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Date : 20150417

Dossier : IMM‑8155‑13

Référence : 2015 CF 486

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 avril 2015

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

QI YING JIANG

HUI YI XIAO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENTS ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [la SPR/Commission] a jugé que les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger.

II.                Contexte

[2]               Les demandeurs, qui sont mari et femme, sont citoyens de la Chine. Ils ont fui la Chine par crainte d’être arrêtés pour leur participation à une manifestation contre des expropriations. Ils ont laissé derrière eux leur unique enfant à l’époque.

[3]               La demande d’asile des demandeurs résulte d’une manifestation contre des expropriations qui est devenue violente. Le demandeur a reçu en septembre 2010 un avis les informant que leur maison serait expropriée pour la construction d’une nouvelle autoroute. Les propriétaires ont protesté contre la somme des indemnités offertes et lorsque le gouvernement a envoyé du matériel pour procéder à la démolition des maisons, certains des protestataires, y compris la demanderesse, ont été battus et blessés.

[4]               Selon les demandeurs, la nuit de la manifestation, la police est venue chez eux pour tenter de les arrêter et y a laissé une citation à comparaître. Par la suite, les demandeurs ont entendu dire que six personnes étaient détenues.

[5]               Sachant que le PSB [la police] les cherchait, les demandeurs ont quitté la Chine pour le Canada. Ils ont appris par la suite que leur maison avait été démolie sans indemnisation et que la police était toujours à leur recherche.

[6]               Les demandeurs font aussi valoir que leur situation s’est compliquée, car ils ont eu un fils au Canada, ce qui contrevient aux lois chinoises sur la planification familiale. Ils craignent par conséquent d’avoir à payer une forte amende et d’être stérilisés de force à leur retour.

[7]               En résumé, la SPR a rejeté la demande d’asile pour les motifs suivants :

                     les demandeurs n’étaient pas crédibles dans leur explication concernant la manière dont ils sont venus au Canada, le processus d’expropriation et les détails s’y rattachant;

                     même si les demandeurs étaient jugés crédibles, leur demande d’asile ne repose pas sur des motifs fondés sur la Convention;

                     il n’existe pas de possibilité sérieuse que les demandeurs soient stérilisés de force à leur retour.

III.             Analyse

[8]               La norme de contrôle applicable à cette décision est sans contredit celle de la décision raisonnable (Uygur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 752).

[9]               En ce qui concerne la crédibilité générale, la Commission a en général droit à un degré élevé de retenue judiciaire, mais lorsqu’elle tire des conclusions d’invraisemblance, la Cour a le droit de les examiner soigneusement.

[10]           Certaines des conclusions de la Commission ne sont pas clairement expliquées, mais on peut comprendre qu’il est inévitable que des doutes en matière de crédibilité soient soulevés du fait que les demandeurs ont changé une partie de leur récit.

[11]           Il n’est pas nécessaire de traiter substantiellement de la question de la véracité de chaque partie du récit des demandeurs. La question peut être tranchée en tenant pour acquis que le récit des évènements fait par les demandeurs est véridique.

[12]           La conclusion de la Commission selon laquelle la présente demande d’asile ne repose pas sur un motif fondé sur la Convention est à la fois raisonnable et exacte. Dans l’arrêt Zolfagharkhani c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 3 CF 540, 155 NR 311 (CAF), la Cour d’appel fédérale a décrit quatre « propositions générales […] relatives au statut d’une loi ordinaire d’application générale lorsqu’il s’agit de trancher la question de persécution » :

1)         La définition légale de réfugié au sens de la Convention rend l’objet (ou tout effet principal) d’une loi ordinaire d’application générale, plutôt que la motivation du demandeur, applicable à l’existence d’une persécution.

2)         La neutralité d’une loi ordinaire d’application générale, à l’égard des cinq motifs d’obtention du statut de réfugié, doit être jugée objectivement par les cours et les tribunaux canadiens lorsque cela est nécessaire.

3)         Dans cet examen, une loi ordinaire d’application générale, même dans des sociétés non démocratiques, devrait être présumée valide et neutre, et le demandeur devrait être tenu de montrer que la loi en question revêt, ou bien en soi ou bien pour une autre raison, un caractère de persécution.

4)         Il ne suffira pas au demandeur de montrer qu’un régime donné est généralement tyrannique. Il devra plutôt prouver que la loi en question a un caractère de persécution par rapport à un motif énoncé dans la Convention.

[13]           La Commission a raisonnablement conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de neutralité et de validité de la loi d’expropriation chinoise. En outre, la Commission a raisonnablement conclu que les demandeurs n’avaient pas présenté d’éléments de preuve établissant que la loi serait utilisée contre eux en raison d’une dissidence politique perçue.

[14]           Il ne fait aucun doute que le problème des demandeurs avec les autorités chinoises portait sur la somme de l’indemnité à laquelle ils avaient droit pour leur expropriation. Sans autres considérations, cette question pourrait difficilement cadrer dans celles qui font l’objet de la Convention. Cette conclusion est conforme à la décision You c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 100 :

[20]      Le véritable différend avait trait à une question d’argent, et non à un motif prévu à la Convention. Le demandeur ne pouvait maquiller le différend financier en un différend politique, simplement parce que le différend en question se rapportait à une décision gouvernementale.

[21]      Compte tenu de la nature du différend et des activités de protestation, il n’était pas déraisonnable de conclure à l’absence de lien avec les motifs prévus à la Convention.

[15]           Comme l’a jugé la Commission, le fait est que les demandeurs sont recherchés par la police en raison de leur participation à la perturbation d’une expropriation. Une infraction semblable existe au Canada et est prévue à l’article 129 du Code criminel.

[16]           Par conséquent, la conclusion de la Commission voulant que la Convention ne s’applique pas en l’espèce doit être confirmée.

[17]           En ce qui concerne la crainte des demandeurs d’être stérilisés de force, la Commission a conclu que selon la prépondérance des probabilités les demandeurs risquaient une amende, en particulier s’ils retournaient dans leur ville d’origine.

[18]           La prétention selon laquelle la Commission a omis de prendre en considération les réalités découlant de la [traduction« politique de l’enfant unique » est sans fondement. Au paragraphe 61 de sa décision, la Commission mentionne explicitement les messages contradictoires des politiques et des mesures du gouvernement chinois sur cette question. Cependant, la Commission a soupesé les éléments de preuve émanant des autorités et de sources externes et conclu qu’une amende majorée, et non la stérilisation forcée, serait probablement infligée aux demandeurs.

[19]           Cette conclusion est clairement énoncée et correspond à la fonction même de la Commission. Les demandeurs souhaitent que la Cour soupèse de nouveau la preuve et tire une conclusion différente. Ce n’est pas le rôle de la Cour.

[20]           Par ailleurs, la Cour (le juge Shore) a statué ce qui suit dans la décision Yu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 61, au paragraphe 17 :

[17]      En outre, comme en témoignent les documents sur la situation dans le pays, les citoyens qui ont des enfants sans autorisation, comme les demandeurs, doivent payer une amende appelée [traduction] « frais d’assistance sociale », lesquels sont déterminés par les différents gouvernements provinciaux. À la lumière de la jurisprudence de la Cour, la SPR conclut que les sanctions pécuniaires visant à assurer le respect de la loi ne constituent pas de la persécution (décision Li, précitée; Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1993), 66 FTR 207, au paragraphe 6).

[21]           La conclusion de la Commission en la matière est raisonnable et ne justifie pas une intervention de la Cour.

IV.             Conclusion

[22]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Loïc Haméon‑Morrissette


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑8155‑13

 

INTITULÉ :

QI YING JIANG, HUI YI XIAO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 AVRIL 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le Juge PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 17 avril 2015

 

COMPARUTIONS :

Michael Korman

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Alex Kam

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

SOLICITORS OF RECORD:

Otis & Korman

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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