Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20150420


Dossier : IMM-6268-13

Référence : 2015 CF 504

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 avril 2015

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

HEBER SAUL AZURDIA GOMEZ

EVA CAROLINA DE LEON DE AZURDIA

SAIL ERNESTO RAMSES AZURDIA DE LEON

BARBARA NATASHA AZURDIA DE LEON

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature de l’affaire et contexte

[1]               M. Azurdia Gomez (le demandeur principal), âgé de 36 ans, est un citoyen du Guatemala qui a quitté son pays le 10 mai 2005 avec son épouse et leurs deux enfants mineurs (collectivement, les demandeurs). Les demandeurs sont arrivés aux États-Unis d’Amérique et y ont vécu sans statut jusqu’à leur entrée au Canada le 27 février 2012. Ils ont demandé l’asile le même jour, affirmant qu’ils se feraient tuer s’ils retournaient au Guatemala.

[2]               Les demandeurs ont allégué qu’ils ont créé une petite entreprise téléphonique en septembre 2002 et que des membres d’un gang, désigné Mara 18, ont vite commencé à leur extorquer de l’argent, des biens et des services. En raison d’une telle extorsion, ils ont fini par cesser d’exploiter leur entreprise le 27 février 2004. Un peu plus d’un an plus tard, des membres du Mara 18 ont réussi à les retrouver et ont exigé un paiement parce qu’ils avaient fermé l’entreprise sans la permission du gang. Plusieurs incidents de menaces et de vandalisme de leur maison en suivi, et, le 13 avril 2005, le demandeur principal a été confronté par des membres armés du gang exigeant le paiement de 100 000 quetzals (GTQ) dans les dix jours à titre de remboursement de la [traduction] « dette » du parce qu’ils avaient fermé l’entreprise sans la permission du Mara 18 et à l’insu de celui-ci. Une semaine plus tard, le demandeur principal a été agressé par trois membres du M 18, qui lui ont rappelé qu’il avait trois jours pour les payer. Environ une semaine plus tard, l’épouse du demandeur principal a signalé au Ministère public les difficultés qu’elle et les autres demandeurs connaissaient avec le Mara 18 et environ deux semaines plus tard, les demandeurs ont fui le pays. Ils soutiennent que des membres du Mara 18 sont encore à leur recherche.

[3]               Dans une décision datée du 28 août 2013, la Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté la demande d’asile présentée par les demandeurs. Les demandeurs sollicitent maintenant le contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), de la décision et ils demandent à la Cour d’annuler la décision de la SPR et de renvoyer l’affaire à un autre commissaire de la SPR.

II.                La décision faisant l’objet du contrôle

[4]               La SPR a rejeté la demande d’asile des demandeurs non parce qu’elle remettait en question la véracité de leurs allégations. À la SPR, le conseil des demandeurs a concédé qu’ils n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, et la SPR a souscrit à cette concession et conclu qu’ils craignaient simplement d’être victimes d’un crime, qui n’avait aucun lien à l’un des motifs prévus par la Convention. La SPR a donc rejeté leur demande au titre de l’article 96 de la LIPR.

[5]               En conséquence, les demandeurs ne pouvaient solliciter l’asile qu’au titre du paragraphe 97(1) de la LIPR, mais la SPR a décidé que le risque redouté par les demandeurs était exclu en application du sous-alinéa 97(1)b)(ii), car ce risque « est généralisé et menace tous les citoyens du Guatemala ». Le demandeur principal a témoigné que tous les autres commerçants dans son quartier étaient pris pour cible d’extorsion, et que ceux qui ne s’y conformaient pas se faisaient tuer. La preuve documentaire confirmait que tel était le cas dans l’ensemble du pays, et la SPR a déclaré que « [l]’extorsion combinée avec les demandes, les agressions physiques et les menaces ont été reconnues comme étant un risque généralisé ». La SPR a décidé que la nature du risque allégué par les demandeurs ne s’en distingue pas, elle a ajouté que la Cour a souvent confirmé des décisions de la SPR qui refusaient l’asile à des personnes se trouvant dans des situations semblables (elle citait la décision Rodriguez Perez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1029; et d’autres). À ce sujet, la SPR a conclu ainsi :

[36]      Les cas présentés ci‑dessus ont des caractéristiques très semblables au cas présent. Compte tenu de la jurisprudence et de la preuve dont je dispose en l’espèce, je conclus que les demandeurs d’asile n’ont pas établi que les autres personnes qui se trouvent au Guatemala ne sont généralement pas exposées au même risque de violence ou de menace de violence qu’eux. En outre, ils n’ont pas démontré que le risque auquel ils sont exposés n’est ni courant ni répandu au Guatemala ou qu’il ne s’agit pas d’un risque auquel un sous‑groupe important de la population est exposé.

[37]      Par conséquent, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que le risque auquel les demandeurs d’asile sont exposés est un risque auquel la population en général au Guatemala est exposée. À la lumière des faits particuliers à la présente affaire, je ne suis pas convaincue que les demandeurs d’asile sont personnellement exposés à un risque de mauvais traitements conformément au paragraphe 97(1) de la LIPR.

III.             Les observations des parties

A.                Les arguments des demandeurs

[6]               Les demandeurs affirment que la SPR a omis de qualifier et d’analyser adéquatement la nature du risque particulier auquel ils étaient exposés, contrairement au processus à deux étapes décrit aux paragraphes 40 et 41 de la décision Portillo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 678, [2014] 1 RCF 295 (Portillo). Les membres du gang Mara 18 n’exigeaient pas uniquement de l’argent, mais avaient recours au commerce des demandeurs pour leurs services de communication et de téléphone. Les demandeurs font valoir que c’est ce qui a particulièrement mis en colère les membres du Mara 18 quand les demandeurs ont fermé leur entreprise, et ce qui explique pourquoi le Mara 18 à mis tant d’efforts à se venger. Selon les demandeurs, le risque qui en résultait n’est pas semblable à celui auquel sont exposés la plupart des citoyens du Guatemala, ou même la plupart des commerçants du Guatemala soumis à l’extorsion, et la SPR aurait dû le reconnaître.

[7]               De plus, les demandeurs soutiennent que la SPR a apprécié uniquement la fréquence du risque initial d’extorsion, et non le risque de représailles auquel ils étaient exposés parce qu’ils ont refusé d’obtempérer. À leur avis, la SPR a commis une erreur lorsqu’elle a donné à leur témoignage une portée excessive quant aux représailles violentes dans leur quartier, qui s’étend à l’ensemble du Guatemala. En outre, les demandeurs font valoir que le risque de représailles ne peut être traité comme une simple extension du risque d’extorsion (ils citent les paragraphes 54 à 57 et 84 de la décision Correa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 252, 23 Imm LR (4th) 193 (Correa)).

[8]               Les demandeurs prétendent aussi que la SPR a fait un choix sélectif de la jurisprudence sur laquelle elle s’est fondée. Selon eux, il y a deux courants dans les affaires émanant de la Cour quant à la question de savoir si le fait d’être ciblé personnellement par un gang est un risque généralisé (il cite les paragraphes 61 et 62 de la décision De Jesus Aleman Aguilar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 809, 437 FTR 168), ce qui donne à penser que l’affaire soumise à la Cour repose sur les faits. Les demandeurs affirment que la SPR a commis une erreur non seulement lorsqu’elle n’a pas de tenu compte du premier courant jurisprudentiel – dont la décision de principe est Aguilar Zacarias c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 62, 95 Imm LR (3d) 187, au paragraphe 17 –, mais aussi en omettant d’expliquer pourquoi elle a choisi les causes uniquement dans le courant moins favorable, à l’exclusion totale de l’autre courant jurisprudentiel. Les demandeurs soutiennent que les faits de l’espèce s’apparentent davantage aux décisions dans lesquelles la conclusion d’existence d’un risque généralisé par la SPR a été jugée déraisonnable, et les demandeurs font valoir que la SPR n’a pas raisonnablement apprécié les faits pertinents.

B.                 Les arguments du défendeur

[9]               Le défendeur affirme que la conclusion de risque généralisé tirée par la SPR n’est ni abusive ni arbitraire. Selon lui, la SPR savait que les demandeurs craignaient non seulement l’extorsion, mais aussi les représailles, et elle a précisément conclu que « [l] es gangs utilisent la violence contre ceux qui défient leur autorité […] et ceux qui refusent de se faire extorquer de l’argent » (points de suspension dans l’original).

[10]           De plus, le défendeur dit qu’il ressort de la preuve que toutes les entreprises dans le quartier des demandeurs étaient prises pour cibles. En raison de sa nature, l’extorsion consiste à obtenir quelque chose par la force ou les menaces; le défendeur soutient donc qu’il est sans importance que les exactions aient consisté non seulement en des demandes d’argent, mais aussi en des demandes de biens et services (citant le paragraphe 87 de la décision Rodriguez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 11, 403 FTR 1).

[11]           Selon le défendeur, il ressort clairement de la décision que la SPR a correctement qualifié le risque auquel étaient exposés les demandeurs. Le défendeur soutient par ailleurs que la SPR a pris en compte l’ensemble des éléments de preuve et que les demandeurs ergotent uniquement sur le poids que la SPR a accordé à ses éléments de preuve. Selon le défendeur, cela ne peut pas justifier l'intervention de la Cour (il cite les paragraphes 12 et 18 de l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve et Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708).

[12]           Le défendeur soutient en outre qu’il n’y a pas de courants jurisprudentiels distincts dans les décisions de la Cour portant sur des affaires de violence et d’extorsion par des gangs. Au contraire, la jurisprudence décrit deux ensembles différents de circonstances factuelles, et que la SPR n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a cité uniquement les affaires qu’elle a jugées les plus utiles (il cite les paragraphes 7 et 8 de la décision Garcia Kanga c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 482 (Kanga)). Même s’il existe une jurisprudence partagée de la Cour fédérale sur un point de droit, le défendeur affirme que la SPR n’est pas tenue de s’expliquer (Kanga, au paragraphe 11). Le défendeur souligne que l’analyse personnalisée de la SPR exigée par l’article 97 est [traduction] « éminemment factuelle » et il prie la Cour de faire preuve de déférence à l’égard de la décision de la SPR (il cite le paragraphe 7 de l’arrêt Prophète c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 31, 387 NR 149).

IV.             Question en litige et analyse

A.                La question en litige

[13]           La question déterminante en l’espèce est de savoir si la SPR a commis une erreur en concluant au caractère généralisé du risque auquel les demandeurs étaient exposés, malgré qu’ils aient été précisément pris pour cible par le Mara 18.

B.                 La norme de contrôle

[14]           La norme de contrôle applicable pour établir si un demandeur est exposé à un risque généralisé est celle de la décision raisonnable, puisqu’il s’agit d’une question mixte de droit et de fait (voir par exemple la décision Malvaez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1476, 423 FTR 210, au paragraphe 10). Il est bien établi que la norme de la décision raisonnable tient non seulement à l’existence de la justification de la décision, de la transparence et de l’intelligibilité du processus décisionnel, mais aussi à l’appartenance de la décision faisant l’objet du contrôle aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La Cour ne peut ni soupeser à nouveau les éléments de preuve, ni substituer l’issue qui serait à son avis préférable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, aux paragraphes 47 et 48; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, aux paragraphes 59 et 61).

C.                 La SPR a-t-elle commis une erreur en concluant que le risque auquel étaient exposés les demandeurs était généralisé?

[15]           Quand elle a examiné les demandes d’asile des demandeurs au titre du paragraphe 97(1) de la LIPR, la SPR a accepté que les demandeurs craignaient le Mara 18, qui avait exigé d’eux des paiements supplémentaires parce qu’ils avaient fermé leur entreprise sans la permission du gang. À l’audience de la SPR, le demandeur principal a témoigné comme suit :

[traduction]

Q. Que craignez-vous qu’il arrive à vous, votre épouse et vos enfants si vous deviez retourner là-bas?

R. Qu’il [c’est-à-dire le Mara 18] me tue, et tue aussi mes enfants […]

Q. Qu’est-ce qui vous fait croire que vous étiez pris pour cible par ce gang?

R. Bien, selon ce que les membres nous ont dit, c’est parce que nous avons fermé l’entreprise sans leur autorisation […]

Q. Alors, pourquoi donc ce gang s’intéresserait-il encore à vous aujourd’hui, bien des années plus tard?

R. Parce qu’il estime que j’ai une dette envers lui.

La SPR disposait également d’éléments de preuve selon lesquels le Mara 18 se servait des biens et services de l’entreprise des demandeurs, et avait exigé des demandeurs [traduction] « qu’ils collaborent de manière à leur permettre de faire des appels téléphoniques nationaux et internationaux, ou de leur donner des cartes d’appel pour leurs téléphones cellulaires ».

[16]           En l’espèce, la SPR n’a pas raisonnablement examiné le risque personnalisé auquel étaient exposés le demandeur principal et son épouse au titre de l’article 97. D’un côté, elle accepte que le Mara 18 les avait personnellement pris pour cibles parce qu’ils avaient fermé leur entreprise sans autorisation et qu’ils avaient une dette envers le Mara 18, mais d’un autre côté, elle a conclu que ce risque personnalisé est néanmoins généralisé, et a déclaré que :

[31]      […] La possibilité que les demandeurs d’asile soient personnellement pris pour cible ne signifie pas nécessairement qu’ils échappent à la catégorie du risque généralisé, puisque la nature du risque est telle que les autres personnes dans le pays y sont généralement exposées. Les crimes auxquels les demandeurs d’asile peuvent être exposés sont répandus au Guatemala et ne sont pas particuliers à leur cas. De nombreuses personnes sont victimes d’organisations criminelles qui se livrent à des activités comme l’extorsion et se vengent contre les victimes qui ne coopèrent pas. Le risque que redoutent les demandeurs d’asile n’est pas différent de celui qui menace le public en général.

[17]           La décision de la SPR en l’espèce n’est pas raisonnable, parce qu’elle a omis de procéder à l’analyse à deux étapes dans l’évaluation du risque présent et à venir auquel étaient exposés les demandeurs. À cet égard, il convient de relever la décision de la Cour dans Ortega Arenas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 344, dans laquelle la juge Gleason a déclaré ce qui suit :

[9]        Comme je l’ai soutenu dans la décision Portillo, une analyse fondée sur l’article 97 de la LIPR doit être effectuée. Premièrement, la SPR doit décrire correctement la nature du risque auquel est exposé l’intéressé. Cela exige de la Commission qu’elle considère s’il y a un risque permanent éventuel et, dans l’affirmative, si le risque équivaut à un traitement ou une peine cruel ou inusité. Surtout, la Commission doit déterminer ce qu’est précisément le risque. Une fois cela fait, la SPR doit ensuite comparer le risque auquel est exposé l’intéressé à celui auquel est exposé un groupe significatif de personnes originaires du même pays pour déterminer si les risques sont de même nature et du même degré.

[…]

[14]      La deuxième étape de l’analyse a pour principal objet de comparer la nature et le degré du risque auquel est exposé le demandeur à celui auquel est exposée toute la population du pays ou une partie significative de celle-ci, afin de déterminer s’ils sont les mêmes. Il s’agit d’une analyse prospective qui ne touche pas tant à la cause du risque qu’à la probabilité de ce qui arrivera au demandeur dans l’avenir, comparativement à l’ensemble ou à un segment significatif de la population en général. C’est en ce sens que, dans la décision Portillo, j’ai soutenu qu’on ne peut qualifier de « général » un risque « personnalisé » d’être tué au motif que la totalité du pays n’est pas personnellement la cible d’un meurtre ou de torture dans l’un ou l’autre cas. À cet égard, il y a une différence fondamentale entre le fait d’être exposé au risque d’être tué et celui d’être éventuellement ciblé dans l’avenir. Dans la décision Olvera [c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1048, 417 FTR 255], le juge Shore fait une analogie utile pour expliquer cette différence lorsqu’il écrit au paragraphe 42, « Les risques que courent les personnes qui vivent dans le même voisinage que l’homme armé ne peuvent être considérés comme étant les mêmes que ceux que courent les personnes qui se tiennent directement devant lui ».

[18]           En l’espèce, le demandeur principal et sa famille n’étaient pas des membres du public en général que le Mara 18 aurait pris pour cible au hasard. Bien que d’autres commerçants du secteur dans lequel le demandeur principal et son épouse exploitaient leur entreprise étaient victimes d’extorsion, les demandeurs avaient eu des démêlés avec le Mara 18 parce qu’ils avaient fermé leur entreprise à l’insu du gang et sans son autorisation, ils se sont ainsi attiré une dette individualisée qu’il leur était impossible de rembourser. Il était déraisonnable que la SPR conclue que les demandeurs faisaient encore partie de la catégorie des personnes exposées à un risque généralisé.

[19]           La nature de la crainte des demandeurs ou du risque auquel ils étaient exposés en l’espèce n’est pas la même que celle que courent généralement de nombreux autres commerçants du Guatemala ou, si cela est important, comme l’a déclaré la SPR « le public en général ». La nature et le niveau du risque auquel étaient exposés les demandeurs de manière prospective ne sont pas identiques – et en fait, ne peuvent être comparé – à ceux que courent un nombre important d’autres commerçants au Guatemala. Même les commerçants victimes d’extorsion aux mains du Mara 18 ne sont pas exposés à un risque de mort à moins qu’il ne leur soit impossible de répondre aux exigences du gang. Comme l’a fait observer le juge James Russell aux paragraphes 83 et 84 de la décision Correa : « On commet une erreur lorsqu’on confond les raisons ou la cause du risque avec le risque lui-même ou lorsqu’on ne tient pas compte des différences qui existent entre la situation personnelle de ceux qui sont susceptibles d’être ciblés pour les mêmes raisons […] On commet une erreur en ne tenant pas compte des mesures de représailles ou des menaces proférées en les considérant simplement comme un « préjudice consécutif » ou un risque découlant du risque initial d’extorsion ou de recrutement forcé. La question à laquelle il faut répondre n’est pas celle de savoir si d’autres personnes pourraient éventuellement se retrouver dans la situation du demandeur, mais bien de savoir si d’autres personnes se trouvent « généralement » dans cette situation actuellement ». En l’espèce, la SPR a commis ces deux erreurs, et la décision doit être annulée.

V.                Dispositif

[20]           Comme il est mentionné ci-dessus, la SPR n’a pas raisonnablement évalué le risque personnalisé auquel étaient exposés les demandeurs au titre de l’article 97. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire renvoyée à la SPR afin qu’un autre commissaire statue à nouveau sur celle‑ci. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier et aucune n’est certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à la Section de la protection des réfugiés pour qu’un autre commissaire statue à nouveau sur celle‑ci. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6268-13

 

INTITULÉ :

HEBER SAUL AZURDIA GOMEZ, EVA CAROLINA DE LEON DE AZURDIA, SAIL ERNESTO RAMSES AZURDIA DE LEON, BARBARA NATASHA AZURDIA DE LEON c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 DÉCEMBRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 20 AVRIL 2015

COMPARUTIONS :

Victoria Bruyn

 

POUR Les demandeurs

 

Nur Muhammed-Ally

 

POUR Le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Eisenberg & Young LLP

Avocats

Hamilton (Ontario)

 

POUR Les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR Le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.