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Date : 20141219


Dossier : T-1332-12

Référence : 2014 CF 1249

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2014

En présence de madame la juge Gleason

ENTRE :

ACTELION PHARMACEUTICALS CANADA INC.

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

ET

PHARMASCIENCE INC.,

MYLAN PHARMACEUTICALS ULC, COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY ET SANDOZ CANADA INC.

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire par laquelle Actelion Pharmaceuticals Canada Inc. [Actelion] lui demande de rendre un jugement déclaratoire et une ordonnance annulant les décisions du défendeur, le ministre de la Santé [le Ministre], d’accorder des avis de conformité [AC] anticipés aux défenderesses Cobalt Pharmaceuticals Company [Cobalt] et Sandoz Canada Inc. [Sandoz], à l’égard de médicaments qui constituent un bioéquivalent pharmaceutique d’un médicament produit par Actelion et pour lequel elle détient les droits conférés par un brevet qui figure au registre des brevets, registre établi au titre des articles 3 et 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 [le Règlement AC].

[2]               Plus précisément, Actelion commercialise du bosentan, un médicament contre l’hypertension, au Canada sous le nom commercial TRACLEER. Elle est propriétaire du brevet canadien no 2,071,193 [le brevet 193], lequel se rapporte au TRACLEER. Le brevet 193 a expiré le 12 juin 2012, mais il figurait au registre des brevets avant son expiration.

[3]               Le 5 janvier 2011, la défenderesse Mylan Pharmaceuticals ULC [Mylan] a envoyé un avis d’allégation [AA] à Actelion relativement au brevet 193. En réponse, Actelion a introduit une demande d’interdiction le 18 février 2011, en vertu de l’article 6 du Règlement AC, mais les parties ont subséquemment réglé l’affaire. Le 31 août 2011, Mylan a envoyé une lettre au Bureau des médicaments brevetés et de la liaison [BMBL] de Santé Canada, lettre par laquelle elle retirait son AA, et le 2 septembre 2011, Actelion s’est désistée de sa demande d’interdiction. Quelques jours plus tard, cette dernière a écrit au BMBL pour mentionner qu’elle permettait à Mylan de fabriquer, construire, exploiter ou vendre du bosentan au Canada à compter du 29 mai 2012. Le 29 mai 2012, Santé Canada a délivré un AC à Mylan pour son produit à base de bosentan.

[4]               Le 22 mars 2012, la défenderesse Pharmascience Inc. [Pharmascience] a aussi envoyé un AA à Actelion relativement au brevet 193. En réponse, Actelion a introduit une autre demande d’interdiction le 4 mai 2012, mais les parties ont peu après réussi à s’entendre sur un règlement. Le 28 mai 2012, Pharmascience a envoyé une lettre au BMBL en vue de retirer son AA et, le jour même, Actelion a écrit au BMBL pour lui mentionner qu’elle permettait à Pharmascience de fabriquer, construire, exploiter ou vendre du bosentan au Canada à compter du 29 mai 2012. Le 30 mai 2012, Actelion s’est désistée de sa demande d’interdiction à l’égard de Pharmascience, et le 29 mai 2012, Santé Canada a délivré un AC à Pharmascience pour son produit à base de bosentan.

[5]               À une date non précisée, Sandoz a conclu une entente de licence avec Pharmascience, au titre de laquelle Sandoz avait la permission de commercialiser un produit à base de bosentan de Pharmascience sous son étiquette. Le 25 avril 2012, Sandoz a déposé une présentation administrative de drogue, par laquelle elle demandait au ministre son approbation pour commercialiser le bosentan sous le nom commercial SANDOZ‑BOSENTAN, et dans laquelle elle renvoyait à l’observation de Pharmascience.

[6]               Cobalt a aussi conclu une entente de licence avec Pharmascience, au titre de laquelle Cobalt avait elle aussi la permission de commercialiser le produit à base de bosentan de Pharmascience sous son étiquette. Le 4 mai 2012, Cobalt a, dans la même veine, déposé une présentation administrative de drogue, par laquelle elle demandait au ministre son approbation pour commercialiser le bosentan sous le nom commercial CO‑BOSENTAN, et dans laquelle elle renvoyait à l’observation de Pharmascience.

[7]               Le 4 juin 2012, le ministre a délivré des AC à Sandoz et à Cobalt pour leurs produits à base de bosentan. Ce faisant, le ministre a appliqué les récentes modifications au document Ligne directrice : Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) [la Ligne directrice]. Ces modifications visent à permettre au ministre de la Santé de délivrer des AC anticipés aux sociétés qui commercialisent une version générique d’un médicament figurant au registre des brevets, sans avoir l’obligation de signifier un AA au titulaire du brevet, conformément à l’article 5 du Règlement AC, si la société avait obtenu d’une autre société s’étant antérieurement conformée aux dispositions de l’article 5 du Règlement AC une licence pour commercialiser le médicament.

[8]               Dans la présente demande de contrôle judiciaire, Actelion demande que soit rendu un jugement déclaratoire portant que le ministre n’avait pas compétence pour délivrer des AC à Cobalt et à Sandoz, ainsi que des ordonnances annulant ces AC.

[9]               Pour les motifs exposés dans la décision Pfizer Canada Inc. c Le procureur général du Canada et Teva Canada Limited, T-1703-13, 2014 CF 1243, [Pfizer], rendus en même temps que le présent jugement, je conclus que les modifications à la Ligne directrice contreviennent au règlement AC et que le ministre n’avait pas le droit de délivrer des AC à Cobalt et à Sandoz. Je n’estime pas nécessaire de traiter des arguments d’Actelion fondés sur la justice naturelle. Il s’ensuit qu’Actelion a droit au jugement déclaratoire qu’elle sollicite en ce qui a trait à l’interprétation du Règlement AC.

[10]           Cependant, il semble que la demande visant le prononcé d’une ordonnance annulant l’AC puisse bien être théorique, puisque le brevet 193 est venu à échéance le 12 juin 2014. Les parties n’ont pas présenté d’arguments complets quant au possible caractère théorique de cette réparation, et par conséquent j’ordonne à Actelion, si elle souhaite poursuivre sa demande en vue d’obtenir une ordonnance annulant les décisions du ministre de délivrer des AC à Cobalt et à Sandoz, de déposer, d’ici 30 jours, des observations dans lesquelles elle expose ses arguments à savoir en quoi cette observation n’est pas théorique. Si elle présente de telles observations, les défendeurs peuvent déposer des observations en réponse dans les 30 jours de la réception des observations d’Actelion et, si elle le désire, Actelion peut déposer des observations en réplique dans les 15 jours de la réception des observations en réponse.

[11]           Les dépens devraient suivre l’issue de la cause et devraient être accordés selon l’échelon médian de la colonne III du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Tout comme c’était dans le cas dans la décision Pfizer, je renvoie la question de la détermination des dépens aux parties et je leur fais confiance quant au fait qu’elles pourront s’entendre sur les montants à payer. Dans l’éventualité où elles ne peuvent parvenir à une telle entente, leurs observations respectives quant aux dépens devront être exposées dans les observations supplémentaires quant au caractère théorique ou, dans l’éventualité où aucune observation de ce type n’est présentée, dans des observations traitant uniquement de la question des dépens; ces observations devront être déposées dans les 45 jours suivant la date du présent jugement.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La Cour déclare que le BMBL ne s’est pas conformé au Règlement AC en omettant d’exiger à Cobalt et à Sandoz de traiter du brevet 193 avant de leur délivrer un AC pour leurs produits à base de bosentan;

2.      Si Actelion souhaite poursuivre sa demande en vue d’obtenir une ordonnance annulant la décision du ministre de délivrer des AC à Cobalt et à Sandoz, elle doit déposer des observations, dans les 30 jours suivants, par lesquelles elle expose ses arguments à savoir pourquoi cette réparation n’est pas théorique. Si elle présente de telles observations, les défendeurs peuvent produire des observations en réponse dans les 30 jours de la réception des observations d’Actelion, et, Actelion, si elle le désire, peut produire des observations en réplique dans les 15 jours suivant la réception des observations en réponse;

3.      Actelion a droit aux dépens selon l’échelon médian de la colonne III du tarif B; cette question fera l’objet d’un règlement entre les parties ou sera tranchée par la Cour, conformément à la procédure exposée au paragraphe 11 des présents motifs.

« Mary J.L. Gleason »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1332-12

 

INTITULÉ :

ACTELION PHARMACEUTICALS CANADA INC. c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ, ET PHARMASCIENCE INC., MYLAN PHARMACEUTICALS ULC, COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY ET SANDOZ CANADA INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

lE 11 JUIN 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE GLEASON

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

lE 19 DÉCEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS

John Norman

Alex Gloor

POUR LA DEMANDERESSE

ACTELION PHARMACEUTICALS CANADA INC.

Karen Lovell

 

POUR LE DÉFENDEUR

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Nick McHaffie

 

POUR LA DÉFENDERESSE

PHARMASCIENCE INC.

 

Andrew Moeser

 

POUR LA DÉFENDERESSE

MYLAN PHARMACEUTICALS ULC

John Lucas

 

POUR LA DÉFENDERESSE

COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY

s.o.

POUR LA DÉFENDERESSE

SANDOZ CANADA INC.


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Tony Creber, Jennifer Wilkie et

John Norman

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

ACTELION PHARMACEUTICALS CANADA INC.

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Nicholas McHaffie

Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

PHARMASCIENCE INC.

 

Tim Gilbert

Gilbert’s LLP

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

MYLAN PHARMACEUTICALS ULC

 

Doublas N. Deeth, Michael Migus et Cheryl Cheung

Deeth Williams Wall LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY

 

Christian Danis et Marc‑André Huot

Sandoz Canada Inc.

Boucherville (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

SANDOZ CANADA INC.

 

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