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Date : 20150123


Dossier : IMM-6661-13

Référence : 2015 CF 89

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2015

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

PETER VARGA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demande d’asile à titre de réfugié au sens de la Convention que M. Varga a présentée en vertu de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, a été accueillie par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié le 11 septembre 2013.  Le ministre demande l’annulation de la décision parce que (1) la Commission n’a pas bien évalué la possibilité d’obtenir la protection de l’État, et (2) la Commission n’a pas procédé à une analyse adéquate de la façon dont elle a conclu que la discrimination que M. Varga avait subie et subirait en Hongrie correspondait à de la persécution.

[2]               M. Varga a été jugé crédible et la Commission a admis qu’il était un Rom homosexuel de Hongrie.  S’il connaissait son orientation sexuelle lorsqu’il était en Hongrie, il n’en a pas parlé ouvertement avant d’être au Canada.  Sa famille en Hongrie l’a maintenant de ce fait renié.

[3]               À la fin de l’audience, le commissaire a déclaré ceci : [traduction] « J’ai eu l’occasion d’examiner l’ensemble de la preuve, et si je tiens compte de la situation qui règne en Hongrie, je suis d’avis que vous êtes un Rom homosexuel, que vous êtes un réfugié, et que vous avez besoin de protection ».  Le commissaire a ensuite demandé qu’on lui fournisse d’autres éléments de preuve pour le convaincre que M. Varga était homosexuel.  À la suite de la réception de ces éléments de preuve, il a été statué qu’il était un Rom hongrois homosexuel.

[4]               Le ministre soutient que la Commission a omis de reconnaître, dans sa décision écrite, que la Hongrie est une démocratie et qu’elle est présumée être en mesure de protéger ses citoyens.  Il soutient que le tribunal [traduction] « a déplacé la présomption en matière de protection de l’État de façon à ce que la Hongrie soit présumée ne pas être en mesure de protéger ses citoyens » en n’exigeant pas de M. Varga qu’il établisse, selon la prépondérance des probabilités, que le gouvernement hongrois ne peut pas ou ne veut pas le protéger, et ce, malgré le fait qu’il lui incombait de s’acquitter de ce fardeau de preuve : Voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Flores Carillo, 2008 CAF 94, aux paragraphes 17 à 19, [2008] 4 RCF 636).

[5]               Le ministre a fait remarquer que la Commission n’a pas précisé si M. Varga avait cherché à obtenir la protection des autorités hongroises et soutient que, lorsque la protection de l’État peut raisonnablement être assurée, il incombe à tous les demandeurs d’asile de la demander.

[6]               Rien n’oblige une personne à demander la protection des autorités lorsque la preuve établit qu’une telle protection ne serait pas assurée.

[7]               En l’espèce, la Commission ne se livre pas vraiment à une analyse de la protection de l’État à l’égard des Roms homosexuels en Hongrie.  Il est fait mention de certains éléments de preuve documentaire, mais sous l’angle de la disponibilité et du caractère adéquat de la protection.  Il est probable que l’analyse soit superficielle parce que le commissaire avait déjà décidé que tous les Roms homosexuels de Hongrie avaient besoin de protection.  Cependant, une conclusion aussi catégorique ne satisfait pas à l’exigence énoncée dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, selon laquelle les décisions doivent posséder les attributs de la transparence, de l’intelligibilité et de la justification.  Lorsqu’aucune analyse ou explication n’est fournie sur la façon dont une conclusion a été tirée, il n’est pas satisfait à cette norme.  Il se peut fort bien que tous les Roms homosexuels de Hongrie satisfassent aux critères applicables au statut de réfugié au sens de la Convention, mais en l’absence d’explication sur la façon dont une telle conclusion a été tirée, la décision n’est pas raisonnable et ne peut être maintenue.

[8]               Aucune des parties n’a proposé de question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit accueillie, que la décision de la Section de la protection des réfugiés soit annulée et que la demande d’asile soit examinée de nouveau par un tribunal différemment constitué, et aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6661-13

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c PETER VARGA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 12 janvier 2015

 

JUGeMENT ET MOTIFS :

le juge ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

le 23 janvier 2015

 

COMPARUTIONS :

Daniel Engel

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Joseph S. Farkas

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Joseph S. Farkas

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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