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Date : 20150416


Dossier : IMM-1331-14

Référence : 2015 CF 476

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 avril 2015

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

FITZROY BARRINGTON WHITELY

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie du contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agent d’immigration [l’agent], au nom du ministre, a refusé une exemption qui aurait permis au demandeur que sa demande de résidence permanente soit traitée depuis le Canada pour des motifs d’ordre humanitaire. La disposition applicable est l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 :

25. (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

25. (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

[…]

(1.3) Le ministre, dans l’étude de la demande faite au titre du paragraphe (1) d’un étranger se trouvant au Canada, ne tient compte d’aucun des facteurs servant à établir la qualité de réfugié — au sens de la Convention — aux termes de l’article 96 ou de personne à protéger au titre du paragraphe 97(1); il tient compte, toutefois, des difficultés auxquelles l’étranger fait face.

(1.3) In examining the request of a foreign national in Canada, the Minister may not consider the factors that are taken into account in the determination of whether a person is a Convention refugee under section 96 or a person in need of protection under subsection 97(1) but must consider elements related to the hardships that affect the foreign national.

Malgré l’excellente argumentation concise de M. Eisenberg, le présent contrôle judiciaire sera rejeté.

II.                Contexte

[2]               Le demandeur est demeuré au Canada périodiquement en tant que travailleur agricole temporaire à partir de 1990 et y demeure à long terme depuis 2005. Il aura 55 ans dans quelques jours.

[3]               Le demandeur a cinq (5) enfants en Jamaïque et a subvenu à leurs besoins financiers avec son salaire canadien. Il a également six (6) petits-enfants en Jamaïque.

[4]               Sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était basée sur l’absence de possibilité d’emploi en Jamaïque, sur la discrimination fondée sur l’âge envers les personnes âgées en matière d’emploi et sur le taux élevé de criminalité en Jamaïque. Tous ces facteurs constituent des difficultés.

[5]               La demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était également basée sur l’« établissement » du demandeur au Canada. Parmi les indices d’établissement, il a de l’expérience dans l’agriculture et est employé dans une entreprise de services d’alimentation. Il a un réseau d’amis important au pays et est très actif dans son église locale.

[6]               L’agent a conclu que le demandeur, peu importe son niveau d’établissement (et l’agent a reconnu les indices d’établissement présentés), retournerait dans un pays où il a passé la majorité de sa vie et où il a des enfants et des petits-enfants, lesquels représentent un [traduction] « réseau familial riche pouvant lui fournir un soutien émotionnel ».

[7]               L’agent a reconnu les problèmes concernant la discrimination fondée sur l’âge en Jamaïque, mais a souligné qu’il y existait des lois générales visant à contrer la discrimination. De plus, le demandeur n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve indiquant qu’il serait personnellement exposé à des difficultés. S’agissant de la criminalité en Jamaïque, qui est reconnue comme un problème, l’agent a conclu que peu d’éléments de preuve démontraient que le demandeur serait la cible d’activités criminelles. Les difficultés rencontrées par le demandeur étaient liées à la situation générale au pays.

[8]               L’agent a conclu que selon l’ensemble de la preuve, le demandeur n’a pas suffisamment démontré qu’il serait exposé à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’il était renvoyé en Jamaïque.

III.             Analyse

[9]               La question de savoir si le pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 25 a été exercé correctement est régie par la norme de la décision raisonnable (Lemus c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1274, 221 ACWS (3d) 966). Quant à savoir si l’agent a appliqué le bon critère pour évaluer les difficultés, la question est régie par la norme de la décision correcte (Ambassa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 158, 211 ACWS (3d) 434).

[10]           L’avocat du demandeur a affirmé que la conclusion concernant l’« établissement » était la principale erreur dans la décision. Il a également fait valoir que l’agent a mené une analyse du genre de celle fondée sur l’article 97 lorsqu’il a abordé les difficultés.

[11]           S’agissant du premier point, bien que ce ne soit pas tout le monde qui serait arrivé à la même conclusion sur l’établissement, l’essence de la norme de contrôle de la « décision raisonnable » repose sur le fait qu’une personne raisonnable peut raisonnablement s’opposer à une décision.

[12]           En tout respect, je ne vois pas ce qui était déraisonnable au sujet de l’analyse et de la conclusion de l’agent. L’agent s’est penché sur tous les points pertinents concernant l’établissement, comme il l’a fait concernant les difficultés. Rien n’exige d’aborder chaque question soulevée dans le guide IP 5. Comme la Cour d’appel l’a indiqué dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 113, 372 DLR (4th) 539, les lignes directrices ne sont qu’une source d’orientation – le guide IP 5 n’a pas force de loi.

[13]           Il est évident que l’agent a conclu que malgré les éléments positifs de l’établissement, les conséquences négatives de la perte de l’établissement sont atténuées par le réseau familial riche du demandeur en Jamaïque. Ainsi, l’agent a soupesé les facteurs pertinents prévus par la loi.

[14]           S’agissant des difficultés, l’agent n’a pas mené une analyse des risques fondée sur l’article 97 et n’a pas non plus conclu que le demandeur était exposé à un risque généralisé auquel sont confrontés tous les membres de la société jamaïquaine.

[15]           L’agent a appliqué le bon critère juridique. Il a relevé l’absence de lien direct entre la criminalité/la discrimination et le demandeur, de sorte qu’il ne subirait pas de difficultés autres que celles de retourner en Jamaïque et d’y vivre.

[16]           L’agent a soupesé le facteur des difficultés avec les facteurs positifs (comme il l’a fait pour évaluer l’« établissement ») et a conclu que dans la mesure où il y avait des difficultés, celles‑ci n’étaient pas inhabituelles, injustifiées ou excessives.

Je ne vois aucune erreur dans la conclusion de l’agent qui justifie l’intervention de notre Cour.

IV.             Conclusion

[17]           Par conséquent, le présent contrôle judiciaire sera rejeté.

[18]           Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1331-14

 

INTITULÉ :

FITZROY BARRINGTON WHITELY c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 AVRIL 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 16 AVRIL 2015

 

COMPARUTIONS :

Howard P Eisenberg

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Christopher Crighton

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Eisenberg & Young

Avocats

Hamilton (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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