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Date : 20150415


Dossier : IMM-2527-14

Référence : 2015 CF 471

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 15 avril 2015

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

XITANG ZHAO

(ALIAS XI TANG ZHAO)

YUEQUN ZHAO

(ALIAS YUE QUN ZHAO)

YONGHONG ZHAO

(ALIAS YONG HONG ZHAO)

JIAWEN ZHAO

(ALIAS JIA WEN ZHAO)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

(Prononcés oralement à l’audience à Toronto (Ontario), le 14 avril 2015)

[1]               Les demandeurs sont un homme (le demandeur principal), sa femme et leurs deux enfants. Ils ont sollicité le contrôle judiciaire de la décision du 11 mars 2014 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a jugé qu’ils n’ont qualité ni de réfugiés au sens de la Convention ni de personnes à protéger (la décision). La demande est fondée sur le paragraphe 72 (1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

I.                   Contexte

[2]               Les demandeurs sont une famille de la province du Guangdong en Chine. Le 19 septembre 2011, les responsables de l’administration locale ont avisé le demandeur principal que sa ferme faisait l’objet d’une expropriation.

[3]               En octobre 2011, le demandeur principal et six autres personnes dont les fermes faisaient l’objet d’une expropriation ont agi à titre de représentants (les représentants) des 30 familles visées par les expropriations. Ils ont remis une lettre dans laquelle ils résumaient leurs préoccupations concernant une juste indemnisation (la lettre) à l’administration de district. À ce moment, un gardien a pris en note le nom des représentants.

[4]               Le 12 décembre 2011, le demandeur principal et sa femme, ainsi que cent villageois, sont arrivés au bureau de l’administration de district pour discuter de ce que serait une indemnisation raisonnable. Après environ une heure d’attente, ils se sont impatientés et ont commencé à scander des slogans (la manifestation). Des agents du Bureau de la sécurité publique (le BSP) sont arrivés et ont commencé à s’en prendre aux manifestants. Le demandeur principal et sa femme se sont échappés et sont allés se cacher. Les agents du BSP se sont rendus chez les demandeurs pour arrêter le demandeur principal et sa femme parce qu’ils étaient accusés d’avoir dirigé la manifestation. Les agents du BSP ont laissé une citation à comparaître pour le demandeur principal et sa femme et se sont rendus plusieurs fois chez des membres de leur famille pour les retrouver. Les six autres représentants ont tous été arrêtés et subséquemment condamnés à trois ans de prison.

[5]               Lorsque les enfants du demandeur principal ont été suspendus de l’école, ce dernier a constaté que sa famille ne serait pas en sécurité en Chine. Par conséquent, il a pris des mesures pour quitter le pays, comme engager un passeur de clandestins et obtenir des visas américains.

[6]               Le 25 février 2012, les demandeurs sont arrivés aux É.‑U. Ensuite, ils sont entrés illégalement au Canada le 3 mars 2012. Le 9 mars, ils ont déposé leur demande d’asile. Ils ont expliqué qu’ils n’ont pas demandé l’asile aux É.‑U. parce qu’ils ont suivi les directives de leur passeur, qui consistaient notamment à demander l’asile au Canada.

II.                La décision

[7]               La Commission a fondé ses conclusions défavorables quant à la crédibilité sur les éléments suivants :

1.                  Compte tenu du Bouclier d’or, il était très peu probable que les demandeurs auraient réussi à quitter la Chine au moyen de leur propre passeport s’ils étaient réellement recherchés par le BSP.

2.                  S’ils étaient réellement recherchés par le BSP, les demandeurs n’auraient pas abordé le bureau des visas des États‑Unis par crainte d’être arrêtés par les gardiens de sécurité à cet endroit.

3.                  La réponse violente du BSP à la manifestation était improbable étant donné que les autorités les tolèrent parfois.

4.                  Il était déraisonnable que la citation à comparaître du BSP s’adresse également à la femme du demandeur puisqu’elle ne faisait pas partie des représentants.

5.                  Le témoignage du demandeur principal et le témoignage de la demanderesse étaient contradictoires quant à l’auteur de la lettre.

6.                  D’autres documents ne méritaient pas qu’on leur accorde de l’importance parce que : i) les documents frauduleux sont répandus en Chine; ii) les documents n’avaient aucune caractéristique de sécurité; et iii) la Commission avait des doutes quant à la crédibilité du témoignage du demandeur.

[8]               Compte tenu de ce qui précède, la Commission a conclu que le demandeur principal n’avait pas établi qu’il était un représentant du groupe de villageois dont les terres avaient été expropriées ou que lui et sa femme fuyaient le BSP.

[9]               Sur la question du lien, la Commission a estimé que même si les demandeurs étaient jugés crédibles, le demandeur principal ferait l’objet de poursuites et d’une amende pour avoir enfreint une loi d’application générale en organisant un rassemblement public illégal. La Commission a également tiré une inférence négative concernant la crainte subjective des demandeurs étant donné qu’ils n’ont pas demandé l’asile aux États‑Unis.

III.             Questions en litige

[10]           L’espèce soulève deux questions en litige :

1.                  La Commission a-t-elle tiré des conclusions déraisonnables quant à la crédibilité?

2.                  La Commission a-t-elle évalué le lien de façon raisonnable?

IV.             Discussion

A.                Première question

[11]           La Commission a conclu que la preuve démontrait une contradiction en ce que le demandeur principal a affirmé que la lettre avait été écrite par un tiers, alors que sa femme a déclaré qu’elle avait écrit la lettre. Un examen de la transcription démontre que la Commission a commis une erreur. Les deux demandeurs ont affirmé qu’un tiers était l’auteur de la lettre.

[12]           La Commission a également conclu que le fait que les demandeurs n’ont pas demandé l’asile aux É.‑U. démontrait l’absence de crainte subjective et a indiqué dans ce contexte qu’aucun timbre d’entrée aux États‑Unis ne figurait dans le passeport des demandeurs. Elle a inféré que les demandeurs avaient peut‑être passé beaucoup de temps aux É.‑U. et n’avaient peut‑être pas retenu les services d’un passeur pour venir au Canada. Toutefois, la Commission a là encore commis une erreur. Les timbres d’entrée aux États‑Unis dans tous les passeports des demandeurs indiquaient qu’ils étaient entrés le 25 février 2012.

[13]           À mon sens, ces deux erreurs ont faussé la décision dans son ensemble puisque la lettre était au cœur de la demande d’asile et l’existence d’un passeur de clandestins expliquait pourquoi les demandeurs n’ont pas demandé l’asile aux É.‑U.

B.                 Deuxième question

[14]           Ayant affirmé qu’elle examinerait la question de la persécution par opposition aux poursuites au motif que les demandeurs étaient crédibles, la Commission a seulement examiné la possibilité qu’ils fassent l’objet d’une amende. Elle n’a pas tenu compte de la preuve des demandeurs selon laquelle d’autres représentants avaient été condamnés à trois ans de prison pour avoir participé à la manifestation.

[15]           Pour toutes ces raisons, la demande sera accueillie.

[16]           Aucune question n’a été formulée en vue de sa certification aux fins d’un appel fondé sur l’alinéa 74d) de la LIPR.


ORDONNANCE

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision est annulée et la demande d’asile devra être réexaminée par un autre tribunal de la Commission.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM-2527-14

 

INTITULÉ :

XITANG ZHAO (ALIAS XI TANG ZHAGO), YUEQUN ZHAO (ALIAS YUE QUN ZHAO), YONGHONG ZHAO (ALIAS YONG HONG ZHAO), JIAWEN ZHAO (ALIAS JIA WEN ZHAO) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 AVRIL 2015

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

DATE DES MOTIFS :

LE 15 AVRIL 2015

COMPARUTIONS :

Elyse Korman

POUR LES DEMANDEURs

Nicole Paduraru

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elyse Korman

Avocate

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURs

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUr

 

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