le report de l’examen à une date ultérieure, que fixe un membre de la Commission ou la personne que le président désigne nommément ou par indication de son poste, s’il reçoit des renseignements à un moment tellement proche de la date de l’examen qu’il lui serait impossible de s’y préparer; le membre ou la personne ainsi désignée peut aussi décider de reporter l’examen lorsque des renseignements sont communiqués à la Commission en pareil cas.

Exceptions

(4) La Commission peut, dans la mesure jugée strictement nécessaire toutefois, refuser la communication de renseignements au délinquant si elle a des motifs raisonnables de croire que cette communication irait à l’encontre de l’intérêt public, mettrait en danger la sécurité d’une personne ou du pénitencier ou compromettrait la tenue d’une enquête licite.

Disclosure to offender

141. (1) At least fifteen days before the day set for the review of the case of an offender, the Board shall provide or cause to be provided to the offender, in writing, in whichever of the two official languages of Canada is requested by the offender, the information that is to be considered in the review of the case or a summary of that information.

Idem

(2) Where information referred to in subsection (1) comes into the possession of the Board after the time prescribed in that subsection, that information or a summary of it shall be provided to the offender as soon as is practicable thereafter.

Waiver and postponement

(3) An offender may waive the right to be provided with the information or summary or to have it provided within the period referred to in subsection (1). If they waive the latter right and they receive information so late that it is not possible for them to prepare for the review, they are entitled to a postponement and a member of the Board or a person designated by name or position by the Chairperson of the Board shall, at the offender’s request, postpone the review for the period that the member or person determines. If the Board receives information so late that it is not possible for it to prepare for the review, a member of the Board or a person designated by name or position by the Chairperson of the Board may postpone the review for any reasonable period that the member or person determines.

Exceptions

(4) Where the Board has reasonable grounds to believe

(a) that any information should not be disclosed on the grounds of public interest, or

(b) that its disclosure would jeopardize

(i) the safety of any person,

(ii) the security of a correctional institution, or

(iii) the conduct of any lawful investigation,

the Board may withhold from the offender as much information as is strictly necessary in order to protect the interest identified in paragraph (a) or (b).



COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T-1666-14

 

INTITULÉ :

CORY ALLAN HALL c CANADA (COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES)

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

victoria (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 13 AVRIL 2015

 

juGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 AVRIL 2015

 

COMPARUTIONS :

Jeremy W.D. Mills

POUR LE DEMANDEUR

Lucy Bell

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jeremy W.D. Mills

Avocat

Victoria (Colombie-Britannique)

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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