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Date : 20150409


Dossier : IMM-6783-14

Référence : 2015 CF 432

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 avril 2015

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

ENTRE :

SHAHID EJAZ

ZEBA SHAHID

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature de l’affaire

[1]               Les demandeurs saisissent la Cour de la demande de contrôle de la décision de la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié rejetant l’appel interjeté contre les mesures de renvoi prises à leur encontre par un commissaire de la Section de l’immigration le 3 mars 2011.   

II.                Les faits

[2]               Les demandeurs sont des citoyens du Pakistan. Ils ont été admis au Canada, accompagnés de leurs deux fils d’âge adulte, en juin 2005.

[3]               Le demandeur principal est venu au Canada au titre de membre de la catégorie des entrepreneurs, son épouse et ses deux fils étaient des personnes à sa charge.   

[4]               En 2010, un agent d’immigration a décidé que le demandeur principal et sa famille étaient interdits de territoire, aux termes de l’article 41 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), car le demandeur principal n’avait pas respecté les conditions qui lui étaient imposées en tant que membre de la catégorie des entrepreneurs. Par conséquent, l’agent d’immigration a délivré des rapports circonstanciés contre eux, en vertu du paragraphe 44(1), et l’affaire a ensuite été déférée pour enquête.

[5]               Lors de l’enquête, les demandeurs et leurs fils ont admis à la Section de l’immigration qu’ils n’avaient pas été en mesure d’établir qu’ils avaient satisfait aux conditions imposées, car ils n’exploitaient pas une entreprise canadienne admissible au sens de l’article 88 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). En conséquence, la Section de l’immigration a pris des mesures de renvoi contre chacun des membres de la famille.

[6]               Les membres de la famille ont ensuite interjeté appel auprès de la SAI, ils avançaient que des motifs d’ordre humanitaire justifiaient, vu les circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.   

III.             La décision contestée

[7]               La SAI a fait droit l’appel des deux fils des demandeurs, mais a rejeté les appels des deux demandeurs, car elle a conclu que les motifs d’ordre humanitaire ne justifiaient pas l’octroi d’une dispense.   

[8]               Quant au demandeur principal, la SAI a souligné qu’il a résidé principalement au Pakistan pendant les deux premières années suivant l’octroi de son droit d’établissement, qu’il est propriétaire d’un duplex et d’un terrain au Pakistan et qu’il a affirmé, pendant son témoignage, qu’il résiderait au rez-de-chaussée de ce duplex s’il devait retourner au Pakistan.   

[9]               Les demandeurs n’ont contesté ni la validité juridique des mesures de renvoi prises contre eux ni la conclusion de l’agent d’immigration selon lesquelles ils n’avaient pas satisfait à toutes les conditions imposées au cours de la période d’un an, pendant la période prescrite de trois ans après l’obtention de leur droit d’établissement au Canada.

[10]           La SAI n’a trouvé aucun élément de preuve établissant que le demandeur principal a créé un [traduction« investissement fictif », mais a plutôt conclu que ce dernier avait mis beaucoup de temps à faire démarrer son entreprise. Au milieu de l’année 2007, il n’avait signé qu’un bail pour des locaux à bureaux et n’avait embauché qu’un employé.

[11]           En ce qui a trait à l’affirmation du demandeur principal que son comptable a commis une erreur lors de la préparation de son état des résultats, il était de son devoir de présenter un état des résultats corrigé et non vérifié faisant état de pertes et d’un déficit produit par son comptable, s’il prétendait avoir respecté au moins l’une des conditions.

[12]           Qui plus est, le tribunal a conclu que, peut-être que l’entreprise du demandeur principal a échoué en raison de la crise économique mondiale, mais le demandeur principal n’a fait aucune tentative pour obtenir une dispense de la part des autorités compétentes et n’a pas non plus fait de tentative sérieuse pour trouver une autre façon de respecter son obligation en tant qu’entrepreneur durant la période de trois ans suivant l’obtention du droit d’établissement.

[13]           Quant à l’épouse du demandeur principal, la SAI a souligné qu’elle n’a jamais travaillé au Canada, qu’elle a appris l’anglais ici, qu’elle a une fille au Pakistan et qu’elle est en bonne santé. La SAI a déduit, du fait qu’elle a vécu avec sa fille au Pakistan pendant un mois et demi en 2014, qu’elle trouve la situation à Karachi tolérable sur le plan de la sécurité.  

[14]           Finalement, la SAI a conclu que peu importent les éléments favorables qui militent en faveur de l’exercice de la compétence discrétionnaire, ces éléments sont éclipsés par l’importance qui doit être accordée à l’intégrité des conditions relatives à la catégorie des entrepreneurs.

IV.             La question en litige

[15]           La seule question litigieuse à examiner dans la présente affaire consiste à déterminer si la conclusion rendue par la SAI selon laquelle les motifs d’ordre humanitaire ne justifiaient pas la prise de mesures discrétionnaires en l’espèce était raisonnable à la lumière des éléments de preuve produits.

V.                La norme de contrôle

[16]           La norme de contrôle qui s’applique à la décision que rend la SAI dans le cadre d’un appel relatif à une mesure de renvoi prise est la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 57 (Khosa); Kim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1048, aux paragraphes 14 et 15; Bafkar c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2012 CF 934, au paragraphe 28 (Bafkar).

VI.             La position des demandeurs

[17]           Les demandeurs affirment que la SAI n’a pas appliqué les critères appropriés lorsqu’elle est arrivée à sa conclusion relative aux motifs d’ordre humanitaire. Ils soutiennent que la SAI a fait preuve d’une fixation sur les faits établissant une contravention technique aux règles tout en faisant fi des facteurs d’ordre humanitaire.

[18]           Premièrement, les demandeurs affirment que les efforts déployés de bonne foi pour satisfaire aux conditions imposées constituent un facteur déterminant que le tribunal aurait dû prendre en compte lorsqu’il a décidé si les demandeurs pouvaient demeurer au Canada, mais les demandeurs estiment que le tribunal n’en a pas tenu compte. Il n’y a ici aucun élément de mauvaise foi de la part des demandeurs. Au contraire, le demandeur principal s’est employé activement à faire démarrer son entreprise et à respecter les conditions qui lui étaient imposées, mais son plan d’affaires n’a pas porté des fruits en raison de changements importants dans les conditions du marché. Il a été victime de l’accord de libre-échange conclu avec le Bangladesh, des modifications apportées aux règles internationales visant le textile et de la crise économique mondiale qui a frappé le Canada à la fin de l’année 2008 et en 2009. À son avis, il ne devrait pas être puni pour des événements à l’égard desquels il est impuissant.

[19]           Deuxièmement, les demandeurs soutiennent que la SAI n’a tenu compte ni de la question de la vie familiale ni de l’incidence qu’aurait le renvoi des demandeurs sur leurs fils, en contravention aux principes du regroupement familial et de la protection familiale établis dans la LIPR et par le droit international. 

[20]           Troisièmement, les demandeurs soulignent que les éléments de preuve documentaire, le témoignage de chacun des fils et du demandeur principal font référence à la violence et aux problèmes de sécurité publique à Karachi. En outre, les demandeurs soutiennent que la SAI a eu tort de conclure que l’épouse du demandeur principal trouvait la situation à Karachi tolérable sur le plan de la sécurité puisqu’elle y est retournée pour rendre visite à sa famille, car cela ne correspond nullement à ce qu’elle a dit. Les demandeurs affirment que, en tant que Pakistanais « occidentalisés », ils seraient exposés au risque d’être pris pour cible par des extrémistes au Pakistan.

VII.          La position du défendeur

[21]           Le défendeur soutient que la SAI a examiné l’ensemble des éléments de preuve, mais que ceux-ci ne justifiaient pas la prise des mesures spéciales que sollicitaient les demandeurs. La SAI a de toute évidence examiné les circonstances de l’affaire et la décision appartient bien aux issues possibles acceptables.   

[22]           En réponse aux allégations des demandeurs selon lesquelles la SAI n’a pas tenu compte de la bonne foi dont a fait preuve le demandeur principal, lorsqu’il a tenté d’établir une entreprise au Canada, de ses véritables efforts, et du fait qu’il a été victime de la crise économique mondiale, le défendeur affirme que la SAI n’a pas tenu compte de ces allégations, parce que ces dernières ne sont pas étayées par la preuve. Plutôt, la SAI a conclu que le demandeur principal avait tardé à mettre sur pied son entreprise et que, pendant les deux premières années suivant l’octroi du droit d’établissement, les demandeurs ont résidé principalement au Pakistan.

[23]           Au chapitre de la protection de la vie familiale, le défendeur affirme que ce facteur a peu d’incidence en l’espèce, car les fils des demandeurs sont des adultes ayant suivi des études universitaires. Le fait que toute la famille vit sous un même toit au Canada et que les fils pourront demeurer au Canada n’est pas éclipsé par l’importance qui doit être accordée à l’intégrité des conditions relatives à la catégorie des entrepreneurs.

[24]           En ce qui a trait aux risques auxquels seraient exposés les demandeurs au Pakistan, le défendeur souligne que la SAI a tenu compte de ce facteur, mais a conclu que l’épouse du demandeur principal a estimé la situation à Karachi tolérable, car elle est allée au Pakistan et y a séjourné du 2 mai au 20 juin 2014. La SAI a aussi relevé que les demandeurs ont passé trois mois au Pakistan en 2012, séjour au cours duquel ils ont demeuré chez leur fille.   

[25]           Enfin, le défendeur soutient que l’exercice de la compétence discrétionnaire est toujours un processus d’appréciation et que les plaintes des demandeurs à l’encontre de la décision constituent un désaccord avec l’appréciation de la preuve faite par la SAI et le poids que celle-ci a accordé aux éléments de preuve.

VIII.       Analyse

[26]           Pour faire droit à l’appel, la SAI doit être convaincue que la décision faisant l’objet de l’appel est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait, qu’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle ou qu’il y a des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales (LIPR, paragraphe 67(1)).

[27]           En l’espèce, les demandeurs ont admis à la Section de l’immigration qu’ils n’avaient pas respecté toutes les conditions imposées par la loi et le règlement et que, par conséquent, la mesure de renvoi a été légitimement prise contre eux, en application de l’article 41 de la LIPR.

[28]           La question dont la SAI était saisie consistait à déterminer si les motifs d’ordre humanitaire, évalués dans le contexte des autres circonstances de l’affaire menant à la prise des mesures de renvoi, justifiaient de faire droit à l’appel interjeté contre la prise des mesures de renvoi.

[29]           Il faut accorder un degré élevé de retenue à la décision de la SAI dans une affaire de ce type, car la SAI possède une expertise considérable pour trancher les appels sous le régime de la LIPR et a eu l’avantage de tenir les audiences et d’évaluer la preuve (Khosa, au paragraphe 58; Bajwa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 192, au paragraphe 26 (Bajwa).

[30]           Les facteurs à prendre en considération, dans toute affaire, sont tributaires des éléments de preuve présentés au décideur, mais les considérations dont la SAI doit généralement tenir compte dans un appel fondé sur des motifs d’ordre humanitaire interjeté contre une mesure de renvoi valide sont notamment : la gravité de l’infraction ayant donné lieu à la mesure de renvoi; les circonstances du manquement aux conditions ayant donné lieu à la mesure de renvoi; la durée de la période passée au Canada et le degré d’établissement; la présence au Canada de la famille de la personne exposée au renvoi et les bouleversements que son expulsion occasionnerait à sa famille; le soutien que peut fournir la famille et la collectivité; et l’importance des difficultés que causerait à la personne exposée au renvoi le retour dans son pays de nationalité (Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] DSAI no 4; Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3, aux paragraphes 40 et 90 (Chieu); Khosa, aux paragraphes 7 et 65; Bajwa, aux paragraphes 23 et 24).

[31]           Cette liste de facteurs est indicative, et non pas exhaustive. Les facteurs à prendre en compte et le poids à accorder à un facteur donné dépendront des circonstances particulières de chaque cas (Khosa, au paragraphe 65; Chieu, au paragraphe 40; Nekoie, au paragraphe 33). Comme l’a décidé la Cour suprême du Canada au paragraphe 66 de l’arrêt Chieu :

Le législateur voulait que la S.A.I. ait un vaste pouvoir discrétionnaire d’autoriser des résidents permanents faisant face au renvoi de demeurer au Canada s’il était équitable de le faire. Cela ressort de la formulation non limitative de l’al. 70(1)b) [maintenant l’alinéa 67(1)c)], qui n’énumère aucun facteur précis dont la S.A.I. doit tenir compte lorsqu’elle exerce le pouvoir discrétionnaire qu’il confère.

[32]           Les demandeurs soutiennent que la SAI aurait dû tenir compte de la bonne foi du demandeur principal lorsqu’il tentait de satisfaire aux conditions associées à la catégorie des entrepreneurs.

[33]           La Cour ne saurait retenir cet argument. Il ressort clairement des motifs de la SAI qu’aucun élément de preuve ne démontrait que le demandeur a créé un investissement fictif. Ainsi, la SAI n’a jamais douté de la bonne foi du demandeur. Toutefois, parmi les considérations pertinentes se trouvaient sa conduite et son retard à mettre sur pied son entreprise. Cette situation explique, en partie, pourquoi le demandeur n’a pas satisfait aux conditions imposées.

[34]           Je me suis penchée sur un argument similaire dans la décision El Hajj c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 331. Dans cette affaire, les demandeurs affirmaient que, compte tenu du travail acharné qu’ils avaient accompli pour favoriser la réussite de leur entreprise et du fait qu’ils avaient affecté la majeure partie de leurs économies à leurs investissements, aux pertes subséquentes et à leurs frais de subsistance, leurs efforts suffisaient pour soutenir leur demande en vue d’obtenir l’annulation, pour des motifs d’ordre humanitaire, de la mesure de renvoi prise contre eux. J’ai rejeté l’appel, car j’ai conclu que la décision de la SAI était justifiée, transparente et intelligible :

[27]      Mais plus important encore, je ne vois aucune raison de modifier la conclusion de la SAI portant que les efforts de la demanderesse laissaient à désirer. La SAI a essentiellement conclu que les efforts des demandeurs étaient insuffisants et tardifs. L’investissement initial de la demanderesse était insuffisant et sa participation à la gestion de celui-ci était restreinte, dans l’hypothèse la plus optimiste; le second investissement était tardif et l’échec s’est manifesté rapidement. Bien que le Règlement ne prévoyait pas d’obligation juridique précise quant à la réussite de l’investissement de l’immigrant entrepreneur, il est évident que la création de cette catégorie d’immigrants a pour objet de favoriser la stimulation de l’économie canadienne et la création d’emploi pour des citoyens et des résidents permanents autres que les immigrants entrepreneurs éventuels. Il n’est donc pas déraisonnable de tenir compte de la réussite des investissements de ces immigrants pour évaluer les efforts accomplis afin d’honorer les conditions rattachées à leur droit d’établissement. [...]

[28]      Qui plus est sur cette question, chaque cas est tributaire des faits d’espèce. [...] En l’espèce, la SAI a conclu que la demanderesse avait mis près de deux ans à effectuer un premier investissement qui était tout à fait insuffisant. Son premier investissement d’envergure a été effectué plus de cinq ans après son arrivée au Canada.

[35]           Chaque cas est un cas d’espèce. Dans la présente affaire, la SAI a pris en compte les circonstances du défaut des demandeurs de satisfaire aux conditions imposées, mais elle a aussi indiqué clairement qu’elle devait soupeser les facteurs militant en faveur des demandeurs au regard de la nécessité de maintenir l’intégrité des conditions relatives à la catégorie des entrepreneurs. Il n’appartient pas à la Cour de soupeser à nouveau les éléments de preuve et d’intervenir dans le poids qu’a accordé la SAI aux divers facteurs.

[36]           La Cour ne peut pas non plus souscrire à l’opinion des demandeurs selon laquelle la SAI n’a pas accordé une assez grande importance à la famille en tant qu’unité et n’a pas respecté les principes de protection et de regroupement de la famille. 

[37]           La SAI n’a pas omis de tenir compte du fait que les demandeurs ont de la famille au Canada. Plutôt, elle a reconnu qu’ils vivaient ici avec leurs fils et a expressément soupesé ce fait et les autres facteurs militant en leur faveur, au regard de la nécessité de maintenir l’intégrité des conditions relatives à la catégorie des entrepreneurs. En outre, la SAI a souligné que les demandeurs ont une fille et une petite‑fille au Pakistan.

[38]           La SAI a compétence exclusive pour décider non seulement en quoi consistent les motifs d’ordre humanitaire, mais aussi le caractère adéquat de ces motifs d’ordre humanitaire dans un cas donné, dans ce qui constitue une évaluation liée aux faits et elle est guidée par des considérations de politique (Khosa, au paragraphe 57; Bajwa, au paragraphe 25). Il est de droit constant que la Cour ne doit pas soupeser à nouveau les éléments de preuve lors d’un contrôle judiciaire (Khosa, au paragraphe 61; Nekoie, au paragraphe 33; Bafkar, au paragraphe 35; Chang, au paragraphe 37).

[39]           Enfin, je ne peux pas accepter l’observation des demandeurs selon laquelle la décision de la SAI devrait être annulée au motif qu’il n’était pas raisonnable pour la SAI de conclure que l’épouse du demandeur principal trouvait la situation à Karachi tolérable sur le plan de la sécurité. Bien qu’on ne puisse pas toujours supposer qu’une personne qui visite son pays natal s’y sent nécessairement en sécurité, il n’est pas déraisonnable de conclure que la situation est tolérable sur le plan de la sécurité. Quoi qu’il en soit, il ne s’agissait là que d’un facteur parmi tant d’autres et, comme il a été mentionné ci-dessus, il appartient à la SAI d’accorder un poids aux divers facteurs et d’établir la prépondérance entre ceux‑ci.

[40]           Vu la preuve dont disposait la SAI, la Cour estime qu’il était raisonnablement loisible à la SAI de conclure que les difficultés auxquelles seraient exposés les demandeurs, s’ils étaient renvoyés du Canada, ne justifiaient pas la prise de mesures spéciales dans les circonstances. En dépit de l’existence d’éléments favorables qui militent en faveur de la prise de mesures discrétionnaires, la SAI a en définitive conclu que ces éléments sont éclipsés par l’importance qui doit être accordée à l’intégrité des conditions relatives à la catégorie des entrepreneurs. Les demandeurs contestent l’appréciation de la preuve faite par la SAI, mais ils n’ont pas réussi à démontrer que le refus de la SAI de prendre des mesures fondées sur des motifs d’ordre humanitaire manquait de justification, de transparence ou d’intelligibilité ou que ce refus constituait une issue non acceptable au regard des faits et du droit.  

[41]           Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

IX.             Question certifiée

[42]           À la suite de l’audition de la présente affaire, l’avocat des demandeurs a proposé la certification de la question suivante :

[traduction]

Le décideur est-il tenu de traiter de la question de la bonne foi du demandeur et des efforts sincères déployés par celui‑ci pour établir une entreprise? Cette question de la bonne foi est‑elle au cœur de la compétence à l’égard des motifs d’ordre humanitaire dans le contexte d’un appel interjeté contre le non‑respect des conditions imposées?

[43]           L’avocate du défendeur soutient que la question ne répond pas aux critères en vue de la certification et qu’elle ne devrait pas être certifiée.

[44]           La Cour est du même avis que le défendeur, la question proposée ne sera donc pas certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question ne sera certifiée.

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM-6783-14

 

INTITULÉ :

SHAHID EJAZ ZEBA SHAHID

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 31 mars 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

lA juge TREMBLAY-LAMER

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

le 9 avril 2015

 

COMPARUTIONS :

Stewart Istvanffy

 

pour les demandeurs

 

Patricia Nobl

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Istvanffy

Avocat

Montréal (Québec)

 

pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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