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Date : 20150421


Dossier : IMM-228-14

Référence : 2015 CF 506

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 avril 2015

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

PALARAJH NANTHAPALAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Le présent contrôle judiciaire porte sur la décision d’un agent d’immigration (l’agent) au Haut-Commissariat du Canada au Sri Lanka de rejeter la demande de résidence permanente du demandeur.

II.                Contexte

[2]               Le demandeur est un citoyen tamoul du Sri Lanka qui a affirmé que son gouvernement le soupçonnait d’appartenir aux Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET) en même temps qu’il était ciblé par les TLET pour avoir refusé de se joindre à eux. Il a invoqué de nombreux incidents de sévices subis pendant qu’il était détenu et dans d’autres situations.

[3]               L’agent a conclu que, dans l’ensemble, le demandeur n’a pas démontré une crainte fondée de persécution, ou encore qu’une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne ont eu et continuent d’avoir des conséquences graves et personnelles pour lui. L’agent n’était donc pas convaincu qu’il existe une chance ou des motifs raisonnables que le demandeur fasse partie de la catégorie réglementaire, conformément aux alinéas 147a) et b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

147. Appartient à la catégorie de personnes de pays d’accueil l’étranger considéré par un agent comme ayant besoin de se réinstaller en raison des circonstances suivantes :

147. A foreign national is a member of the country of asylum class if they have been determined by an officer to be in need of resettlement because

a) il se trouve hors de tout pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle;

(a) they are outside all of their countries of nationality and habitual residence; and

b) une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne dans chacun des pays en cause ont eu et continuent d’avoir des conséquences graves et personnelles pour lui.

(b) they have been, and continue to be, seriously and personally affected by civil war, armed conflict or massive violation of human rights in each of those countries.

[4]               En ce qui concerne la situation présente du demandeur, l’agent a conclu qu’à la lumière de sa propre connaissance de la situation au Sri Lanka, il n’était pas convaincu que la guerre civile au Sri Lanka avait et continuait d’avoir des conséquences graves et personnelles pour le demandeur. L’agent a cité deux documents : UNHCR Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Asylum Seekers From Sri Lanka, 21 décembre 2012 (principes directeurs du HCR) et UK Border Agency Seekers From Sri Lanka OGN v14, juillet 2013 (rapport du R.-U.).

[5]               En l’espèce, le demandeur a prétendu que l’agent avait manqué à un principe de la justice naturelle parce que les deux documents ne lui ont pas été communiqués. Le demandeur conteste le caractère raisonnable de la décision, parce que l’agent n’a pas pris en compte sa crainte d’extorsion.

III.             Analyse

[6]               Les normes de contrôle applicables sont bien établies. L’équité procédurale est assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339) et le bien-fondé de la décision, à la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190).

[7]               Il importe de garder à l’esprit, quand on examine la question dans son ensemble, que le demandeur a déposé sa demande en 2009. Il lui incombe de la mettre constamment à jour et de veiller à ce qu’elle reflète tout changement intervenant dans la situation de son pays susceptible d’être pertinent (voir Besadh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 680; Pizarro Gutierrez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 623, 434 FTR 69).

[8]               La question d’équité procédurale soulevée par le demandeur est axée sur le fait que ni les principes directeurs du HCR, ni le rapport du R.-U. ne lui ont été communiqués. Le rapport du R.-U. a été publié un mois après l’entrevue du demandeur, tandis que les principes directeurs du HCR ont été publiés avant l’entrevue.

[9]               Le fondement juridique qui s’applique ici est Mancia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 565, [1998] 3 CF 461, dans lequel la Cour a statué que l’obligation de communiquer un document au demandeur se limite aux cas où un agent s’appuie sur un document important postérieur aux observations et que ce document fait état de changements survenus dans la situation générale du pays.

22        Ces décisions me semblent fondées sur les deux propositions suivantes. Premièrement, un demandeur est réputé savoir, grâce à son expérience du processus applicable aux réfugiés, sur quel type de preuve concernant la situation générale dans un pays l'agent d'immigration s'appuiera et où trouver cette preuve; en conséquence, l'équité n'exige pas qu'il soit informé des documents auxquels il peut avoir accès dans les centres de documentation. Deuxièmement, lorsque l'agent d'immigration entend se fonder sur une preuve qui ne se trouve normalement pas dans les centres de documentation, ou qui ne pouvait pas y être consultée au moment du dépôt des observations du demandeur, l'équité exige que le demandeur soit informé de toute information inédite et importante faisant état d'un changement survenu dans la situation générale d'un pays si ce changement risque d'avoir une incidence sur l'issue du dossier.

[…]

26        Les documents sont du domaine public. Ils sont de nature générale et neutres, en ce qu'ils ne renvoient pas expressément à un demandeur et que le Ministère ne les rédige pas ni ne cherche à les obtenir aux fins de la procédure en cause. Ils ne font pas partie des "prétentions" auxquelles un demandeur doit répondre. Ils sont accessibles et peuvent être consultés, sauf preuve du contraire, dans les dossiers, répertoires et registres des Centres de documentation. Ils sont généralement préparés par des sources dignes de confiance. Ils peuvent être répétitifs, en ce sens que, souvent, ils se limitent à répéter, confirmer ou exposer en d'autres termes la situation générale dans un pays décrite dans des documents déjà accessibles. Le fait qu'un document ne devienne accessible qu'après le dépôt des observations d'un demandeur ne signifie absolument pas qu'il contient des renseignements nouveaux ni que ces renseignements sont pertinents et qu'ils auront une incidence sur la décision. À mon avis, l'obligation de communiquer un document au demandeur se limite aux cas où un agent d'immigration s'appuie sur un document important postérieur aux observations et où ce document fait état de changements survenus dans la situation générale du pays qui risquent d'avoir une incidence sur sa décision.

[10]           Le défendeur s’est appuyé sur des décisions comme Stephenson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 932, et Shokohi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 443, 367 FTR 161, mais dans ces affaires les documents en question étaient accessibles au public lors de l’audience du demandeur. Ces affaires se distinguent de l’espèce en ce qui concerne le rapport du R.-U.

[11]           Je note toutefois que même si les documents n’ont pas été communiqués au demandeur, celui-ci avait le droit de porter les principes directeurs du HCR à l’attention de l’agent jusqu’au stade de l’entrevue et, en ce qui concerne le rapport du R.-U. publié un mois après l’entrevue, il aurait pu procéder à des observations après l’entrevue.

[12]           Rien ne porte à penser que l’un ou l’autre des documents contenait de l’information inédite et importante faisant état d’un changement dans la situation du pays. Cela étant, rien n’obligeait l’agent à les communiquer. Comme l’affirme l’agent, il a évalué la situation du pays en fonction de ces documents, mais aussi des connaissances acquises du fait qu’il réside dans le pays.

[13]           La Cour juge préoccupant qu’aucun de ces deux documents ne figurait au dossier certifié du tribunal. Les documents auraient dû y figurer; si la cause avait été différente, leur absence aurait pu entraîner l’annulation de la décision.

Toutefois, le fardeau repose en dernière analyse sur le demandeur. Si ces documents, qui sont accessibles, avaient renfermé de l’information sur la situation générale du pays contredisant la conclusion de l’agent, le demandeur aurait pu en donner la preuve.

[14]           Par conséquent, compte tenu de ces faits, je ne peux conclure à un manquement à l’équité procédurale.

[15]           Le deuxième élément soulevé par le demandeur est le défaut de l’agent de tenir compte de ses craintes d’extorsion s’il restait dans le pays. Son exposé circonstancié fait une courte référence à l’extorsion, dans le contexte de sa crainte de l’armée et de la police (qui est un élément de sa crainte des TLET et des autorités sri lankaises).

[16]           La question de l’extorsion n’a pas été évoquée dans la plus récente entrevue, tandis que l’exposé circonstancié, de l’aveu même du demandeur, contenait des inexactitudes.

[17]           Comme le demandeur ne fait pas valoir la question de l’extorsion, on ne peut critiquer l’agent pour ne pas avoir abordé une question tout au plus secondaire (Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (CA), [2001] 2 CF 164).

[18]           Enfin, je ne peux accepter l’assertion, dans les observations de vive voix du demandeur, que l’agent, et la Cour, devraient tenir compte du fait qu’il s’agissait de la toute première instance en immigration du demandeur, et qu’il conviendrait à ce titre d’excuser son défaut de soulever un motif. Aucun principe de cette nature n’est applicable en l’espèce. Les demandeurs sont responsables du déroulement de leurs affaires.

IV.             Conclusion

[19]            La présente demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Étienne Shalom, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-228-14

 

INTITULÉ :

PALARAJH NANTHAPALAN

c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 AVRIL 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 21 AVRIL 2015

 

COMPARUTIONS :

John O. Grant

 

POUR Le demandeur

 

Nicole Rahaman

 

POUR Le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John O. Grant

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR Le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR Le défendeur

 

 

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