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Date : 20150327


Dossier : IMM‑5405‑14

Référence : 2015 CF 392

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 mars 2015

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

SHALOM BARGIG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               La Cour est saisie, sous le régime du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent de Citoyenneté et Immigration Canada a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur et conclu à l’insuffisance de motifs d’ordre humanitaire pour justifier la levée des critères et obligations que prévoit la LIPR.

[2]               Pour les motifs dont l’exposé suit, je conclus que la demande de contrôle judiciaire en l’espèce doit être accueillie.

II.                Contexte factuel

[3]               Le demandeur est un citoyen israélien qui a sollicité la résidence permanente au Canada dans le contexte d’une demande de parrainage conjugal. Il demandait dans ce cadre une dispense de l’application des alinéas 36(1)b) et 36(2)b) de la LIPR, selon lesquels il est interdit de territoire canadien pour grande criminalité.

[4]               Le demandeur a un casier judiciaire assez bien rempli en Israël, où il a été déclaré coupable de voies de fait contre un policier en novembre 1991, de profération de menaces en décembre de la même année, ainsi que de tenue d’une maison de jeux de hasard en mars 2004 et en septembre 2005. De plus, en février 2012, il a été reconnu coupable en Israël de tentatives d’escroquerie avec circonstances aggravantes, infractions analogues à celles de fraude et de mise en circulation de documents contrefaits que réprime le Code criminel du Canada, LRC 1985, c C‑46. En l’occurrence, le demandeur et ses complices avaient contrefait des documents pour simuler une opération immobilière et éluder des contributions fiscales se montant à 1 424 888 NIS (soit environ 425 000 $CAN).

[5]               Le demandeur ne sera pas autorisé à solliciter sa réadaptation avant 2018.

[6]               En 2002, le demandeur a épousé une détentrice de la double citoyenneté canadienne et israélienne. Ils ont quatre enfants, nés entre 2003 et 2009.

[7]               Durant de nombreuses années, la femme et les enfants du demandeur ont vécu au Canada, où il séjournait avec eux en tant que visiteur, pour retourner fréquemment en Israël du fait de son statut de résident temporaire.

[8]               En janvier 2010, la femme et les enfants du demandeur sont allés s’installer en Israël afin d’y vivre avec lui, ce qu’ils ont fait jusqu’en janvier 2011. La femme du demandeur a trouvé difficile de s’adapter à la vie en Israël et est revenue au Canada avec les enfants pour prendre soin de sa mère, qui souffre d’un cancer du col utérin et de diabète.

[9]               Le demandeur est revenu au Canada le 15 août 2012 et y a demandé l’asile le lendemain. Sa demande d’asile a été rejetée le 27 septembre de la même année. En juin 2013, sa requête en sursis à la mesure de renvoi dont il faisait l’objet a aussi été rejetée, et il a été expulsé vers Israël.

[10]           Après son renvoi, le demandeur a sollicité la résidence permanente au titre de la catégorie du regroupement familial, demandant la levée, sur le fondement de motifs d’ordre humanitaire, de son interdiction de territoire pour grande criminalité. Il a fait valoir que sa séparation d’avec sa famille s’était révélée difficile pour ses enfants, et qu’il pourrait aider sa femme, qui poursuit des études en vue d’un certificat d’éducation de la petite enfance, en restant à la maison pour s’occuper d’eux.

III.             Décision contestée

[11]           Par une décision en date du 15 mai 2014, l’agent des visas a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur et lui a refusé la levée pour motifs humanitaires de son interdiction de territoire pour grande criminalité.

[12]           L’agent a conclu que le demandeur était interdit de territoire pour grande criminalité par application de l’alinéa 36(1)b) de la LIPR. Après avoir passé en revue les antécédents judiciaires du demandeur, l’agent a examiné brièvement la question de l’intérêt supérieur de ses enfants dans le passage suivant des notes versées au SMGC :

[traduction]

J’ai aussi pris en considération l’intérêt supérieur des enfants. Cependant, il me semble que la femme du demandeur principal (qui a la citoyenneté israélienne) et les enfants peuvent se rendre en Israël en tout temps et peuvent même y habiter avec le demandeur principal s’il le souhaite. Je sais que la famille a déjà essayé de le faire et que, apparemment, cela n’a pas marché, mais vu les circonstances, rien ne les empêche d’essayer de nouveau. Le système d’éducation et les services sociaux d’Israël sont d’un bon niveau, comparables à ceux du Canada.

[13]           Dans une autre note versée au SMGC, l’agent déclare ne pas être convaincu de l’existence de motifs d’ordre humanitaire; il fait observer que le demandeur, quoique marié depuis 2002, n’a pas auparavant présenté de demande de résidence permanente, ayant plutôt choisi de rendre de fréquentes visites à sa famille. L’agent conclut que le demandeur et sa femme ont délibérément choisi cet arrangement, de sorte qu’il n’est [traduction] « pas convaincu que seraient soudainement apparus maintenant des motifs d’ordre humanitaire, alors qu’il ne semble jamais en avoir été question au cours des dix dernières années ». Il met en doute le désir déclaré du demandeur d’aider sa femme à s’occuper des enfants, en raison de la longue période écoulée avant que l’un des conjoints ne demande la résidence permanente en Israël ou au Canada.

[14]           L’agent conclut en conséquence à l’insuffisance de motifs d’ordre humanitaire dans la présente espèce, étant donné, d’une part, le comportement criminel du demandeur et le danger qu’il constitue pour la société canadienne, et d’autre part, le fait qu’il n’ait jamais auparavant essayé de s’installer au Canada de manière permanente.

IV.             Question en litige

[15]           La seule question à trancher dans la présente instance est la question de savoir si l’agent des visas s’est trompé en rendant la décision contestée.

V.                Dispositions applicables

[16]           Le demandeur a été déclaré interdit de territoire pour grande criminalité par application des alinéas 36(1)b) et 36(2)b) de la LIPR, libellés comme suit :

36 (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

36 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

[…]

[…]

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

(b) having been convicted of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years; or

(2) Emportent, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour criminalité les faits suivants :

(2) A foreign national is inadmissible on grounds of criminality for

[…]

[…]

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions qui ne découlent pas des mêmes faits et qui, commises au Canada, constitueraient des infractions à des lois fédérales;

(b) having been convicted outside Canada of an offence that, if committed in Canada, would constitute an indictable offence under an Act of Parliament, or of two offences not arising out of a single occurrence that, if committed in Canada, would constitute offences under an Act of Parliament;

[17]           L’alinéa 36(3)c) de la LIPR dispose que l’étranger qui serait autrement interdit de territoire peut être admis au Canada à l’expiration du délai réglementaire s’il convainc le ministre de sa réadaptation :

36 (3) Les dispositions suivantes régissent l’application des paragraphes (1) et (2) :

36 (3) The following provisions govern subsections (1) and (2):

[…]

[…]

c) les faits visés aux alinéas (1)b) ou c) et (2)b) ou c) n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui, à l’expiration du délai réglementaire, convainc le ministre de sa réadaptation ou qui appartient à une catégorie réglementaire de personnes présumées réadaptées;

(c) the matters referred to in paragraphs (1)(b) and (c) and (2)(b) and (c) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or foreign national who, after the prescribed period, satisfies the Minister that they have been rehabilitated or who is a member of a prescribed class that is deemed to have been rehabilitated;

[18]           Selon l’alinéa 17a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), l’étranger en question doit attendre cinq ans à compter du moment où sa peine a été purgée pour être autorisé à essayer de convaincre le ministre de sa réadaptation.

[19]           Enfin, le paragraphe 25(1) de la LIPR confère au ministre le pouvoir discrétionnaire de lever, pour des considérations d’ordre humanitaire, tout ou partie des critères et obligations applicables que prévoient cette loi et le Règlement :

25. (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

25. (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

VI.             Rappel des observations des parties et analyse

A.                L’agent des visas a-t-il commis une erreur en rendant la décision contestée?

1)                  La norme de contrôle applicable

[20]           Il est de droit constant que la norme de contrôle applicable aux décisions relatives à des considérations d’ordre humanitaire est celle de la raisonnabilité; voir l’arrêt Kisana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189, [2010] 1 RCF 460 (Kisana), paragraphes 18 à 20.

[21]            La Cour ne doit pas intervenir si la décision contestée est justifiée, résulte d’un processus transparent et intelligible, et appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit; voir les arrêts Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, paragraphe 47; et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, paragraphe 59.

2)                  Les observations du demandeur

[22]           Le demandeur fait valoir que l’agent n’a effectué aucune analyse de l’intérêt supérieur des enfants, si ce n’est pour constater que la mère et les enfants pourraient aller s’installer en Israël, et y auraient accès à des écoles et à des services sociaux comparables à ceux du Canada : il n’a pas fait mention de l’intérêt qu’auraient les enfants à poursuivre leur programme scolaire à Montréal.

[23]           Le demandeur soutient en outre que l’analyse des motifs humanitaires effectuée par l’agent, mise à part la question de l’intérêt supérieur des enfants, comportait également des lacunes. Il attire l’attention sur le fait que l’agent, avant de conclure que la femme et les enfants du demandeur pourraient aller s’installer en Israël, n’a pas soufflé mot de l’intérêt qu’aurait l’épouse du demandeur à poursuivre son programme d’études à Montréal ni du devoir de celle‑ci de prendre soin de sa mère malade.

[24]           Enfin, le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en se fondant sur le caractère tardif de sa demande de résidence permanente sans prendre en considération l’explication qu’il en avait donnée, soit l’espoir qu’il avait de voir sa femme et ses enfants le rejoindre en Israël.

3)                  Les observations des défendeurs

[25]           Les défendeurs soutiennent que l’agent des visas pouvait raisonnablement conclure que le demandeur n’avait pas fait état de motifs humanitaires suffisants pour justifier la levée de son interdiction de territoire pour grande criminalité.

[26]           Ils font valoir que l’objet de la dispense sollicitée par le demandeur – soit l’écoulement d’un délai de cinq ans à compter de la fin de sa dernière peine pour être autorisé à demander au ministre de le déclarer réadapté, ainsi que la nécessité de convaincre le ministre de sa réadaptation – est beaucoup plus important que l’objet des demandes typiques, qui visent par exemple la dispense de l’obligation de présenter une demande de résidence permanente depuis l’étranger.

[27]           Les défendeurs expliquent qu’il incombait au demandeur d’établir l’existence de motifs humanitaires proportionnels à l’importance de la dispense qu’il sollicitait. Ils attirent l’attention sur le fait que, de 2002 à 2012, le demandeur a souvent rendu visite à sa famille au Canada, mais sans essayer de s’y installer, exprimant le désir de voir plutôt sa femme et ses enfants aller le rejoindre en Israël. Selon les défendeurs, il était raisonnable de la part de l’agent des visas d’en conclure que des motifs humanitaires ne pouvaient être soudainement apparus alors que la question ne semblait pas s’être posée pendant les dix années précédentes.

[28]           Les défendeurs soutiennent que l’agent a pris en considération l’intérêt supérieur des enfants, ayant fait observer que la femme du demandeur possède la citoyenneté israélienne et qu’elle et les enfants pourraient vivre en Israël avec lui. L’agent des visas a aussi constaté que, vu les circonstances, rien n’empêche la famille de retourner vivre en Israël, même si la femme du demandeur préférerait rester au Canada. Il a également rappelé que le système d’éducation et les services sociaux israéliens sont de bon niveau et comparables à ceux du Canada.

[29]           Les défendeurs font en outre valoir, se fondant sur le paragraphe 12 de l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Legault, 2002 CAF 125 (Legault), et le paragraphe 24 de l’arrêt Kisana, qu’il appartient à l’agent de décider quel poids doit être accordé à l’intérêt supérieur des enfants. Il était raisonnable de la part de l’agent, soutiennent-ils, d’attribuer un poids supérieur à la criminalité du demandeur.

VII.          Analyse

[30]           L’analyse faite par l’agent de l’intérêt supérieur des enfants est manifestement insuffisante, et j’accueille la présente demande de contrôle judiciaire pour ce motif.

[31]           La Cour suprême a posé en principe, au paragraphe 75 de l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, qu’est déraisonnable la décision relative à des considérations humanitaires dont l’auteur n’accorde pas suffisamment d’importance à l’intérêt supérieur des enfants :

Les principes susmentionnés montrent que, pour que l’exercice du pouvoir discrétionnaire respecte la norme du caractère raisonnable, le décideur devrait considérer l’intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt.

[32]           La Cour d’appel fédérale explique au paragraphe 12 de l’arrêt Legault que l’agent doit bien définir et préciser l’intérêt supérieur des enfants dans son analyse. « La simple mention des enfants ne suffit pas [poursuit-elle au paragraphe 13]. L’intérêt des enfants est un facteur qui doit être examiné avec soin et soupesé avec d’autres facteurs. Mentionner n’est pas examiner et soupeser. »

[33]           Le juge Zinn précise de son côté, aux paragraphes 13 à 16 de la décision Sebbe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 813, que dans le contexte d’une analyse des motifs humanitaires où il dispose de certains éléments tendant à établir la nature de l’intérêt supérieur des enfants, l’agent est tenu de définir clairement cet intérêt avant de le mettre en balance avec les autres facteurs favorables et défavorables de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[34]           Dans la décision Kolosovs c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 165, le juge Campbell définit les caractéristiques de l’analyse que l’agent doit effectuer afin de se révéler réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant. Être réceptif signifie, selon cet exposé, « montrer qu’[on] est au courant de l’intérêt supérieur de l’enfant en indiquant les manières dont cet intérêt entre en jeu » (paragraphe 9). «[P]our être attentif à l’intérêt supérieur de l’enfant [poursuit le juge Campbell au paragraphe 11], l’agent des visas doit montrer qu’il comprend bien le point de vue de chacun des participants dans un ensemble donné de circonstances, y compris le point de vue de l’enfant s’il est raisonnablement possible de le connaître ». Enfin, lit‑on au paragraphe 12, «[p]our montrer qu’il est sensible à l’intérêt de l’enfant, l’agent doit pouvoir exposer clairement les épreuves qui résulteront pour l’enfant d’une décision défavorable ».

[35]           Dans un affidavit en date du 8 décembre 2013, le demandeur formule les arguments suivants à l’appui de sa demande fondée sur des motifs humanitaires. Il explique que sa femme est accablée d’avoir à s’occuper toute seule de quatre enfants tout en suivant un enseignement à temps plein en éducation de la petite enfance. Lorsqu’il était au Canada, c’est lui qui s’occupait principalement des enfants pendant la journée, et la séparation s’est révélée traumatisante pour eux. Il fait aussi état du degré d’établissement de ses enfants au Canada; l’installation en Israël les a perturbés, poursuit‑il, et ils ont pris du retard à l’école du fait que l’hébreu n’est pas leur première langue. Il ajoute enfin que la mère de sa femme souffre d’un cancer et de diabète, et dépend de celle‑ci pour ses injections d’insuline et analyses sanguines quotidiennes.

[36]           Il ressort des notes de l’agent qu’il a tenu compte des deux faits suivants : a) les enfants auraient accès à de bons services éducatifs et sociaux en Israël; et b) les enfants avaient passé la plus grande partie de leur vie sans la présence de leur père. Cependant, il ne définit nulle part la nature de leur intérêt supérieur, pas plus qu’il n’examine les avantages du non-renvoi. En outre, lorsqu’il constate que les enfants recevraient en Israël une instruction et des services sociaux de qualité comparable à ceux du Canada, il ne prend en considération aucune des conséquences défavorables qu’aurait pour eux un déménagement en Israël, par exemple la réduction de leur établissement au Canada, la perturbation de leurs études à Montréal, la séparation d’avec les membres de leur famille élargie qui vivent dans cette ville, ou les difficultés linguistiques ou culturelles qui pourraient accompagner leur intégration à la société israélienne. À mon sens, ces omissions induisent à douter que l’agent fût réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants. Mes doutes à cet égard subsistent même à la lumière de l’observation que cautionne la Cour suprême du Canada au paragraphe 12 de l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, selon laquelle il faut accorder une attention respectueuse aux motifs qui auraient pu être donnés à l’appui d’une décision.

[37]           Les omissions susdites constituent un motif suffisant pour accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

VIII.       Dispositif

[38]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
  2. La décision de l’agent portant rejet de la demande fondée sur des motifs humanitaires présentée par le demandeur est annulée, et l’affaire est renvoyée à Citoyenneté et Immigration Canada pour réexamen par un autre agent.
  3. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« George R. Locke »

Juge

Traduction certifiée conforme

S. Tasset


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5405‑14

 

INTITULÉ :

SHALOM BARGIG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 MARS 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 MARS 2015

 

COMPARUTIONS :

Dan M. Bohbot

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Sébastien Dasylva

 

POUR LES DÉFENDEURs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dan M. Bohbot

Avocat

Montréal (Québec)

 

pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

pour les défendeurs

 

 

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